Texte intégral
France Info – jeudi 7 février 1999
France Info : En Rhône-Alpes, la candidate de l’UDF, Anne-Marie Comparini a obtenu 19 voix et a annoncé son maintien au second tour ; Charles Millon a recueilli, ce matin, 38 voix ; Jean-Jack Queyranne 60 voix. Autant dire qu’à l’heure qu’il est, l’issue du scrutin à la présidence de la région est toujours aussi incertaine.
Hervé de Charrette : Oui, vous avez raison de dire cela. Mais on peut dire aussi, que M. Millon a eu moins de voix que prévu, et que Mme Comparini, notre candidate – la candidate non seulement UD,F mais de l’opposition toute entière –, a obtenu une voix de plus que prévu. Ce qui montre bien que par conséquent, c’est la voix à suivre. Je voudrais développer deux ou trois idées simples. La première, c’est que j’ai à l’esprit, les habitants de Rhône-Alpes ; c’est la deuxième région de France ; les Lyonnais sont fiers et fiers d’eux-mêmes, et non sans raison, parce qu’ils occupent une grande place dans notre histoire et notre vie d’aujourd’hui. Et je pense que beaucoup pensent que ce désordre qui règne dans la région Rhône-Alpes, c’est humiliant pour eux. Par surcroît, beaucoup de problèmes ne sont pas réglés. Prenez cette affaire de bourses des étudiants, qui est en panne, parce qu’il n’y a pas de majorité au conseil régional. Donc il faut en sortir.
France Info : Ça veut dire qu’il faut fermer la parenthèse Millon ?
Hervé de Charrette : Il faut certainement trouver une autre solution ; et il faut la rechercher en se disant que : quand on est dans ce genre de situation, alors il faut faire preuve d’un peu d’imagination et d’inventivité ; que les critères habituels, les normes traditionnelles des partis politiques, ne répondent plus exactement à cette situation. Il n’y a pas de majorité dans la région, à gauche, et il n’y en a pas à droite. C’est un fait. Et c’est d’ailleurs pour ça qu’on a le désordre que nous connaissons aujourd’hui. C’est le malheur d’un scrutin régional qui est un scrutin immoral ! Que personne n’a réussi à réformer, hélas ! Maintenant il faut en sortir. Et pour cela, je crois que la bonne solution, c’est d’espérer que, autour de la candidature de Mme Comparini, puissent se rassembler des élus régionaux, venant d’un côté, de l’autre, de façon qu’il y ait, enfin, une présidence capable de gérer calmement, sainement, sereinement, le destin de cette grande région. Si je voulais résumer cela, je l’appellerais – cette doctrine, cette idée que nous avons – : la sagesse citoyenne et régionale.
France Info : Ce n’est pas un arc républicain ou un front républicain ?
Hervé de Charrette : Nous ne voulons ni du Front national – et je dis au passage que nous n’allons pas recommencer avec quelqu’un d’autre que M. Millon, les affres que nous avons connus par le passé –, ni je ne sais quel arc républicain ou je ne sais quel front républicain. Nous voulons la sagesse citoyenne et régionale qui se rassemblera, je l’espère, dans les heures qui viennent autour de Mme Comparini. Ceci dit, j’entends dire dans tous les micros que les élus de la région sont soumis à la pression nationale. Nous, à l’UDF, on ne fait pression sur personne. Nous disons ce qui nous semble sage. Nous l’avons dit et répété depuis trois semaines, avec une grande continuité ; nous avons choisi Mme Comparini, qui est une personne raisonnable, solide, expérimentée, et très ouverte dans ses attitudes vis-à-vis des uns et des autres. J’espère que va se former une majorité, dans les heures qui viennent, je le crois.
France Info : On nous dit que M. Jean-Jack Queyranne serait prêt à s’effacer au second tour, à condition, bien sûr, que Mme Comparini refuse les voix du FN – ce qui paraît évident –, mais surtout que la droite dise officiellement, clairement, publiquement qu’elle accepte les voix de gauche.
