Déclaration de M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche, sur la compétitivité de la filière viticole, notamment en Bourgogne, et la promotion des produits vinicoles, Beaune le 16 octobre 1997.

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Circonstance : Inauguration du Centre Interprofessionnel technique des vins de Bourgogne, Beaune le 16 octobre 1997

Texte intégral

Monsieur le Président du bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne,
Monsieur le sénateur, représentant des collectivités locales de Bourgogne,
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs les représentants des professions viticoles,

Vous ne m’en voudrez pas si je vous avoue que c’est la première fois que je viens dans votre région à la rencontre de la filière vinicole de Bourgogne.

Vous m’en voudrez d’autant moins, que je crois savoir que depuis plus de vingt ans que votre interprofession existe je suis le Premier ministre de l’agriculture à venir la visiter. Il fallait sans doute pour cela une occasion exceptionnelle et c’est effectivement le cas aujourd’hui.

Croyez bien que j’en suis heureux car elle me permet de faire connaissance, et même de dialoguer sur des sujets tout à fait concrets et actuels avec les artisans d’une des plus belles régions vinicoles de France. Je ne reste bien sûr pas insensible à l’énumération des crus prestigieux qu’ils ont su faire connaître dans le monde entier.

C’est une des raisons qui m’a donné envie de faire une courte escale en venant vus rejoindre aux hospices de Beaune. Ce que j’y ai découvert, malheureusement de façon trop rapide m’incite pour ne pas dire m’oblige à vous promettre de revenir parmi vous très bientôt.

Installer, à quelques mois de l’an 2000, un centre interprofessionnel technique dans une filière agricole, cela relève à la fois d’un audacieux pari scientifique et technique, d’une forte volonté de mobilisation collective et d’une réelle confiance dans l’avenir de vos produits.

La conjonction de tous ces éléments n’est pas très fréquente dans les filières agricoles d’aujourd’hui : il est donc légitime, Monsieur le Président, que le ministre de l’agriculture vienne vous dire de vivre voix sa satisfaction de voir se concrétiser vos initiatives, et ses encouragements, car c’est un vrai défi que vous vous êtes lancé.

C’est d’abord un pari scientifique et technique

C’est là le centre de votre démarche, et peut être le point le plus important sur lequel je voudrais insister.

Dans aucune filière, l’avenir ne peut s’envisager si les entreprises concernées n’investissent pas dans la recherche.

Ceux qui oublient ce principe, quelle qu’en soit la raison, prennent un risque considérable. Et malheureusement cette tentation est forte, notamment pour des raisons financières, lorsque la conjoncture est difficile.

Vous avez eu la sagesse de vous mobiliser, en créant un outil performant dont les actions techniques sont une garantie pour votre production, pour sa qualité et donc pour son avenir.

Ici 17 salariés dont 11 ingénieurs et œnologues forment une équipe structurée, et je sais que vous la renforcez en période de forte activité.

J’ai vu aussi pendant cette visite l’importance de vos laboratoires et de vos équipements.

J’ai particulièrement relevé, parmi des programmes d’expérimentation très spécifiques, l’importance de ceux relevant de lutte biologique et je vous en félicite.

Il y a là le témoignage de votre préoccupation qui est aussi la mienne, de tout faire pour préserver notre environnement en maintenant notre compétitivité.

Mais je sais aussi que vous vous préoccupez de l’aval de votre filière, et votre réputation en matière de recherche sur la maîtrise de l’élevage en fût est devenue internationale.

Forte capacité de mobilisation ensuite

Avec le CITVB, vous vous êtes dotés d’une très efficace capacité à mettre en synergie les compétences scientifiques les plus diverses, au service des vins de Bourgogne.

Vous avez concrètement intégré l’indispensable notion de réseau, une seule permet d’optimiser les travaux des équipes spécialisées dans la recherche fondamentale et celles chargées de l’expérimentation et de la recherche appliquée.

Vous avez réussi, non seulement à les faire travailler ensemble, mais encore à les mettre au contact permanent de vos techniciens de terrain : c’est pour vous, viticulteurs et négociants, la meilleure garantie d’accès au progrès technique, et c’est pour eux la garantie d’être en symbiose réelle avec la réalité des entreprises et du marché.

Votre centre a donc vocation à être un lieu privilégié d’informations techniques viticoles et œnologiques qui sera, je n’en doute pas, très apprécié des professionnels de votre région.

J’ai noté avec intérêt que vous aviez choisi, de « mutualiser » en quelque sorte les efforts de tous les organismes de recherche et d’expérimentation dans les domaines viticoles et vinicoles, en vous regroupant au sein d’un groupement d’intérêt scientifique et technique, ce qui permet à tous de travailler de façon coordonnée.

Bien entendu je me réjouis que des services publics comme l’INRA, l’université de Bourgogne, l’ENSA de Dijon et les établissements d’enseignement de mon ministère, se soient inscrits dans cette dynamique : j’y vois le symbole d’une complémentarité de l’État et des entreprises, autour d’un projet collectif d’intérêt général.

Il y a là une exemplarité de démarches que je me plais à souligner.

Vous manifestez là une réelle confiance dans l’avenir de vos produits

27 000 hectares en production, sur 4 500 exploitations viticoles représentant 7 500 actifs familiaux et 3 000 salariés permanents, la viticulture bourguignonne est un secteur incontournable de l’économie régionale.

