Déclarations de M. Alain Richard, ministre de la défense, sur la professionnalisation des armées, la suppression du service national, remplacé par un programme d'information et la journée d'appel de préparation à la défense et sur le volontariat civil, à l'Assemblée nationale et au Sénat du 18 septembre au 21 octobre 1997.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Discussion du projet de loi de réforme du service national à l'Assemblée nationale le 18 et le 22 septembre 1997, le 13 et le 21 octobre et au Sénat le 7 et le 16

Texte intégral

Présentation du nouveau projet de loi portant réforme du service national - 18 septembre 1997

Armée de conscription

Prendre position, par la loi, sur les devoirs des citoyens dans la défense de leur pays constitue forcément une étape marquante dans notre vie publique. Le projet de loi que j’ai l’honneur de soumettre à l’Assemblée nationale, même s’il se place dans un processus largement engagé de réforme de nos armées, représente donc un acte politique dont chacun ici apprécie l’importance. Dans notre histoire républicaine, en effet, le choix des formes du service national a toujours été un moment fort de réflexion sur la cohésion de notre nation et sur la signification de l’appartenance de chacun à la communauté ; il a aussi été l’expression de notre attitude envers le reste du monde et de notre volonté de lutter pour les principes qu’incarne la France.

Dans les deux cas ce sont des compétences éminentes de la représentation nationale qui sont mises en jeu et les longues années que j’ai passées dans votre Assemblée me font éprouver un sentiment de responsabilité particulièrement élevé en engageant ce débat avec vous, Mmes et MM. les députés, avec la conviction que ce sentiment est partagé par tous ceux qui vont y participer et le conclure par leur vote.

1798 : loi Jourdan – 1905 (service militaire obligatoire et universel)

Le service national, qu’il s’agit de réformer profondément aujourd’hui, c’est dans notre tradition républicaine, l’appel sous les drapeaux, la nation en armes, illustrée par la levée en masse et la loi Jourdan, de 1798, énonçant : « Tout Français est soldat et se doit à la patrie. » Mais de fait, le service militaire obligatoire et universel que nous connaissons date de 1905. Il s’agissait alors de doter la France d’une armée de masse, capable de défendre le territoire et elle l’a fait.

1965 service national

Depuis lors, le service national a été la manifestation la plus directe, la plus profonde, de la participation de la nation à sa défense. Il a permis aux appelés et aux militaires qui les encadrent d’accomplir des actions militaires et de maintenir une vigilance en temps de paix qui ont garanti pendant un siècle notre indépendance nationale. Dans les dernières décennies, ce service s’est en outre élargi à des formes civiles variées qui apportent à nombre de grands services publics de notre pays et à son rayonnement extérieur un appui humain particulièrement précieux.

Menace militaire directe – armée de masse

Mais nous vivons depuis 1989 un bouleversement stratégique majeur qui remet en cause la justification militaire même de la conscription. En effet, nous ne connaissons plus de menace militaire directe, nos frontières ne sont plus en danger. L’armée de conscription avec sa masse et sa mobilité forcément limitée, c’était une organisation cohérente avec le risque premier d’une confrontation en Europe même, à proximité de notre territoire, avec une alliance alignant des forces conventionnelles importantes. La situation heureusement beaucoup plus pacifique qui prévaut aujourd’hui sur notre continent tourne cette page.

Crises multiformes depuis 1989 (actions de la France pour la paix)

En revanche, au même moment où s’effectuait cette transformation profonde, le développement de conflits régionaux et de dissensions souvent violentes au sein même d’États aux structures fragiles a placé notre pays devant un nouveau défi. Face à ces crises multiformes où se trouvaient mis en jeu des intérêts et plus encore des principes politiques auxquels nous tenons, la France a estimé que sa responsabilité était d’agir pour la consolidation de la paix, pour la mise en échec des agressions, pour l’établissement de relations pacifiques entre des pays voisins ou des communautés que des aspirations antagonistes avaient fait basculer dans la violence.

Et elle a agi : au Liban, au Tchad, au Cambodge, au Rwanda, en Bosnie, au Congo-Brazzaville, en Albanie, pour ne citer que quelques cas marquants, nos forces se sont engagées pour contribuer à des solutions politiques et pour mettre fin à des affrontements tragiques. Ces engagements se sont faits, chaque fois que c’était possible, en coopération avec d’autres pays et sous l’égide d’organisations internationales ; ils représentent donc le contraire d’une politique interventionniste ou d’une attitude dominatrice. Nous pouvons légitimement penser que cette capacité d’agir pour la paix en assumant les risques fait aujourd’hui partie du statut international de la France.

1994 : Livre blanc (six scénarios) – 1996 : professionnalisation des armées

Or l’expérience, dès 1990-1991, nous a montré que notre organisation militaire traditionnelle ne convenait pas à ces missions-là. Il a fallu à chaque fois prélever dans des unités existantes des éléments comportant certes des appelés mais à base de militaires professionnels dont la formation et le niveau d’entraînement répondaient mieux aux exigences du terrain. De même la complexité de nos armes, élément clé de supériorité, et de protection de nos soldats, a contribué à renforcer le rôle des professionnels. La réflexion alors s’est engagée ; elle a été ponctuée par le Livre blanc de 1994, qui a synthétisé nos objectifs de défense, et elle a abouti au choix de début 1996 lors duquel le président de la République a fixé l’objectif de la professionnalisation des armées.

Conscription suspendue

Le lancement de ce projet a constitué un choc, parce qu’il revenait sur près d’un siècle de la conception de la défense et parce qu’il nous plaçait collectivement devant un choix que nous avions eu tendance – comme trop souvent en matière de défense – à poser avec réticences et à renvoyer au futur. Ce choix a déclenché dans le pays et dans la représentation nationale elle-même de multiples réactions et interrogations, mais en profondeur ce choix s’est imposé car les objectifs fondamentaux que j’ai brièvement rappelés pouvaient être partagés par une grande majorité. Ce choix a été compris en profondeur par nos concitoyens, qui avaient déjà perçu par l’expérience, souvent familiale, que la conscription traditionnelle rencontrait de multiples contradictions, avec en particulier une sous-utilisation des appelés dans certains cas et des inégalités réelles devant l’obligation. C’est ce qui a fait que, lors des dernières élections législatives de mai dernier, qui ont donné naissance à cette assemblée, aucune formation politique n’a préconisé le maintien durable de la conscription.

Quel service national ?

Quel pouvait être alors le devenir du service national ? Le supprimer purement et simplement ? C’eut été méconnaître son apport au maintien du lien entre la nation et son armée et la pérennité de l’esprit de défense. Instituer un service civil obligatoire ? Ce choix n’aurait pas permis d’offrir aux jeunes des postes en nombre suffisant pour garantir l’universalité du service national et le respect du principe d’égalité. Juxtaposer la professionnalisation et une conscription de durée réduite donnant à chaque jeune une formation militaire de base ? C’était, malgré les avantages de cohésion nationale d’une telle formule, s’imposer une charge d’organisation fort lourde en vue d’un recours purement éventuel à de très nombreux jeunes dont la formation de défense se périmerait rapidement.

Il nous fallait donc imaginer un nouveau dispositif qui réponde à plusieurs défis : renouveler le lien entre l’armée et la nation malgré la suspension de l’appel sous les drapeaux ; garantir la possibilité d’un rétablissement de l’appel sous les drapeaux si la sécurité du pays venait à l’exiger, assurer une transition harmonieuse et sans à-coup vers l’armée professionnelle.

Avant de vous présenter, Mmes et MM. les députés, l’économie globale de ce projet, je souhaiterais tout d’abord le replacer dans un cadre plus vaste, celui de la professionnalisation des armées, et résumer la démarche qui a présidé à son élaboration.

Armée professionnelle

Le 22 février 1996, le président de la République a annoncé à tous les Français sa décision de professionnaliser l’ensemble de nos forces armées. Comme l’a indiqué le Premier ministre lors de sa déclaration de politique générale devant cette assemblée, le 19 juin 1997, le gouvernement entend mener à son terme et réussir cette réforme, en respectant son calendrier. La professionnalisation est une réforme considérable pour les armées. La loi de programmation militaire 1997-2002 en a fixé les modalités et le rythme, et depuis une année le Ministère de la défense concentre ses efforts pour en assurer le succès.

Effectifs des armées en 2002

L’ensemble des armées, au terme de ce processus de professionnalisation, connaîtra une évolution de structure très importante :
    - comptant 39443 officiers dont 2666 appelés en 1996, elle en aura 34138 – presque 15% de moins –, tous professionnels en 2002 ;
    - les sous-officiers, au nombre de 143495 en 1996 avec parmi eux 6395 appelés, seront 124 089 – environ 15% de moins –, tous professionnels en 2002 ;
    - les militaires du rang, qui étaient 189 287 appelés et 44 552 engagés en 1996, ne seront plus que 92 527 engagés en 2002, auxquels s’adjoindront 11 899 volontaires ;
    - les personnels civils – hors activités industrielles – passeront de 73 747 à 83 023 dans la même période.

Cette réduction massive, puisque le total descend, en chiffres ronds, de plus de 490 000 personnels à 345 000 s’assortit d’une nette élévation du taux d’encadrement puisque les officiers représenteront en 2002 13% des effectifs militaires et les sous-officiers près de 45%. C’est la logique de la professionnalisation.

Effectifs de la gendarmerie nationale en 2002

Ces chiffres ne comprennent pas la gendarmerie, chargée des missions de sécurité intérieure et dont l’évolution suit une logique très différente. Pour sa part, elle passera de 2819 officiers, dont 153 appelés, à 4055 officiers professionnels et de 78 189 sous-officiers, dont 461 appelés, à 75 337 sous-officiers professionnels. Les 11950 gendarmes auxiliaires appelés seront relayés par 16 232 volontaires. Là aussi, on retrouve une augmentation du taux d’encadrement.

