Texte intégral
Les circonstances facilitent sans doute cette première intervention que j’ai l’occasion de faire devant le Comité intérimaire du Fonds monétaire international : les perspectives économiques mondiales sont favorables, l’union économique et monétaire est désormais proche de son aboutissement. La France compte inscrire sa politique dans ce cadre européen et mondial.
Pour autant, la tâche qui nous attend n’est pas mince : la communauté internationale doit s’attacher à consolider la croissance et tirer rapidement et efficacement les leçons de la crise monétaire asiatique ; nous autres européens devons continuer de faire progresser la construction européenne ; et mon gouvernement s’est fixé le but de développer une stratégie économique à moyen terme permettant à la France de renouer avec la croissance et l’emploi. Ce sont ces trois objectifs que je voudrais reprendre successivement.
I. – Un environnement économique mondial très favorable
1. Une croissance bien établie
a) Le rapport du FMI évalue à 4,3 % la croissance mondiale pour 1997 comme 1998. L’année qui vient devrait ainsi être la cinquième année consécutive d’un vigoureux cycle d’expansion et, à en croire le Fonds, la première depuis fort longtemps au cours de laquelle la croissance touchera l’ensemble des grandes régions de l’économie mondiale. Il faut s’en réjouir. J’y vois une illustration de ce que, dans une économie en voie de mondialisation, la croissance n’est pas un jeu à somme nulle, de ce que l’expansion des uns ne se fait pas au détriment des autres.
Les tendances sur lesquelles cette prévision est fondée incitent effectivement à l’optimisme, car la reprise qui se dessine en Europe continentale devrait conduire la région à renouer avec la croissance et à contribuer à la vigueur de l’économie mondiale, tandis que le redressement des pays en transition, qui s’affirme, va permettre à l’Europe tout entière de retrouver confiance dans l’avenir.
De ce point de vue, il faut se féliciter du rééquilibrage intervenu sur les parités des principales monnaies mondiales, désormais largement conformes à la situation conjoncturelle et aux données économiques fondamentales des États-Unis, du Japon et de l’Europe. Nous avons aujourd’hui un intérêt collectif fort à une stabilisation des marchés.
Cette situation satisfaisante n’exclut bien entendu pas la vigilance. Il est en particulier nécessaire qu’après des difficultés plus persistantes que prévu, le Japon confirme son retour à l’expansion. Cela contribuera à établir, entre les pays industrialisés, une configuration de rythmes de croissance qui soit le signe de politiques économiques équilibrées et bien coordonnées. Il convient plus généralement d’éviter des ruptures brutales dans l’équilibre des politiques économiques, afin de préserver les conditions d’une croissance saine et non inflationniste. Le diagnostic du FMI est sur ce point encourageant, puisqu’il nous dit que des réserves de croissance potentielle subsistent dans les pays en développement, mais aussi dans certains pays industrialisés.
b) Les performances des pays en développement doivent être soulignés. Leur croissance, supérieure à + 6 %, montre qu’il n’y a pas de fatalité qui pèse sur qui que ce soit. Pour la France, qui y est de longue date très attachée, cette consolidation et, aussi, la participation à l’expansion de pays ou de régions qui en étaient récemment encore exclus, sont évidemment des phénomènes très positifs. Je note tout particulièrement les résultats très encourageants des pays de la zone franc qui retrouvent une croissance forte. Même si un long chemin parsemé d’embûches reste à parcourir pour réduire l’emprise de la pauvreté, je veux voir dans les progrès de ces dernières années le témoignage de ce que les efforts de la communauté internationale, des gouvernants et, au premier chef, des habitants des pays en développement eux-mêmes, produisent des résultats tangibles.
Mais il nous faut accompagner ce mouvement. C’est dans ce cadre que doit s’inscrire le maintien d’un flux suffisant d’aide publique, l’encouragement de l’investissement privé et les efforts internationaux en faveur d’une amélioration de l’action des États dans le développement. J’ai récemment dit que nous devions, en France, trouver une nouvelle alliance entre l’État et le marché. C’est également vrai pour les pays en développement et en transition, comme l’a souligné la Banque mondiale dans son rapport annuel sur le développement. Cet enjeu est fondamental.