Hervé de Charrette : Écoutez, ce sont des petites histoires politiciennes locales. Que M. Queyranne fasse des déclarations, c’est bien son droit. M. Millon en fait aussi.
France Info : Mais ça va plus plutôt dans votre sens…
Hervé de Charrette : Oui, mais enfin. Je vous ai dit ce que sont nos lignes. Maintenant Mme Comparini a cette responsabilité entre les mains ; elle est très lourde. Mais aussi, tous les conseillers régionaux de la région Rhône-Alpes ont la responsabilité, autour de Mme Comparini, de trouver une solution de sagesse. Je crois que c’est en train de se faire et je suis optimiste.
France Info : L’attitude du RPR en région Rhône-Alpes a largement évolué ces derniers jours. C’est quoi ? C’est une bonne manière que vous fait Philippe Séguin, dans la perspective des européennes ?
Hervé de Charrette : Vous pouvez le prendre comme ça. Mais on peut le prendre d’une façon différente. Vous savez, au mois de mars 98, il y a eu un accord avait été passé entre les dirigeants de l’UDF et du RPR. J’en n’étais pas à l’époque ; on n’est pas venu me chercher pour cela. Et on a dit – c’était la proposition de M. Séguin – : les régions RPR restent RPR, et les régions UDF restent UDF. Ce qui était bon en mars 98 est bon en janvier 99. C’est une région de sensibilité UDF et il est normal qu’elle continue à être sous la responsabilité de l’UDF. Mais cela dit, je suis très heureux des positions qui ont été prises par le RPR à Paris, par le RPR localement. Ça montre que, voilà la sagesse, citoyenne et régionale en progression.
France Info : Mais vous savez très bien pourquoi je vous dis ça : parce qu’il y a de nombreuses voix à l’UDF, y compris celle de l’ancien président Giscard d’Estaing qui dit : pour les européennes, la tête de liste devrait être quand même, incarnée par un européen convaincu…
Hervé de Charrette : Ce serait tout à fait logique. Sinon, il faut faire une liste autonome. Ce serait tout à fait logique. Ceci dit, je reste persuadé qu’il faut travailler avec l’idée qu’une liste d’union. Ça serait mieux que deux listes séparées. Ce n’est pas tragique parce que, quand on est dans l’opposition, il n’est pas anormal que chacun exprime sa sensibilité. C’est quand on gouverne qu’il faut alors montrer qu’on a fait une coalition solide. Mais quand on est dans l’opposition, on peut être différents les uns des autres. Nous nous opposons, tous, au gouvernement et à la majorité en place, mais nous ne sommes pas faits tous exactement pareils. Donc je ne pense pas que ce serait dramatique qu’il y ait deux listes – une RPR et une liste UDF pour simplifier. Mais je crois que si on peut parvenir à faire une seule liste, ce sera mieux. Mais en effet, à une condition sine qua non : c’est que ce soit sur un choix clairement européen, ce qui implique de la part de nos partenaires des déclarations précises.
France Info : D’autant que, depuis le 1er janvier, il y a une nouvelle tête de liste. C’est Charles Pasqua.
Hervé de Charrette : Oui, alors je crois que cela oblige, aussi, le RPR à clarifier sa position. Car je ne vois pas bien comment on pourrait maintenir M. Pasqua dans les rangs du RPR dans ces conditions.
France Info : Il devrait démissionner ou être démissionné ?
Hervé de Charrette : Enfin, il y a un problème, vous le sentez bien. On ne peut pas imaginer qu’il y ait deux candidats du RPR à l’élection européenne : un officiel et un officieux.
France Info : En tant qu’ancien chef de la diplomatie, vous avez le sentiment que Lionel Jospin a franchi la ligne jaune, hier, dans « Le Monde », quand il a souhaité « que la France s’affirme davantage sur la scène internationale » ?
