Article de M. Jean-Marie Le Pen, président du Front national, dans "Le Monde" du 18 septembre 1991, en réponse à un article dénonçant le populisme d'extrême-droite du Front national dans "Le Monde" du 11 septembre, intitulé "Les raisons du Front".

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Circonstance : Article dans "Le Monde du 11 septembre 1991 intitulé "Contrer Le Pen"

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Trois intellectuels ont signé dans Le Monde du 11 septembre un article intitulé « Contrer Le Pen ». Audace stupéfiante.

Les poncifs habituels de la gauche y sont repris sans l'ombre d'une preuve articulée, mais avec beaucoup de contradictions. Le thème dominant n'est pas très original : la dénonciation du « national-populisme », du « populisme d'extrême droite », etc.

Ces frémissements de narines dégoûtées traduisent en réalité le désarroi d'une gauche qui voit s'effriter, en même temps que ses modèles économiques, le magistère moral abusif dont elle usait depuis des années pour disqualifier ceux (fort rares) qui osaient récuser ses doctrines. Il y a trente ans, quand le peuple votait à gauche, il était porteur de toutes les valeurs d'espoir, d'avenir, de justice, de progrès. Mais voici qu'il vote à droite. La démocratie est en danger : La République chancelle sur ses bases ; ses valeurs sont menacées (lesquelles ? Comment ?). Hier on encensait les valeureuses masses populaires, aujourd'hui on parle avec mépris des « beaufs », des « laissés-pour-compte de la croissance », des « petits Blancs », etc.

Je refuse ce discours. Je suis fier de défendre mes compatriotes, parmi lesquels je ne considère pas qu'il puisse y avoir ni Untermenschen ni Iumpenproletariat.

L'audience populaire du Front National s'explique pourtant aisément : de nombreux Français, même très modestes, ont progressivement compris la perversité économique du socialisme et de l'« Etat-providence ». Ils sont lassés des hypocrisies d'un discours de justice sociale qui a surtout enrichi ses auteurs. Ils sont inquiets des conséquences d'une immigration sur le bien-fondé de laquelle — dans ce qui se veut une grande démocratie ! — ils n'ont jamais été appelés à se prononcer, et qui les transforme peu à peu en étrangers dans leur propre pays. Ils sont scandalisés par la multiplication sans précédent des scandales financiers, et par l'impunité totale des coupables.

Le Front national ne s'est pas contenté, avec beaucoup de courage et de lucidité, d'annoncer l'émergence de ces problèmes des années avant les autres. Il entend aussi y apporter des réponses ; à l'opposé de la caricature que nos intellectuels en ont faite.

— « Racisme », « xénophobie », « nationalisme subversif » ? Non. Défense d'une identité nationale que je laisse M. Emmanuelli qualifier de « mythique ».

— « Anti-parlementarisme » ? Non. Restauration des droits, et aussi des devoirs, des élus de la Nation. Lutte contre l'absentéisme et la concussion. Instauration du contrôle parlementaire sur les finances et l'administration.

— « Rejet du politique » ? Au contraire. Affirmation de la primauté sur les puissances technocratiques, bureautiques, financières ou médiatiques.

— « Corporatisme d'Etat », ultralibéralisme économique façon Pinochet ? (sic). Ni l'un ni l'autre : restauration des libertés économiques contre les excès de la bureaucratie étouffante et du fiscaliste spoliateur.

— « Intégrisme doctrinaire ». Non : reconnaissance évidente que notre civilisation, dans ses aspects bénéfiques, a plus été façonnée par le christianisme que par le bouddhisme ou l'islam. Sans aucun refus d'apprécier les valeurs de telle ou telle autre culture.

— « Militarisme », « césarisme » ? Non. Restitution aux citoyens de leurs droits politiques par toute une série de mécanismes qui, comme le référendum d'initiative populaire, s'inspirent bien plus de la démocratie suisse ou californienne que de Perón ou Mussolini.

En résumé : une politique articulée sur le respect des personnes mais aussi des groupes naturels garantissant leur liberté et leur prospérité : familles, terroirs, entreprises, patries. Des groupes menacés de diverses façons, et dont la disparition laisserait l'individu face à l'Etat-Léviathan, qu'il soit libéral, socialiste, technocratique ou mondialiste (ces termes pouvant au besoin se cumuler).

Le Front national est donc aujourd'hui la force de proposition politique la plus imaginative et la plus cohérente.

Que notre audience croissante inquiète beaucoup les tenants des idéologies vieillissantes du dix-neuvième siècle, cela est bien naturel : leurs situations indûment acquises, intellectuelles, morales et matérielles s'en trouvent menacées. Mais des phantasmes cataclysmiques ne pallieront pas l'indigence de certaines attaques contre le Front national. Les Français y sont d'ailleurs de moins en moins sensibles. Et tout ceci alimente, par réaction, heureusement notre progression.