Texte intégral
O. Mazerolle
Il n’y aura pas de liste unique de l’opposition aux européennes. La faute à qui ?
P. Douste-Blazy
“Arrêtons de parler une fois d'appareils et de personnes. Quand j'arrivais dans votre studio, ce matin, j'entendais ces nouvelles sur le conflit du Kosovo, j'entendais ce drame humain, et je me demandais si les auditeurs qui nous écouteraient, si on ne parle que de choses partisanes, d'appareils et de guerre de personnes, ils seraient totalement non seulement étonnés, mais choqués. Donc moi, je ne ferai pas de commentaires personnels.”
O. Mazerolle
Donc, la guerre Bayrou-Sarkozy, cela vous paraît un peu minuscule par rapport au Kosovo ?
P. Douste-Blazy
“Ce n'est pas un problème de minuscule, c'est sur le fond. Le conflit du Kosovo est une prise de conscience, la prise de conscience - d'ailleurs les Français l'ignoraient il y a encore un mois - qu'il n'y a pas suffisamment d'Europe. Il y a une Europe économique, il y a une Europe commerciale, il n'y a pas d'Europe politique, il n'y a pas défense européenne intégrée. L'Otan, les Français l'ont vu, c'est essentiellement les Etats-Unis d'Amérique. Cette Europe, celle que nous appelons de nos vœux, celle pour laquelle on va faire cette liste européenne, cette Europe a manqué triplement : sur le plan militaire, je viens de le dire, mais aussi sur le plan humanitaire - on n'a pas su préparer l'arrivée des réfugiés aux frontières du Kosovo - et sur le plan diplomatique. Donc c'est sur le fond qu'il faut parler ce matin.”
O. Mazerolle
De tels drames ne justifieraient-ils pas, justement, que l'opposition se réunisse autour du Président de la République ?
P. Douste-Blazy
“Nous soutenons l'action du Président de la République. Le Président de la République a toujours été là chaque fois que le sort de l'Union européenne s'est joué. En 1987, il était Premier ministre : il a fait l'Acte unique ; en 1992, il était président du RPR : il a dit “oui à Maastricht alors que son parti n'était pas obligatoirement entièrement derrière lui. En 1998, il signe lui-même le Traité d'Amsterdam, alors à l'Elysée. Nous sommes derrière lui mais vous ne pouvez pas empêcher un parti politique, l'UDF en l'occurrence, d'avoir une vision...”
O. Mazerolle
Ce n'est l'heure de l'union, même avec le Kosovo ?
P. Douste-Blazy
“Vous ne pouvez pas empêcher un parti politique d'avoir une vision à moyen terme sur un sujet aussi important que l'Union européenne. L'UDF a un héritage politique : c'est la construction européenne, et si l'UDF veut avoir un avenir, il faut que cet avenir soit justement cette construction européenne, expliquer qu'il faut franchir un nouveau pas, c'est-à-dire écrire une Constitution européenne.”
O. Mazerolle
N. Sarkozy dit : moi je fais confiance au Président de la République, j’appuie sa politique européenne. Le bureau politique de l’UDF, hier, ne dit même pas un mot du Président de la République ?
P. Douste-Blazy
“Eh bien moi je vous dis, ici…”
O. Mazerolle
D'accord, vous, mais…
P. Douste-Blazy
“Je suis président du groupe UDF à l'Assemblée nationale. M. Bayrou l'a dit à plusieurs reprises : nous sommes bien sûr derrière le Président de la République, non seulement dans cette période difficile où il montre qu'il est un homme d'Etat, mais également dans la politique européenne. Permettez-moi de continuer. Nous souhaitons, car si on fait de la politique, c'est bien pour avoir une vision, non seulement à court mais aussi à moyen terme - heureusement qu'il y a eu des R. Schumann il y a 45 ou 50 ans pour expliquer ce qu'il fallait faire ; heureusement qu'il y a eu des UDF, en 1992, pour être pour…”
O. Mazerolle
Mais N. Sarkozy n'est pas européen ? A. Madelin n'est pas européen ?
P. Douste-Blazy
“Je ne vous dis pas qu'ils ne sont pas européens, je dis qu'il peut y avoir… Ecoutez, la tête de liste RPR vient de changer. Il est normal qu'on puisse savoir maintenant quel est tout le programme européen du RPR. Moi je fais partie de ceux qui auraient aimé qu'il y ait une union. Mais ce que je pense encore plus important que cela, c'est d'être dans la transparence des programmes. Si le RPR a un souhait, peut-être un peu moins fédéraliste que le nôtre, autant le dire ! Que les deux visions… s'affrontent, cela ne veut rien dire. Soyons côte à côte, puisqu'on voit qu'on ne peut pas faire l'union. Je fais partie de ceux qui auraient aimé, encore une fois, qu'il y ait l'union.”
