Article de M. Charles Pasqua, tête de liste du Rassemblement pour la France et l'indépendance de l'Europe, dans "Le Monde" du 12 juin 1999, sur ses propositions pour "changer d'Europe" pour aller vers une Europe confédérale reposant sur "la base des souverainetés nationales", intitulé "Un signal pour tout le continent".

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Intervenant(s) : 
  • Charles Pasqua - Tête de liste du Rassemblement pour la France et l'indépendance de l'Europe aux élections européenne

Circonstance : Elections européennes du 13 juin 1999

Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Faire l'Europe est un devoir. Ne pas la faire serait sans doute un crime prémédité contre le genre humain. Cette évidence engendre-t-elle pour autant l'obligation de se contenter de cette Europe-là ? De cette Europe monétariste, fédérale, Atlantiste, ce qui se traduit concrètement par malthusienne, technocratie, américaine ? Je ne le crois pas et tout démontre que les peuples européens éprouvent envers cette construction européenne une méfiance qui va croissant au fur et à mesure que « besoin » d'Europe se fait plus criant. Là n'est pas le moindre des paradoxes européens.

Mais comment changer d'Europe ? Comment agir pour que la construction européenne retrouve le socle qui lui manque, le consentement des peuples européens, démocratiquement exprimé ? J’avoue ma perplexité. Traité après traité, nous installons des organes indépendants auquels nous donnons des pouvoirs que nos états nationaux ont mis des siècles à conquérir : La commission de Bruxelles avec le traité de Rome : la banque centrale de Francfort avec le traité de Maastricht ; la Cour suprême du Luxembourg avec le traité d'Amsterdam.
 
Avec le traité d'Amsterdam, et son protocole sur l'application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, l'ensemble de notre droit constitutionnel va être soumis sans restriction aucune à l'arbitrage de la Cour européenne de justice. Cela veut dire que l'interprétation de notre Constitution et des principes à valeur constitutionnelle, comme la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 où le préambule de la Constitution de 1946, ne sera plus de notre seul ressort. L'ensemble des décisions du Conseil constitutionnel, jusqu'ici susceptibles d’aucun recours, le seront en fait tôt ou tard par l'effet d'une décision de cette Cour suprême. Même s'il fait de la résistance, le Conseil constitutionnel finira, comme la Cour de cassation et le Conseil d'État, par accepter et reconnaître la primauté du droit européen.

Il faut savoir Que c'est l'ensemble de notre système politique qui va avoir s'en remettre définitivement à une autorité juridique indépendante extérieur pour juger de principe aussi fondamentaux, aussi intrinsèque à notre vie nationale, que les libertés publiques, le contrôle des deniers de l'état où les droits de l'homme et du citoyen.

Tous nos principes de gouvernement, tout le fonctionnement des pouvoirs publics et l'ensemble des relations entre les citoyens français et l'État français seront bouleversés. Ses relations, qui fondent notre système politique, se définissent entièrement dans la Constitution, et le juge suprême on était jusqu'ici le juge constitutionnel français. Nous allons donc changer complètement d'ordre juridique, et cela, sans que le peuple français ne le sache ! c'est inadmissible !

La loi, la monnaie la justice, rien de moi. Échappent donc désormais au domaine politique, au champ du suffrage universel et sont souverainement gérées par des experts indépendants. La politique étrangère européenne va être de même concédée, au secrétaire général de l'OTAN, de surcroît.

En Europe, les gouvernants sont ainsi devenus de vrais « roi fainéant » laissant le pouvoir au maire du palais, jusqu'à ce que ceux-ci les supplantent- ce qui ne saurait tarder.

Nous savons cependant ce qu'il conviendrait de faire pour placer l'Europe sur son socle, qui est celui des nations, parce qu'elles sont l'horizon indispensable une démocratie réelle :

- enlever à la commission le pouvoir exécutif pour le donner au Conseil des ministres, sous l'autorité du Conseil européen ;
- faire du Parlement européen et des parlement nationaux les deux chambres législatives de l’Union européennes ;  
- maintenir le droit de veto tel que l'établit le compromis de Luxembourg.

Telle pourrait être l'architecture d'une Europe confédérale. C'est-à-dire d'une pyramide qui reposerait sur la base des souverainetés nationales au lieu d'essayer de tenir sur la pointe d'une technocratie supranationale.

Nous savons ce qu'il conviendrait de faire, mais nous ne savons pas comment faire. La construction européenne s’est placée en « apesanteur » par rapport à l'action politique. L'élection du Parlement européen permet-elle de corriger concrètement le cours de l'Europe ? Ce n'est pas impossible. Je suis persuadé que le fort vote eurosceptique, « souverainiste », qui va s'exprimer en France le 13 juin, sur notre liste et sur d'autres, aura un retentissement dans toute l'Europe et rendra l'espoir à tous ceux qui se désespère des évolutions de l’Union européenne vers le libre échangisme mondiale et l'américanisation des mœurs. L'influence que nous aurons au Parlement de Strasbourg en sortira renforcée.

Voilà pourquoi il m'apparaît essentiel que toutes celles et ceux qui veulent exprimer le même sentiment que nous concentrent leurs voix sur la liste que je conduis avec Philippe de Villiers, car notre score constituera à l'évidence le baromètre de l'opinion française vis-à-vis de l'Europe sans conscience qu'on nous impose.

Il est encore temps de changer l'Europe, de changer l'Europe. Nouvelles négociation s’engage entre les gouvernements européens, une conférence qui aboutira à un nouveau traité avant que l'UE ne s’élargisse. Nous pouvons influer sur cette négociation. La force du courant souverainiste qui va naître le 13 juin autour de notre liste sur un signal dans toute l'Europe.