Hervé de Charrette : Je crois qu’il a franchi la ligne rouge ! La ligne rouge qui sépare la bonne pratique de la cohabitation, d’une violation claire et nette des règles de celle-ci ! Le Premier ministre a développé une thèse qui est très éloignée de la réalité. Il a laissé à penser que, le président de la République n’a plus aucune fonction – d’ailleurs M. Jospin a dit : « il est réduit aux commentaires » –, et que c’est lui, M. le Premier ministre – d’ailleurs présenté dans « Le Monde », avec une photo, on aurait cru qu’il était déjà président de la République –, qui a toutes les responsabilités et toutes les clés du pouvoir. Or, ceci est totalement faux ! Et ne répond, ni de près, ni de loin à la lettre et à l’esprit de la Constitution française, qui a été allègrement violée par le Premier ministre. Je voudrais rappeler que dans la Constitution, et selon nos pratiques, le président de la République est le chef des armées ; il est le chef de l’administration ; il nomme aux emplois civils et militaires ; il est le gardien des institutions, c’est lui qui fixe – quel que soit le Premier ministre, cohabitation ou pas – le cap des grandes orientations supérieures de la Nation. Et enfin, en politique étrangère, il a un pouvoir propre.
France Info : Et quand le président de la République s’exprime sur la sécurité ou l’avenir du système des retraites, comme aujourd’hui, est-ce qu’il n’est pas sur le domaine réservé du chef du gouvernement ?
Hervé de Charrette : Il n’y a pas de domaine réservé du chef du gouvernement. Le président de la République a nommé le Premier ministre. M. Jospin ne doit pas l’oublier. Il a été nommé par le président de la République. Et il a été nommé parce que la majorité était socialiste. Mais il n’en demeure pas moins que c’est le président de la République qui fixe le calendrier et c’est à lui de rappeler les grandes orientations qui lui semblent essentielles, comme gardien de la vie nationale.
Le Figaro, 15 janvier 1999
Le Figaro : Le RPR propose une réunion de travail pour évoquer la constitution d’une liste unique de l’opposition aux européennes. Vous vous y rendrez ?
Hervé de Charrette : Bien sûr. Nous allons commencer par participer à ce groupe de travail. Je suis fort satisfait que le RPR accepte ce que nous demandions depuis des semaines. Nous y parlerons du fond et de la forme, c’est-à-dire de nos convictions européennes et de la stratégie politique de l’opposition.
Le Figaro : C’est donc le retour au calme après une semaine de tempête ?
Hervé de Charrette : On efface tout et on recommence. Mais je tiens seulement à signaler que ceux qui défont l’Alliance ne sont pas ceux qu’on croit.
Le Figaro : Et qui sont les vrais responsables ?
Hervé de Charrette : Ceux qui, depuis huit jours, n’ont cessé de transformer une exception lyonnaise en une généralité politique. Contre toute évidence. On est passé à deux doigts de l’explosion de l’Alliance. À l’UDF, beaucoup de nos amis ont eu l’impression d’un complot ourdi contre nous pour nous marginaliser. Il s’agissait de tirer prétexte d’une situation locale controversée pour en faire un conflit national contre l’UDF.
« Recoudre le tissu déchiré »
Je n’arrive pas à y croire car agir ainsi conduirait ceux qui le feraient à prendre la responsabilité de détruire l’Alliance. Désormais, c’est au RPR de nous rassurer et de nous prouver que telles ne sont pas ses intentions.
Le Figaro : C’est Philippe Séguin qui est particulièrement visé. Il n’est donc pas question pour vous de l’accepter comme tête de liste ?
Hervé de Charrette : Ce qui s’est passé ces derniers jours n’a pas facilité les choses. Faire une liste unique, c’est plus difficile aujourd’hui que la semaine dernière. Beaucoup plus difficile. Nos électeurs, nos militants, nos responsables ont ressenti comme une blessure et une profonde injustice les déclarations des uns et des autres. Il faut désormais recoudre le tissu déchiré.
