Texte intégral
Q - L. Jospin affirme : il n'y a pas de cabinet noir à Matignon", "aucun de mes collaborateurs, aucun ministre n'était au courant du coup en préparation" vous le croyez ?
« Franchement, tout est extraordinaire dans cette histoire. Si vous me le permettez, si on refait tout ce qu'on dit, depuis quelques semaines : le préfet n'était pas au courant des activités des gendarmes, le ministre de l'Intérieur n'était pas au courant qu'il existait un GPS - un groupement spécial - et le ministre ne savait pas ce. Que faisait le préfet. Quant au Premier ministre, sans doute ne sait-il pas non plus ce que fait le ministre de l'Intérieur ! Moi, je n'ai pas de raison de mettre en doute la parole de M. Jospin en tant qu'homme. Je dis simplement que, tout ceci, pour le moins, témoigne d'une désorganisation et, pourquoi ne pas le dire, d'une certaine formé d'incompétence pour gérer les services de l'Etat dans la région corse et dans un certain nombre de départements particulièrement sensibles, avec le préfet Bonnet ; choisi par le ministre de l'Intérieur et paf le Premier ministre spécialement, qui avait ses entrées à Matignon, qui prenait ses ordres directement du chef du Gouvernement et du ministre de l'Intérieur. Rendez-vous compte que dans notre démocratie, on peut nous expliquer, qu'un an après la création d'une unité spéciale, composée de 75 gendarmes d'élite, le ministre de l'Intérieur vient à RTL pour dire : excusez-moi, je n'ai appris qu'il y a quelques jours la création du GPS. »
Q - Le même ministre de l'Intérieur disait également, hier matin, que le Gouvernement pouvait s'estimer "trahi" au moins par le comportement des gendarmes…
« Non mais ça, on a compris la ligne de défense du Gouvernement : ce n'est pas moi, c'est les autres !"
Q - C'est peut-être vrai ?
- « Mais alors dans ce cas-là ; c'est très préoccupant, parce que c'est eux qui ont choisi et les structures et les hommes. La Corse, ce n'est pas µne région comme les autres. M. Jospin en avait fait le coeur, de la démonstration de sa politique en matière de rétablissement de l'Etat de droit. Il avait choisi lui-même le préfet, les gendarmes, et tous ceux qui devaient développer le rétablissement de l'Etat de droit. Il nous avait même expliqué qu'avant lui, M. Jospin, rien ne s'était fait de bien en Corse. Et voilà aujourd'hui le résultat : des gendarmes, dont on connaît le sens de l'obéissance, qui mettent le feu et qui plastiquent eux-mêmes une paillote ! Un préfet, préfet de région, qui allait régulièrement à Matignon comme place Beauvau, qui était présenté comme le symbole du rétablissement de l'Etat de droit, aujourd'hui en garde à vue prolongée, et le propre avocat de ce préfet – moi, je ne connais pas le dossier, et naturellement que la présomption d'innocence joue pour M. Bonnet comme pour un autre -, M. Kiejman, nous dit qu'il y a des chances pour qu'il soit écroué ! Et voilà que le Premier ministre dit : je ne savais pas, je n'y suis pour rien, je ne suis pas responsable ! »
Q - Hier soir, sur TF1, et hier matin sur RTL, L. Jospin et J.-P. Chevènement ont dit : pas question de démission. Votre avis ?
On avait cru comprendre le contraire, à moment donné, que le RPR réclamait la démission, au moins de J.-P. Chevènement ?
Le RPR réclame une seule chose la vérité. Les Français ont le droit de savoir ; nous savons maintenant… "
Q - Attendez, vous dites que c'est très grave et C. Pasqua dit : ne sera-ce que pour le principe, le Gouvernement doit démissionner.
- "Permettez-moi de donner mon opinion. Nous savons que les gendarmes ont obéi à leur colonel, il y aujourd'hui des éléments très troublants qui justifient la garde à vue du préfet, disant que le colonel a obéi au préfet. Nous voulons maintenant savoir : le préfet, à qui a-t-il obéi ? Et aujourd'hui, cette vérité, on la doit aux Français ! On la doit à tous ceux qui croient dans la République, et on la doit à tous ceux qui sont attachés au rétablissement de l'ordre en Corse."
Q - Le Président de la République, compte tenu du Kosovo, vous a-t-il incité à la modération pour préserver l'union nationale ?
- "Non, absolument pas ; le Président de la République rassemble les Français, conduit avec le succès que l'on sait, la politique européenne et internationale de la France. Le Président de la République, comme vous le savez aussi, ne reçoit pas les candidats têtes de liste aux européennes."
Q - Enfin, il peut leur téléphoner… Itinéris ça existe en France ou SFR, ou…
- "Jusqu'à présent, les communications téléphoniques sont discrètes."
Q - Oui… Enfin, ça dépend des moments.
- "Avez-vous des révélations à faire ?"
