Texte intégral
De l’université d’été de La Rochelle de 1996 à celle d’aujourd’hui, que de chemin parcouru !
L’an dernier, nous préparions ensemble une alternance que nous envisagions au mieux en mars 1998. Aujourd’hui, nous accueillons Lionel Jospin certes comme premier secrétaire, mais surtout comme Premier ministre, après une campagne victorieuse, menée tambour battant.
En 1996, nous réfléchissions ensemble pour donner de la crédibilité à nos propositions. Cette année, nous travaillons à mettre en œuvre nos engagements.
L’été dernier, le parti s’employait à définir son rôle dans l’opposition, aujourd’hui, il redécouvre, parfois avec inquiétude, les charmes et les vicissitudes qui s’attachent généralement à la conduite d’un parti de gouvernement.
En d’autres termes, il y a quelques mois nous nous interrogions sur la manière de gagner. Désormais, c’est comment réussir ?
En effet, notre responsabilité, en cette fin de siècle, apparaît considérable. Il nous faut tout à la fois lutter contre le chômage, réduire les inégalités – celles de l’argent comme celles du savoir –, renforcer la démocratie, rénover notre vie publique et faire l’Europe. C’est beaucoup. Ce n’est pas trop.
Face à une tâche dont nul ne discutera l’ampleur, nous disposons d’atouts importants : un gouvernement bien accueilli par les Français, une majorité à la fois plurielle et solidaire, une opinion publique qui n’éprouve aucun regret – et on la comprend – quant au choix fait le 1er juin. Elle ne marque, pour l’instant, aucune impatience exagérée par rapport aux légitimes attentes. Enfin, nous connaissons un environnement européen qui paraît plus ouvert à nos idées depuis la victoire des travaillistes en mai dernier.
Les premières décisions du Gouvernement ont plutôt confirmé ce mouvement d’optimisme : le relèvement du SMIC, le triplement de l’allocation de rentrée scolaire, la revalorisation des aides au logement, le plafonnement des allocations familiales, la priorité budgétaire accordée à la lutte contre le chômage, le projet de loi sur l’emploi des jeunes, la réouverture des classes pour la prochaine rentrée scolaire. Tout cela marque une rupture heureuse par rapport aux quatre dernières années, d’autant que le rééquilibrage des finances publiques a été obtenu par une contribution sur les seuls profits des grandes entreprises et non par des prélèvements supplémentaires sur les ménages.
Par une coïncidence, qui n’est pas que fortuit, certains indicateurs évoluent favorablement : le faible niveau des taux d’intérêt, le fort excédent du commerce extérieur – provoqué notamment par la remontée du dollar – amorcent une reprise de la croissance qui demeure néanmoins hésitante compte tenu du niveau de la consommation et la faiblesse de l’investissement.
De même, le chômage reste à un niveau très élevé et la précarité gagne l’ensemble du marché du travail, malgré une baisse au mois de juillet qui ne doit pas faire illusion.
Ainsi, si les trois premiers mois du Gouvernement – je sais que Lionel n’aime pas l’idée des « 100 premiers jours » –, ont été largement salués, c’est maintenant que nous rentrons dans le vif du sujet. Le Gouvernement a déjà engagé sa rentrée et le Parlement s’apprête à siéger. Qu’attendre du Parti socialiste dans cette période décisive ? À quoi peut-il servir ? Comment peut-il être utile ?
1. Une double mission
Veiller au respect de nos engagements
Nous avons fondé notre action collective sur la fidélité à la parole donnée, sur l’attachement à nos valeurs et à nos principes, sur la constance de nos choix que nous soyons dans l’opposition ou dans la majorité. Nous ne faillirons pas à cette démarche qui a compté dans le vote des Français le 1er juin.
Comment la traduire dans les faits ? Nous ne devons pas être des moines-copistes, qui relisent sans cesse les mots antérieurement prononcés et qui ne se préoccupent ni des changements économiques et sociaux, ni des rapports de force existants.
On nous somme parfois d’être des notaires ou des huissiers veillant scrupuleusement à la conformité de nos actes à nos discours. Nous avons cependant une conception plus haute de notre mission.
