Texte intégral
Q - Nous allons parler du congrès de la CGT qui se tient dimanche. Un congrès au cours duquel vous allez quitter votre poste de secrétaire général. Une question d'actualité : le gouvernement allemand suspend sa décision d'abandonner le nucléaire. Ça vous fait plaisir ? Ça fait plaisir aux militants de La Hague qui avaient beaucoup manifesté ? D'ailleurs ils n'ont pas très bien accueilli D. Cohn-Bendit la semaine dernière.
« Oui, mais il ne faut pas se plaindre quand on a des difficultés qu'on est allé chercher. Ce que je crois surtout, c'est qu'en fait, la décision du gouvernement allemand prouve que des réalités s'imposent à tout le monde à un moment donné. Et qu'en définitive, le développement industriel de l'Allemagne a des besoins en matière de production d'électricité qui impliquent, non seulement qu'on conserve mais qu'on développe la production nucléaire d'électricité qui a apporté la preuve de sa fiabilité et finalement dans un faible, très faible niveau de pollution. »
Q - Vous ne considérez pas que sur La Hague, les militants de la CGT sont allés un peu fort avec Cohn-Bendit ?
« Moi je n'y étais pas et je ne peux pas… Je n'étais pas témoin. Je suis comme tout le monde, j'ai appris les événements après. Ce que je pense profondément, c'est qu'en définitive, il fallait quand même avoir envie de créer les conditions d'incident pour aller provoquer – parce qu'il faut quand même bien employer le mot… »
Q - Mais n'y a-t-il pas parfois des propos un peu xénophobes à son égard ?
« Je n'ai pas le sentiment que c'est ce qui anime les militants de la CGT. »
Q - Alors le congrès : vous quittez la CGT, après…
« Je ne quitte pas la CGT. »
Q - Vous quittez le poste de secrétaire général.
« Voilà. »
Q - Après sept ans, qu'est-ce qui vous a rendu le plus heureux pendant ces sept ans ?
« Ce qui m'a rendu le plus heureux, c'est à la fois d'être parvenu à construire des mouvements sociaux qui ont compté, qui ont marqué; qui ont permis… »
Q - D'avoir mis le feu, un peu, parfois ?
« D'avoir mis le feu ? Non, je n'ai pas le sentiment qu'on ait mis le feu, même si le mouvement, effectivement, de novembre-décembre 1995 a revêtu une certaine ampleur et a été perçu, comme finalement, porteur d'espoir pour des centaines et des centaines de milliers de salariés, hommes ou femmes, dont certains dont a pu dire qu'ils soutenaient le mouvement, qu'ils regrettaient de ne pas pouvoir y participer, qu'ils étaient un peu grévistes par procuration. »
Q - Que regrettez-vous d'avoir fait ou de ne pas avoir fait en tant que secrétaire général ?
« Avant de parler de mes regrets, si tant est que j'en ai, la deuxième chose à laquelle j'attache beaucoup d'importance, c'est : les progrès – même si j'en aurais souhaité plus –, les avancées – même si j'aurais souhaité qu'elles soient encore plus nettes –, en matière d'unité d'action, de rapprochement entre organisations syndicales. Et si, quand je regarde un peu avec le recul, si j'ai un petit regret, c'est que, peut-être, nous ayons mis trop de temps à nous engager dans l'organisation des privés d'emploi, de façon à permettre l'expression d'une catégorie qui est particulièrement malmenée dans cette société. »
Q - Aujourd'hui, y a-t-il une nouvelle stratégie, de nouveaux discours à la CGT ? On a le sentiment que vous êtes un peu moins dans la contestation et peut-être un peu plus dans la volonté, si ce n'est de cogestion mais du moins de signer des accords. On a l'a vu à EDF, même si, sur les 35 heures, vous n'êtes pas toujours d'accord sur tout.
« Je crois. Et, nous en avions déjà discuté au 45e Congrès et nous avions commencé la discussion au 44e Congrès. Depuis déjà pas mal de temps, la CGT perçoit la nécessité d'être dans une démarche plus près des réalités que vivent les salariés, de ce qu'ils expriment, de ce qu'ils ressentent. Et nous avons pu constater que dans de nombreux sondages, une des critiques que les salariés adressaient à la CGT, c'était d'être… »
Q - Contre…
« Voilà, d'apparaître trop dure dans les négociations. Ceci étant, ce souci de construire un syndicalisme beaucoup plus efficace, qui ait en permanence la perspective de conquêtes syndicales – même si les avancées ne sont pas toujours de l'ampleur que nous pouvons souhaiter –, ne peut pas nous conduire, et ne nous conduira pas, à dire oui à n'importe quoi, à signer n'importe quoi. »
Q - Votre successeur est B. Thibault. Vous êtes content de faire émerger une nouvelle génération ?
« Je suis content d'avoir pu participer à créer les conditions pour que la CGT se dote d'une direction rajeunie, d'une direction féminisée, d'une direction renouvelée. C'est ce qui va se passer au prochain congrès. »