O. Mazerolle
Vous avez eu des “pour”, hier, au bureau politique de l'UDF ?
P. Douste-Blazy
“Dans la mesure où sur le fond, on ne peut pas être d'accord, alors soyons côte à côte. Pourquoi ? Parce que nous sommes complémentaires. Et pourquoi ? Parce que nous ne sommes pas identiques.”
O. Mazerolle
N. Sarkozy a quand même compris, hier, du bureau de l'UDF qu'il n’y aurait pas d'union. Donc, il va sans doute annoncer sa candidature aujourd'hui. Vous allez accueillir cela comment ?
P. Douste-Blazy
“Je profite de ce micro pour vous dire que nous, à l'UDF, nous souhaitons que la construction européenne fasse un nouveau pas : une Constitution européenne, une défense européenne intégrée…”
O. Mazerolle
Mais il est d'accord.
P. Douste-Blazy
“Attendez ! une démocratie plus affichée, plus importante, plus profonde de I'Union européenne et aussi une harmonisation fiscale et sociale, parce qu'il faut arrêter de ne pas faire l'Europe sociale, il faut arrêter de voir des usines de certains pays européens partir de la France pour aller chez un de nos voisins. Alors, à partir du moment où ce message européen - qui est connu depuis deux mois, deux mois et demi de campagne de l'UDF - est défini, si d'autres veulent venir et partager cela, alors évidemment, ce n'est pas un message uniquement…”
O. Mazerolle
Vous savez ce qu'ils disent, à Démocratie libérale, quand vous défendez ce genre d’argument ? Ils disent : Bayrou, il négocie comme Milosevic. Il dit : “Totalement d'accord avec nous sinon rien.”
P. Douste-Blazy
“Il faut faire attention à ce genre de comparaison, parce que je crois que malheureusement, il y a des gens qui en pâtissent à quelques kilomètres de chez nous. Sur le fond, il est absolument capital d'expliquer que nous voulons, nous, franchir un nouveau pas dans la construction européenne. Nous devons arrêter de faire des guerres de personnes ; nous devons commencer à parler des idées. Je vous assure que les Français seront ravis de pouvoir décider de quelle vision européenne ils se réclament.”
O. Mazerolle
Sur beaucoup de points, N. Sarkozy affirme être d'accord. Il va annoncer sa candidature aujourd'hui. Ça va donner quoi, pendant la campagne ? Vous allez tirer les uns sur les autres ?
P. Douste-Blazy
“D'abord j'espère que non.”
O. Mazerolle
Qu'est-ce que vous n'espérez pas ? Que vous allez tirer les uns sur les autres ?
P. Douste-Blazy
“J'espère qu'il n'y ait pas de guerre. Ce que je souhaite, c'est qu'il y ait, en France, une opposition qui puisse être moderne, qui puisse être plurielle aussi, qui puisse être complémentaire. Il n'y a aucune raison que ceux qui souhaitent une Europe politique qui se fédère, c'est-à-dire nous, ne soient pas pris en compte, ne puissent pas parler, ne puissent pas proposer aux Français ce type d'Europe que nous voulons. Et s'il y en a qui souhaitent une Europe un peu moins fédérale, il est normal qu'ils s'expriment aussi.”
O. Mazerolle
M. Balladur, qui était hier soir sur TF1, dont vous étiez proches, à une certaine époque, a dit : tout cela va émietter l'opposition et on va rester très longtemps dans l'opposition ?
P. Douste-Blazy
“Nous sommes, là, dans une élection spécifique. C'est une élection proportionnelle : aucune voix n'est perdue puisqu'à chaque pour cent pour une liste, il y a un député européen. Il n'y a donc pas de problème de voix perdues. Ceux qui veulent une Europe qui se fédère - prenez l'exemple de la défense -, il y a des gens qui veulent faire l'Europe des nations. Nous, nous souhaitons que ce soit une union fédérative des Etats. Je préfère qu'il y ait une défense européenne intégrée qui sera beaucoup plus efficace pour l'argent qu'on mettra face à la défense américaine plutôt qu'un émiettement des défenses nationales qui coûteront beaucoup d'argent…”
O. Mazerolle
Je parle des électeurs, moi.
P. Douste-Blazy
“Et moi je parle de la défense nationale … qui dépenseront beaucoup d'argent et qui seront moins efficaces. Voilà un exemple, voilà une discussion qui est ouverte en France.”