Quitte à choisir des métaphores professionnelles, nous devons être des ingénieurs et nous préoccuper prioritairement du sens qui est donné aux réformes. Celui-ci doit être conforme à l’espérance que les Français ont placée dans la majorité le 1er juin. C’est le contenu des réformes présentées qui importe et, surtout, le résultat de nos actions. Au-delà de l’application de nos programmes et de nos textes, les Français nous jugeront sur les changements effectifs dans leur vie quotidienne et sur l’amélioration de la situation économique et sociale. Ils n’auront pas d’autres critères. C’est donc en fonction de nos engagements que nous devons nous déterminer face aux quatre grands dossiers de la rentrée.
Le programme en faveur de l’emploi des jeunes
L’emploi des jeunes est le premier test de notre capacité à mettre en œuvre nos promesses électorales. C’est tout à la fois un enjeu économique : la diminution du taux de chômage des jeunes est en elle-même un facteur de croissance ; un enjeu social : insérer de nombreux jeunes dans notre société et répondre à des besoins collectifs non satisfaits aujourd’hui ; et un enjeu politique : nos propositions ont fait surgir un immense espoir et, dès à présent, beaucoup de candidatures.
Le Gouvernement a fait vite. Un projet de loi, présenté par Martine Aubry au conseil des ministres du mois d’août, sera bientôt discuté au Parlement. Il fait déjà l’objet d’une discussion entre le groupe socialiste et le Gouvernement et une liste indicative des nouveaux métiers a été rendue publique.
L’État s’est engagé à fournir un effort financier massif en donnant aux collectivités locales, aux associations et aux organismes publics les moyens d’embaucher des jeunes. Dans quelques semaines, le dispositif sera opérationnel. Il nous crée une obligation de résultats. Nous devons nous saisir de ce projet car de nombreux Français et de nombreuses familles attendent de nous, socialistes, que nous réussissions tout particulièrement sur cette question.
Plusieurs chantiers s’ouvrent à nous. Il faut définir au sein de chaque collectivité les besoins qui devront être satisfaits. Il faut dynamiser le tissu des associations, des bailleurs sociaux et des organismes publics. C’est pourquoi j’ai demandé hier à la FNESR que soit organisée une « bourse des initiatives locales » afin que les innovations des socialistes sur le terrain soient reprises et diffusées. Nous convaincrons ainsi qu’il s’agit bien de vrais emplois et non d’un dispositif de crise comme on en a tant connu dans le passé. La droite en a compris l’intérêt : elle multiplie les critiques, mais, grâce aux collectivités qu’elle contrôle, elle sera la première à l’utiliser voire à la détourner à son profit dans la perspective des élections régionales et cantonales. Ce serait un comble que les socialistes dans cette affaire restent l’arme au pied. Nous devons nous mobiliser en conséquence. Je compte naturellement sur vous tous, et notamment les élus, pour qu’il en soit ainsi.
Deuxième étape de la lutte contre le chômage, la conférence sur l’emploi et les salaires. C’est d’elle qu’on attend la création des 350 000 emplois dans le privé. Pour la première fois depuis longtemps, on va mettre véritablement autour d’une table les partenaires sociaux afin de discuter des modalités de répartition de la richesse produite par les entreprises et des moyens d’améliorer la part des salaires dans la valeur ajoutée. C’est un enjeu majeur dans ses méthodes et dans ses objectifs. Puisque le Gouvernement initie un large processus de concertation et que nous sommes à la veille d’une occasion unique de reprendre le mouvement historique de réduction du temps de travail. Les conditions du succès sont une nouvelle fois difficiles à réunir : il nous faut convaincre un patronat réticent qui voudra gagner du temps, et des syndicats qui ne sont pas d’accord entre eux sur les priorités à donner et sur le calendrier à établir.
Il nous faudra donc – pour reprendre la démarche que nous prodiguait Jean Poperen à travers son idée de compromis social – nous souvenir que le progrès social et les grandes réformes qui l’organisent sont toujours le fruit d’un rapport de force. Personne ne peut prendre le risque d’un échec. Là encore nous, socialistes, ne soyons pas spectateurs. Nous devons peser sur ces discussions en prenant à témoin l’opinion et en mettant chacun devant ses responsabilités. C’est peut-être paradoxalement notre meilleure chance.
Le projet de budget pour 1998
La loi de finances pour 1998 constituera la première étape dans la mise en œuvre de nos engagements en matière économique et fiscale. Il y en aura d’autres. Chacun sait qu’une législature – sauf événement imprévu – dure cinq ans, mais que le premier pas est souvent celui qui détermine le rythme de la marche.
