Interview de M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé et à l'action sociale, dans "Libération" le 19 mai 1999, sur la revalorisation de la formation du généraliste dans la réforme des études de médecine.

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Libération : La préparation au concours d'internat, point d'orgue des études médicales, ne relève-t-elle pas un échec profond des études de médecine en France ?

B. Kouchner : Ces conséquences d'internat sont un échec, celui de l'enseignement officiel. Mais nous ne réglerons pas ce problème sans faire des propositions plus larges sur une réforme globale des études médicales et sur une réforme de l'internat. Nous y travaillons depuis deux ans, avec Martine Aubry, Claude Allègre, et bien sûr, en concertation indispensable avec les enseignants et les étudiants. Le but de notre projet est double. D'abord, en finir avec cet enseignement parallèle, avec les cours de fin de second cycle qui ne sont suivis que par très peu d'étudiants, tandis que le concours de l'internat est un bachotage forcené. Ensuite, intégrer la médecine générale dans l'internat. Et mettre fin à cette absurdité qui veut que les étudiants qui vont pratiquer la médecine générale, discipline noble et difficile, soient sélectionnés par l'échec à l'internat.

Libération : Très concrètement, comment se passera le nouvel internat ?

B. Kouchner : Je souhaite garder un examen national (internat pour tous), validant la fin de second cycle, avec un classement, et dans lequel entrera une composante de contrôle continu. Il ouvrira l'entrée au 3e cycle. Les notes de facultés, et donc l'enseignement, seront revalorisés. Ceci devrait supprimer l'enseignement parallèle. Nous avions souhaité que soit intégrée également une note de stage qui permettrait de prendre en compte les qualités de l'étudiant à l'hôpital, face au malade. Mais, sur ce point, il y a beaucoup de réticences de la part des internes qui ont peur d'une « note à la tête du client ». Nous avons accepté de renoncer à cette idée. Au final, un seul examen pour tout le monde. Et, selon leur classement, les étudiants choisiront leur discipline, y compris la médecine générale qui sera intégrée dans les choix de cet « internat pour tous ». Voilà notre direction de travail.

Libération : Nombre d'observateurs affirment que, si l'on veut réformer les études médicales, il faut commencer par les premières années, car c'est là que tout se joue. Et qu'il ne faut pas trop compter sur une nouvelle réforme de l'internat.

B. Kouchner : Il faut faire les deux. Il faut redonner du prestige à l'enseignement médical, changer les matières, introduire les disciplines nouvelles. Faire entrer les débats de santé qui secouent toute la société dans les universités de médecine. Il est quand même incroyable que les débats sur la prise en charge de la douleur, les soins palliatifs, les nouvelles sciences, le vieillissement de la population, les liens entre l'économie et la santé, soient abordés partout, sauf dans l'enseignement clinique, et donc les stages pratiques qui devraient être au coeur de la formation du futur médecin. Et surtout évaluer notre enseignement comme on le fait ailleurs.

Libération : Avez-vous des échéances ?

B. Kouchner : À la fin de l'année, je l'espère, nous serons prêts.