Déclarations de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, à son arrivée à l'aéroport et aux télévisions ivoiriennes, sur les relations franco-africaines, la présence militaire en Afrique, les échanges politiques et économiques et sur les relations franco-ivoiriennes, Abidjan le 11 octobre 1997.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage en Afrique du 8 au 11 octobre 1997-au Gabon le 8, en Afrique du Sud le 9, en Ethiopie le 10, en Côte d'Ivoire le 11

Média : Presse étrangère - Télévision

Texte intégral

Intervention devant les télévisions ivoiriennes (Abidjan, 11 octobre 1997)

Notre engagement par rapport à l’Afrique est historique, politique. Il est stratégique, il est humain, il est affectif. C’est un engagement de fond qui n’est pas lié à la conjoncture, qui n’est pas lié au caractère plus ou moins profitable de telle ou telle activité à un moment donné.
C’est un engagement de longue durée. Mais il faut s’adapter. Nous sommes en train de réfléchir à la façon de rendre plus efficace encore notre politique d’aide au développement. Mais en même temps, sur l’aide au développement, notre continuité, notre engagement se marque par le fait que nous restons un des pays occidentaux qui en fait le plus dans ce domaine, quelles que soient les difficultés que nous pouvons rencontrer par ailleurs. Nous sommes l’avocat constant, inlassable de la nécessité de cette aide au développement au sein des instances européennes, des instances économiques mondiales, au sein du Conseil de sécurité, vous l’avez entendu vous-mêmes, et c’est un raisonnement de fond chez nous, ce n’est pas nous qui allons dire que le temps de l’aide est terminé et qu’il faut passer au simple commerce. Ce n’est pas notre raisonnement, ce serait un raisonnement faux, même si certaines parties de l’économie africaine – et heureusement, d’ailleurs votre économie est une des plus dynamiques à cet égard -, sont capables de s’intégrer aujourd’hui à l’économie mondiale. Une très grande partie en revanche nécessite encore une aide au développement intelligente, adaptée, concertée, discutée, ce qui suppose des modernisations périodiques.

En ce qui concerne la présence militaire française en Afrique, nous en disions un mot il y a un instant, la France honorera ses engagements naturellement dans le cadre des accords qu’elle a conclus. Simplement, elle s’interdit toute ingérence dans les conflits internes quand malheureusement ils sont là, ce qui arrive. D’autre part, elle adapte sa présence militaire qui a besoin aujourd’hui d’être moins nombreuse, avec éventuellement moins d’implantations, mais avec la même fonction, la même capacité, la même mobilité, et sur certains points, un potentiel accru. Il se passe la même chose en France à travers la professionnalisation qui est en cours. Donc, il n’y a pas d’élément particulier concernant l’Afrique qui traduirait un moindre intérêt. Là aussi, c’est d’une modernisation dont il s’agit. J’ajoute que nous nous orientons de plus en plus à l’avenir, parce que c’est manifestement le besoin qui est ressenti et la demande que nous recevons -, à des actions de formation qui permettent de concourir au maintien de la paix, interposition et maintien de la paix. Et les responsables de votre défense, qui sont ici, savent à quel point c’est un exercice difficile et délicat. Et que n’importe quelle formation militaire ne prédispose pas à faire n’importe quelle mission d’action de la paix dans n’importe quel contexte. Là aussi il faut adaptation. Ce n’est pas un désengagement, c’est une adaptation pour la modernisation et pour une plus grande efficacité.

Vous avez parlé de l’aspect humain, nous en avons dit un mot. Nous y sommes extrêmement sensibles, cette aventure est maintenant très ancienne entre la France et l’Afrique, elle ne peut se comparer à aucune autre. Et votre pays est un des plus beaux fleurons de cette histoire-là. Nous ne souhaitons que la poursuivre, naturellement. Mais il faut tenir compte d’une série de contextes. Il nous faut avoir une meilleure maîtrise des flux migratoires puisque nous voulons, dans notre pays, pouvoir, quand nous accueillons des étrangers qui doivent y travailler et s’y installer, le faire dans des conditions de dignité, que cela corresponde à une réalité économique. Quand ça n’est pas le cas, il vaut mieux avoir la franchise de montrer qu’il faut une maîtrise des flux. Cela ne veut pas dire que nous soyons satisfaits de la pratique qui a été en vigueur pendant un certain temps en matière de visas. Je disais que c’était une question très sensible chez nous. Nous sommes les premiers à désirer que les échanges se maintiennent dans les domaines humains, culturels, des études, de la formation, de la recherche, de vie intellectuelle et artistique, et des échanges politiques et autres. Nous sommes en train donc de réfléchir, là aussi en parfaite entente entre le Président de la République et le gouvernement français à la façon dont on peut adapter cette politique qui a été menée.