Accompagnement de la professionnalisation : restructurations, mesures d’adaptation

Ces transformations de l’édifice humain s’accompagnent d’une vaste restructuration des structures militaires sur le territoire. Vingt et un régiments de l’armée de terre dont cinq en Allemagne ont déjà été dissous ou inclus dans un regroupement, six bâtiments de la marine dont le porte-avions sont désarmés, une base aérienne et un hôpital ont été fermés. De multiples mesures de compensation et d’accompagnement ont été proposées et discutées avec les élus du terrain, avec un souci de bonne organisation et de concertation dont je veux rendre témoignage à mon prédécesseur M. Millon. Il reste encore de multiples mesures d’adaptation de même nature à mettre au point, et il m’incombera de mener ce travail difficile à mon tour dans un esprit de bonne gestion et de totale transparence. Je suis sûr du partenariat vigilant, mais compréhensif, des élus locaux et des parlementaires dont je peux bien ressentir les préoccupations pour partager leur condition depuis vingt ans.

Réorganisation d’un grand service de l’État

Je veux souligner, qu’il est sans précédent, hors les périodes de fin de conflit armé, de mener une telle entreprise de réorganisation d’un grand service de l’État, et que les efforts demandés aux militaires et aux agents civils de la défense sont exceptionnels. Ils y font face avec détermination et avec dévouement, malgré l’instabilité professionnelle et familiale que cela entraîne. Je sais que vous partagez la considération que j’exprime au nom du Gouvernement pour leur sens du devoir au service de la nation, et qu’ensemble nous avons à cœur de fixer un cadre de réforme qui donne toute son efficacité à leur action. J’aurai l’occasion, avant la fin de cette année, lors de l’examen de la loi de finances, de dresser ici même un bilan plus complet de cette première année d’application de la loi de programmation militaire. Je veux vous indiquer que :
    - les recrutements d’engagés sont, dans l’ensemble, satisfaisants. Le nombre de postes d’engagés inscrits dans la loi de finances pour 1997 sera réalisé à la fin de ce mois ;
    - l’adaptation des effectifs de cadres donne également satisfaction, parce que la formule du pécule d’incitation au départ créé par la loi de décembre 1996 donne de bons résultats. Cette mesure nous a permis de réaliser des objectifs, qui, sinon, auraient été hors d’atteinte, à moins de recourir à un dégagement des cadres contraignant ;
    - le comportement des jeunes nés avant le 1er janvier 1979, qui restent soumis jusqu’en 2002 aux obligations actuelles du service national, est tout à fait exemplaire. Ils accomplissent leurs obligations en faisant preuve d’esprit civique remarquable. L’annonce de la disparition du service national à terme dans sa forme actuelle n’a pas eu d’effet négatif sur leur comportement. Les taux de dispense et d’exemption restent stables, et le taux d’insoumission a même régressé. De même l’objection de conscience apparaît, pour l’instant, en diminution. Grâce à cet ensemble de facteurs, la professionnalisation se déroule donc de manière ordonnée et satisfaisante.

Élaboration et principes du projet de loi réformant le service national

Je souhaiterais maintenant vous rappeler brièvement la démarche qui a présidé à l’élaboration du projet de réforme du service national qui en est le corollaire.

Débat national

Dès l’annonce de la professionnalisation des armées, un important débat national s’est organisé pour recueillir les attentes des Français sur l’avenir du service national. Nous avons tous pu y participer comme citoyens ou comme élus, et tous les courants de pensée ont pu s’exprimer.

Projet de loi (Rendez-vous citoyen)

À la suite de ce débat, le précédent gouvernement avait élaboré un projet de loi réformant le service national. Comme vous le savez, l’une des principales innovations de ce projet était la création d’un Rendez-vous citoyen obligatoire, d’une durée de cinq jours, et destiné à l’ensemble des jeunes Français.

Examen et nécessité d’un nouveau débat parlementaire

L’examen de ce texte devant la représentation nationale a fait apparaître qu’une phase supplémentaire d’échanges et de débat était nécessaire. Par ailleurs, sur un sujet de cette importance, il est apparu au gouvernement qu’il devait rouvrir le débat législatif dans la clarté devant l’Assemblée nationale renouvelée.

Dès ma prise fonctions j’ai décidé de poursuivre et d’approfondir ce débat. Cela m’a conduit à rencontrer au mois de juillet l’ensemble des groupes parlementaires des deux assemblées, et de recueillir ainsi les avis et les propositions de chacun.

Nouveau projet de loi réformant le service national

Cette démarche dont je remercie tous les participants était nécessaire pour rassembler toutes les familles d’esprit de notre pays autour d’un projet où puisse se reconnaître l’ensemble de notre communauté nationale. Le projet de loi portant réforme du service national, adopté en conseil des ministres le 20 août, a l’ambition de répondre à cet objectif.

Je ne ferai maintenant qu’en présenter les principes, en prévoyant de justifier plus en détail les diverses propositions en réponse aux intervenants dans la discussion puis lors de l’examen des articles. Il me sera d’autant plus aisé de m’en tenir aux grandes lignes de ce projet que la commission de la défense vous a présenté, dans son rapport, une analyse d’une grande qualité, réalisée à la suite d’un travail approfondi dont je tiens à remercier Paul Quilès et le rapporteur M. Didier Boulaud.

Trois exigences majeures

Les dispositions de ce projet, que je vais à présent vous exposer, visent à satisfaire trois exigences majeures : renouveler le lien entre la nation et son armée ; permettre le rétablissement de l’appel sous les drapeaux si de nouveaux besoins de sécurité l’exigeaient ; organiser la transition vers l’armée professionnelle en assouplissant le régime des reports et des dispenses.

Le projet de loi prévoit la suspension de l’appel sous les drapeaux pour les jeunes nés depuis le 1er janvier 1979, marquant ainsi, à terme, la fin du service national dans sa forme actuelle. Il nous appartient donc, aujourd’hui, de concevoir autrement le lien entre la nation et son armée. Il importe de définir de nouvelles modalités pour que les jeunes restent partie prenante de notre organisation de défense.

Enseignement de défense

Le gouvernement a clairement manifesté son souhait de revitaliser l’enseignement de l’instruction civique et de l’histoire pour que les adolescents soient formés dès leur scolarité aux fondements de notre pacte républicain et aux valeurs fondamentales de notre démocratie. Dans ce cadre, ils seront initiés aux principes de la défense sous la responsabilité du corps enseignant. C’est en effet l’un des rôles qui doit revenir à l’éducation nationale, chaque membre de la représentation nationale devrait en convenir.  Elle remplira ainsi pleinement sa mission de cohésion républicaine, toutes les familles de pensée doivent se rassembler.

Préparation à la défense (journée d’appel de tous les jeunes)

Un appel de préparation à la défense d’une journée s’inscrira dans la continuité de cet enseignement. Les jeunes Français y seront convoqués à partir de la rentrée scolaire 1998 pour les garçons et dès 2001 pour les jeunes filles. Au cours de cette journée, placée sous la responsabilité du Ministère de la défense, les jeunes, convoqués par petits groupes, recevront une information générale sur l’organisation de la défense. Les autorités préfectorales et militaires départementales seront associées à l’organisation de ce dispositif, volontairement souple et marquée par un souci de simplicité et d’efficacité pratique. L’appel de préparation à la défense se tiendra de manière déconcentrée dans des sites militaires, le plus souvent civils au cas où il manquerait un espace adapté à la localisation des jeunes.

La convocation à l’appel de préparation à la défense sera adressée au jeunes Français entre dix-sept et dix-huit ans. Les sessions se tiendront pour la plupart le mercredi ou le samedi, afin de ne pas perturber l’activité scolaire ou professionnelle des jeunes, toujours dans un souci de simplicité et de pragmatisme. L’information sera assurée par des officiers d’active et de réserve servant dans des unités géographiquement proches, et je n’exclus pas que des personnalités de la société civile y soient associées. Seront ainsi présentés les enjeux de la défense, son organisation, ses missions et les moyens, ainsi que les opportunités de participer à une préparation militaire, à une forme de volontariat ou de souscrire un engagement dans la réserve. Le devoir de mémoire sera évoqué, avec la participation du secrétariat d’État aux anciens combattants. Enfin, la journée permettra la détection de l’illettrisme.

Préparation militaire – réserves

Dans le prolongement de l’appel à la préparation à la défense, les jeunes Français auront la possibilité, s’ils le désirent, de participer à des cycles de préparation militaire. Cette démarche volontaire permettra aux jeunes de recevoir une formation militaire élémentaire et de découvrir l’activité quotidienne des armées. Là encore, la mise en présence du personnel militaire d’active dans les unités et du personnel de réserve avec les jeunes participants contribuera à l’établissement de relations de confiance entre la jeunesse et l’armée, ainsi qu’au recrutement de réservistes et de volontaires. Cette préparation militaire, j’y insiste, sera un moyen précieux de rétablir une participation directe des jeunes citoyens à la défense et elle fournira une partie des réserves dont le rôle devient déterminant auprès de l’armée professionnelle. Ce circuit – préparation militaire, réserves – donne une réponse réaliste à la demande, largement exprimée au Parlement, d’une formation militaire de base pour les jeunes en permettant à ceux qui l’aurait choisi d’entretenir régulièrement leurs capacités par le service dans la réserve.

