Texte intégral
Vendredi : 7 février 1992
Déclaration de Laurent Fabius, Premier secrétaire – matinée du mardi 4 février 1992
Dans cette affaire Habache, il y a un point au moins sur lequel à peu près tout le monde est d'accord, c'est qu'il ne fallait pas l'accueillir. C'était une erreur manifeste ; elle a été reconnue, elle a été sanctionnée fermement et immédiatement.
Je tiens à cet égard à souligner combien le Premier ministre a pris ces décisions avec autorité et rapidité.
Tout cela a donné lieu à un débat où la palette des sensibilités s'est exprimée.
Maintenant que le Président de la République et le Premier ministre ont tranché, c'est clair.
Donc, je dirai : on se calme. La droite va continuer probablement de s'agiter mais ce sera une agitation de nature politicienne, et qui, si l'on réfléchit bien – et on commence à le faire – sera sans rapport par son intensité avec les événements beaucoup plus limités qui se sont produits.
Bref, puisque maintenant tout a été dit, je suggère qu'on se consacre, comme entend le faire le gouvernement – le Président va s'exprimer ce soir – aux questions de fond qui intéressent vraiment les Français, et elles ne manquent pas.
FR3 : 23 février 1992
E. Cachart : Quelle image de ces JO ?
L. Fabius : La petite savoyarde qui monte sur son plateau dans la cérémonie d'ouverture, la deuxième place de Piccard... Un ensemble d'images, et puis un moral formidable, et des champions qui donnent le meilleur d'eux-mêmes et qui ne sentent pas que leur vie est effondrée s'ils perdent.
E. Cachart : Vous ne retenez pas la hola du Président ?
L. Fabius : Ça fait partie aussi des images.
E. Cachart : Quelle leçon tirez-vous des JO ?
L. Fabius : Organisation superbe, et le moral. Au lieu de regarder toujours ce qui va mal, on peut aussi regarder ce qui va bien, et être fier quand ça va bien. Les Français et beaucoup d'autres ont donné une leçon formidable de moral, d'esprit d'équipe, de tolérance. Si ça pouvait aussi être généralisé en France, quel programme !
E. Cachart : Une parenthèse heureuse dans la morosité ambiante...
L. Fabius : Sûrement, ça compte sur l'esprit public.
E. Cachart : Vous êtes isolés dans l'alliance de progrès ?
L. Fabius : Non. Moi, depuis quatre semaines que je suis à la tête du PS, j'ai pris les choses comme elles étaient. Nous allons, puisque le butoir est demain, proposer des listes partout. De temps en temps, ce sont des listes socialistes, ou de majorité présidentielle, ou ce sont les MRG qui les mènent. Il y aura une certaine réorganisation à faire une fois les élections passées. Je souhaite pour les législatives qu'on s'y prenne davantage à l'avance. Quand on s'y prend au dernier moment, les choses sont difficiles. Les choses sont bouclées maintenant, en avant.
E. Cachart : Les sondages : le PS descend, le PC semble stabilisé...
L. Fabius : Le PC essaie de faire campagne sur le mécontentement, le refus, etc. Ce n'est pas très positif. La vraie question : nous allons avoir dans les régions deux types d'alliances face-à-face quand il s'agira de désigner les présidents de région. Une fois que les électeurs ont voté, les conseillers régionaux désignent un président. On aura d'un côté une alliance droite-extrême-droite dans beaucoup de régions, et de l'autre, pour y faire barrage, une alliance que j'appelle les forces de progrès. Vous y retrouverez les écologistes, les socialistes, la gauche et d'autres listes encore. C'est comme cela que le problème va se poser, et qu'il faut aborder les élections.
E. Cachart : Est-il exclu que vous appeliez à voter en faveur du candidat UDF-RPR lors de cette désignation ?
L. Fabius : Non nous appellerons à voter pour des alliances de progrès. Le FN sera dans beaucoup de cas malheureusement avec la droite. Une interrogation qui sera levée j'espère : on ne sait trop dans quel sens vont se prononcer les listes écologistes. Elles disent voter pour nous, mais leurs conseillers régionaux voteront-ils plutôt pour la droite, le cas échéant l'extrême-droite, ou pour les forces de progrès ? Je souhaite que cela soit dit clairement vis-à-vis des électeurs.
E. Cachart : La lutte contre le FN est un élément déterminant de votre campagne. Ce n'est pas un programme...
L. Fabius : Non, bien sûr. Pourquoi parle-t-on de cela ? Non pas pour brandir je ne sais quel bouc émissaire, mais parce que d'ores et déjà, il y a dans plusieurs régions une alliance entre la droite et le FN. C'est le cas en Picardie, en Haute-Normandie. La région s'occupe de quoi ? Les Français ne le savent pas, souvent. Elle s'occupe de l'emploi, des lycées. Vous risquez d'avoir à la direction de ceux qui s'occupent des programmes éducatifs des gens d'extrême-droite. Je n'accepte pas cela. J'admets toutes les idées, sauf celles qui sont contraires à la démocratie. C'est pour cela qu'on fait une campagne très puissante, non seulement contre l'extrême-droite, mais aussi contre les alliances droite-extrême-droite. L'aspect positif dans nos propositions: la région est compétente pour tout ce qui concerne la vie quotidienne, les équipements, l'environnement, l'emploi, le développement économique. Nous pensons que pour s'en occuper, il vaut mieux des gens pour la réforme, le progrès que des conservateurs. C'est le sens profond de la campagne.
E. Cachart : À un an des législatives, la côte de popularité du Président, du Premier ministre, du PS est à en baisse. Quel scénario aurait votre faveur pour séduire l'électorat en 1993 ?
L. Fabius : D'abord les régionales, il faut faire le maximum d'efforts pour remonter. Je lance un appel pour le vote. Je considère que le vote n'est pas seulement un droit, c'est un devoir. D'autant plus que s'abstenir, c'est s'abstenir de condamner l'extrême-droite. Il faut mobiliser. J'espère que les résultats seront plus élevés que ceux qu'on nous promet. Ensuite, il y aura un triple effort à faire, en ce qui concerne mon organisation, le PS, un effort très puissant de rénovation, la définition du programme nouveau, d'une organisation plus dynamisée, plus ouverte. Le gouvernement: il faut qu'on trouve un nouveau souffle...
E. Cachart : Changer de Premier ministre ?
L. Fabius : On ne va pas traiter ce sujet aujourd'hui. Il faut une dynamisation supplémentaire, mais je n'entre pas dans ce débat. Troisièmement, il faut que sur le plan de la politique suivie, on arrive à remobiliser les gens pour leur montrer que la gauche c'est la réforme : du social, de l'économique, des avancées sur le plan européen. Il faut bien distinguer les réformateurs et les conservateurs.
E. Cachart : Êtes-vous pour la ratification des accords de Maastricht par référendum, ou par voie parlementaire ?
L. Fabius : L'importance du sujet justifierait un référendum. Toute la question est que quand il y a un référendum, souvent, on répond à côté de l'interrogation posée pour des raisons politiciennes. Il me paraît très caractéristique, quand on rapproche l'Europe de ce qui se passe à l'Est que nous avons la chance de vivre en paix, à la différence de l'Histoire de France, qui une histoire de combats depuis des décennies. Personne n'imagine un risque de guerre avec nos voisins, parce que nous sommes en train de faire l'Europe. La raison principale pour laquelle je suis profondément européen : c'est la garantie pour la France de la paix.