Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames,
Messieurs,
(Remerciements)
Je vous ai écouté avec beaucoup d'attention, Monsieur le Président, et vous venez d'énoncer un certain nombre d'idées si pertinentes que l'on a parfois tendance à ne pas mesurer leur portée.
Vous avez raison, Monsieur Marty, nous ne connaissons pas notre bonheur. Acheter un journal est en apparence un acte banal, presqu'un réflexe. Et nos concitoyens ne savent rien, ou presque, de l'impressionnante mécanique qui permet d'alimenter quotidiennement les 36 000 points de vente du territoire français. Ce système de distribution, unique en son genre, né de la loi Bichet de 1947, garantit aussi – vous l'avez souligné – une impartialité dans l'exposition des titres : c'est là, très concrètement, une des conditions de la liberté d'expression, et, en matière de presse, de la liberté d'entreprendre.
Chacun peut diffuser une publication, sans autorisation préalable, sans aucun droit d'entrée, dans les mêmes conditions que ses concurrents. Tout citoyen bénéficie ainsi d'un libre accès à l'information, choisit la source et le style qui lui conviennent, en fonction de ses seules préférences.
Là se trouve la finalité ultime de la presse : faire participer le citoyen au débat démocratique. Et cette participation passe par un système de distribution, égalitaire et efficace.
Vous avez donc raison de proclamer, Monsieur le Président, que l'achat d'un journal est un acte concret de la démocratie. Car la démocratie, c'est avant tout le citoyen. Tous les moyens sont bons pour l'inciter à s'informer, à se documenter, à confronter ses opinions à celles d'autrui, à nourrir sa réflexion. Semblablement, un journal se fixe pour objectif d'être lu, donc exposé et vendu dans les meilleures conditions d'équité et de pluralisme. Je suis du reste tenté de penser qu'une des solutions à la crise très grave que traverse depuis quelques mois la presse écrite passe par la vente au numéro, donc par votre dynamisme et par votre savoir-faire.
Mais cette ambition constante appelle aujourd'hui un réel effort de lucidité. Un tel système, aussi sophistiqué et efficace soit-il, se doit d'être adapté, amélioré, défendu.
Adapter : c'est là, pour une part, la responsabilité des pouvoirs publics. C'est pourquoi mon ministère et le SJTI travaillent actuellement à une réforme qui devrait aboutir très prochainement, celle de l'aide au transport SNCF. Sans entrer dans le détail des dispositions projetées, sachez que ce système devrait apporter plus de souplesse au transport de la presse, tout en confortant les sociétés coopératives de messagerie dans le rôle qui leur est traditionnellement dévolu.
Améliorer : c'est là votre tâche de tous les jours, et je connais les efforts que vous déployez afin d'adapter les mécanismes de la diffusion à l'évolution de la technologie, de l'économie, des habitudes du lectorat.
Mais deux réflexions, de portée plus générale méritent aujourd'hui d'être approfondies.
Il convient d'abord de s'interroger dès aujourd'hui sur les conséquences qui résulteront dans ce domaine de l'ouverture du marché unique européen. La construction européenne doit en effet être l'occasion, non d'une normalisation, mais d'une harmonisation du réseau français, qui renforce sa compétitivité.
Une autre réflexion approfondie doit porter sur la rémunération des agents de la vente, les 50 000 personnes, que vous représentez ce soir, et qui œuvrent concrètement à la diffusion de la presse. Je sais que cette réflexion a déjà été largement engagée, à l'initiative de Marc Demotte, président du conseil supérieur des messageries, dans le cadre du comité des sages. Je suis évidemment l'évolution de ces travaux, avec attention, et j'attends avec impatience de lire leurs conclusions. Je souhaite souligner ici ce bel exemple d'une concertation véritable entre des partenaires également conscients de leur rôle.
Défendre : je sais bien que la loi Bichet, qui fête ses 45 ans cette année, est aujourd'hui l'objet de certaines polémiques. De ce point de vue, le conflit qui a opposé ces derniers mois certains des partenaires du réseau m'a paru extrêmement significatif. En effet, c'est précisément dans la loi de 1947 que le conseil supérieur a pu puiser les solutions à ce problème, preuve s'il en est de l'actualité de cette loi et de l'efficacité globale du système qui en résulte.
Alors pour conclure, je vous dirai simplement que c'est avec une totale confiance que j'envisage l'avenir du réseau français de distribution. Parce que je vous sais tous conscients des difficultés du moment solidaire dans la recherche de solutions appropriées, mais aussi et surtout conscients de vos responsabilités, et du rôle crucial que vous jouez dans le développement de la presse.