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Le Figaro Économie. - L'Organisation mondiale du commerce se révèle incapable de se choisir un nouveau directeur général. La France n'est-elle pas partiellement responsable de cette impasse ?
Jacques Dondoux. – Nous avions fait un choix précis. Nous étions favorables à un candidat d'un pays en voie de développement, francophone et issu de l'Afrique, qui est un grand continent, qui connaît des problèmes du point de vue tant de son agriculture que de son commerce. Nous avons donc soutenu la candidature du candidat marocain, Hassa Abouyoub, jusqu'à ce que nous apprenions par l'AFP que son gouvernement retirait sa candidature.
Le Figaro Économie : Il restait un candidat présenté par un pays en développement, la Thaïlande. Or vous soutenez le Néo-Zélandais Mike Moore.
Nous avons longuement hésité, mais après d'intenses conversations avec les deux candidats restant en lice, nous avons décidé de soutenir Mike Moore. Nous estimons que les positions de Mike Moore sont plus affirmées que celles de Supatchai Panichpakdi, notamment en matière de lois sociales et environnementales.
Le Figaro Économie : L'Union européenne vient de se faire définitivement condamner sur le dossier de la banane. Votre réaction ?
L'union européenne a été deux fois condamnée sur son régime d'importation de bananes. Je veux respecter les décisions adoptées par les « panels » de l'OMC. En revanche ce que je ne puis accepter, c'est que les Américains pratiquent des sanctions unilatérales ou menacent de le faire. Non seulement, cela contrevient aux procédures de l'OMC, mais ce système est destructeur. Actuellement, l'Union est largement déficitaire dans son commerce avec les États-Unis, de l'ordre de 19 milliards de francs. Si, donc, l'Union appliquait les méthodes américaines, cela se retournerait contre les États-Unis.
Le Figaro Économie : Ils menacent quand même de sanctions dans le dossier du boeuf aux hormones...
Ici, nous ne sommes pas tout à fait dans le domaine du rationnel. L'Union européenne a été condamnée en première instance, puis en appel, pour refus d'importation de viande américaine aux hormones. Bruxelles a alors lancé des études, dont les conclusions devraient être connues ces jours-ci.
Mais, déjà, l'avis du comité scientifique vétérinaire de l'UE indique qu'il y a bel et bien des risques pour le consommateur.
Je pense donc que l'UE va continuer de refuser d'importer de la viande aux hormones.
Reste le problème de la viande sans hormones : 12% des importations de viandes américaines garanties sans hormones contenaient des hormones. C'est inadmissible, et nous demandons donc aux Américains d'améliorer leurs contrôles.
Le Figaro Économie : La Chine va-t-elle entrer dans l'OMC ?
Nous sommes pour l'entrée de la Chine dans l'OMC, car cela imposera à la Chine un certain nombre de contraintes, comme celle de se doter de tribunaux aptes à juger de façon équitable les litiges commerciaux, ou de payer des droits de reproduction dans le cadre de la propriété intellectuelle. En outre, un accord a été signé en 1997, à Genève, qui stipule que l'entrée dans l'OMC implique l'ouverture du capital des entreprises nationales, des activités de devises et du marché des assurances.
Le Figaro Économie : Dans le domaine social, on a vu les Américains très en pointe concernant le travail des enfants. Quelle est la position de la France dans ce domaine ?
Cent millions d'enfants travaillent dans le monde. Vous ne pouvez pas interdire cela du jour au lendemain, car ce système, qui n'est certes pas satisfaisant, permet d'une certaine façon à un certain nombre de foyers dans les pays en développement de sortir de la misère. Nous disons donc : poussons les pays concernés à alphabétiser les enfants. C'est ce que font les Marocains : ils envoient des instituteurs dans les ateliers de fabrication de tapis.
Les enfants apprennent donc à lire et à écrire sans baisse de leur rémunération. Ce que nous proposons, c'est que nous laissions entre davantage de marchandises lorsque celles-ci sont fabriquées par des enfants alphabétisés.
Il est cardinal que les enfants sachent lire et écrire pour échapper à l'asservissement. J'organise un colloque le 15 juin à Bercy, consacré aux « droits de l'homme et de l'enfant face à la mondialisation ».