Le Gouvernement a déjà arrêté ses choix pour les dépenses, et globalement ils nous conviennent. Non seulement parce que la dépense publique progressera plus que l’inflation, mais aussi parce que les arbitrages correspondent à nos priorités : augmentation des crédits en faveur de l’emploi, de l’éducation et de la recherche, de la justice. Les efforts d’économie portent sur le ministère de la défense, même s’ils seront, là comme ailleurs, douloureux dans leurs conséquences.
Reste la question des recettes et donc de la réforme fiscale. C’est là que nous devons faire preuve d’un courage qui nous a parfois fait défaut dans le passé. J’ai entendu Dominique Strauss-Kahn affirmer un certain nombre de bonnes intentions : tel que le rééquilibrage des prélèvements dans un sens plus favorable au travail et donc plus exigeant à l’égard du capital, le souci d’aménager notre fiscalité en faveur de l’emploi ou la nécessité de baisser les impôts qui frappent les plus modestes.
Je fais confiance au Gouvernement pour discuter avec les parlementaires socialistes afin d’en parfaire le contenu. Mais je saisis l’occasion de nos universités d’été pour insister sur les réformes qui nous tiennent à cœur et qui doivent trouver l’amorce d’une exécution dans le prochain budget.
Il s’agit d’une part de la baisse de la TVA dont nous avons évoqué la nécessité durant la campagne, pour réduire les inégalités et surtout pour provoquer une reprise de la consommation. Une baisse générale n’est sans doute pas possible, mais une forte diminution du taux qui frappe certains produits, notamment ceux liés au logement, est une voie qu’il faut absolument emprunter.
Il convient d’autre part d’engager à plus long terme la réforme de notre fiscalité locale qui est une des plus injustes socialement – je parle de la taxe d’habitation – et des plus inefficaces économiquement – chacun connaît les défauts de la taxe professionnelle –. Ce sont des sujets difficiles et complexes. Mais l’expérience prouve qu’à vouloir différer leur mise en œuvre, on finit tout simplement par y renoncer.
Il nous revient donc d’utiliser le prochain budget non comme un catalogue de mesures ponctuelles ou un bric-à-brac des différentes sollicitations qui nous sont adressées, mais comme la première étape cohérente d’un dispositif entièrement consacré à la lutte contre le chômage et les inégalités. C’est désormais notre responsabilité collective.
La préparation des échéances européennes
À Amsterdam, Lionel Jospin, dans un contexte extrêmement difficile, alors que tout était ficelé par le gouvernement précédent, a enfoncé un coin. Il a obtenu qu’une nouvelle discussion s’engage sur la coordination des politiques économiques et qu’un sommet sur l’emploi soit convoqué à Luxembourg au mois de novembre prochain pour prendre des décisions concrètes en matière d’emploi.
Le Parti socialiste a compris le sens et la portée d’un tel rendez-vous et veut y jouer son rôle. Le bureau national du parti a décidé l’envoi de délégations auprès de la plupart des partis sociaux-démocrates d’Europe, afin d’exposer nos solutions et d’harmoniser nos points de vue.
Pour ma part, pendant que Lionel Jospin rencontrait Helmut Kohl, je participais avec nos amis du SPD (Oscar Lafontaine et Rudolf Scharping) à un colloque sur le thème « l’Europe de l’emploi ». J’y ai constaté avec plaisir la convergence de nos positions respectives, même si sur le thème d’une relance commune et des grands travaux il reste à engager encore un effort de conviction. Voilà une belle tâche pour les socialistes !
Reste que sur le terrain de l’Europe politique, le traité d’Amsterdam ne peut nous satisfaire en l’état. Un débat s’est ouvert sur l’attitude à adopter. D’un côté ces résultats ne correspondent pas à nos ambitions en matière d’Europe politique, et de l’autre, il est nécessaire de capitaliser ces premiers résultats pour aller de l’avant. Je plaide donc pour que dans les prochains mois, le Gouvernement s’efforce de compléter le traité par de nouvelles avancées sur ce terrain.
Nous avons voulu, et notamment François Mitterrand, l’Europe monétaire pour consacrer l’Europe politique. Il ne peut être concevable de procéder d’un élargissement sans approfondir les institutions européennes parallèlement. C’est parce que les socialistes français sont européens qu’ils s’en tiennent à cette perspective. Faire l’euro c’est bien. Faire l’Europe c’est mieux.