Q - Redoutez-vous aussi, dans cette affaire, un déballage gauche-droite ? Car après tout, Mme Guigou, M. Chevènement, ont expliqué que du temps où la droite était au pouvoir, la justice ne pouvait pas opérer aussi facilement qu'elle le fait aujourd'hui ?
La gravité des faits mérite mieux qu'une politisation. Je sais bien ce qu'a dit Mme Guigou : elle a dit, dès le début que c'était une affaire qui concernait trois gendarmes, qu'il ne fallait pas chercher plus haut. Et puis quand ça a concerné le colonel, elle a dit qu'il ne fallait pas chercher plus haut. Il fallait…
Q - Mais de votre temps, vous croyez vraiment - que tout - était clair en Corse ?
-… il ne fallait pas chercher plus haut. Et voilà maintenant que Je préfet est en garde à vue/On nous dit, aussi : " Ne cherchez pas plus haut. " En ce qui concerne ce que nous avions fait en Corse : … à mon information, je n'en sais rien, mais mon information -, jamais on n'a vu de gendarmes plastiquer une paillote ! Jamais I C'est quand· même une différence notable par rapport à ce que nous connaissons depuis quelques Jours."
Q - Le retour à l'Etat de droit, c'est la seule politique à suivre en Corse ?
- "C'est la seule politique à suivre ; elle passe par la fermeté, le rétablissement de l'ordre républicain et le développement économique. C'est une région comme les autres.
Q - Un nouveau préfet va être nommé, ce matin, en Conseil des ministres. Comment lui donner la possibilité d'agir de manière crédible ?
"Mais enfin, ce qui est extraordinaire, c'est ce qui a été fait ! Pourquoi créer une unité d'élite, mise à la disposition d'un préfet : présenté comme élite ? Ce qui est extraordinaire, c'est qu'on n'applique pas, en Corse, les règles normales du fonctionnement de l'Etat."
Q - On a compris, vous critiquez ça. Mais maintenant ? Une situation existe, un nouveau préfet va arriver, là, à Ajaccio. Comment lui donner les moyens d'agir dans la crédibilité
- Par exemple, pour le ministre, pour le Gouvernement, sans la moindre, rodomontade. J'avais été, lors des élections régionales/en Corse. Et j'avais été très frappé du sentiment d'humiliation de tous les Corses qui se sentaient humiliés par les déclarations de M. Chevènement, de M. Jospin, du Gouvernement socialiste, les présentant, tous comme des délinquants en puissance. Moyennant quoi, résultat, beau résultat obtenu : les nationalistes en Corse, aux dernières élections régionales ont doublé leur score, Si c'était le but recherché, il fallait le dire !"
Q - Moins grave que la Corse, il y a aussi, la grève qui s'étend à la SNCF. Certains syndicats sont débordés par leur base qui réclame davantage de possibilités autour des 35 heures. Un commentaire ?
"Là aussi, c'est une question de principe. Je considère que les usagers qui sont des contribuables, ont le droit à la continuité du service public. Et je veux poser, ce matin, très clairement la nécessité d'avoir un service minimum dans les services publics qui permette d'emmener les gens sur leur lieu de travail et de les ramener le soir. Je respecte naturellement le droit de grève qui est un droit imprescriptible. Mais je veux dire, aussi, que les usagers, qui sont des contribuables, qui payent le fonctionnement des services publics, ont le droit à un fonctionnement minimum du service public, y compris les jours de grève."
Q - Quand vous étiez au pouvoir vous ne l'avez pas fait…
Si nous avions fait tout, ce qu'il fallait que nous fassions, sans doute n'aurions-nous pas perdu ! Mais vous ne pouvez pas me reprocher d'essayer d'en tirer des conclusions."
Q - Vous cherchez à allumer une mèche, là, en pleine grève, à dire : service minimum ?
"Est-ce que vous croyez vraiment que c'est si invraisemblable que de réclamer un service minimum pour que les gens puissent aller à leur travail et revenir tranquillement, alors qu'ils payent, par leurs impôts, le fonctionnement des services publics ? Si vous êtes choqué par cette proposition, et je respecte le fait que vous soyez choqué, mais ça n'enlève pas …"
Q - Non, ça va choquer les cheminots !
- ça n'enlève rien à ma détermination. Les cheminots ont le droit de grève, c'est une affaire entendue. Je crois au dialogue social, je crois à la nécessité des syndicats, mais ce n'est pas rendre que de contester un raisonnement de bon sens qui consiste à dire qu'y compris les jours de grève, il doit y avoir un service public minimum. Les gens ont le droit.de circuler d'aller à leur travail, d'avoir leurs enfants qui rentrent chez eux. Quand on paye un service public, quand on interdit la concurrence – car c'est ça, le service public : c'est le monopole du fonctionnement du service, eh bien la contrepartie, de tout cela, c'est que les jours de grève, il y ait un service publié. Je· le dis avec toute la force de mes convictions, je le dis très calmement, je le dis fermement. L'ensemble de l'opposition considère qu'un service public minimum les jours de grève, c'est le minimum que l'on doit aux contribuables usagers !"