Interviews de M. Nicolas Sarkozy, porte-parole du RPR, à Europe 1 le 11 septembre 1997, et à RTL le 23 septembre, sur le cumul des mandats, la privatisation de France Télécom, les emplois-jeunes, les relations de M. Jacques Chirac avec la droite.

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Média : Emission Journal de 8h - Emission L'Invité de RTL - Europe 1 - RTL

Texte intégral

Europe 1 : Jeudi 11 septembre 1997

J.-P. Elkabbach : Cet étrange dîner de têtes hier - avec P. Séguin, C. Pasqua, F. Léotard, A. Madelin et F. Bayrou, - fut-il réussi, d'un point de vue politique ?

Nicolas Sarkozy : Je ne vois pas bien ce qu'il a d'étrange. Ce qui serait étrange, c'est que les dirigeants de l'opposition ne se rencontrent pas, ne dînent pas ensemble, ne parlent pas

J.-P. Elkabbach : Il n'y a pas longtemps que vous ne vous étiez pas vus comme cela, en tel équipage !

Nicolas Sarkozy : C'est une initiative de P. Séguin qui a invité les dirigeants de l'UDF. Pourquoi ? Parce que chacun d'entre nous, nous sommes engagés, à la suite de la défaite, dans un travail de rénovation et de refondation de nos propres formations politiques. Cela ne doit pas se faire au détriment de l'union de l'actuelle opposition. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes rencontrés. Nous avons parlé longuement. On se connaît. On s'apprécie.

J.-P. Elkabbach : On s'aime bien !

Nicolas Sarkozy : Oui, depuis longtemps. Que ce soit A. Madelin, F. Léotard. Et même avec certains, parfois, nous partons en vacances ensemble, c'est tout dire ! En général, on ne part pas en vacances avec des gens qu'on n'aime pas. Mais la discussion n'était pas une discussion d'ordre privé : il s'agissait de voir comment on va organiser le travail de l'opposition.

J.-P. Elkabbach : Donc, vous renforcez la coordination. Envisagez-vous des actions communes ?

Nicolas Sarkozy : Pas tout à fait. On crée un comité de coordination de l'opposition qui se réunira le plus fréquemment possible et un intergroupe au Parlement pour que, chaque fois que c'est possible, l'opposition s'exprime d'une même voix. Donc, d'abord un travail d'identité et de rénovation dans chacune de nos formations politiques pour finalement répondre à l'aspiration de nos électeurs ; dans le même temps, un travail de coordination qui est parfaitement nécessaire. Parce que du pain sur la planche, il va y en avoir, et tout de suite.

J.-P. Elkabbach : La fusion, c'est toujours non.

Nicolas Sarkozy : Le problème de structure n'est pas pour nous une priorité. Personne ne peut croire que l'actuelle opposition a perdu les élections parce qu'elle n'était pas fusionnée. Je vous rappelle que nous avions des candidats uniques partout, une plate-forme unique, même des animateurs uniques. Finalement, cela n'a pas empêché l'échec. En revanche, une fusion précipitée, qui conduirait chacun à écarter toute spécificité, produirait un discours parfaitement inaudible.

J.-P. Elkabbach : Vous n'aviez pas revu, J. Chirac depuis trois ans. Vos relations avaient pris un tour passionnel. Le Président de la République vous a reçu lundi. Est-ce qu'il y avait de l'émotion, en tout cas chez vous ?

Nicolas Sarkozy : Oui.

J.-P. Elkabbach : C'était une sorte de réconciliation politique ou une réconciliation personnelle ?

Nicolas Sarkozy : Peut-on imaginer qu'il y ait une réconciliation politique sans réconciliation personnelle ? Si tel était le cas, ce ne serait pas sincère. Comme je vous ai dit qu'il y a de l'émotion, c'est donc, qu'il y a de la sincérité.

J.-P. Elkabbach : Pourquoi étiez-vous ému ?

Nicolas Sarkozy : Pour des raisons qui me regardent Par ailleurs, je ne fais aucun commentaire sur ce rendez-vous. Ce rendez-vous, le Président de la République l'a voulu pour marquer la réconciliation et le rassemblement qu'attendent tous nos électeurs. Je crois que c'était une bonne initiative. J'ai dit à de nombreuses reprises, pour ma part, que le devoir des membres de l'opposition, c'était d'être aux côtés du Président de la République dans le cadre d'une cohabitation dont je persiste à penser qu'elle est moins simple qu'on ne le croit

J.-P. Elkabbach : Les relations entre vous sont normalisées ? Vous reverrez-vous ?

