Texte intégral
Ouest-France : 26 mars 1999
Ouest-France
Vous êtes député-maire, vous avez été ministre et président de conseil général. Que représente pour vous cette première année de présidence de Région ?
François Fillon
C’est à la fois différent et proche des autres mandats. Proche parce que les problèmes à régler sont sensiblement les mêmes : la gestion d’une collectivité clairement identifiée qui dit traiter du développement économique, de l’équipement public… Différent parce que la dimension stratégique est évidemment plus grande que dans une commune ou un département.
Ouest-France
La Région est vraiment une collectivité clairement identifiée ?
François Fillon
Le débat sur l’identité régionale est théorique. Cela a été illustré lors du récent congrès des maires de la Région, qui la reconnaissent en tant que telle. Et, contrairement à toute attente, malgré un scrutin inadapté, les dernières élections régionales ont renforcé l’institution. Elles lui ont donné une forte visibilité. Au fur et à mesure qu’on avance dans la mondialisation, on découvre l’intérêt des Régions.
Ouest-France
Avec une majorité unie derrière vous, vous êtes privilégié parmi les présidents de Régions.
François Fillon
Oui, les Pays de la Loire ont une majorité très unie et très efficace. Chaque jour, je mesure son efficacité et son imagination. J’ajouterai que l’opposition fait preuve également d’une grande ouverture d’esprit, à l’exception du PS qui a cherché de mauvaises raisons pour s’opposer au « Contrat 3 500 » d’aide au premier emploi. Notre travail est également très constructif avec les conseils généraux et les villes.
Ouest-France
Cette embellie va-t-elle durer, alors que la droite est divisée à la veille des élections européennes ?
François Fillon
Tout le monde fait la différence entre l’élection des députés européens et les questions régionales. On peut être divisé sur la nature de l’Europe et le rythme à donner à sa construction. Mais nous nous retrouvons tous sur un point : la nécessité de défendre les Pays de la Loire dans cet espace.
Ouest-France
Quelle place ont, selon vous, les Régions dans l’Europe ?
François Fillon
Les Pays de la Loire ont un bureau commun avec la Bretagne à Bruxelles. Nous avons des coopérations originales avec plusieurs régions européennes. Nous avons lancé l’Arc Atlantique. Nous avons donc une volonté de construire l’Europe. Mais je suis aussi très conscient de l’importance de la protection des États. Que se passerait-t-il s’il n’y avait pas un État français pour défendre la politique agricole commune ? Quelle force aurait un émiettement de Régions pour défendre ce dossier ? Encore une fois, plutôt que d’entretenir des débats purement théoriques, nous devons trouver un équilibre entre État et Régions pour exploiter aux mieux toutes les possibilités de l’Europe.
Ouest-France
Que demandez-vous en priorité à cette Europe ?
François Fillon
Je lui demande de reconnaître enfin le caractère périphérique de l’Ouest et donc de soutenir nos infrastructures. Dans le réseau transeuropéen, l’Ouest n’a jamais rien reçu de l’Union européenne. Il est temps qu’elle s’occupe du désenclavement des Régions périphériques. Je lui demande aussi de ne pas uniformiser les territoires. Lors de notre visite au Croisic, les marins-pêcheurs nous ont expliqué que le traitement identique des ressources du Cap Nord à Gibraltar entraînait des aberrations : des pays qui n’ont pas de flotte de pêche s’équipent avec l’aide de l’Union, alors qu’ici nous sommes obligés de détruire des bateaux. L’Europe doit tenir compte des spécificités régionales. Devrait-on interdire le sel de Guérande parce qu’il n’a pas la teneur voulue en chlorure de sodium ?
Ouest-France
Craignez-vous un désengagement des fonds européens dans les Pays de la Loire ?
François Fillon
Le débat n’est pas clos. L’enveloppe serait équivalente pour la France. Le problème est de savoir comment elle sera répartie. Nous n’avons toujours pas été consultés. Il y a un déficit de démocratie de la part du gouvernement français, qui fait sa carte dans son coin. Selon les dernières indications reçues, seuls les départements de la Sarthe et du Maine-et-Loire seraient éligibles aux nouveaux objectifs européens. Mais il y a possibilité d’arbitrages internes pour une répartition sur les autres départements.
Ouest-France
Pour en revenir à la politique nationale, où en est la négociation sur les contrats de plan État-Région ?
François Fillon
L’État a produit un document général sur les priorités. Nous, nous finalisons notre plan stratégique. Certaines déclarations gouvernementales me font craindre pour les infrastructures routières. Alors que nous avons les routes nationales les plus dangereuses d’Europe. Dans la Région, je peux vous citer Angers-Nantes, Angers-Cholet, Alençon-Le Mans. Je ne signerai pas un contrat de plan qui n’intégrerait pas la priorité d’améliorer la sécurité et la fluidité du trafic.
Ouest-France
Quelle place accordez-vous à la coopération interrégionale dans ces contrats ? Est-ce seulement avec le Bretagne ?