Il y a ensuite un volet qui concerne le dialogue politique. Nous souhaitons l’élargir, comme vous l’avez vu à travers les étapes que j’ai choisies pour ce voyage. C’est-à-dire que nous avons à la fois plus de consultations et d’échanges politiques et diplomatiques avec nos grands partenaires occidentaux sur l’Afrique, d’abord parce que c’est une façon pour nous de les inciter en permanence à conserver de l’intérêt pour l’Afrique et de lutter contre cette tendance permanente au désintérêt ou à l’intérêt sporadique selon telle ou telle circonstance particulière. Nous leur parlons, beaucoup, de plus en plus sur ces questions africaines. Et sur le continent africain, nous souhaitons également parler de plus en plus avec une série de pays qui ont une influence dans leur région ou sur l’ensemble du continent. Mais, cet élargissement du dialogue ne se conçoit qu’à partir d’un point fixe, et ce point fixe – cela me ramène à la fidélité, cela me ramène à l’amitié, à l’intérêt bien compris -, ce sont nos amis, nos partenaires traditionnels, et c’est exactement ce que votre pays incarne. Et c’est pour cela que nous sommes là aujourd’hui. Pour avoir ce type d’échanges et pour vous dire ce que nous faisons, ce que nous avons entendu, voilà comment nous voulons travailler ensemble plus que jamais. Et votre pays est une étape parce que c’est un exemple de stabilité, parce que la sagesse de ses dirigeants en fait un pays à part, par rapport à toutes sortes d’autres situations malheureusement troublées et qu’il a un rôle apaisant dans beaucoup de domaines, que son économie est remarquablement dynamique, même si vous rencontrez toutes sortes de difficultés et de problèmes comme tout le monde.

Voilà donc notre état d’esprit. Vous voyez que nous sommes à cent lieues d’un quelconque désengagement. Nous sommes à un moment de la politique française où nous voulons poursuivre, renforcer, élargir à partir de nos amitiés, qui sont centrales par rapport à nous pour bâtir ensemble la politique africaine de la France pour demain. Et que chacun y trouve son intérêt bien compris et une capacité accrue de participer à la solution des crises et des tragédies qui, malheureusement, dans telle ou telle région d’Afrique, pas ici, pas chez vous, pèsent cruellement.

Donc, voilà notre état d’esprit. Cela ne doit pas naturellement vous dispenser de passer en revue nos relations bilatérales. Je ne dirais pas nos problèmes bilatéraux, je ne crois pas qu’il y en ait, mais nos relations bilatérales. On peut contrairement faire mieux, et aller ensuite à cet échange plus large qui est l’objet de cette rencontre.


Déclaration à son arrivée à l’aéroport (Abidjan, 11 octobre 1997)

J’ai voulu, en effet, peu de temps après ma prise de fonction, effectuer une visite en Afrique pour montrer l’importance que ce continent revêt dans le cadre de la politique étrangère de la France. Au cours de ce voyage, j’ai pu prendre contact avec les différentes parties de ce continent. Mais je ne concevais pas ce premier voyage sans une étape importante en Côte d’Ivoire, un des pays les plus anciennement associés à la France, un de ses amis les plus proches, un de ses partenaires traditionnels pour aujourd’hui et pour demain. Je suis donc ici pour avoir, pendant cette journée, des entretiens avec les autorités de Côte d’Ivoire, sur tous les sujets qui intéressent les relations entre nos deux pays sur le plan bilatéral et pour également développer avec eux toutes les questions qui peuvent concerner la région et l’Afrique tout entière. C’est un voyage et une étape d’amitié.

Q. Il est question de plus en plus d’une révision de la politique franco-africaine de la France. Peut-on savoir les grandes lignes ?

R. Je ne peux pas faire le point de presse avant de l’avoir fait. Mais il n’y a pas de révision. C’est une adaptation permanente. La politique de la France est une politique de fidélité à ses amis et en même temps, d’ouverture sur des évolutions générales de ce continent. C’est une politique qui s’adapte constamment comme c’est logique et à partir d’un point fixe qui est l’amitié et la fidélité.