Nicolas Sarkozy : Oui, sans doute.

J.-P. Elkabbach : Comment l'avez-vous trouvé ?

Nicolas Sarkozy : Bien, conscient de ce qui s'était passé pour l'opposition ; conscient du message qui avait été envoyé par les Français et déterminé à en tirer un certain nombre de conséquences. C'est à lui qu'il appartiendra de le dire.

J.-P. Elkabbach : A l'Élysée, l'avez-vous trouvé seul ?

Nicolas Sarkozy : Je ne suis pas, comme vous l'avez noté avec beaucoup de gentillesse, un familier de l'Elysée. Donc, je n'ai pas pu faire la comparaison avec les fois précédentes.

J.-P. Elkabbach : Ça reviendra, rassurez-vous !

Nicolas Sarkozy : Je ne pense pas que je sois inquiet ? C'est sympathique de votre part de le noter.

J.-P. Elkabbach : Le Président Chirac peut-il jouer le rôle d'inspirateur et de chef de l'opposition ?

Nicolas Sarkozy : Non. Le Président de la République n'est pas le chef de l'opposition : il est le Président de tous les Français, il est le garant des institutions, il est en charge de l'intérêt national chaque fois qu'il sera mis en cause. L'opposition fait son travail de son côté. Dans ce travail d'opposition, il y a le soutien au Président de la République. Mais ne ramenons pas le Président de la République à un membre de l'opposition comme les autres - même s'il n'est pas socialiste, ce que chacun a noté, notamment dans son message du 14 juillet !

J.-P. Elkabbach : De temps en temps, vous citerez son nom dans les meetings ?

Nicolas Sarkozy : Je ne sais pas. Grâce à vous, cela m'a permis de le faire à cinq reprises ce matin. C'est un bon début !

J.-P. Elkabbach : Vous avez raison de noter que c'est un bon début. Pensez-vous que la cohabitation sera longue, durable ?

Nicolas Sarkozy : Je ne peux pas faire de pronostics. Constitutionnellement, il faut bien comprendre que nous avons cinq ans de socialisme devant nous. On ne peut pas m'en vouloir de ne pas en être spécialement réjoui, surtout que je pense que, finalement, ce ne sont pas les socialistes qui ont gagné, mais c'est nous qui avons perdu. Partant, cinq années de socialisme, c'est long.

J.-P. Elkabbach : L. Jospin veut une loi contre le cumul des mandats. On va consulter les partis. Est-ce que le RPR peut voter contre les cumulards ?

Nicolas Sarkozy : D'abord, je vais répondre à titre personnel, puisque le RPR n'a pas décidé d'une position en la matière, puisqu'on ne connaît pas les intentions exactes du Premier ministre. Je voudrais dire que la limitation du mandat, elle existe déjà : elle a été limité à deux mandats. Il faut aller plus loin. Premièrement, il faut empêcher - c'est vrai - un ministre de pouvoir exercer un mandat de maire, de président de conseil régional ou de président de conseil général. Deuxièmement, il faut certainement empêcher un parlementaire national d'être en même temps parlementaire européen. Si M. Rocard m'entend, il comprendra qu'entre autres, c'est pour lui, lui qui est pour la limitation du cumul des mandats.

J.-P. Elkabbach : On va l'appliquer, il l'a dit.

Nicolas Sarkozy : Cela ne fait jamais que deux ans que c'est en débat. Alors, faut-il aller plus loin et faire que les parlementaires soient déconnectés de toute réalité locale ? En ce qui me concerne, quels que soient les effets de mode ou d'annonce, je suis contre. Car vous aurez à ce moment-là des parlementaires qui n'auront aucune attache locale, qui seront déconnectés de la réalité. Et il me semble que ce n'est pas un bon service à tenir. D'ailleurs, en ce qui me concerne, je suis contre les mesures excessives. Deux mandats, ça me paraît très bien.

J.-P. Elkabbach : L. Jospin est à Matignon depuis 108 jours, il impose un style, une règle, le réalisme de gauche, qu'est-ce que vous en pensez ?

