Interview de M. Philippe Séguin, président du RPR, dans "La Provence" du 5 mars 1999, sur la campagne du RPR pour les élections européennes.

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La Provence : Pourquoi avoir choisi Marseille pour votre première grande réunion publique et en quoi la cité phocéenne est-elle particulièrement une ville « européenne » ?

Philippe Séguin : À mes yeux, Marseille – c'est son originalité – incarne une double synthèse. Une synthèse nationale, puisque, par son histoire et sa tradition d'accueil, elle incarne l'universalisme du patriotisme républicain. Une synthèse européenne, qui m'est personnellement chère, entre les civilisations du Nord et du sud de la Méditerranée.

J'ajoute qu'ici, l'union de l'opposition devrait exprimer de façon exemplaire puisque toutes les composantes de l'Alliance seront réunies à cette occasion.

LP : Vous avez déclaré récemment n'être ni un « eurobéat » ni un « eurosceptique ». Quelle est votre vision de l'Europe vous qui avez été un adversaire résolu de Maastricht ?

Ph.S. : Je m'inscris totalement dans la vision exprimée par Jacques Chirac : celle de l'Europe unie des États. Pour moi, c'est une Europe réaliste, qui concilie l'ambition de l'union et l'intérêt des nations. Depuis 1992, j'ai dressé un constat sur l'Europe, qui est aujourd'hui largement partagé. L'Europe est en manque de démocratie et de politique, c'est ce qui exprime le poids de la technocratie et la relative indifférence des citoyens européens à l'égard de l'aventure européenne.

LP : Le Président de la République s'est longuement exprimé mardi devant le Sénat et l'Assemblée nationale sur l'enjeu de ces élections. Quel a été, à votre avis, son message essentiel ?

Ph.S. : C'est un message clair qui rejoint pleinement notre analyse. Deux idées forces me paraissent pouvoir être dégagées. La France doit animer l'ambition européenne. C'est son devoir et surtout son intérêt. Par ailleurs, la force et l'originalité de l'Europe reposent sur le respect des identités et des cultures nationales. C'est ça l'Europe unie des États ! Ce message présidentiel nous allons le relayer tout au long de notre campagne.

LP : Vous vous déclarez totalement solidaire de la politique européenne du Président de la République. Est-ce une façon de réclamer sa caution ?

Ph.S. : Nous ne réclamons aucune caution. En revanche il me paraît difficile de dire que nous fixons notre campagne et notre message dans le cadre de la politique de Jacques Chirac.

LP : La présence de Charles Pasqua dans la course, ajoute à la confusion des électeurs d'autant que vous faisiez route commune avec lui lors des dernières élections européennes. Quel regard portez-vous sur sa démarche ?

Ph.S. : Cette démarche est erronée car fondée sur l'hostilité au Président de la République et déconnectée des véritables enjeux de cette élection. Il ne s'agit pas, le 13 juin, de ratifier le traité d'Amsterdam ou de modifié notre constitution ; cela aura déjà été fait. J'avoue enfin ne pas comprendre que l'on s'échine à réclamer un référendum lorsqu'on se refuse à admettre les résultats du précédent. C'est là une forme de logique qui m'échappe.

LP : Vous n'avez pas selon vous, exagéré la portée des divergences d'analyse qui séparent le RPR de l'UDF sur la question européenne ?

Ph.S. : Si, sans aucun doute. Et, c'est parce que je suis convaincu que ces divergences pouvaient être surmontées, que je me suis fait, pendant des mois l'avocat d'une liste unique réunissant l'ensemble des composantes de l'Alliance. J'ajoute qu'il ne faut pas se tromper de débat. Dans cette élection, la question n'est pas de savoir se l'on est pour ou contre l'Europe fédérale, confédérale et je ne sais quoi d'autre encore. Tous ces problèmes ne relèvent pas du Parlement européen. La question est beaucoup plus simple. Comment veut-on que l'Europe fonctionne ? Veut-on un Parlement européen animé par les valeurs de la gauche ou par les valeurs de la liberté et de la solidarité ? Voilà où se situe la réalité du débat. Quant à l'avenir de l'opposition, les faits sont têtus, comme dirait l'autre. Pour réussir l'alternance, l'alliance est incontournable. C'est pourquoi dans cette élection, chacun doit faire preuve de responsabilité afin de ne pas miner l'avenir.