Un traitement adapté de la dette des pays les plus pauvres faits également partie du dispositif de soutien au développement. De ce point de vue, je me félicite de l’accord intervenu sur l’entrée de la Fédération de Russie au sein du Club de Paris. Les créances admises au sein du Club feront l’objet d’une décote et la Russie a indiqué que, comme tous les pays créanciers du Club, elle était disposée aller jusqu’à 80 % d’annulation de dette pour les pays éligibles à la dernière initiative sur la dette.
c) Le climat économique favorable dont nous bénéficions est également le fruit de l’intensification des échanges commerciaux. Ces effets favorables incitent à la poursuite de l’ouverture des marchés, notamment dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce, qui mène actuellement une importante négociation sur les services financiers.
Mais ces efforts seraient vains s’ils n’étaient pas accompagnés d’une action attentive et efficace pour éviter que cette ouverture ait pour conséquence un accroissement critiquable des inégalités ou une réduction de la sécurité de notre système financier.
2. Tirer les leçons de la crise monétaire asiatique.
Nous nous réunissons aujourd’hui dans une région qui vient de subir une succession de chocs monétaires et financiers dont les contrecoups se font encore sentir. Il importe d’en tirer toutes les leçons. L’économie mondialisée est une mécanique fragile, qu’il nous faut collectivement gérer, et réparer lorsque d’aventure un accident se produit. La crise mexicaine a débouché sur des décisions qui ont permis d’adapter le rôle du FMI. Nous devons tirer aussi des enseignements de cette dernière crise.
a) Ses origines sont désormais bien identifiées, notamment en ce qui concerne les déséquilibres extérieurs excessifs, la gestion trop longtemps rigide du taux du change, la dérive des secteurs financiers, l’insuffisance des premières réactions à la dégradation de la situation. Le plan de soutien international a donné les moyens aux autorités thaïlandaises de juguler la crise. Il leur appartient désormais de le mettre en œuvre dans tous ses aspects.
b) Il nous faut aujourd’hui rechercher les votes d’amélioration de notre dispositif :
Comme il y a deux ans au Mexique, le FMI a démontré son aptitude à mettre en place rapidement un plan de soutien. J’ai noté quelques rares critiques de faction du Fonds : elles me semblent injustifiées, ignorent la difficulté de la tâche, et je souhaite que le Comité intérimaire le fasse savoir.
Il est devenu urgent de doter le FMI de moyens à la mesure de sa mission. Ceci passe bien sûr par un renforcement continu de l’information des marchés, de la surveillance du FMI et des disciplines collectives, mais aussi par une augmentation des moyens financiers du FMI. Je me réjouis des progrès qui ont permis de parvenir à un accord général sur une augmentation significative des quotes-parts.
Le FMI doit également être doté des moyens juridiques adaptés à la mondialisation des marchés de capitaux et contribuer ainsi à une libéralisation ordonnée des mouvements de capitaux au bénéfice de tous.
Le Fonds a réussi l’une des missions essentielles que lui avaient confiée ses fondateurs : la libéralisation ordonnée des paiements courants. Il a ainsi contribué au développement du commerce international et, par la, de la croissance mondiale. Cette libéralisation ordonnée s’est fondée sur trois principes qui en ont fait le succès : la liberté en tant que règle générale pratiquée par tous ; l’accompagnement par la communauté internationale de la phase de transition vers cette liberté, qui est indispensable notamment pour les pays en développement ; et enfin le maintien des nécessaires sauvegardes juridiques et financières face aux dérèglements toujours possibles du système monétaire international.
Le développement des échanges internationaux et la croissance mondiale passent aujourd’hui tout autant par les mouvements de capitaux financiers ou les investissements directs que par le commerce. La communauté internationale a tardé à mon sens à s’organiser face à cette évolution. L’objectif doit fondamentalement rester le même : la libéralisation ordonnée. Et les trois principes sur lesquels a reposé le rôle du FMI s’agissant des paiements courants doivent s’appliquer également aux mouvements de capitaux. Ne nous trompons pas d’exercice : il ne s’agit pas de fixer des règles rigides et intransigeantes, qui ne pourraient s’appliquer qu’à une partie des mouvements de capitaux et qu’à une partie des membres du Fonds. Il s’agit d’appliquer avec pragmatisme et flexibilité les principes généraux que je viens d’évoquer à tous les mouvements de capitaux, y compris les investissements directs.