Après l’euphorie des années 1989-1990, les baisses de prix vous ont conduits à engager une politique de stabilisation.

Votre interprofession, Monsieur le Président, a trouvé là un autre rôle important, en développant la politique contractuelle.

Le BIVB a su ainsi, dans le domaine de l’organisation économique, prendre les initiatives qu’attendaient les entreprises viticoles de la région.

C’est par une démarche pragmatique comme celle-là que le schéma interprofessionnel acquiert ses vrais critères de reconnaissance.

Les pouvoirs publics, lorsqu’ils rencontrent ainsi des partenaires motivés, s’efforcent toujours d’apporter leur soutien.

Monsieur le Président, je sais que l’amélioration constante de la qualité des vins est depuis toujours un objectif central des viticulteurs bourguignons.

En installant dans ses murs aujourd’hui le CITVB, je constate que l’interprofession a réussi à rassembler les compétences professionnelles, techniques et scientifiques, mais a su aussi mobilier les financements nécessaires.

L’État, par l’intermédiaire de l’ONIVINS, les collectivités locales (le conseil régional, le conseil général, la ville de Beaune) ont apporté leur concours et leur contribution pour la réussite de ce projet. J’ai vu que même EDF avait souhaité s’associer à votre démarche.

Vous disposez désormais, Monsieur le Président, d’un lieu de rencontre et de débats entre professionnels, entre professionnels et scientifiques, d’un lieu de recherche et d’expérimentation, d’un lieu de transfert d’informations et de conseils pour tous les viticulteurs.

C’est aussi, le cas échéant, et nous le constatons aujourd’hui, le lieu d’un dialogue entre le ministre de l’agriculture et les professionnels.

Je voudrais ici vous donner, Monsieur le Président quelques éléments de réflexion par rapport aux différentes questions que vous venez d’évoquer.

Nous en avons déjà un peu parlé, lors de notre réunion de travail, et j’ai noté votre préoccupation de voir pris en compte la spécificité de votre production et de votre organisation.

La viticulture bourguignonne est une filière structurée.

Cela suppose des contraintes, définies à partir des propositions professionnelles et acceptées par les entreprises : le respect de ces contraintes est la garantie du fonctionnement effectif de votre organisation.

Mais cela ne doit pas faire obstacle à la compétitivité du secteur, notamment lorsqu’il se développe à l’exportation et se trouve confronté directement à la concurrence internationale.

J’y veillerai, mais je vous demande de comprendre et d’expliquer que des règles efficaces et respectées sont un atout, et non un handicap, dans une stratégie de développement.

Ces règles sont préparées et débattues par la profession, d’une part dans le cadre du dispositif des appellations d’origine contrôlée, d’autre part dans le cadre interprofessionnel.

Concernant les AOC, vous savez l’attachement que je prote au bon fonctionnement de l’INAO. J’ai donc décidé de revoir prioritairement le budget de cet établissement pour 1998. Il disposera donc des moyens nécessaires.

Le cadre interprofessionnel, quant à lui, fonctionne de façon satisfaisante aujourd’hui dans le cadre national.

L’opportunité de le faire reconnaître dans un cadre européen sera débattu lorsque s’ouvrira la négociation sur la réforme de l’OCM viticole.

Celle-ci vous est annoncée pour 1998 : nous verrons les propositions qui seront formulées alors, et bien entendu nous en débattrons avec vous.

Il va de soi que ma priorité dans ce débat sera de défendre les spécificités viticoles et les intérêts de la viticulture française.

Il nous faudra donc examiner ensemble comment l’organisation interprofessionnelle peut apporter des garanties supplémentaires, sans pour autant représenter un cadre trop rigide : en tout état de cause, l’originalité de la démarche française concernant nos AOC et notre organisation interprofessionnelle doit être préservée.

Mais vous avez aussi évoqué Monsieur le Président la question de la promotion de vos produits, et, plus largement le soutien des pouvoirs publics à vos démarches.

Je partage votre point de vue sur l’utilité d’un financement public pour la promotion : nous nous efforcerons, comme vous le souhaitez, d’aboutir à la mobilisation de crédits européens pour compléter nos actions collectives.

Cela fait partie des dossiers que je compte ouvrir.

Quant aux autres financements de l’État, je m’efforce, dans le cadre du budget du ministère, et notamment celui de l’ONIVINS, d’obtenir les moyens de soutenir les actions les plus porteuses d’avenir : la recherche et l’expérimentation, en font bien entendu partie.

Monsieur le Président, vous voyez que nous avons bien des sujets à travailler ensemble pour garantir l’avenir de votre secteur.

J’ai eu le temps d’apercevoir à travers cette visite et notre dialogue, le dynamisme et la détermination des entreprises que vous représentez.

C’est là incontestablement l’atout majeur dont nous disposons, avec bien entendu, je ne saurais l’oublier, la qualité exceptionnelle des vins de Bourgogne.

D’autres que moi ont su vanter ces qualités et chaque jour vous faites la démonstration que le monde entier les apprécie. Peut-être (...) vins exportez-vous aussi un peu des traditions et du savoir-vivre bourguignon.

Je suis sûr pour ma part que cela constitue aussi une des raisons de vos succès.