Volontaires du service national (27 000 en 2002 – plan d’emploi des jeunes)

En outre, par une démarche librement consentie, les jeunes pourront également choisir de servir dans les armées et la gendarmerie en qualité de volontaires du service national. Ce volontariat garantira la pérennité des missions publiques assurées aujourd’hui grâce aux moyens humains du service national. Sa mise en œuvre contribuera directement à l’action globale du Gouvernement en faveur de l’emploi des jeunes. La loi de programmation prévoit la création de 27 271 emplois de volontaires d’ici à 2002, dont 16 232 dans la gendarmerie. Ces volontaires seront une composante de l’armée professionnelle au côté des militaires de carrière ou engagés, des réservistes et des civils. Il restait cependant à définir le cadre juridique du volontariat, ce que fait l’article 3 du projet de loi. Ces volontaires, qui seront placés sous statut militaire, contribueront directement à la pérennité du lien entre l’armée et la jeunesse. Ils serviront pendant une période limitée et sans en faire leur métier. Ils constitueront l’un des viviers de la réserve.

Par ailleurs, en complément de ces volontaires dont la création est inscrite dans la loi de programmation militaire, les unités de la sécurité civile, et notamment celle des sapeurs-pompiers, qui sont des unités militaires, pourront également avoir recours au volontariat. Le Gouvernement a clairement fait le choix d’harmoniser le volontariat militaire avec les dispositions qu’il entend mettre en œuvre en faveur de l’emploi des jeunes. Sa durée initiale sera de douze mois, mais il pourra être renouvelé jusqu’à soixante mois. La rémunération compte tenu des avantages matériels accordés aux jeunes volontaires – alimentation, logement et transports – leur permettra de disposer de ressources au moins égales au SMIC net.

Service militaire adapté en outre-mer

Le SMA sera maintenu en faveur de nos concitoyens d’outre-mer. Il sera proposé sous la forme d’un volontariat de douze mois. Il conservera son identité militaire et les jeunes volontaires recevront d’abord une formation civique et moral ; mais celle-ci sera complétée par ce qui fait la spécificité du service militaire adapté et le fort attachement qui portent nos concitoyens d’outre-mer, c’est-à-dire qu’une formation professionnelle adaptée sera dispensée à ces jeunes volontaires pendant leur service, afin de favoriser leur insertion professionnelle ultérieure.

Volontariat civil (coopération internationale et loi ultérieure)

Le projet crée en outre la possibilité d’effectuer un volontariat civil, notamment dans les domaines de la coopération internationale. Le Gouvernement a souhaité énoncer le principe de ce futur volontariat dès le projet actuel, de manière à bien montrer qu’il n’y aurait pas de discontinuité malgré la fin progressive de l’utilisation des jeunes appelés pour la coopération. L’action bénéfique pour le rayonnement de la France, qui est accompli aujourd’hui par les coopérants du service national, sera donc poursuivie. Le principe de leur existence étant posé, leur organisation et leurs statuts seront précisés dans une loi ultérieure. Il n’y a en effet pas urgence, parce que les besoins de ces formes civiles du service national seront couverts pendant quelques années avec la ressource des jeunes en report d’incorporation.

Initiation aux principes de défense dès l’école, appel de préparation à la défense, préparations militaires et volontariat, telles sont donc les étapes de ce « parcours citoyen » destiné à renouveler le lien entre la nation et la jeunesse.

Mais ce n’est pas là le seul objectif du projet de loi. Il est effet de notre devoir de préserver l’avenir et la sécurité de notre pays quelles que soient les évolutions futures du contexte géostratégique. Nous maintenons donc la possibilité de recourir à un recrutement plus massif pour le cas où de nouveaux besoins de sécurité l’exigeraient.

Recensement à seize ans

Tel est le but de l’obligation de recensement, assortie de sanctions modérées, ainsi d’ailleurs que de l’appel de préparation à la défense. Le recensement interviendra dès l’âge de seize ans, au lieu de dix-sept actuellement. Il sera étendu aux jeunes filles à partir de l’an 2000 – à moins que nous choisissions une date plus proche lors de la discussion des articles – et acquerra ainsi un caractère véritablement universel. Il constituera la deuxième étape des obligations civiques, après l’instruction civique et avant l’appel de préparation à la défense. Les données relatives à chaque jeune seront actualisées et suivies par la Direction du service national jusqu’à ce que le jeune atteigne l’âge de vingt-cinq ans. La convocation à l’appel de préparation à la défense permettra de les valider. Ainsi sera efficacement préservée une capacité de remontée en puissance rapide des effectifs s’il y avait rétablissement et si le législateur décidait de rétablir l’appel.

L’obligation de recensement et celle de participer à l’appel de préparation à la défense seront assorties de sanctions administratives modérées. Le certificat de satisfaction à ces obligations sera exigé pour s’inscrire aux examens et concours soumis au contrôle de l’autorité publique, les jeunes ayant la possibilité de régulariser à tout moment leur situation.

Renouvellement du lien armée-nation, préservation de notre sécurité quelle que soit l’évolution du contexte géostratégique, tels sont les deux premiers objectifs de cette réforme.

Le projet de loi organise enfin la transition vers l’armée professionnelle en simplifiant le système des reports d’incorporation et en assouplissant le régime des dispenses.

Nouveau régime des conditions de dispenses et du système des reports d’incorporation

Pour cet aspect du projet, les dispositions largement débattues lors de l’examen du projet du Gouvernement précédent ont été reprises. Je tiens toutefois à insister sur un point fondamental : la cohérence que nous devons rechercher pour assurer la crédibilité et le bon déroulement de l’appel sous les drapeaux des jeunes nés avant le 1er janvier 1979. En effet, comme je vous l’ai indiqué, ces jeunes continueront à effectuer leur service comme les garçons de leur âge qui n’ont pas bénéficié de reports d’incorporation. Outre que cela répond à un souci de justice que nous partageons tous, c’est un élément nécessaire de la stabilité de nos armées pendant la transition complexe dont je vous ai dressé le tableau tout à l’heure.

Nous savons que cet élément de notre discussion impose de concilier des préoccupations en partie contradictoires. La matière est rendue plus délicate encore par le changement que crée, dans l’esprit de tous, la fin annoncée du service national.

Nous allons donc débattre avec beaucoup d’attention sur cette question des reports en recherchant des aménagements favorables à la bonne insertion professionnelle des jeunes tout en assurant une crédibilité sans faille qui recueille l’adhésion de tous à notre outil de défense et en retenant des solutions dont nous puissions justifier l’équité vis-à-vis de tous les intéressés ; ce qui, reconnaissons-le n’a pas toujours été la caractéristique la plus assurée de l’application de la conscription ces dernières années. J’ai confiance dans le sens de l’intérêt général qui inspire tous les participants à notre débat pour que nous trouvions un point d’équilibre satisfaisant.

Code de justice militaire (modification)

Enfin, par l’article 7 du projet, le Gouvernement demande au Parlement une habilitation pour modifier par voie d’ordonnance de l’article 38 de la Constitution le code de justice militaire pour y introduire les dispositions du nouveau code de procédure pénale qui ont été profondément réformées par la loi du 4 janvier 1993.

L’article 229 de cette loi avait prévu qu’une loi ultérieure, devant initialement intervenir avant le 1er janvier 1995, introduirait ces dispositions dans le code de justice militaire. Cette date a été reportée à deux reprises, car nous savons qu’il est difficile de faire tenir tous les souhaits du législateur dans le calendrier législatif.

Il me semble aujourd’hui indispensable de régler enfin cette question. Il se n’agit non pas d’autoriser le Gouvernement à édicter des dispositions nouvelles dans un domaine sensible pour les libertés publiques, mais de transposer par ordonnance les dispositions d’un texte connu et favorable aux droits de la défense.

Pour illustrer mon propos, je citerai quelques-unes des dispositions en cause :
    - instauration d’un droit d’appel des jugements rendus en matière contraventionnelle et délictuelle qui n’existait pas avant ;
    - conditions plus souples de la garde à vue avec notamment une information du prévenu de son droit de faire prévenir sans délai un membre de la famille, d’être examiné par un médecin et de s’entretenir avec un avocat dès la vingtième heure ;
    - il s’agit donc bien d’une progression de l’État de droit, et chacun peut admettre que les militaires ne peuvent plus rester la seule catégorie de Français à ne pas bénéficier d’une protection juridique aujourd’hui unanimement saluée. Telles sont les principales dispositions du projet de loi portant réforme du service national.


Déclaration du ministre de la Défense sur la question préalable à la discussion du nouveau projet de loi

Question préalable (projet d’un texte de loi de cohésion nationale)

M. le Président, Mmes, MM., le fait que la question préalable ait été opposée est pour moi une mauvaise nouvelle. J’ai fait ce que j’ai pu. Je continuerai à faire ce que je pourrai d’ici à mardi pour que ce texte soit compris, soutenu et appliqué solidairement par l’ensemble de la représentation nationale. Je n’aurai donc pas, à propos des arguments qui ont été employés et dont certains peuvent paraître comme contradictoires, une attitude de combat que le groupe du RPR s’est senti tenu d’adopter dans une telle circonstance politique. C’est un choix. Nous allons vivre avec. Je ne l’alimenterai en rien.

Je considère qu’il est de la mission de tout gouvernement, sur un sujet de cette nature, de s’efforcer de présenter un texte de cohésion nationale. Vous ne pensez pas, M. Galy-Dejean, pouvoir y contribuer, par votre vote en tout cas, dès maintenant, je le regrette. Je ferai de mon mieux pour que cette position évolue. Je n’argumenterai pas sur le fond pour l’instant.