C’est dans cet esprit que nous devons envisager l’extension de la juridiction du FMI aux mouvements de capitaux pour promouvoir leur libéralisation et favoriser la stabilité financière internationale :
– dans l’ensemble des instances internationales concernées, l’impulsion doit rester soutenue pour que les dispositifs prudentiels soient renforces et que les accidents susceptibles d’affecter la stabilité financière internationale soient efficacement traités. La communauté internationale peut conseiller ou aider, mais il incombe aux Gouvernements de prendre les mesures nécessaires à temps ;
– enfin, dans la détermination des politiques de change, il convient de veiller à ce que ces politiques d’ancrage nominal, souvent utiles pour contenir les risques inflationnistes, instituer une crédibilité et attirer les investisseurs étrangers, ne deviennent pas inadaptées en raison d’une dégradation de la compétitivité ou d’une mauvaise allocation des ressources. Je comprends évidemment les pays qui ne se satisfont pas des changes flottants et cherchent à se fixer des repères externes stables. Mais je crois souhaitable que ces politiques d’ancrage du taux de change soient conduites avec pragmatisme, prennent appui sur des politiques macro-économiques cohérentes et s’accompagnent d’une coopération. Celle-ci peut, lorsque l’intégration économique et l’existence d’objectifs communs le justifient, être fondée sur une convergence des politiques économiques. Il importe aussi de bien prendre en compte les interactions entre les économies, dont les marchés sort souvent très conscients.
II. – Renforcer le rôle de l’Europe dans la coopération internationale
J’en viens tout naturellement à vous parler de la construction monétaire européenne. Le projet qui s’est construit autour de l’euro, et dont les racines sont, comme vous le savez, fort anciennes, est en effet tout à la fois à nos yeux un exemple de coopération ambitieuse et une contribution l’organisation des relations économiques et monétaires internationales. Il est, pour nous Français, un élément essentiel de notre choix en faveur d’une économie ouverte, pleinement insérée dans l’économie mondiale et dans le jeu de la concurrence, mais qui s’inscrit aussi dans un ensemble de coopérations dont la plus intense est celle qui nous lie à nos voisins européens.
1. L’UEM se réalisera comme prévu au 1er janvier 1999.
Les perspectives conjoncturelles sont bonnes au sein de l’Union européenne. Nous obtenons là le fruit de nos efforts qui nous permettent d’avoir un environnement économique favorable : faible inflation, finances publiques assainies, taux d’intérêt à long terme modérés. En outre, le cours plus satisfaisant du dollar a contribué à l’amélioration des perspectives économiques. Il me semble réaliste de penser que si ces conditions perdurent, les pays de la future zone euro pourraient connaître ces prochaines années une croissance de l’ordre de 3 % par an.
C’est maintenant certain, l’Union économique et monétaire se réalisera à la date prévue. Il y a quelques jours, a Mondorf (Luxembourg), nous avons envoyé un signal clair de notre détermination en annonçant que la liste des pays et les cours bilatéraux de conversion, qui entreront en vigueur le 1er janvier 1999, seraient connus simultanément au printemps prochain. En outre, ce qui était économiquement et politiquement souhaitable est en train de devenir probable : grâce aux efforts réalisés par les pays européens, l’UEM sera large dès son début.
2. Nous devons veiller au bon fonctionnement de l’UEM.
À Amsterdam en juin dernier, la France a insisté sur le nouvel équilibre à trouver dans la construction européenne. Un Conseil européen extraordinaire, spécifiquement consacré à l’emploi, se tiendra le 21 novembre. C’est un premier pas qui montre la volonté partagée des dirigeants européens de mettre l’emploi au cœur de leurs travaux.
