Article de Mme Christine Bonnefon, secrétaire nationale de la FEN, dans "FEN Hebdo" du 12 mars 1999, sur les propositions du rapport Charpin sur les retraites, intitulé "Retraites : concilier équilibre et solidarité".

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Média : FEN Hebdo

Texte intégral

Par lettre du 29 mai 1998, le Premier ministre demandait à Monsieur Charpin, Commissaire général au Plan un diagnostic sur l'ensemble des régimes de retraites, « aussi partagé que possible par les partenaires sociaux ». « Il est essentiel de rechercher l'équité entre retraités, compte tenu du statut auquel ils étaient soumis en tant qu'actifs ».

Monsieur Charpin a donc constitué une commission à laquelle l'UNSA participait.

La méthode utilisée par la commission pour rendre compte des différentes études, projections, prospectives a son importance. En effet, la veille de chaque réunion, les documents de travail parvenaient en même temps aux partenaires sociaux et… à la presse.

La dramatisation à laquelle celle-ci se livre risque d'affecter durablement la sérénité des débats.

Les annonces d'apocalypse et la stigmatisation des régimes spéciaux et du Code des pensions peuvent-elles servir à prendre des mesures douloureuses dans un contexte général de culpabilisation des privilégiés ? Le danger est bien réel.

Il convient donc d'être très prudent et de ne pas se laisser entraîner par le « catastrophisme » ambiant.

Rappelons enfin, que le rapport Charpin ne sera connu que début avril et nous ne disposons pour l'instant que de notes d'étape. Gageons alors qu'il n'engagera que lui et qu'il faudra attendre que le gouvernement dévoile ses intentions après les élections européennes.

En 1990, Denis Kessler et Didier Blanchet écrivaient dans un article « d'Economie et statistique » : « Dans cette période (2005-2025), il suffirait d'un progrès de productivité de l'ordre de 0,5 % par an pour compenser la diminution relative du nombre d'actifs ».

A cette époque Monsieur Kessler n'avait probablement encore compris quel profit il pouvait tirer des fonds de pension !

Comment donc clarifier ?

Le vieillissement de la population est un fait certain, de même que l'allongement de l'espérance de vie.

Cette analyse exclut néanmoins les conséquences des flux migratoires et les évolutions de la situation de l'emploi. En tout état de cause, les éléments rendus publics, aussi inquiétants soient-ils, seront de toutes façons objets du débat :

La proposition d'augmenter à 42,5 ans le temps nécessaire pour bénéficier d'une retraite à taux plein est redoutable. L'âge moyen d'entrée dans la vie active varie autour de 23 à 28 ans. Cela porterait donc l'âge de sortie aux alentours de 65 à 72 ans ! Dans l'hypothèse de plus en plus improbable d'une carrière continue.

A moins que cette annonce ne vise à passer sans crise aux 40 annuités les régimes spéciaux et le Code des pensions par mesure d'équité avec le secteur privé et les un million cinq cent mille non-titulaires des fonctions publiques.

La proposition de créer un abattement sur les pensions qui n'auraient pas été liquidées à taux plein est au moins aussi redoutable. Elle induit une pénalisation très importante des carrières courtes et incomplètes.

Quant à la possibilité d'augmenter la cotisation ou la contribution, les documents Charpin la considèrent comme « intolérable ». Cette affirmation ne tient compte ni d'une probable augmentation du pouvoir d'achat d'ici 2019, ni de l'augmentation du PIB, encore moins d'un changement d'assiette de contribution élargie à tous les revenus.

Notons enfin qu'il ne paraît pas scandaleux dans une société où les retraités occupent une place plus importante, de leur consacrer une partie plus conséquente de la richesse nationale.

Quel sort réserver par ailleurs aux primes et indemnités qui ne sont pas soumises à cotisation dans la fonction publique ?

Quant au fonds de réserve, si les propositions du Commissaire au Plan en font bien état, elles ne résolvent ni la question de son financement ni celle de son utilisation.

Doit-il servir au maintien du niveau actuel des retraites ou à destination de tous ceux qui en seront quasiment exclus, faute de cotisations suffisantes (RMIstes, chômeurs, temps incomplets, …) ?

Ce fonds serait-il alimenté par un prélèvement plus large de type RDS ?

Comment, et par qui, serait-il géré ?

On le voit, la marge est étroite si l'on ne veut pas accentuer les fractures jeunes/vieux, actifs/retraités, chômeurs/retraités. C'est en conséquence un choix de société que nous avons à faire.


Remarquons en outre que s'agissant du Code des pensions, l'ensemble des propositions avancées semble garantir sa pérennité : la logique de carrière avec le calcul de la pension sur l'indice des 6 derniers mois.