Texte intégral
Le Quotidien de Paris : Quel jugement portez-vous sur le nouveau gouvernement que vient de constituer Pierre Bérégovoy ?
Bernard Pons : Ils se retrouvent entre eux. C'est un gouvernement socialo-socialiste qui est chargé d'expédier les affaires courantes, de mettre de l'huile dans les rouages et peut-être aussi de gauchir un peu la politique, de tenter de faire un peu de social ici et là. C'est un gouvernement qui n'aura pas la tâche aisée à l'Assemblée nationale puisque son [mot illisible] s'est encore rétrécie. Et si j'en [mot illisible] par les déclarations des députés du groupe communiste, celui-ci n'est pas décidé à lui faciliter les choses. En fait, je pense que François Mitterrand a mis ce gouvernement en place pour gagner du temps, pour développer un rideau de fumée à l'abri duquel, comme dans les combats navals, il va essayer de manœuvrer.
Le Quotidien de Paris : Le Premier ministre va faire une déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. Qu'en attendez-vous ? Et s'il n'engage pas sa responsabilité, l'opposition déposera-t-elle une motion de censure ?
Bernard Pons : Nous n'attendons rien de ce débat de politique générale. Pierre Bérégovoy ne va pas modifier du jour au lendemain la politique qu'il a conduite pendant des années dans les différents gouvernements des deux présidences de François Mitterrand. Le Premier ministre va nous dire que le gouvernement va s'employer à lutter contre le chômage. Il serait temps, après onze années…
Bien évidemment nous n'attendons pas du chef du gouvernement qu'il demande un vote de confiance. Il n'en a pas les moyens. Alors déposerons-nous une motion de censure ? Je ne le sais pas. Mais je dois dire que je n'en vois pas la nécessité alors que le Président de la République, le gouvernement, le Parti socialiste, viennent d'être censurés par les électeurs.
Le Quotidien de Paris : Certains dans l'opposition plaident pour une dissolution de l'Assemblée nationale. D'aucuns disent même que le Président de la République devrait démissionner ? Quel est votre point de vue ?
Bernard Pons : Je ne suis pas de ceux qui tiennent de tels propos et je suis persuadé que François Mitterrand a tiré les enseignements des élections régionales et cantonales. Il sait que le désaveu des électeurs le vise directement.
Mais je crois qu'il sait aussi que s'il respecte le calendrier électoral il ne pourra pas s'en sortir. Les législatives de 1993 transformeront sa défaite de 1992 en Berezina, quelles que soient les manipulations auxquelles il pourrait se livrer, la modification du mode de scrutin par exemple.
À mon sens, il sait qu'il n'y a qu'une solution pour lui. C'est de se démettre de ses fonctions. Mais pas dans n'importe quelles conditions. Ainsi je pense qu'il pourrait être tenté de partir après avoir consulté le peuple par référendum sur la réforme de la Constitution concernant ce qu'il a appelé l'équilibre des pouvoirs et qui inclut la réduction de la durée du mandat présidentiel. Il annoncerait qu'il appliquerait la réforme lui-même. Le oui aurait de bonnes chances de l'emporter. Ce serait pour lui la solution la moins mauvaise. Ce serait aussi la solution la moins mauvaise pour le parti socialiste, car il vaudrait mieux pour lui être confronté à des élections législatives après une élection présidentielle. Et tel serait bien le cas puisque ce référendum est envisagé pour l'automne.
Rien n'est sûr sans doute. Mais il s'agit d'une éventualité à ne pas écarter. C'est pourquoi l'opposition devrait faire preuve d'une grande vigilance. Il est important dans ces conditions que nous respections plusieurs idées directrices : oublier les querelles superficielles et réaliser l'union ; mettre en œuvre dans les semaines qui viennent la procédure préalable à la désignation d'un candidat commun à la présidence de la République, en cas d'élections anticipées ; ne pas nous laisser abuser par tous les leurres que le pouvoir va essayer de mettre devant nous.
Le Quotidien de Paris : Avant cela, il y aura une autre réforme de la Constitution, celle qui est imposée par les accords de Maastricht. Pensez-vous que sur ce sujet l'opposition parviendra, en dépit des divergences qui se manifestent dans ses rangs, à adopter une attitude commune ?
Bernard Pons : La ratification des accords de Maastricht est une manœuvre de François Mitterrand. Ce qui l'intéresse ce n'est pas la ratification elle-même, c'est de diviser l'opposition. C'est bien pour cela qu'il veut aller vite alors que dans les autres pays on se donne le temps de la réflexion. Il faut donc tout faire pour maintenir l'union de l'opposition. Si l'opposition se laissait diviser c'est qu'elle n'aurait pas vu le fond du problème.