François Fillon
Nous avons plus de sujets à débattre avec les Bretons. Mais nous avons également de bons contacts avec la Région Centre et le Poitou-Charentes. Nous n’aurons aucune peine à travailler ensemble. Je souhaite aussi avec la Basse-Normandie, qui est au contact du nord Mayenne et du nord Sarthe.
Ouest-France
Sur quelles priorités asseyez-vous la coopération interrégionale ?
François Fillon
Sur les infrastructures qui sont d’un intérêt commun pour les Régions de l’Ouest : les axes routiers, le port de Nantes-Saint-Nazaire, le futur aéroport de Notre-Dame-des-Landes, le dossier TGV sur lequel nous avançons avec le Bretagne. Mais aussi sur la prospection économique à l’étranger, les nouvelles technologies, les réseaux à haut débit, l’enseignement supérieur et la recherche.
Le Nouvel économiste : 9 avril 1999
Le Nouvel économiste
Après un an à la tête de la Région des Pays de la Loire pouvez-vous dégager les principaux atouts de votre Région ?
François Fillon
Les Pays de la Loire présentent de nombreux atouts, d’abord géographiques puisque à la lisière de la Région Ile-de-France et ouverts sur l’Atlantique. Nous nous efforçons de développer cet avantage par une politique d’infrastructures volontariste. La proximité de Paris par le TGV, la desserte quotidienne des capitales européennes via l’aéroport Nantes-Atlantique, le port de Saint-Nazaire, le maillage routier, font des Pays de la Loire une Région structurée et ouverte.
En matière d’emplois, les Pays de la Loire sont en 1ère position selon une étude récente de l’UNEDIC. C’est le résultat d’un tissu de PME-PMI particulièrement dense et diversifié, singularisé par de grandes entreprises conquérantes, telles l’Aérospatiale, les Chantiers de l’Atlantique, Louis Vuitton, Bénéteau ou encore MPO, premier presseur indépendant de CD du monde. Ce résultat couronne également le dynamisme d’un secteur agricole qui représente encore 8 % de la population active et qui a su concilier l’esprit de modernité et la tradition.
Sur la plan économique nous jouons la carte du partenariat entre les collectivités locales, entreprises et établissements bancaires, destiné à favoriser l’installation et l’aide aux entreprises. Nous concentrons tous nos efforts pour offrir un cadre stimulant à ceux qui s’engagent et prennent des risques.
Enfin, les pôles de formations professionnelle et supérieure de qualité, avec dix écoles d’ingénieurs, des IUT, BTS et Instituts spécialisés, portent le nombre d’étudiant à près de 100 000, soit autant de main-d’œuvre qualifiée pour la richesse de la Région. Tout ceci dans le cadre de vie de qualité où des arguments culturels et touristiques sont indéniables.
Le Nouvel économiste
Quelle part prend la Région dans le renforcement de ce dynamisme ?
François Fillon
Lors de mon accession à la présidence de la Région j’avais indiqué qu’elle était ma conception de l’institution régionale : elle doit être une plate-forme où se prépare l’avenir. Dans cet esprit nous voulons privilégier les voies de la modernité.
Le passage au XXIe siècle n’est pas que symbolique, et notre monde est en train de basculer dans la globalisation des échanges, la construction européenne et la prédominance de l’information. La compétition entre les États, mais aussi entre les Régions, nous place face à un double devoir de compétitivité et de solidarité, et notre politique est centrée sur cette double exigence.
Dans cette perspective, nous portons nos efforts autour d’axes structurants comme ceux de la formation, des technologies de l’information, de la recherche et de l’appui aux entrepreneurs.
Nous avons ainsi créé des outils spécifiques d’aide à l’installation, à l’innovation, à l’exportation ou encore à l’emploi avec le Contrat 3500. Cette initiative régionale, mise en place par la Région en septembre dernier, rencontre un succès croissant, avec plus de 250 contrats signés à ce jour, principalement des CDI. Ce contrat permet à des entrepreneurs qui embauchent, pour des fonctions nouvelles, des personnes sans indemnités, de recevoir une aide régionale de 3500 F par mois pendant un an. Les artisans et exploitants agricoles peuvent également bénéficier de cette aide régionale pour leur premier salarié.
Cette politique régionale est en outre fondée sur une méthode qui m’est chère et qui consiste à associer toutes les énergies, celle des responsables politiques mais aussi des acteurs de la société civile, notamment dans le but de définir un Plan Stratégique pour la région qui fixera les grands axes du développement régional à l’horizon 2010.
C’est ainsi que j’ai également noué des relations étroites avec les cinq Présidents des Conseils Généraux afin d’harmoniser nos politiques et geler nos prélèvements, à travers un pacte de modération fiscale valable pour les trois prochaines années. Dans ce même esprit de collaboration, j’ai réuni le 1er Congrès Régional de Maires, ce qui constitue à ma connaissance une première en France.
Tels sont quelques-uns des éléments de notre politique régionale qui symbolise une stratégie tournée vers l’avenir. Elle résulte d’une volonté commune tendue vers un même objectif : faire des Pays de la Loire un exemple.