Nouveau projet de loi sur le service national

Je ferai simplement observer, en réponse à une objection de méthode législative de M. Galy-Dejean, qu’il existait de sérieux inconvénients. À partir du moment où le nouveau gouvernement, émanation d’une nouvelle majorité, ce qui est logique en démocratie, reprenait les principes de ce texte et souhaitait en modifier les modalités, il était conforme à la clarté politique, dans un souci de tolérance et de dialogue, sans que quiconque soit conduit à se renier, qu’un nouveau projet de loi soit déposé. Puisque, selon notre constitution, un projet de loi devait être déposé, il n’est, me semble-t-il, pas critiquable que ce gouvernement dépose le sien plutôt que de reprendre celui du gouvernement précédent. C’est tout ce que vous pouvez nous reprocher ; reconnaissez que c’est peu. Rappelez-vous que le « Journal officiel » dure longtemps. Sur un tel sujet, je souhaite à chacun de pouvoir être moralement satisfait de ce qu’il aura dit s’il relit son intervention dans dix, vingt ou trente ans, comme cela arrive parfois !

Discussion d’urgence

Toujours sur la méthode, vous nous reprochez d’avoir déposé ce texte à la hâte. Vous avez apporté vous-même la réponse, M. Galy-Dejean : nous étions, depuis le 1er février de cette année, dans une situation d’écart législatif – je veille, une fois de plus, à mesurer mes propos –, car l’équipe gouvernementale qui nous a précédés, dont je comprends la logique, avait souhaité appliquer l’arrêt du service national avant d’avoir obtenu l’assentiment de la représentation nationale pour le mettre en droit. C’était une position délicate. Il peut arriver à tout gouvernement de prendre des mesures d’anticipation de ce type, mais il n’est dès lors pas très cohérent, si on est responsable, de reprocher à l’équipe gouvernementale suivante d’essayer de faire du mieux possible la soudure.

Volontariat rémunéré

Enfin – dernière observation sur la méthode ; je parlerai du fond quand nous discuterons des articles avec votre pleine participation – vous dites qu’il aurait fallu placer le volontariat sur un plan de gratuité. C’est une vraie question de fond. Vous pouvez toujours dire que le volontariat n’a plus de réalité dès lors que les gens sont payés, mais je ne suis pas sûr que vous soyez prêts à tirer les conséquences d’une telle affirmation de principe. En effet, dans toute votre vision de la société, vous admettez que beaucoup de gens soient payés pour beaucoup de choses. En tout cas, reconnaissez que le principe du volontariat figurait dans la loi de programmation militaire présentée par le gouvernement que vous souteniez et que vous avez votée. Or ces volontaires, certes à un niveau beaucoup plus bas et critiqué par les parlementaires, étaient rémunérés.

Question préalable (nécessité d’un dialogue)

Essayons de débattre et de nous écouter de façon dépassionnée. Il me semble donc qu’une telle modification ne justifie pas une question préalable tendant à décider qu’il n’y a pas lieu à délibérer.

En moins de vingt ans, j’ai vécu cinq alternances, comme mes deux prédécesseurs, au ministère, Charles Millon et François Léotard, ici présent, qui ont été élus la même année que moi. Or retomber sur ses pieds quand on passe, surtout un peu brutalement, de la majorité à l’opposition est une difficulté pour tout le monde, que je ne veux pas traiter de façon narquoise ; c’est un des aléas de la démocratie. Néanmoins, quand je vous ai entendu dire que déposer un texte maintenant était une erreur, j’ai cru percevoir que vous visiez une autre erreur qui nous a placés dans cette situation !

En tout cas, je suis décidé à prêter aux parlementaires de l’opposition la plus grande écoute dans la plus grande volonté de rapprochement. Certains d’entre eux pourront peut-être faire quelques pas, notamment à l’occasion de la discussion des articles. J’espère que le dialogue avec les deux assemblées nous permettra de nous rapprocher.

Je souhaite que cette question préalable ne soit pas adoptée, comme – je le pense – ses auteurs. Je souhaite que nous puissions poursuivre le dialogue législatif et que ce texte, non pas le lendemain de son adoption – il y aura forcément des amertumes –, mais quelques mois ou quelques années après, soit ressenti – ce fut le cas pour des projets que nous avons combattus tous – comme un texte dont nous approuvons tous le fond. Je ferai tout pour cela.


Réponses du ministre de la Défense aux intervenants dans la discussion du projet de loi

J’hésite un peu quant à la meilleure méthode pour répondre aux différentes interventions qui ont abordé énormément de sujets. Je ne souhaite pas, comme sans doute l’Assemblée, trop retarder l’ouverture de la discussion des articles, à supposer que la motion de renvoi en commission de l’UDF ne soit pas votée. Je me bornerai donc à répondre sur certains thèmes revenus fréquemment dans les interventions, me réservant de donner des indications plus précises, plus ponctuelles lors de la discussion des articles.

Armée/éducation nationale

M. Teissier a exprimé une opinion qui m’a paru très négative sur le rôle que pouvait avoir l’éducation nationale. Comme le président Quilès l’a fait observer, il ne peut pas y avoir, dans une Assemblée, en France, à notre époque, une partie qui ferait confiance aux militaires et une autre qui ferait confiance aux enseignants. C’est une déformation de notre société et du rôle des serviteurs de l’État, qui est un, qui doit nous rassembler tous. Je suis convaincu que M. Teissier, lui aussi, après cet instant propre aux débuts d’une législature, conviendra de cette vérité simple.

Volontariat rémunéré

Deux articles nous permettront, par un débat en profondeur, de préciser ce que nous entendons par « volontaire ». La fonction de volontaire, dans notre conception, ne consiste pas à donner aux gens un sous-emploi. Cette supposition est d’autant plus discutable que l’ancienne formule du projet de loi antérieur prêtait précisément à débat dans la mesure où, comme l’a indiqué M. Galy-Dejean, il était indiqué que ces volontaires soient non plus rémunérés mais indemnisés. Il y avait là, me semble-t-il une ambiguïté.

Défense européenne (politique active française)

M. Georges Sarre a placé le débat sur un plan beaucoup plus stratégique. Il me donne l’occasion de souligner que la réforme que nous entreprenons aujourd’hui nous permet d’aborder le problème des relations de défense entre la France et ses partenaires européens d’une manière équilibrée. Je me suis, depuis ma prise de fonctions, efforcé d’assurer une information très transparente vis-à-vis des collègues des gouvernements européens sur les intentions de la France en la matière :
    - ce que nous avons fait, en Bosnie, par exemple, nous a confortés dans le sentiment qu’il fallait avoir un dispositif militaire adapté à des situations, à des conflits difficiles qui peuvent se prolonger et qui supposent donc un renouvellement fréquent des militaires sur le terrain ;
    - par exemple, ce que nous avons fait en Albanie a démontré que plusieurs forces européennes, à condition qu’il y ait un accord réel, une convergence de volontés sur les objectifs politiques d’une action, permettaient de surmonter une crise locale en Europe par la prise de responsabilité des Européens ;
    - avons-nous la capacité de convaincre dans les tout prochains mois, dans les toutes prochaines années, l’ensemble de nos partenaires de l’Union européenne, que peut se concevoir une défense européenne totalement distincte de l’Alliance atlantique ? C’est un sujet sur lequel nous réfléchissons tous, nous devons garder notre mobilité, notre capacité d’initiative et d’interrogation et sur lequel nous devons aussi savoir éviter cette tentation française, en tout cas fortement ressentie par nos interlocuteurs, d’estimer avoir raison contre tout le monde. Nous devons, me semble-t-il, rester en position active sur ce débat européen. Il est vrai que le terme que vous avez relevé dans la déclaration franco-allemande de l’année dernière ne correspondait pas tout à fait à la position française réelle.

Veille stratégique (sur la prolifération, la criminalité organisée) – rôle de l’éducation nationale et des réserves

Vous avez raison, M. Georges Sarre, de souligner la fragilité de l’affirmation selon laquelle la conscription serait suspendue et non supprimée – il faut s’en réjouir normalement – parce que nous n’entrevoyons pas aujourd’hui de situation stratégique, matérielle qui permettrait de décrire exactement ce qui justifierait un retour à la conscription.

Cela dit, le paysage géopolitique mondial nous a déjà réservé des surprises au cours des vingt ou trente dernières années ; il nous en réservera d’autres. Lors de ma première audition devant la commission, il y a maintenant trois mois, j’avais précisé que ce n’est pas parce que nous tirons aujourd’hui avec un peu de décalage dans le temps les conséquences d’un changement géostratégique qui s’est produit voilà huit ans maintenant, que nous considérons que plus rien ne bouge.

Il est clair que les changements dans les rapports de force, ne serait-ce qu’économiques, à la surface du globe, la persistance d’un phénomène préoccupant de prolifération, et toute une série d’autres données, des facteurs d’insécurité qui ne relèvent pas d’une puissance publique mais, par exemple, d’antagonismes entre communautés ou d’une criminalité organisée, justifient que nous adoptions une posture de veille stratégique et que nous ne nous interdisions pas de revoir notre conception de défense, peut-être plus tôt que nous l’aurions imaginé.

Je relève en tout cas, si je me réfère à la problématique que met en avant votre mouvement, que la reconnaissance d’une mission éminente dévolue à l’éducation nationale et la définition d’un rôle nettement plus actif et crédible pour les réserves rencontrent votre assentiment ; je ne peux que m’en réjouir.