Le pacte républicain
Une société plus tolérante renvoie tout d’abord à la mise en œuvre d’une conception plus ouverte de l’immigration et de la nationalité. Nous nous sommes engagés à rendre une perspective républicaine au droit de l’immigration, à l’intégration, au droit à la nationalité. Des principes et des droits fondamentaux ont été mis en cause par les lois Pasqua-Méhaignerie-Debré, qui ont fait basculer dans l’irrégularité des personnes vivant légalement en France et qui ont multiplié les tracasseries administratives sans plus d’efficacité dans la lutte contre l’immigration clandestine.
Notre engagement sera respecté. Nous en avons débattu ici franchement et sereinement. Avec d’autres, j’ai rappelé nos positions.
L’avant-projet de loi de Jean-Pierre Chevènement et les textes que prépare Élisabeth Guigou suppriment toutes les dispositions des lois Pasqua-Méhaignerie-Debré contraires à notre tradition républicaine et à nos valeurs. Dès lors, ce dossier ne doit pas être abordé avec passion ou esprit de polémique, mais avec le souci de la vérité. Que voulons-nous ? Que faisons-nous ? Nous voulons retrouver un code de la nationalité fondé sur le droit du sol, le projet d’Élisabeth Guigou le consacre de nouveau ! Nous défendions les droits fondamentaux à une vie en famille et au regroupement familial, ils sont rétablis ! Nous rappelions la tradition d’asile de la République, elle est retrouvée ! Nous mettions l’accent sur l’intégration des étrangers résidant en France, elle est facilitée ! Nous dénoncions les formalités administratives inutiles et blessantes, elles sont supprimées ! Nous protestions contre la situation administrative de sans-papiers jetés dans l’irrégularité par les lois Pasqua, elle est régularisée en fonction de critères objectifs !
Il n’y a donc ni reniement de notre ambition ni renoncement à nos convictions, mais bien la volonté exprimée tout au long des deux dernières années de concilier tradition d’accueil et maîtrise des flux migratoires. Les textes publiés peuvent encore être améliorés par le Gouvernement et surtout par le Parlement au moment de leur discussion. Mais l’équilibre trouvé sera respecté.
Voilà ce que doit être l’attitude des socialistes sur les principaux dossiers de la rentrée. Elle ne se résume pas à des formules toutes faites et d’un autre âge (godillot, porteur d’eau ou aiguillon). Elle ne reprend pas la distinction spécieuse entre « parti de gouvernement » et « parti d’opposition » comme si notre parole dans chacune des situations ne nous engageait pas de la même manière. Elle suppose tout simplement d’être acteur et de jouer la partie avec le Gouvernement. Que l’on se comprenne bien : il ne peut gagner tout seul et nous ne pouvons réussir à côté de lui. C’est ensemble que nous devons agir chacun à notre place, mais avec les mêmes objectifs. J’en arrive à notre rôle dans le débat public et à la préparation de notre congrès.
Prendre toute notre place dans le débat public
Le débat politique dans notre pays ne se limite pas à la relation entre le PS et le Gouvernement ou à nos rapports internes.
La confrontation entre la droite et la gauche va resurgir dès la rentrée, et souvent avec fracas. L’extrême droite continue son travail de sape contre notre démocratie et nous devons préparer les prochaines échéances régionales et cantonales qui vont se tenir dans à peine six mois.
D’abord, pour ceux qui l’auraient oublié, la droite existe encore dans ce pays. Il nous arrive d’ailleurs de la rencontrer. Certes, elle est sous le choc – nous en avons connu un équivalent en 1993 – on le serait à moins après une dissolution ratée unique dans les annales de la Ve République. Elle n’est pas remise des crises de palais qui l’ont ébranlée après sa défaite. Philippe Séguin et Alain Madelin sortent à peine d’un sommeil post électoral. Certains veulent un « Épinay de droite » et d’autres sont dans l’ombre ou en pleine lumière des liaisons dangereuses avec l’extrême droite. Mais nous restons leurs seuls adversaires.
La bonne image du Gouvernement les conduit au silence gêné ou à des réactions souvent incohérentes. Cela ne durera pas. La droite nous mènera au Parlement un combat incessant. Elle caricaturera nos positions, maquillera les siennes, exigera moins d’impôts et plus de dépenses publiques, moins d’État et plus de services publics, moins de fonctionnaires mais plus d’interventions publiques. Elle jouera sur les peurs des plus modestes pour protéger l’intérêt des plus gros, pariera sur les angoisses catégorielles pour faire obstacle aux réforme ; elle oubliera ses mauvais résultats en matière de chômage pour exiger de nous en quelques mois ce qu’elle n’a pas été capable de faire en quatre ans. Elle freinera, dans bien des cas, à travers les collectivités qu’elle gère, la mise en œuvre concrète de l’action gouvernementale.