Le Figaro : D’autres responsables et militants UDF vous reprochent au contraire d’avoir accepté les voix de la gauche pour l’élection de la présidence de la région Rhône-Alpes ?
Hervé de Charrette : Le bureau politique de l’UDF, qui s’est tenu mardi dernier, a montré une grande cohérence autour de la ligne à suivre. L’Alliance est indispensable pour l’opposition. Mais, pour bien fonctionner, elle doit être équilibrée. Qu’on nous accuse de vouloir changer de camp m’a fait mal. Si on devait changer de camp, je ne serais plus là moi non plus. Mais il faut tenir compte de la diversité de notre électorat qui n’est pas uniforme.
Démocratie Info – Lettre de la nouvelle UDF – 26 février 1999
L’évènement de la semaine
En décidant de conduire une liste sous ses propres couleurs, l’UDF confirme la force de son identité et la portée du message qu’elle a toujours défendu depuis sa création.
Malgré les manœuvres d’appareils et les péripéties politiciennes d’un autre temps, l’UDF, autour de François Bayrou, tiendra le cap qu’elle s’est fixé à Bordeaux : représenter les électeurs de l’opposition qui croient au message européen et à la force qu’une Europe communautaire peut apporter à la France dans le monde du XXIe siècle. Sans anathème ni vaine polémique, la démarche de l’UDF incarne la nécessaire pluralité d’expression au sein de l’opposition. Dans ce combat, elle affiche ses convictions avec la volonté de construire une droite républicaine riche de ses sensibilités et respectueuse de sa diversité, avec la certitude qu’il s’agit là de l’élément déterminant de ses victoires futures. À vous, militants de l’UDF, de porter cette espérance d’ici le 13 juin !
La politique agricole commune
Les agriculteurs se sont mobilisés massivement, lundi 22 février à Bruxelles, pour protester contre les projets de réforme de la politique agricole commune (PAC) présentés par la Commission européenne.
La manifestation de lundi était destinée à faire pression sur les ministres de l’agriculture de l’Union européenne, réunis au même moment à Bruxelles pour tenter de trouver un compromis.
La politique agricole commune a été mise en place en 1962. Ses principes sont définis par le traité de Rome : « accroître la productivité de l’agriculture, assurer un niveau de vie équitable à la population agricole, stabiliser les marchés, garantir les approvisionnements, assurer des prix raisonnables aux consommateurs ».
Aujourd’hui, l’agriculture et ses huit millions d’actifs représentent la moitié du budget européen, soit 40,5 milliards d’euros.
À l’horizon 2000, les agriculteurs européens sont confrontés à un double défi international : les négociations au sein de l’OMC (organisation mondiale du commerce) sur le commerce des produits agricoles et l’arrivée prévue de onze pays de l’Est au sein de l’Union européenne qui représente une surface agricole supplémentaire de 60 millions d’hectares (contre 140 millions pour les quinze) et 105 millions d’habitants (contre 170 millions pour les quinze). Dans la perspective de ces évènements, la Commission a préparé un projet de réforme de la PAC dont les objectifs sont au nombre de trois :
– permettre à l’agriculture européenne de participer à l’expansion prévue du marché mondial en rendant les produits agricoles européens plus « compétitifs » par une baisse généralisée des prix de soutien : 20 % pour les céréales, 30 % pour la viande bovine, 15 % pour le lait ;
– réduire le coût, en matière agricole, de l’élargissement de l’Union européenne ;
– préparer les futures négociations de l’OMC en baissant les subventions à l’exportation et en compensant la baisse des prix de soutien par de nouvelles aides directes dont une partie serait directement prise en charge par les enveloppes nationales.
La France, un des tout premiers pays producteurs, exportateur de produits agricoles et agroalimentaires, ne peut souscrire à cette renationalisation de la politique communautaire. François Sauvadet, député de la Côte-d’Or, présent à Bruxelles le lundi 22 février, a réaffirmé que les propositions faites par la Commission étaient, en l’état actuel, inacceptables.