Gendarmerie nationale (volontaires – surveillance de points sensibles, augmentation des effectifs)

Nicole Bricq a souligné à quel point l’évolution à laquelle nous procédons aujourd’hui correspondait bien à un mouvement historique qui s’imposait à nous. Elle a aussi souligné, et ce point est revenu dans d’autres interventions, le bénéfice que la réforme pouvait apporter à la gendarmerie avec le développement d’une nouvelle fonction de volontaires. M. Myard, entre autres, a présenté lui aussi des observations pertinentes sur ce sujet. L’augmentation des effectifs de la gendarmerie telle qu’envisagée dans la loi de programmation, je veux le rappeler, ne répondait pas initialement à un impératif de sécurité publique. En d’autres termes, il ne s’agissait pas d’augmenter le potentiel de patrouilles ou de pelotons d’intervention quotidiens de la gendarmerie, mais, comme le sous-entendait M. Myard, de remplacer une partie des unités de l’armée, notamment de terre, stationnées un peu partout en France pour surveiller les éléments sensibles.

Ainsi, la gendarmerie nationale, en solde d’effectifs avant comme après la réforme des armées, voit ceux-ci augmenter : c’est la seule armée dans ce cas. Cet accroissement passera en particulier, outre la création d’emplois civils, par l’augmentation du nombre de volontaires par rapport au nombre d’appelés. Pour aller dans le sens de ce que disait Mme Bricq, cette augmentation est plus que proportionnelle : ce ne sont pas simplement 16000 personnes qui en remplaceront 12 000, mais ces jeunes, dans les schémas de gestion que nous envisageons, agiront un an et demi, deux, voire trois ans dans la gendarmerie.

Sur le papier, la situation de volontaires peut durer cinq ans ; mais on peut s’attendre à ce que, dès lors qu’un jeune volontaire aura pris ses marques dans la gendarmerie, qu’il sera satisfait du travail qu’il y fait, ses gradés, tout naturellement, lui conseilleront de s’engager et d’entrer dans la carrière. On peut donc penser qu’un volontaire n’accomplira généralement pas cinq ans. En parvenant à un temps de volontariat moyen de deux à trois ans, nous obtiendrons déjà un niveau, en termes d’utilité et de capacité d’intervention du jeune volontaire gendarme, nettement supérieur à celui de l’actuel jeune gendarme auxiliaire, du fait de l’acquisition d’expérience. Du reste, mes services ont l’intention d’augmenter le temps de formation du gendarme volontaire par rapport à celui du gendarme auxiliaire.

Ainsi, l’arrivée de ces jeunes volontaires nous apportera un gain potentiel de sécurité important ; je rappelle en outre, car ce sujet préoccupe nombre de parlementaires et d’élus de terrain, que l’arrivée de ces ressources humaines supplémentaires étalée sur les cinq ans permettra à la gendarmerie une marge de redéploiement, une meilleure localisation de ses effectifs sans pour autant pénaliser les brigades à plus faible activité.

Stratégie (réflexion et rythme de la réforme)

M. Lellouche a retracé sa vision de l’évolution stratégique et des choix de défense de notre pays. Il est sans doute un point sur lequel je peux partager son appréciation malgré l’effort qu’il a fait pour se comporter en vrai opposant : sur des sujets tels que ceux-là, le temps de la réflexion et celui de l’indécision sont parfois difficiles à discerner… Quoi qu’il en soit, nous prenons nos responsabilités. On peut admettre que la France, au fil des étapes politiques successives, a peut-être pris trop de temps avant d’opter pour la professionnalisation et en tirer des conséquences ; en revanche, on peut difficilement critiquer, comme on l’a fait, le Gouvernement d’avoir agi dans la précipitation pour déposer son projet de loi.

Rendez-vous citoyen/éducation nationale (enseignement de défense en groupes homogènes)

M. Lellouche s’est appesanti – mais nous reviendrons sur ce point au cours de la discussion des articles – sur les avantages du Rendez-vous citoyen. Effectivement, une des clés du débat est là. Qui croit, qui ne croit pas qu’un effort supplémentaire demandé à l’éducation nationale pour familiariser les jeunes avec les impératifs de la défense équivaut à deux ou trois des journées du Rendez-vous citoyen ? Pour notre part, nous le croyons, nous pensons même que ce système est meilleur : en effet, l’éducation nationale est organisée pour former les jeunes – c’est un métier – et les jeunes s’y trouvent, par définition, placés en groupes d’apprentissage relativement homogènes et opérationnels. À l’inverse, le Rendez-vous citoyen présentait un risque en tentant d’aménager un système de formation avec des groupes de rencontre, très hétérogènes.

Le débat est là. Il ne faut pas le durcir, encore moins le rendre théologique. Il est un point sur lequel je rejoins totalement l’appellation rétrospective de M. Lellouche : ce débat aura en fait traversé chacune des formations politiques. Certes, il est des devoirs d’opposants et nous y souscrivons chacun notre tour – certains un peu plus souvent que d’autres, mais c’est le sort des urnes… Mais n’allons pas pour autant trop théâtraliser. Nous le savons bien, sur bon nombre de nos appréciations, il n’y a pas d’opposition frontale. Je reviendrai sur la question du contrôle de santé, également abordée.

Professionnalisation (opposition politique) – 100 000 réservistes (nouvelle terminologie)

M. Jean-Claude Sandrier a rappelé l’opposition de sa formation politique au choix initial du président de la République en 1996 et aux décisions qui l’avaient précédé ; ce point reste bien sûr de la totale liberté d’appréciation de sa formation. M. Sandrier a cependant bien voulu reconnaître que la conception du Gouvernement était en évolution par rapport au schéma antérieur. Nous ne nous plaçons pas dans une optique de professionnalisation totale : le rôle des réserves, sur lequel nous légiférerons et nous conduirons un travail approfondi d’ici à quelques mois, est un élément clé de l’équilibre du nouveau système. Les réserves, ce sont des citoyens qui interviennent hors du système militaire hiérarchisé. Or notre dispositif de réserves correspond à une conception ancienne ; on peut le dire, il a vieilli. Cela pourrait même nous amener à rediscuter du terme même de réserves, qui correspond à une réalité à laquelle certes nous sommes habitués, mais qui n’est pas du tout celle que nous voulons recréer à l’avenir. Quoi qu’il en soit, il y aura bien, dans le système de défense auquel nous songeons, environ 350 000 professionnels dont un peu moins de 300 000 militaires, 100 000 réservistes, les volontaires en activité militaire constituant une catégorie intermédiaire.

Armée mixte et crédits en baisse sur le nucléaire (position communiste)

Ce faisant, M. Sandrier, nous n’allons certainement pas aussi loin que vous le souhaiteriez dans le sens d’une armée mixte. Rappelons que le débat s’était instauré sur un service court et une instruction militaire généralisée ; beaucoup parmi nous, et dans toutes les formations politiques, étaient intéressés par ce système, mais il imposait une charge de fonctionnement nettement supérieure. Certes, votre formation politique a trouvé comment répondre à cette surcharge financière en proposant des abattements financiers importants sur le nucléaire ; mais c’est là une autre discussion, sur des points vraiment vitaux. Je n’en discute pas la cohérence : le bouclage final existe. Mais comprenez que je puisse m’engager dans l’idée de remettre en cause notre potentiel nucléaire. En revanche, vous le soulignez vous-même, notre projet de développer la préparation militaire pour accéder aux réserves reprend une partie de la thématique à laquelle vous êtes attachés.

APD (évaluation sans examen de santé)

J’ai moi-même dit que la professionnalisation représente une évolution considérable dont on ne mesure pas toutes les répercussions. Cette loi doit donc donner lieu à une évaluation et, sur ce point, je vous rejoins donc totalement. Nous y sommes tout à fait prêts et les éléments, au vu desquels pourrait s’imaginer un rétablissement de l’appel sous les drapeaux, peuvent dès maintenant donner lieu à des échanges et des précisions dans la loi. J’ai été très intéressé par l’intervention de M. Carré comme par celle de M. Alain Veyret. Ils ont parlé avec leur expérience d’hommes de santé publique. Je partage du reste bien des appréciations exprimées par M. Carré. Il en est une toutefois sur laquelle je suis en divergence : l’idée qu’un examen de santé immédiat, lors de l’appel de préparation ou antérieurement, serait nécessaire à la remontée en puissance de la conscription.

Examen de santé

M. Veyret a apporté une autre appréciation et je serais tenté de lui donner raison. Il ne me paraît pas expédient d’effectuer un contrôle de santé sur un jeune de dix-sept ans ou dix-sept ans et demi convoqué pour une simple initiation militaire, en imaginant que les résultats resteraient valables plusieurs années après, au moment où l’on rappellerait ce jeune au service – et dans une situation radicalement changée. Le contrôle de santé des jeunes à dix-sept ou dix-huit ans répond à des intérêts de santé publique, et il est beaucoup de bonnes raisons, M. Carré les évoquées, pour souhaiter qu’il se fasse. Mais je doute de son efficacité pour la maintenance de notre potentiel militaire. Nous avons simplement besoin de maintenir la possibilité d’un retour à un recrutement de masse. Imaginons un instant que nous disions le contraire…

Visite médicale avant l’APD

En revanche, il est un point sur lequel je rejoindrais assez volontiers la problématique développée par M. Carré : l’appel de préparation à la défense pourrait être précédé d’une visite médicale. Et l’idée que cette visite puisse avoir lieu chez un praticien de ville est une possibilité. Du reste, mes collègues du Gouvernement chargés de ce secteur y travaillent.

Service de santé (professionnalisation difficile)

Vous aurez noté, M. Lellouche, comme l’a très bien fait M. Veyret, que le service de santé des armées est sans doute l’une des composantes de notre appareil militaire la plus mise en difficulté par la professionnalisation. En effet, c’est là, chez les officiers, chez les personnels actifs, qui soignent tous les jours, que l’on trouve la part de conscription la plus élevée. Il serait vain de dissimuler à l’Assemblée nos préoccupations et nos inquiétudes quant à la bonne fin de la professionnalisation de ce corps dans les délais requis. Autant dire qu’il ne nous paraît pas spécialement productif de le charger de missions supplémentaires de santé publique, qui ne sont pas de sa compétence.