Tout cela nous le savons, même si nous feignons parfois d’omettre qu’à l’Élysée siège celui qui entend être à la fois le chef de l’État – dont nul ne discute la légitimité – et le chef de l’opposition dont le titre est dans son propre camp plus âprement discuté. Il ne restera pas inerte. Nous non plus.
Dans un tel contexte, la mobilisation des socialistes pour expliquer la politique du Gouvernement et pour répondre à la droite, doit être totale. Qui le fera sinon nous ? Ne demandons pas à nos partenaires d’engager cet effort à nos côtés si nous nous dérobons dans le même temps. Cela passe par la confection d’argumentaires, de journaux, d’intervention dans la presse, mais aussi par la présence militante sur le terrain.
Cela est également vrai pour la lutte contre l’extrême droite.
Nous avons élaboré, il y a plusieurs mois, une stratégie contre l’extrême droite. Elle se décline en trois objectifs principaux :
- lutter contre les causes du phénomène lui-même : le Gouvernement s’y emploie à travers la lutte contre l’exclusion, la politique de la ville et celle du logement, l’insertion des jeunes, les nouveaux emplois de services, etc. Mais cela prendra du temps avant d’en sentir les premiers effets ;
- dénoncer les actes : il ne se passe pas de jour sans qu’une municipalité FN ne prenne une décision scandaleuse : tantôt c’est la solidarité avec un tireur qui s’est défoulé sur des jeunes, tantôt c’est le licenciement d’agents publics, tantôt les attaques contre un commissariat auquel on voudrait substituer une police municipale, voire une milice privée ;
- démystifier les discours : la xénophobie est partout et la haine inspire toutes les déclarations du FN. Les allusions à la collaboration sont un rite qui traduit au sens Premier du terme une fascination à l’égard de cette période ; il y a quelques jours, un leader du FN affirmait que la politique de Lionel Jospin est pire que celle du maréchal Pétain, comme pour avouer qu’en d’autres termes celle de Pétain, comme pour avouer qu’en d’autres termes celle de Pétain était meilleure. Chacun jugera.
Ces actes appellent des réponses politiques toujours, juridiques parfois. Mais le pire serait la banalisation. Voilà pourquoi j’ai demandé à notre trésorier de donner des moyens supplémentaires aux sections et aux fédérations confrontées aux municipalités FN.
C’est dans ce contexte de confrontation avec la droite et d’engagement contre l’extrême droite qu’il faut préparer les élections régionales et cantonales. Elles constituent un enjeu important. Tout d’abord ce sera le premier test électoral pour la gauche après les élections de juin et, d’autre part, la conquête des régions et des départements doit être un instrument de notre politique de l’emploi.
Beaucoup souhaitaient une réforme du mode de scrutin régional. Il n’était cependant pas possible de l’engager à quelques mois d’une échéance sans l’accord de nos partenaires et sans un minimum de consensus avec l’opposition. Or, hormis nous, nul n’y tenait. Une occasion a été perdue. Et il faudra reprendre ce dossier le moment venu.
D’ici le mois de mars, nous devrons désigner nos candidats avec le souci d’une présence accrue des femmes (objectif parité) et de jeunes. Il conviendra aussi de faire prévaloir l’objectif de rassemblement de la gauche plurielle. Mais, à la fin de l’année, nous devons être en ordre de marche. Et nos candidats mèneront campagne avec l’objectif de rééquilibrer le pouvoir local dans notre pays et de parfaire une décentralisation qui a parfois dévié de ses objectifs. La limitation du cumul des mandats nous y aidera.
2. Le congrès de Brest
Mais nous avons un autre rendez-vous, celui de notre congrès. Au moment où s’engage la première phase de nos travaux avec le dépôt des contributions, il est peut-être nécessaire de préciser ce que collectivement nous attendons de ce congrès de Brest.
Je sais déjà ce qu’il ne doit pas être. Des congrès nous en avons connu de toute sorte : des bons, des moins bons et des calamiteux. Évitons donc les exercices factices de rassemblement sans débat, et repoussons l’idée de faire de notre rendez-vous « un congrès de combat ». Le seul combat qui vaille est celui contre la droite et l’extrême droite.
Nous nous devons de réussir un congrès exemplaire. C’est-à-dire un congrès utile pour les socialistes, le Gouvernement et le pays. Dans cette perspective, fixons-nous trois objectifs simples.
