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Q - Vous venez de rendre visite, dans la Nièvre, à des collégiens de banlieue parisienne auxquels vous avez proposé un séjour d'un an en internat rural. Envisagez-vous de transformer l'expérience en remède contre l'échec au collège ?
Ségolène Royal : J'ai eu cette idée en visitant des établissements scolaires. Je voyais parfois dans la même académie, à quelques kilomètres de distance, d'un côté, des établissements surchargés de quelques 1 200 élèves. De l'autre, au contraire, des collèges gérant la pénurie en se demandant comment éviter les fermetures de classes. Le deuxième élément qui a pesé sur ma décision est la montée de la violence et des incivilités dont s'accommode mal l'acte d'enseigner. Il m'a donc semblé possible de soulager un certain nombre de collèges urbains tout en sauvegardant des établissements ruraux. Et de donner, du même coup, à certains jeunes de meilleures chances de réussir leurs études. Ce modèle expérimental va être proposé à l'ensemble des départements. 15 se portent actuellement candidats. A raison d'un maximum de 10 élèves par collège, l'ensemble des jeunes concernés par l'opération ne dépasserait pas 600.
Q - Comment éviter de transporter un malaise de la ville à la campagne, sans y remédier vraiment ?
Ségolène Royal : En ne mettant pas dans le même collège des élèves venant de la même région et en intégrant peu d'enfants dans chacune des classes ; un seul, voire deux. De plus, il nous est apparu que les collèges d'accueil devaient avoir accès au dossier scolaire de l'élève d'origine, afin de pouvoir connaître son profil. Les jeunes seront ainsi intégrés dans les meilleures conditions. Je tiens à souligner que la réussite de l'opération suppose que les élèves et leurs familles soient volontaires et motivés. Ce sont les familles qui font la demande, les familles d'accueil et l'établissement se mettent ensuite en rapport avec elles.
On ne s'adresse pas systématiquement aux élèves en difficulté, mais ceux qui veulent tirer bénéfice de l'expérience. Au début du siècle, l'internat était une façon de réussir ses études. Pourquoi ne pas renouer avec cette tradition tout en retissant une solidarité villes-campagnes ?
Q - Pourquoi ne pas réformer le collège afin d'obtenir un meilleur fonctionnement partout et pour tous ?
Ségolène Royal : J'y travaille. La mesure la plus lourde que je viens de prendre consiste à diviser par deux la taille des collèges les plus importants. Un collège de 1 200 élèves sera coupé en deux de 600 : c'est un effectif maximum pour garder un établissement à taille humaine. Avec, pour chacun, une équipe de direction. Par ailleurs, des débats entre parents, enseignants et élèves se sont déroulés dans 80 % des collèges. Il s'agit de trouver des solutions pour aider les élèves à mieux réussir. Ces débats sont suivis de rencontres académiques. L'inspection générale, de son côté, s'est livrée à l'évaluation des réformes déjà entreprises, notamment par François Bayrou. Nous avons constaté que certaines mesures aidaient effectivement les élèves, tandis que d'autres accroissaient les inégalités entre établissements. Parmi les mesures bénéfiques, je relève les études dirigées et les parcours pédagogiques diversifiés qui permettent des croisements entre les matières au cours d'un même travail. Il reste à progresser en matière de tutorat, d'aide personnalisée au travail, et d'interdisciplinarité.
Q - Comment trouver un début de solution à l'incivilité ?
Ségolène Royal : D'abord, par la pédagogie de l'exemple. Les jeunes sont sensibles à l'exemple des adultes, le bon comme le mauvais ! Il faut que, dès le plus jeune âge, l'école permette aux enfants d'intégrer les règles sociales, qu'ils y apprennent le respect des autres, et d'abord celui des autres élèves. L'école ne s'est pas encore assez intéressée aux violences entre jeunes à l'intérieur d'un établissement. Pour la première fois, cette année, le diplôme national du brevet va d'ailleurs comporter une épreuve d'éducation civique. Du même coup, les professeurs respecteront sans doute mieux l'horaire d'enseignement de cette matière ! Nous avons aussi créé des « comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté », dans tous les établissements et lancé la Semaine des initiatives citoyennes, qui a beaucoup fait ricaner, mais qui porte aujourd'hui ses fruits avec de très nombreuses et passionnantes réalisations.
L'éducation aux comportements est plus difficile à réaliser, elle concerne tous les cours. Elle commence par les parents. Il ne faudrait pas que les enseignants soient submergés par leur tâche d'éducateurs. La qualité de la vie collégienne passe enfin par l'aménagement des locaux, avec des toilettes accessibles comme des bancs dans la cour. Je m'en préoccupe, et j'ai demandé à un groupe d'architectes de travailler sur le collège des années 2000.