Par ailleurs, j’entends bien résister, au moins aujourd’hui – il faut bien se retenir, de temps en temps –, à la tentation d’engager un combat de coqs, même si vous en manifestez l’appétit, mais il ne me paraît pas déraisonnable d’envisager de confier cette mission, proche de celles de la santé publique, aux médecins généralistes à un moment où il nous faut bien apaiser certains désaccords et dissensions avec l’ensemble du corps médical, conséquences de précédentes décisions de santé publique…

Coût d’un examen de santé (150 millions de francs)

Il y a là une réflexion à poursuivre. Le chiffre a été cité par M. Veyret : la visite médicale pour chaque jeune convoqué à l’appel de préparation à la défense coûterait 150 millions de francs ; c’est une décision à prendre, lourde pour celui qui en aura la responsabilité. M. Carré comprendra certainement mon raisonnement. Les hommes de santé publique le disent : ce qui est presque aussi important que de détecter des maladies ou des handicaps chez les jeunes, c’est d’avoir un dialogue de santé avec eux et de leur montrer les risques de certains comportements. Cela peut justifier l’appel au généraliste. Mais, pour l’instant, la décision n’est pas prise. Elle ne nous semble pas relever de cette loi et nous resterons à l’écoute de la représentation nationale sur cette question.

Enseignement de défense (dispensé par des enseignants)

J’ai noté le souci de cohérence de l’intervention de M. Gérard Charasse et son approbation sur la méthode de préparation du texte. Je l’en remercie. Ses propos sur le rôle des enseignants dans le développement de l’esprit de défense dans notre pays m’ont paru parfaitement exacts. D’autres parlementaires sont revenus sur ce point. Comme bien d’autres citoyens de ce pays, beaucoup d’enseignants sont soucieux des effets à long terme de la professionnalisation de nos armées. Cet élément dans leur réflexion, que j’ai nettement perçu lors des débats de la commission armées jeunesse, me conforte dans l’idée que beaucoup d’entre eux se sentiront motivés et responsables du développement de l’esprit de défense chez les jeunes en milieu scolaire.

M. Charasse a également souligné que les mesures de transition devraient prendre en compte les nécessités de la formation et de l’insertion des jeunes. Il a présenté une proposition intermédiaire sur la prise en compte de la situation des jeunes ayant depuis peu un emploi. Cette utile contribution à la recherche permettra d’avancer dans la voie d’une solution équilibrée sur ce problème de la période de transition.

Nouveau projet de loi (position socialiste)

M. François Lamy a rappelé les positions de principe du groupe socialiste et approuvé la méthode que nous avions suivie pour choisir les bases du nouveau projet de loi. Il a souligné que beaucoup resteraient favorables au principe d’un service court, mais que la préparation militaire telle que nous la concevons répond au moins partiellement à cette exigence. Il a lui aussi souligné que les enseignants se trouvaient dans une sorte de phase de transition quant à leur contribution à la défense.

Enseignement de défense (groupe de travail sur les programmes scolaires)

Comme il le souhaite, le Gouvernement entend proposer aux parlementaires, probablement dans le cadre des commissions intéressées dont, bien sûr, celle de la défense, un débat sur les propositions issues des travaux du groupe de travail sur les programmes scolaires en matière de défense. Sachant que le Parlement nous demandera, dès la discussion des articles, d’adopter une position sur la date de prise en compte de la défense dans les programmes et de nous engager dès la rentrée 1998, je ferai un effort pour prendre cet objectif en compte. Sans doute avant la fin de la présente session, les Ministères de l’éducation et la défense devraient pouvoir présenter aux commissions parlementaires intéressées leur copie, si j’ose dire, en matière de programmes scolaires « défense ».

Appel de préparation à la défense (cadre scolaire)

Quant à l’idée à laquelle songent nombre d’autres parlementaires – Arthur Paecht l’a évoquée, comme le président Paul Quilès – de placer l’appel de préparation à la défense dans le cadre scolaire, il ne me semble pas que nous puissions nous y engager dès maintenant, et ce pour deux motifs.

Tout d’abord, sachant que nous sommes encore en phase de transition, nous souhaitons fixer le moment de l’appel de préparation à la défense avant la majorité certes, mais juste avant, vraisemblablement dans la dix-septième ou dix-huitième année, c’est-à-dire à un moment où il n’y a plus d’obligation scolaire et où l’on ne trouve plus 100 % d’une classe d’âge dans les établissements.

Ensuite, vous le savez bien, chaque fois que la France rencontre un problème de société – sécurité routière, conduites à risque, etc. –, elle demande à l’éducation nationale d’en tenir compte dans ses programmes scolaires. Nous n’échapperons pas à cette observation ! Nous demandons déjà à l’éducation nationale de se charger de la transmission de nombre de connaissances et de notions supplémentaires. Lui demander, de surcroît, de servir de lieu d’accueil et de support d’organisation à l’appel de préparation à la défense me paraît difficile sur le plan pratique.

Appel de préparation à la défense (150 à 250 centres militaires)

Je ne vois en revanche aucun motif de principe pour affirmer que cet appel doit forcément se dérouler en enceinte militaire. J’y vois simplement une considération d’efficacité : si nous ne voulons pas que les concepts que nous voulons transmettre lors de l’appel de préparation à la défense restent complètement théoriques, il est de loin préférable de placer les jeunes devant des outils et des personnels représentant effectivement la défense, plutôt que de transporter des outils de simulation dans d’autres lieux. Nous envisageons, pour toute la France, entre 150 et 250 centres d’appel de préparation – et non pas 500, chiffre qui résulte sans doute d’un malentendu –, au lieu des dix qui avaient été imaginés pour le Rendez-vous citoyen. Donc il est très vraisemblable qu’au moins les deux tiers ou les trois quarts de ces lieux d’accueil seront dans des enceintes militaires, en ville, dans des lieux commodes d’accès.

Défense (responsabilité du Parlement)

M. Birsinger a rappelé que nous devions – et c’est un point important du débat – combler un vide législatif, ce qui a justifié le choix des dates. Rappelant la relative urgence avec laquelle avait été prise cette décision, il a souligné que le débat ouvert sur les conceptions de défense ne pouvait pas être clos aujourd’hui. Comme M. Sandrier, il a insisté sur son attachement à l’idée d’armée mixte. Cette idée trouve, me semble-t-il, en partie au moins sa concrétisation dans le schéma armé professionnelle-volontaires-réserve et dans le rôle de la préparation militaire.

Comme lui, je pense qu’il doit rester une marge de choix au Parlement et que – c’est un élément fort de notre tradition républicaine – aucune décision majeure en matière d’organisation de nos forces armées ne peut être prise sans passer par le Parlement, que ce soit dans le cadre du travail de la commission, des débats budgétaires ou d’autres débats comme ceux auxquels le président Quilès faisait allusion. Nous nous rendrons service à nous-mêmes en tant qu’institution et nous rendrons service à la société française en maintenant une certaine présence de la défense dans nos débats politiques et dans nos débats publics. Sur ce point-là aussi, je lui donne mon assentiment.

Levée de la suspension de l’appel sous les drapeaux (remontée en puissance progressive – formation militaire)

Mais quand il dit que la remontée en effectifs ne serait sans doute pas possible parce que les jeunes ne seraient pas formés, il se place dans l’hypothèse extrême où, du jour au lendemain, la France déciderait de changer son organisation de défense et découvrirait, à l’improviste, qu’elle a besoin de davantage d’effectifs militaires. Le plus vraisemblable, c’est que, si la nécessité d’une telle augmentation se faisait sentir, les éléments de tension ou de menace ne se développeraient que de façon graduelle et la France pourrait s’adapter. Ajoutons qu’aujourd’hui, dans le cadre de la conscription, le temps de formation d’un appelé est de deux mois. Si nous devions d’ailleurs décider une remontée en puissance des effectifs pour faire face à une situation de danger, il faudrait que les jeunes rappelés bénéficient d’une formation meilleure que celle-là. Toujours est-il que, si elle se révélait nécessaire et urgente, le temps d’une formation minimale n’est tout de même pas considérable.

Appelé (reprise du salarié par l’employeur)

S’agissant des mesures de transition, je souligne que le projet de loi comporte un engagement de reprise du salarié par l’employeur, ce qui constitue un premier élément de sécurisation des jeunes salariés.

Français (réelle volonté de défense)

M. Le Chevallier a exprimé les positions de sa formation politique. Je lui donne acte de ses choix politiques qu’il est de son droit d’exprimer à cette tribune. Je me contenterai de lui faire observer qu’il n’est pas très convaincant de poser la question : la France se défend-elle ? Il suffit de voyager et de s’informer un peu pour savoir que cette question n’est pas une vraie question. La position de défense de ce pays, les dispositions qu’il prend, l’état d’esprit global de sa population, avec une volonté réelle de défense et la disponibilité de moyens humains et matériels adaptés à nos besoins de sécurité ne soulèvent pas de véritable doute ? Je lui laisse donc la responsabilité de son propos politique.

