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Le Figaro : Les partisans de la fusion de l’opposition déclarent que, si la droite a perdu, c’est à cause des querelles de chefs…
Hervé de Charrette : Si la droite a perdu, c’est parce que les électeurs ne voulaient plus de la politique suivie par le gouvernement d’Alain Juppé. Cela paraît assez clair. Les gens veulent que l’opposition soit unie, naturellement. Mais je suis étonné qu’on se lance dans ces débats sur les structures alors que la seule vraie question à se poser est : quelle politique ? Ne l’oublions pas : le mécontentement des électeurs est venu beaucoup moins des petites phrases échangées entre nous que du contenu de la politique suivie. Et c’est toujours ce qui les préoccupe.
Le Figaro : Autre argument des « fusionnistes » : il y aurait d’un côté la gauche étatiste, et de l’autre le camp libéral, qui ne refuse pas, lui, de tourner les yeux vers les États-Unis.
Hervé de Charrette : Si les Français voulaient du modèle américain, ils n’auraient pas voté socialiste. Vous pouvez penser et dire que c’est le libéralisme qu’il faudrait à la France, mais ce n’est pas, visiblement, ce que veulent les Français. Ils finiront par avoir ce qu’ils veulent.
Le Figaro : C’est-à-dire ?
Hervé de Charrette : Un juste compromis entre les contraintes de l’économie de marché et de l’ouverture sur le monde – qu’une majorité de Français acceptent – et les exigences de justice et de protection des plus faibles, qui sont l’une des marques de la tradition politique française. C’est ce juste milieu que recherchent aujourd’hui nos concitoyens, entre le socialisme auquel ils se sont davantage résignés que donnés et le libéralisme, toujours regardé d’un air soupçonneux.
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Hervé de Charrette : À côté de cet enjeu-là, ce débat de l’été sur la fusion de l’opposition est un débat dérisoire, de faux-semblants. Vous n’avez pas manqué d’observer, d’ailleurs, que si le PS avait été seul, il aurait perdu. C’est une gauche « plurielle » qui a emporté la victoire. Un seul parti ne peut pas gagner les élections en France. Le jour où l’opposition constituerait un seul parti, elle laisserait le champ libre au FN.
Le Figaro : Alors que proposez-vous ?
Hervé de Charrette : Union, oui. Uniformité, non. Il ne faut pas étouffer la diversité des tempéraments et des opinions. C’est bien de critiquer les chapelles, on a toujours raison de le faire. Mais le scrutin uninominal à deux tours est tout de même bien adapté à la sensibilité française. Pas seulement, comme on voudrait le faire croire, à celle des chefs de parti, mais à celle des électeurs, d’une diversité infinie. Ce paradoxe unité-diversité est d’ailleurs celui de toutes les grandes démocraties. Commençons donc par le commencement : je crois que le moment est venu pour que l’UDF et le RPR organisent des méthodes communes. Travaillons d’abord ensemble au Parlement, où il est urgent de mettre sur pied des commissions mixtes. Ensuite, remettons en vigueur les structures qui avaient été prévues pour se rencontrer régulièrement et fixer en commun nos grands objectifs politiques.
Le Figaro : Franchement, qu’est-ce qui sépare encore l’UDF du RPR ?
Hervé de Charrette : Les clivages, c’est vrai, traversent les deux partis : on trouve des RPR plus en faveur de l’économie libérale que certains UDF, et des UDF plus centralisateurs que certains RPR. Il n’empêche que chacune des deux familles a sa tradition et que les électeurs aiment avoir le choix. Beaucoup se sont plaints, justement, aux dernières élections de ne pas l’avoir assez.
Le Figaro : Accepteriez-vous au moins la fusion des différentes composantes de l’UDF ?
Hervé de Charrette : Au PPDF, nous l’avons toujours dit : nous serions les premiers volontaires le jour où nos partenaires seraient d’accord. Ce serait un pas décisif auquel nous sommes très favorables. Nous avons vu plusieurs fois François Léotard en juillet à ce sujet. Gardons l’espoir.
Le Figaro : Jacques Chirac semble favorable à l’union de l’opposition ?
Hervé de Charrette : Le président de la République n’est pas directement concerné par les débats qui peuvent agiter les partis.