Nicolas Sarkozy : Franchement, ce sont des mots parce que si le réalisme de gauche, c'est de choisir le Parti communiste contre C. Blanc : curieux réalisme. Si le réalisme de gauche, c'est dire que l'avenir des jeunes, c'est dans la fonction publique : curieux réalisme. Si le réalisme de gauche, c'est de dire que l'on peut travailler 35 heures en étant payé 39 : curieux réalisme et enfin, si le réalisme de gauche consiste à supprimer les avantages fiscaux, je ne suis pas d'accord. Je voudrais d'ailleurs, à ce propos, préciser qu'il n'y a pas une entreprise qui paie l'impôt sur les sociétés sur la masse salariale de l'entreprise, je ne vois pas au nom de quoi les familles qui emploieraient un emploi familial devraient payer l'impôt sur le revenu sur les salaires qu'ils versent.

J.-P. Elkabbach : A propos des entreprises publiques, D. Strauss-Kahn disait avant hier ici : il n'y a plus de doctrine absolue. Dix ans après le ni-ni de F. Mitterrand, c'est donc et le public et le privé, et-et ?

Nicolas Sarkozy : Je regrette de dire à D. Strauss-Kahn que c'est parfaitement inexact La position idéologique sur Air France le montre et sur France Télécom, l'ouverture du capital présente tous les inconvénients. Car on ouvre le capital non pas parce qu'on a compris que France Télécom ne doit pas rester la seule entreprise de télécommunication du monde à ne pas être privatisée mais parce qu'on a besoin d'une partie de l'argent de France Télécom. Donc au contraire, on est toujours dans un schéma idéologique et je me demande combien faudra-t-il de Crédit Lyonnais pour que les socialistes comprennent que la nationalisation n'est pas un bon mode de gestion des entreprises.

J.-P. Elkabbach : P. Séguin, votre ami, a proposé à E. Balladur, votre ami, d'être chef de file du RPR à Paris pour les régionales, est-ce qu'il doit accepter ?

Nicolas Sarkozy : Mais cette décision montre qu'il n'y a pas de contradiction entre P. Séguin et E. Balladur, c'est un geste de rassemblement.

J.-P. Elkabbach : On doit accepter ?

Nicolas Sarkozy : Le combat des régionales sera extrêmement difficile, P. Séguin a parfaitement eu raison de proposer ça à E. Balladur qui, me semble-t-il, est le meilleur pour conduire ce combat à Paris. Et je ne doute pas que la réponse d'E. Balladur sera positive.

J.-P. Elkabbach : Ça va être long ?

Nicolas Sarkozy : Personne n'en sait rien. Moi, ce que je pense, c'est qu'il faut être prêt, qu'il y a un travail immense pour regagner la confiance de nos concitoyens et pour retrouver un véritable discours. Il me semble qu'il y a une aspiration très forte - je suis aux côtés de P. Séguin tous les soirs en province sur le terrain - pour que l'opposition soit décomplexée, qu'elle retrouve le chemin de ses valeurs. Et finalement, la meilleure réponse au Front national, c'est que la droite libérale et républicaine s'assume telle qu'elle doit être et telle qu'elle est partout dans le monde.

J.-P. Elkabbach : Même si vous vous contenez avec une telle énergie, est-ce que la patience ne va pas être une vertu difficile pour vous ?

Nicolas Sarkozy : Franchement, je ne me contiens pas ; en revanche, effectivement, j'ai de l'énergie. Et est-ce que vous ne pensez pas que la patience, ces dernières années, j'ai dû en faire preuve ?

J.-P. Elkabbach : C'est une bonne expérience et un bon exercice.

Nicolas Sarkozy : Merci.


RTL : 23 septembre 1997

O. Mazerolle : Les actions de France Télécom sont en vente aujourd'hui la Bourse bat des records, le franc est à son plus haut niveau depuis quatre ans. Dans ces conditions, est-il réaliste de parler d'un L. Jospin socialiste dogmatique comme vous l'avez fait dernièrement dans Le Monde ?

Nicolas Sarkozy : Moi, j'ai ma conviction, c'est que les hommes politiques doivent essayer de faire partager leur part de vérité. Et sur un certain nombre de dossiers très précis, j'ai considéré que le choix qui était fait par L. Jospin était celui d'un socialisme dogmatique - je persiste et je signe. Puis-je parler de la politique familiale qui est gravement mise en cause par le Gouvernement ? Revenir sur les avantages fiscaux que, dans le cadre du gouvernement Balladur, nous avions fait voter, dans un pays qui a 5 500 000 chômeurs, me semble-t-il, est une très mauvaise décision. Qu'est-ce que cela veut dire ? Cela veut dire que le chef d'entreprise ne paiera pas l'impôt sur les sociétés, sur la masse salariale de son entreprise et que le chef de famille paiera l'impôt sur le revenu sur le salaire qu'il verse à un emploi familial. Cela va être un gigantesque soutien au- travail au noir, cela pénalisera les familles et les classes moyennes. C'est un très mauvais choix.