Éducation nationale (enseignement de défense dès la classe de troisième)

Mme Odette Grezgrzulka a insisté sur les possibilités de coopération entre l’éducation nationale et la défense. Je suis en profond accord avec sa problématique et avec sa façon de réfléchir au sujet. Nous disposons de beaucoup de moyens de remédier à une coupure qui n’a jamais été fondamentale entre les enseignants – collectivité qui est d’ailleurs traversée de bien de nuances – et le monde de la défense. Je donnerai d’ailleurs mon accord à un amendement de la commission soutenant l’idée que la formation aux questions de défense en milieu scolaire doit commencer dans le premier cycle du second degré. C’est un des sujets du groupe de travail des deux ministères. Le démarrage en quatrième se justifie à plus d’un titre mais en particulier, compte tenu du risque de sortie anticipée du système scolaire, il faut commencer à cet âge, et il n’est pas à exclure, en effet, qu’une partie des épreuves du brevet porte sur un minimum de notions de défense.

IHEDN (sessions régionalisées pour les jeunes) – visites d’établissements militaires

Je lui ferai observer en outre que l’IHEDN organise déjà des sessions régionalisées avec les jeunes et c’est un succès. Il faut, dans les limites, bien sûr, des moyens de formation dont dispose l’institut, poursuivre dans cette voie. Les deux sessions récentes de l’IHEDN offertes à de jeunes étudiants, des jeunes professionnels, ou des jeunes responsables ou élus associatifs, avec lesquels j’ai pu me familiariser, correspondent à un besoin. Il est vraisemblable que de telles sessions rendront de grands services dans l’avenir. Les déplacements de classe se pratiquent déjà, de façon, certes, sporadique mais certains chefs de corps se montrent très dynamiques et formulent des propositions à cet égard : c’est une des méthodes de nature à permettre une meilleure collaboration ; le jour venu, elle devra être formalisée dans une nouvelle convention éducation-défense.

Filière : préparation militaire – réserves

M. Bernard Grasset a souligné, en se remémorant l’exemple des autres pays où l’armée est professionnalisée, qu’il existait une authentique filière entre la préparation militaire et les réserves. C’est vrai et cela fournit un élément de réponse à M. Myard : nous avons, et cela sera l’objet du débat du début de l’année prochaine, à définir la vocation globale des réserves et leur coopération possible avec d’autres corps de volontaires dans notre pays. J’exprimerai cependant une hésitation quant à la référence à la garde nationale, notion correspondant à un tout autre type d’organisation sociale. Veillons à ne pas militariser, dans la société, des actions qui ne le justifient pas. La réserve joue véritablement un rôle clé dans notre vie publique et nous n’avons pas forcément envisagé toutes les possibilités qu’elle offre pour renforcer les moyens de l’armée professionnelle.

Engagés/volontaires militaires

Comme l’a dit M. Grasset, il ne sera pas difficile de dissocier les volontaires des engagés qui envisagent une carrière professionnelle de longue durée ; les volontaires sont des jeunes faisant leur première expérience en milieu militaire, mais ne choisissant pas d’en faire leur carrière ; ils retireront de cette période de volontariat une rémunération et un statut social ainsi qu’une première expérience professionnelle qu’ils valoriseront, soit en la poursuivant cette fois-ci en professionnels, soit en l’utilisant dans le secteur privé.

Volontaires militaires (spécialistes – professionnels de haut niveau)

Je ne sais pas qui a sorti de la naphtaline l’expression de « valet d’arme », mais je la trouve réellement contre-productive parce qu’elle comporte, volontairement ou non, une nuance péjorative qui n’a aucune pertinence dans les sujets dont nous discutons. Je ne sais pas si un diéséliste à bord d’une frégate est un valet d’arme ou pas. Ce que je sais, c’est que s’il n’est pas là, la frégate ne marche plus. C’est d’une autre façon qu’il faut considérer les emplois de soutien, les emplois de service, les emplois de spécialité dans nos armées, sans aucune nuance péjorative. Je rejoins donc pleinement l’observation de M. Bernard Grasset, à savoir que les volontaires joueront un rôle souvent très efficace dans beaucoup de nos armées, sans parler de la gendarmerie.

J’ajoute que parmi les objectifs du volontariat, tel que nous le prévoyons, il en reste un qui n’est pas facile à atteindre mais qu’il faut bien affronter, c’est le remplacement de plusieurs milliers d’appelés de haut niveau qui vont disparaître avec les autres : les informaticiens qui nous fabriquent des programmes de simulation, les traducteurs de langues rares qui sont bien nécessaires à nos services de contacts internationaux et de renseignements, les scientifiques qui nous font des analyses balistiques. Ils ne pourront pas tous être remplacés par des professionnels rémunérés et faisant carrière au niveau où nous en avons besoin. Par conséquent, il ne faut pas exclure que le volontariat soit aussi utilisé comme un moyen d’aménager des stages de fin d’études pour de jeunes professionnels de haut niveau dans des conditions qui soient à la fois intéressantes pour le jeune – ça se fait dans toutes les grandes entreprises (…).

Volontaires militaires (professionnels, stables et rémunérés) – service militaire adapté

Nous nous efforçons de développer un schéma cohérent et satisfaisant pour le moyen terme – je ne sais pas si c’est ce système qui fonctionnera en 2015 et vous non plus –, c’est-à-dire pour la période couverte par la loi de programmation militaire que vous avez votée, en disant que ce schéma est plus crédible avec des volontaires ayant un minimum de statut professionnel, une perspective de durée minimale et un salaire plutôt qu’avec des volontaires tels qu’ils figuraient dans la loi de M. Charles Millon, dont je conviens qu’ils correspondent à une conception de l’engagement personnel que je ne trouve pas du tout dérisoire. Mais il me paraît aventureux de fonder un schéma d’organisation militaire sur ce choix de valeurs personnelles. Le professionnalisme est une valeur en hausse dans cette société, le bénévolat aussi, mais il ne faut pas obligatoirement superposer les deux. Je terminerai de répondre à M. Grasset, dont l’intervention était décidément productive. Aucun parlementaire d’outre-mer ne s’étant exprimé, c’est lui qui a souligné le rôle important du service militaire adapté pour les jeunes de ces départements. Le Gouvernement en a été convaincu dès les premiers contacts qu’il a noués avec leurs parlementaires auxquels nous avons choisi de donner satisfaction.

Réserves (missions de complémentarité militaires – civils)

J’ai déjà partiellement répondu aux observations de M. Myard, qui a fait des apports utiles à la discussion, montrant que l’augmentation potentielle de la gendarmerie visait – sans doute à un niveau insuffisant, j’en conviens – à répondre au problème de la sécurisation d’un certain nombre de points sensibles du territoire. Cela fait partie des missions de la réserve que j’évoquais à l’instant en réponse à M. Grasset.

Si on regarde comment les grands pays professionnalisés ont traité ce genre de problèmes, on constate qu’ils ont donné des missions réelles à leur réserve. Et si je n’adhère pas, M. Myard, à vos propos sur la garde nationale, j’approuve ceux d’autres parlementaires, sur tous les bancs, souhaitant qu’on donne de l’ampleur, un certain lustre, aux missions des réservistes ainsi que d’autres volontaires – vous faisiez allusion aux pompiers volontaires –, qu’on les officialise davantage. C’est pas à pas, mais à partir d’une conception active et exigeante des réserves, dont je rappelle qu’elles doivent toutes être liées à des unités d’active, que nous pourrons éventuellement aller plus loin vers une complémentarité avec des citoyens formés et entraînés pour remplir des missions de sécurité dont certaines pour remplir des missions de sécurité dont certaines militarisées. C’est une notion tout à fait neuve, je propose que nous avancions ensemble en ce domaine.

Service de santé (tests d’aptitude)

J’ai déjà fait plusieurs allusions aux propos très justes de M. Veyret à propos de la santé publique. Il ne faut tout de même pas idéaliser le rôle qu’avait l’ancien système de contrôle d’aptitude. Il a eu une grande utilité et en a encore aujourd’hui sur le plan statistique, fournissant un important matériau aux chercheurs en matière de santé publique. En revanche, en ce qui concerne la détection individuelle et plus encore le traitement des handicaps, des mauvais états de santé ou des endémies, les résultats n’ont pas été aussi bons. Et il faut constater – sans s’en réjouir, car ce fut sous tous les gouvernements – que la jonction – on a beaucoup parlé des échanges entre l’éducation et la défense – entre la santé publique et la défense n’a pas toujours été optimale dans ce travail de contrôle d’aptitude.

Soins médicaux des appelés (service de santé)

En revanche, je le rejoins sur le constat que, dans la vie quotidienne des unités, le service de santé des armées aide beaucoup les appelés. Dans une tranche d’âge qui, pour de multiples raisons, ne se soigne pas toujours très bien, ce sont souvent les médecins du service de santé des armées qui interpellent les jeunes appelés pour qu’ils se fassent soigner ceci, contrôler cela. Ils jouent un rôle de détection important, qui – c’est vrai – ne sera plus rempli dès la fin du service militaire tel que nous le connaissons.

Il nous reste à choisir dans cette alternative : soit renforcer beaucoup le système de santé scolaire – mes collègues compétents ont déjà fait savoir que c’était pour eux une priorité –, soit passer par les généralistes. Le Gouvernement devra présenter ses choix au cours des prochains moins et nous pourrons poursuivre le dialogue sur ce point.

Appel de préparation à la défense (apport positif et coût direct)

M. Paecht, vous avez voulu, dans un esprit de dialogue, reprendre la discussion sur l’appel de préparation à la défense. Vous avez jugé certaines choses positives dans le projet de loi, ce qui me paraît plus représentatif de l’état d’esprit de l’Assemblée. Votre façon de présenter l’approche de l’opposition est, semble-t-il vraiment sincère.

En revanche, vous reprochez à l’appel de préparation à la défense de ne pas avoir le meilleur rapport coût-efficacité. Sur ce point, je voudrais tout de même relativiser les choses. Le coût direct de l’appel de préparation à la défense est certainement inférieur à 200 millions de francs annuels. Je rappelle que le budget de fonctionnement de nos armées est de 102,2 milliards de francs, et leur budget d’équipement, après annulations, de 86,9 milliards de francs. Nous ne sommes pas dans les limites de l’épure et je reviens sur une observation qui a été faite ce matin par M. Galy-Dejean.