Au-delà, c’est le sujet de la meilleure coordination des politiques économiques qui est posé. Il est évidemment nécessaire qu’un pôle de coordination économique se constitue à côté du pôle monétaire car le dialogue régulier entre ces deux entités est une condition indispensable à la réussite de l’UEM. La France souhaite que tous les articles du Traité soient utilisés afin de renforcer la coopération économique au sein de l’Union. Nous sommes également convaincus que, pour contribuer à cette coopération, les États participant à la monnaie unique doivent se doter d’une structure de concertation (une sorte de « Conseil de l’euro »), informelle, mais visible et légitime. Informelle car il ne s’agit pas de créer une quelconque bureaucratie ni de changer le texte du Traité. Visible car les États de la zone euro doivent se doter des moyens d’être présents, y compris en cas d’urgence, sur la scène internationale. Légitime, afin qu’un dialogue normal puisse se nouer avec la BCE.
Je voudrais dissiper quelques craintes. J’entends parfois dire qu’une coopération entre les membres de l’euro se fera au détriment de ceux de nos partenaires qui ne se seront pas associés à l’euro. Ce n’est évidemment pas le cas. Notre proposition ne vise pas à créer un club ferme, dont les membres rejetteraient ceux qui n’en font pas partie. Simplement, les pays participant à l’euro auront mis en commun un bien essentiel, leur monnaie, et ils devront tirer les conséquences de cette nouvelle, et très particulière forme d’interdépendance. Il faudra qu’ils intensifient leurs échanges d’informations, qu’ils analysent ensemble l’évolution de l’économie européenne et les incidences des politiques nationales, et qu’au-delà de ce que prévoit le Pacte de stabilité qui nous fixe une discipline, et en conformité avec ses dispositions, ils examinant de concert quelle est l’orientation souhaitable de leurs politiques budgétaires.
J’entends aussi des craintes s’exprimer quant aux menaces qu’une telle coordination pourrait présenter pour l’indépendance de la Banque centrale, la BCE. C’est également une erreur d’interprétation. Je crois en effet que la BCE a tout à gagner d’une meilleure coordination des politiques économiques. D’abord parce que l’existence d’un pôle économique manifestera aux yeux de l’opinion et des marchés que la BCE ne porte pas, seule, la responsabilité du destin économique de la zone euro ; on ne peut vouloir à la fois que la banque centrale se consacre en priorité à la stabilité des prix et qu’elle soit la seule institution visible, la seule que l’opinion puisse tenir pour responsable de ce qu’il advient de l’économie de la zone. Ensuite parce que la BCE pourra d’autant mieux remplir son mandat qu’elle aura en face d’elle des ministres des finances qui, eux aussi, prendront leurs responsabilités, et sauront quand il le faut coordonner leur action.
3. L’euro sur la scène internationale.
Le Fonds monétaire a entamé une réflexion sur les incidences externes de l’euro, et je m’en félicite. C’est un début complexe et il n’est pas facile d’imaginer ce que sera le rôle futur de l’euro dans les relations monétaires internationales. Je me limiterai aujourd’hui à trois réflexions :
– l’euro sera, à terme, un élément de stabilité des relations monétaires internationales. Au sein d’une économie mondiale on le poids économique des anciens pays industrialisés ira nécessairement en décroissant, parce que d’autres pays se développeront, l’émergence de cette monnaie traduira la réalité économique, financière et institutionnelle de l’Europe, et contribuera par-là à ce que les relations monétaires soient plus proches des réalités économiques ;
– certains pensent qu’à court terme, la création de l’euro pourrait se traduire par un accroissement de la volatilité des taux de change entre les principales monnaies mondiales ; ce qui me paraît certain, c’est que les détenteurs d’actifs voudront tester cette nouvelle monnaie, et si elle fait ses preuves, ce dont je ne doute pas, ils voudront l’acquérir. La stabilité externe de l’euro pourrait donc ne pas seulement refléter mécaniquement sa stabilité interne, au début du moins, et c’est pourquoi une attention particulière devra être consacrée à ce sujet dans les années qui viennent. Ce sera évidemment un sujet d’intérêt commun avec nos partenaires américains et japonais, et en Europe même, il faudra que le Conseil soit en état d’appliquer les dispositions du traité relatives aux orientations générales de change. Il faut en effet que, par une coopération très étroite, nous continuions d’agir pour éviter des évolutions désordonnées et contribuer à ce que les taux de change reflètent les données économiques fondamentales ;
– la représentation internationale de la zone euro évoluera probablement à moyen terme. C’est une matière délicate, mais je pense qu’il faudra aborder cette question.