O. Mazerolle : Ce ne sont pas seulement les classes moyennes qui pouvaient employer comme cela des personnes à domicile.

Nicolas Sarkozy : Qui sont ceux qui étaient employés avec des cotisations de retraite et des cotisations maladie ? Qu'est-ce que cela peut faire finalement, le niveau de revenus de la famille qui crée un emploi ? Est-ce que vous croyez franchement que, pour des raisons dogmatiques, on doit refuser la chance de cette création d'emplois ?

O. Mazerolle : Le basculement des cotisations sociales sur la CSG, n'est-ce pas tout de même une bonne chose ? N'est-il pas plus sain que l'on gagne davantage en travaillant plutôt qu'en épargnant ?

Nicolas Sarkozy : Dans cette affaire, on peut disserter à l'infini sur les avantages et les inconvénients de ce transfert. En ce qui me concerne, je suis assez réservé car j'étais attaché aux systèmes des cotisations et donc de l'assurance et pour ma part, je refuse par principe l'étatisation de la Sécurité sociale. Mais qu'est-ce qu'il y a derrière le projet du Gouvernement ? Regardons les choses sérieusement : c'est beaucoup de bruit, beaucoup de complications pour arriver à quel résultat ? 17 milliards de plus prélevés sur les épargnants. Alors on me dit : oui, mais ce n'est pas grave parce qu'on va donner 12 milliards de plus aux salariés. Mais la question que je pose à M. Jospin ou à M. Strauss-Kahn, au Gouvernement dans son ensemble : est-ce que vous ne pensez pas, est-ce que vous ne croyez pas qu'il est des salariés qui sont des épargnants aussi ? Connaissez-vous beaucoup de salariés qui, par ces temps de chômage et de crise économique, ne se disent : il faut que je mette un peu d'argent de côté pour pouvoir faire face à un imprévu ? Qui sont les épargnants si ce ne sont des salariés ? Eh bien, la vérité, c'est que le résultat de la manœuvre gouvernementale, c'est 17 milliards de cotisations et d'impôts en plus sur les épargnants, donc sur les salariés.

O. Mazerolle : Oui mais, encore une fois, ne vaut-il pas mieux gagner sa vie en travaillant plutôt qu'en épargnant ?

Nicolas Sarkozy : Permettez-moi de vous rappelez que quand vous travaillez, vous payez vos impôts et la part de l'épargne, c'est la part qui a échappé aux impôts puisque vous les avez payés d'un autre côté. Il est donc normal que la fiscalité sur l'épargne soit moins élevée que la fiscalité sur le travail. Pour une raison simple, c'est qu'il y a assez peu d'épargne spontanée. L'épargne n'est que la partie de votre travail que vous pouvez mettre de côté après avoir payé vos impôts. Pardon de rappeler ces idées mais elles me semblent assez simples.

O. Mazerolle : Les emplois-jeunes prévus par M. Aubry, notamment dans l'éducation nationale, font un tabac, cela répond donc bien à une attente ?

Nicolas Sarkozy : Permettez-moi de vous rappelez que quand vous travaillez, vous payez vos impôts. Cela en dit long sur les problèmes de la France. Mon dieu que la crise économique est profonde et que le drame des jeunes est fort, pour que des jeunes se précipitent sur des emplois au Smic dans l'administration ! D'ailleurs, il s'est passé hier quelque chose de très important : M. Aubry vient de donner raison à l'opposition. Moi, je pensais que nous aurions raison dans quelques mois. Il se trouve que nous avons raison en quelques jours.

O. Mazerolle : En disant quoi ?

Nicolas Sarkozy : En disant que les emplois Aubry, dont elle avait nié qu'ils étaient des emplois publics, avaient vocation, pour la sécurité et pour l'éducation nationale - c'est d'ailleurs pour la plus grande part -, à devenir des emplois publics. Eh bien voilà, le rideau s'est levé, le voile est déchiré. On crée 35 milliards de plus de dépenses par an, non pas pendant cinq ans mais pour 50 ans. De tous les pays développés, la France est celui qui a le plus d'emplois publics, el celui qui a le plus de chômeurs. On vient de décider de créer 14 % d'emplois publics en plus. Est-ce que c'est comme cela que l'on va réduire le chômage ? Je me sens d'ailleurs en parfaite adéquation avec ce qu'a dit J. Chirac à Troyes sur le sujet, comme il l'avait d'ailleurs dit le 14 juillet.

