Interview de M. Hervé de Charette, délégué général du PPDF, à France 2 le 17 septembre 1997, sur les projets du gouvernement pour l'emploi des jeunes, la réduction de la durée du travail, l'organisation de l'opposition et sur le refus d'une alliance avec le Front national.

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Texte intégral

F. Laborde : Vous avez pris des positions particulières en ce qui concerne le projet de M. Aubry sur l'emploi des jeunes. Dans un premier temps, vous aviez dit que vous pourriez peut-être voter ce projet : vous avez déposé des amendements et puis, finalement, vous préférez vous abstenir. Pourquoi ?

H. de Charette : Je vais le dire ce matin à l'Assemblée nationale. Parce que d'un côté, et nous sommes une bonne vingtaine de députés à avoir cette attitude, marquer l'intérêt que nous portons à la question de l'emploi des jeunes mais d'un autre côté, il faut que le Gouvernement ne reste pas campé sur des positions étatistes et dogmatiques que nous jugeons négatives, finalement, pour l'emploi des jeunes lui-même. Et pour l'instant, je crois que le Gouvernement est encore trop en arrière de la main, le débat va se poursuivre au Sénat et le texte reviendra à l'Assemblée, alors on jugera à la fin

F. Laborde : Mais tel qu'il est, même avec les amendements, vous ne pouvez pas le voter ?

H. de Charette : Je ne veux pas voter contre à ce stade du débat parce que je persiste à penser que tout ce qu'on peut faire pour tendre la main à la jeunesse est important, mais je ne peux pas vote1· pour parce que nous sommes encore loin du compte."

F. Laborde : Vous appréciez favorablement l'évolution des positions du Gouvernement et du Premier ministre en ce qui concerne les 35 heures ?

H. de Charette : Oui, enfin je ne suis pas là pour représenter les intérêts du patronat mais c'est vrai que sur cette affaire de la durée du travail, à la fois c'est important d'aborder ce débat, je suis tout à fait d'accord ; mais en même temps il ne faut pas l'aborder de façon dogmatique, théorique et, surtout, il ne faut pas s'imaginer qu'on peut, par la loi, réduire de façon arbitraire, théorique, générale, la durée du travail, sans que ça ait des conséquences économiques très néfastes - ce que le Premier ministre lui-même vient enfin de reconnaître. Donc un peu de sagesse dans le débat, c'est bien.

F. Laborde : Qu'est-ce qu'il faut ? Des mesures ponctuelles, par secteur, par entreprise ?

H. de Charette : Je crois que plus on donnera à la négociation, meilleur ce sera. D'abord, songez à la situation de ceux qui ont des travaux pénibles dans le bâtiment ; je pense à des femmes qui travaillent dans des abattoirs, dont les conditions de travail sont très dures. Et abaisser la durée du travail, ça peut être à la fois juste socialement et efficace économiquement, pourvu qu'on laisse les partenaires sociaux négocier. Si c'est dans cette voie, le Gouvernement ne trouvera pas, dans l'opposition, une attitude de rejet Mais si c'est pour décider par la loi que tout est réglé, comme ça conduira à des désastres économiques, l'opposition sera très critique.

F. Laborde : D'ici le 10 octobre, tout ça a le temps d’évoluer ?

H. de Charette : On a le temps de participer à ce débat. Il ne faut pas y entrer en disant à l'avance que c'est oui ou non, il faut y entrer avec des convictions et avec une disponibilité

F. Laborde : La fusion RPR-UDF a été un peu le feuilleton de l'été.

H. de Charette : Un feuilleton qui n'a pas passionné les foules.

F. Laborde : Mais qui vous a intéressé à titre personnel ?

H. de Charette : À dire vrai, pas vraiment, parce que je crois que ce qui est en jeu pour l'opposition, ça n'est pas quelle est notre organisation. Est-ce que nous sommes organisés en deux formations ou en plusieurs ? Ce qui compte, c'est : est-ce que nous sommes ensemble ? Et la réponse est oui. Il va y avoir maintenant l'intergroupe à l'Assemblée, il y a déjà un travail commun au Sénat Les formations, au niveau des partis politiques, vont travailler ensemble, nous l'avons déjà fait. Nous sommes différents les uns des autres ; comme on dit maintenant, nous sommes "pluriels." Eh bien oui, nous sommes "pluriels." En même temps, il faut travailler la main dans la main. Tout cela est possible. Ce qui compte, c'est ce que nous proposons aux électeurs, et c'est la façon dont nous saurons réfléchir et tirer toutes les conséquences de la défaite électorale qui a quand même été un événement considérable.

F. Laborde : Mais est-ce que vous croyez que les électeurs s’y retrouvent, aujourd'hui, dans ces formations de l'opposition ? Avec l'UDF qui a elle-même des composantes RPR. Et puis il y a quand même aussi le FN : que faut-il faire avec le FN ?

H. de Charette : Ça, nous verrons. Pour l'instant, la question de l'opposition, c'est : tirer toutes les leçons de la défaite qui a été un événement politique majeur. J'espère que l'histoire politique de notre camp, le camp de l'opposition, ne sera désormais plus la même après 1997 et avant 1997.

F. Laborde : Votre position personnelle sur le FN ?

H. de Charette : je crois que toutes les formations de l'opposition ont déjà dit qu'elles ne pensaient pas qu'il était utile d'engager un dialogue. Je vous rappelle que le FN a comme objectif de nous battre. Et donc, aller tendre la main à celui qui veut votre défaite n'est pas nécessairement la bonne attitude. Mais diaboliser le FN, rejeter 15 % des électeurs dans je ne sais quel enfer n'est certainement pas la bonne solution non plus.

F. Laborde : Donc pas d'alliance ?

H. de Charette : Non.

F. Laborde : Pensez-vous qu'il faut condamner fermement l'occupation de Jérusalem-Est par les colons israéliens ?

H. de Charette : Avec S. Peres, nous nous sommes félicités de ce que nous avions fait en 1996, au moment de la crise libanaise : le comité de surveillance que nous avons constitué, qui est coprésidé par des Français, des Américains et auquel participent les Syriens, les Libanais et les Israéliens. Cette réalisation-là est aujourd'hui la seule chose qui subsiste pour travailler pour la paix. Et nous sommes tombés aussi sur le fait que c'était sans doute le modèle pour l'avenir, c'est-à-dire mettre tout le monde autour de la table, donner à la France et aux Etats-Unis un rôle dirigeant et faire en sorte que ces deux pays travaillent ensemble.

F. Laborde : H. Védrine a bienfait de parler en ces termes de la situation en Israël, de façon un peu dure, en parlant de situation catastrophique ?

H. de Charette : Un peu de sincérité ne fait pas de mal, trop de brutalité nuirait.