III. – Retrouver, en France, le chemin de la croissance et de l’emploi.
Je ne vous exposerai pas en détail la politique économique de mon gouvernement. Je tiens cependant à vous donner quelques éléments de cadrage, ne serait-ce que pour dissiper des malentendus.
Le court terme.
Je suis aujourd’hui très confiant dans la capacité de l’économie française à renouer avec la croissance, et je serais même légèrement plus optimiste que les services du Fonds quant aux perspectives pour 1998. Tout nous indique que, confortées notamment par un environnement monétaire et de change qui est devenu beaucoup plus favorable depuis quelques trimestres, les économies d’Europe continentale retrouvent vigueur. Nous nous sommes quant à nous attacher à conforter cette croissance, notamment par des mesures de redressement budgétaire qui ont clairement manifesté la solidité de notre engagement dans la monnaie unique, tout en préservant la dynamique de la reprise. En rentrant à Paris, je présenterai au Gouvernement et au Parlement le projet de budget pour 1998 qui sera en parfaite cohérence avec stratégie. La maîtrise des dépenses, tant celle de l’État que de la sécurité sociale, nous permettra de ne pas accroître la part des recettes publiques dans le PIB, et d’atteindre l’objectif d’un déficit qui sera strictement limite à 3,0 % du PIB. Et d’ailleurs, je n’ai pas l’intention de m’en tenir à ce chiffre, et je compte bien qu’à partir de 1999, ce 3 % cesse d’être un objectif pour redevenir ce qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être : une borne supérieure.
2. L’emploi et les réformes structurelles.
Vous le savez, mon Gouvernement a mis l’emploi au premier rang de ses objectifs. Il entend obtenir une baisse du chômage, qui atteint en France un niveau inacceptable, et déploiera pour ce faire un ensemble de moyens dont certains sont originaux et d’autres plus classiques. Le Fonds vient de donner son opinion sur notre marché du travail. Je voudrais vous donner la mienne.
L’équation que nous avons à résoudre se résume simplement. J’ai bon espoir que notre croissance atteigne 3 % l’an prochain et se maintienne à ce niveau pendant quelques années. Mais je sais que, même si tel est le cas, le chômage baissera trop lentement et risque d’être, à la fin de ce cycle, à un niveau supérieur à celui qu’il avait atteint à la fin du cycle précédent. Si tel était le cas, cela aurait de graves conséquences sociales. Ce serait aussi une perte économique parce qu’en raison de la dégradation de l’employabilité des chômeurs de longue durée, ce sous-emploi risquerait fort de devenir persistant. En termes plus techniques, un chômage d’origine cyclique finirait par se transformer en chômage structurel.
Mon Gouvernement va donc favoriser la baisse de la durée du travail pour créer des emplois et réduire le chômage. C’est une politique qui, sous des formes spécifiques, a produit des résultats chez certain de nos voisins, et qui, par ses effets sociaux, est certainement préférable aux multiples mesures qui, par un canal ou un autre, ont encouragé des millions d’Européens à se retirer du marché du travail. Nous savons évidemment qu’elle ne peut réussir à créer des emplois que sous un ensemble de conditions strictes qui ne sont pas faciles à remplir. Mais je crois que, bien conduite, c’est-à-dire avec la coopération des entreprises et des salariés, cette politique permettra de créer des emplois.
Évidemment, ni la croissance ni la réduction de la durée du travail ne nous dispenserons de mener des réformes structurelles. Il y a là un chantier auquel les pays européens doivent s’attacher avec persévérance, en veillant à la fois à préserver ce qui fait la spécificité de leur organisation sociale et à moderniser des structures ou des comportements parfois obsolètes. Mon Gouvernement est en particulier soucieux de stimuler l’innovation et la création d’entreprises, car la démographie des entreprises est une variable clef de la créativité et de l’adaptabilité dans le monde actuel. Il sait aussi qu’à mesure des progrès qui seront enregistrés sur le front du chômage, il faudra progresser parallèlement pour encourager le retour à l’emploi, accroître l’adaptabilité de la main-d’œuvre, favoriser l’emploi des personnes peu qualifiées.
L’effort à conduire est considérable, soyez assurés que nous en sommes conscients et que nous n’avons aucune intention de perdre du temps.