O. Mazerolle : Tiens, vous parlez de J. Chirac précisément ?

Nicolas Sarkozy : J'espère que cela ne vous gêne pas ? Vous ne m'en faites pas le reproche ?

O. Mazerolle : Pas du tout, mais samedi dernier, vous étiez avec E. Balladur. Il y avait là, P. Séguin, F. Léotard, vous y étiez, il y avait tous les leaders de l'opposition : pas un mot de J. Chirac : complètement disparu, évaporé, plus de Président de la République.

Nicolas Sarkozy : Vous avez beaucoup de talent pour définir et parler d'une réunion à laquelle malheureusement vous n'assistiez pas. Si vous aviez assisté, vous auriez vu qu'un grand nombre d'orateurs ont parlé de J. Chirac : P. Devedjian, J.-J. de Peretti et bien d'autres. Permettez-moi de dire un mot très simple sur le sujet On peut se donner beaucoup de mal pour créer des problèmes là où il n'y en a pas. Entre J. Chirac et nous, il n'y en a pas. Quel était le but de la journée de samedi ? Il faut y revenir quand même. Y compris pour ceux de nos auditeurs qui n'ont pas pu voir la totalité des informations. Samedi, nous nous sommes réunis pour réfléchir sans complaisance sur les causes de notre défaite. Et permettez-moi de vous dire que la lucidité est la première condition de la reconquête. Nous nous sommes réunis pour réfléchir sur notre projet politique et les valeurs qui doivent sous-tendre notre projet politique et on l'a fait ensemble, UDF et RPR, main dans la main. Nous avons décidé, par ailleurs, de nous opposer aux mesures particulièrement condamnables du Gouvernement qui attaque les classes moyennes et les familles. De problèmes avec J. Chirac, il n'y en a pas. Mais si vous voulez que je parle de J. Chirac...

O. Mazerolle : Précisément tout de même, est-ce que vraiment dans l'opposition, personne ne pense que le Président de la République est responsable de la défaite électorale ?

Nicolas Sarkozy : Ecoutez, réduire ce qui s'est passé en juin dernier à la responsabilité d'un seul homme, ce serait, me semble-t-il, passer très largement à côté du message assez sévère que nous ont adressé les Français. Ma conviction, c'est qu'effectivement, ce ne sont pas les socialistes qui ont gagné, c'est nous qui avons perdu. Ma conviction, c'est que ce ne sont pas nos idées qui ont été battues mais l'acharnement que nous avons montré à ne pas assez les défendre."

O. Mazerolle : Et qui ne les a pas défendues, si ce n'est le Président de la République qui était au sommet du pouvoir ?

Nicolas Sarkozy : Nous sommes collectivement responsables de ce qui s'est passé. C'est d'ailleurs ce qui a été répété et par E. Balladur et par P. Séguin. Cela ne me gêne en rien de le dire. Mais sur J. Chirac, puisque nos relations vous intéressent, je voudrais dire très précisément que J. Chirac demeure, pour le RPR en particulier et pour l'opposition en général, une référence. En cela, les choses n'ont pas changé et ne changeront pas. Je voudrais dire également que le devoir de chaque parlementaire de l'opposition sera de soutenir J. Chirac dans une cohabitation dont je persiste et je signe à dire qu'elle sera moins pragmatique qu'on l'imagine. Et enfin, dernier point - mais c'est le bon sens que de dire cela : on ne doit pas réduire le rôle du Président de la République à être celui du chef d'une minorité, fut-elle l'opposition, alors qu'il a vocation à rassembler l'ensemble des Français. Ces choses devaient être dites. Je les dis sans aucun regret mais avec beaucoup de force. Donc, la politique politicienne ne sert à rien en la matière.

O. Mazerolle : Le Président de la République a la réputation d'être impatient, il pourrait être le maître du temps ?

Nicolas Sarkozy : Ce sont les institutions qui prévoient qu'il a la maîtrise du calendrier.

O. Mazerolle : Les institutions priment sur la personne et le tempérament ?

Nicolas Sarkozy : Les institutions sont là pour cela. Je suis gaulliste, je n'ai connu qu'une seule famille politique et ce n'est pas moi qui vais expliquer que la Vème République n'est pas ce qu'elle est Elle donne un rôle primordial au Président de la République et c'est très bien ainsi.