I. – Débattre
Le rôle d’un congrès est d’élaborer et de définir collectivement une ligne politique. En cette matière, nous ne partons pas de rien puisque nos trois conventions nous fournissent le socle de notre pensée sur l’Europe, la politique économique et sociale, et la démocratie.
De nombreux domaines n’ont été appréhendés que de loin, comme le secteur public, la politique industrielle, la révolution de la communication ou encore la lutte contre certaines inégalités. C’est désormais notre rôle que d’orienter sur tous ces sujets notre pensée et nos propositions.
C’est aussi notre vocation que d’enrichir et renouveler continuellement notre analyse. La réalité ne s’est pas arrêtée le 1er juin 1997, elle nous presse de problèmes nouveaux qu’il faut anticiper pour mieux les appréhender. Il nous faudra nous donner du sens et de la cohérence pour échapper à la dictature du quotidien.
Nous pourrons d’autant mieux le faire que nous aurons poursuivi la rénovation de notre parti.
II. – Rénover
La démarche que je souhaite engager est fondée sur deux principes simples :
- donner la parole à nos militants.
Depuis 1995 et la désignation de notre candidat à l’élection présidentielle par tous les militants, le premier principe s’est imposé à tous les échelons : premier secrétaire, candidats, et s’est étendu à toutes les décisions qui nous engagent. Cela a été l’objet de nos conventions.
C’est dans cette voie qu’il faut poursuivre : je propose que durant les trois prochaines années nous reprenions cette formule d’intervention militante à travers l’organisation de conventions qui permettront de faire le lien entre les aspirations du parti et les mesures gouvernementales.
S’adapter
Notre parti doit aussi veiller à s’adapter à l’évolution de notre société : place des femmes, des jeunes, des couches populaires. Par ailleurs, il doit faire un travail politique dans les dix-sept départements où nous ne comptons aucun député.
III. – Rassembler
Il est une règle simple tirée de notre expérience des dix dernières années. Unis, les socialistes ont remporté de nombreuses batailles électorales. Divisés, ils les ont toutes perdues.
Mieux vaut donc en tirer la leçon. D’abord parce que c’est plus efficace, mais aussi parce que c’est plus agréable à vivre.
Il ne s’agit pas pour autant de tomber dans une unité artificielle faite d’arrière-pensées et de compromis d’arrière-boutique. Et s’il y a des différences sérieuses, alors tranchons-les par le vote des militants. Cela peut se faire sans drame. Mais s’il ne subsiste entre nous sur des choix fondamentaux que des nuances, à quoi bon faire semblant d’être séparés dans la préparation d’un congrès pour nous réunir à la fin.
Voilà pourquoi je propose dès l’entrée de ce congrès qu’après le temps légitime du débat des contributions nous nous retrouvions dans une motion qui rassemble le plus grand nombre – et sans exclusive – en associant chacun à toutes les responsabilités.
Le rassemblement doit, bien sûr, être fondé sur la cohérence des idées et la cohésion des équipes sans lesquelles il ne peut y avoir de stabilité indispensable à la continuité de l’action. Cette approche vaut d’ailleurs que l’on soit au pouvoir ou dans l’opposition. Elle est l’apanage des grandes formations démocratiques.
Pour terminer, je voudrais féliciter tous ceux qui ont permis le succès de ces universités d’été : organisateurs, permanents, bénévoles, militants, et bien entendu Alain Bergounioux et ici, à La Rochelle, Roland Beix et Maxime Bono.
La présence de nombreux ministres, de parlementaires, de premiers fédéraux, est un signe fort d’unité qui préside à nos discussions. Celles-ci furent variées et de qualité. Sur l’Europe, l’emploi, les services publics, la rénovation de la vie publique, nous avons lancé les premières ébauches de nos débats à venir, mesuré nos convergences, ouvert des pistes de dialogue.
Le nombre de participants est révélateur de la bonne santé de notre parti et de la volonté de chacun à s’impliquer fortement.
Souvenons-nous des conditions de notre victoire. Nous avons gagné avec Lionel Jospin parce que nous avons été capables de présenter un projet crédible, de rénover nos pratiques politiques, de nous rassembler et de rassembler toute la gauche. Cette démarche reste la clef du succès.
À nous d’être à la hauteur de notre victoire. Nous voulions changer d’avenir. Il nous appartient désormais de la construire ensemble.