Ce qui gonfle les chiffres, ce sont deux choses, dont il faut parler : c’est d’abord le coût de la direction centrale du service national, qui se compte en milliards. Là, on peut faire une grosse économie, mais cela veut dire qu’on ne fait plus de recensements et que l’idée même de la remontée en puissance est déchirée. Ou bien il y a une direction du service national qui gère le recensement et le fichier des jeunes éventuellement rappelables entre leur dix-huitième et leur vingt-cinquième anniversaire, ce qui coûte au moins 1,5 milliard, ou on la supprime. Si on la garde pour d’autres motifs, il n’est pas raisonnable d’en faire un élément du coût de l’appel de préparation à la défense, puisqu’elle existerait de toute façon. C’est pourquoi je parle de coût direct. Sur les questions financières, on n’a pas de mal à se mettre d’accord.

Volontariat militaire

L’autre élément du coût de la réforme, et M. Galy-Dejean y a fait allusion ce matin, c’est évidemment le coût des volontariats. Puisque nous choisissons d’en faire une catégorie d’emplois intermédiaire entre les militaires professionnels et les appelés, il n’est pas illégitime de compter la rémunération de ces jeunes volontaires dans les coûts induits par la réforme du service national, mais ce coût est évidemment sans aucun lien avec celui de l’appel de préparation à la défense. L’élément principal d’augmentation du coût, c’est que 27000 jeunes volontaires bénéficient d’une rémunération normale, qui est celle de tous les jeunes qui exercent une profession.

APD (coût de 200 millions de francs)

Je réaffirme donc que le coût direct de l’appel de préparation à la défense est inférieur à 200 millions de francs et je suis intéressé par toute tentative de démonstration contraire.

Pour revenir à vous, M. Paecht, je veux souligner la totale bonne foi avec laquelle vous avez traité la question des rapports entre l’école et l’éducation, en soulignant que l’éducation a sans doute, comme tous les grands services publics, une évolution à accomplir mais qu’elle en a les potentialités. L’état d’esprit des enseignants justifie une confiance de la représentation nationale et il n’y a pas de blocage de principe.

Professionnalisation (transition)

Vous avez abordé une question clé, sur laquelle nous devons parler avec responsabilité, la durée de la période de transition. Cette durée fait l’objet d’un choix qui engage notre collectivité nationale. En prenant mes fonctions, j’ai évidemment essayé de développer une réflexion pour savoir si elle pourrait être réduite. Il faut savoir quel effectif global nous paraît nécessaire à la sécurité du pays, et c’est une option stratégique majeure, et quelle est la rapidité de montée en charge des dépenses budgétaires liées à la professionnalisation que nous avons choisi de nous payer.

Plusieurs d’entre vous ont estimé qu’on sous-évaluait probablement le coût définitif de la professionnalisation. Moi, il me semble qu’il a été évalué de façon raisonnable, mais je ne veux pas exclure qu’il y ait eu telle ou telle erreur de prévision.

Accélérer la professionnalisation et raccourcir la période de transition, cela ne peut signifier que deux choses : soit dépenser plus et plus vite pour mettre en place plus tôt l’ensemble des professionnels dont la montée en effectifs est prévue jusqu’à 2002, soit réduire substantiellement les effectifs disponibles dans nos armées, des hommes du rang, mais aussi des techniciens de toute nature, et risquer alors de porter atteinte à nos capacités opérationnelles.

Professionnalisation (Grande-Bretagne, Belgique)

Nous sommes à peine à la première année de mise en œuvre de cette réforme. Il nous faut en tout cas ne pas perdre de temps. Sur ce point, nous sommes en convergence. Sera-t-il possible d’aller plus vite à mesure que l’expérience sera plus riche et plus complète ? Je ne le crois pas. Des professionnalisations ont été réalisées au cours des dix ou quinze dernières années. Cela a été un succès par exemple en Grande-Bretagne, où le processus a été engagé en 1963 et le dernier appelé incorporé en 1971, alors que, chez nos amis belges, plus récemment, une accélération de la professionnalisation a entraîné à la fois un surcoût et une dégradation de la capacité militaire qui les a durablement pénalisés.

Loi de programmation

M. Baumel, je vous donne acte de la capacité de synthèse de votre intervention qui a été très riche dans un très bref délai. Vous avez très bien décrit la dualité du sentiment des Français, à la fois favorables à la professionnalisation et attachés au maintien du service national.

Vous faites partie de ceux qui ont dit que le système serait plus coûteux que prévu. Connaissant votre expérience, je serai prudent avant de vous contredire. Il me semble toutefois que le travail de programmation sur ce point a été réalisé avec attention et qu’aujourd’hui, grâce à la motivation et au dévouement des militaires, nous arrivons à garder l’ensemble de nos capacités avec les effectifs prévus et sans augmentation des coûts, mais, comme vous le soulignez très justement, il faut prendre en compte la préparation militaire.

Fonctionnaires (nécessité d’une formation militaire)

Quant à exiger des futurs cadres administratifs de la nation qu’ils reçoivent une formation militaire je serai à l’écoute de la représentation nationale sur les incitations, les éléments de soutien administratif ou psychologique que l’on pourrait introduire pour faciliter l’accès aux préparations. Aujourd’hui, environ 10 % des jeunes d’une classe d’âge font un tel choix, pour des motifs qui tiennent à leur projet personnel, à leur intérêt. Nous devons trouver d’autres supports d’intérêt pour que cette conception avance et que les réserves soient vraiment imprégnées dans la réalité sociale de notre pays.

Je crois que des débats comme celui-ci donnent des moyens d’avancer, et je remercie l’ensemble des parlementaires, quelle que soit la composante politique à laquelle ils appartiennent, de la vitalité, de la diversité de leurs interventions, mais aussi du souci élevé de l’intérêt général qui les a toutes inspirées, je crois.


Intervention du ministre de la Défense sur une motion de renvoi en commission du projet de loi

Projet de loi (impréparation en discussion d’urgence)

Je ferai un bref commentaire. Je reconnais que votre prise de position, monsieur Voisin, apporte des informations intéressantes. Vous exprimez notamment, après bien d’autres parlementaires, un certain regret du service national. Une partie de votre intervention a porté sur les valeurs que le service national apportait à notre société et dont il va bien falloir nous passer. Cela dit, votre motion de renvoi en commission est un peu injuste :
    - vous reprochez d’abord l’impréparation du projet. Vous pouvez être en désaccord avec le projet sur le fond, mais la critique d’impréparation que vous lui faites ne me paraît pas réellement fondée. Nous pourrons le vérifier dans la discussion des articles ;
    - il est une autre injustice : celle consistant à nous reprocher la procédure d’urgence. Lorsque le Gouvernement a choisi cette procédure, j’ai tenu à souligner que, si nous pouvions le faire, c’est parce qu’un très gros travail – M. Lellouche l’a reconnu ce matin – avait été accompli par les deux commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat sur l’essentiel des questions dont nous discutons aujourd’hui. Je ne tiens pas à faire passer par profits et pertes l’ensemble de ce travail d’élaboration et de réflexion collective. Il a d’ailleurs été fait remarquer à juste titre que, à cette occasion, les parlementaires des différents groupes s’étaient écoutés et avaient échangé. Cela faisait partie de l’acquis de préparation du texte et nous ne l’avons pas du tout négligé.

C’est ce qui me fait penser que le dépôt d’une motion de renvoi en commission correspond en réalité, comme c’est toujours le cas dans la vie parlementaire, à un certain partage des rôles et du temps de parole entre les groupes de la minorité et que vous ne souhaitez pas vraiment, M. Voisin, qu’on travaille maintenant ailleurs qu’en séance publique.


Principales interventions du ministre de la Défense pendant l’examen des articles du projet de loi portant réforme du service national

Abandon du projet de loi (Rendez-vous citoyen) – appel de préparation à la défense (définitions)

À la suite de la présentation de plusieurs amendements tendant à remplacer l’expression « appel de préparation à la défense » par « journée militaire unique » ou « Rendez-vous citoyen » le ministre de la Défense exprime l’avis du Gouvernement :

Comme l’ont dit certains des auteurs des amendements une partie du débat sur le choix des termes recouvre une question de fond. Puisque je ne me suis pas exprimé sur ce sujet jusqu’à présent – d’ailleurs personne ne l’a fait – je rappellerai que si le Gouvernement, parmi d’autres éléments de sa décision, a choisi de changer le projet de Rendez-vous citoyen, c’est parce qu’il ne pensait pas que ce système fonctionnerait. Au demeurant, il n’était pas le seul à le faire puisque bon nombre des parlementaires, dont l’opinion est également respectable, qui avaient longuement participé à la préparation de ce projet dans les deux assemblées, ne le pensaient pas non plus.

J’observe, que sur ce point – il n’y a pas lieu d’en faire une opposition politicienne ou dramatisée –, le débat politique qui s’est renoué ce matin n’a pas été approfondi. Les parlementaires représentatifs de l’ancienne majorité n’ont pas poursuivi l’argumentation pour expliquer que le Rendez-vous citoyen sur cinq jours serait une formule facile à aménager et dont la réussite était programmée. Je pense que ça n’était pas le cas.

Un des motifs – ce n’est pas le seul – pour lequel le Gouvernement a fait le choix d’une journée, qui, maintenant, le temps d’un débat parfois un peu aigre-doux, suscite quelques quolibets, c’est parce qu’il pense sincèrement – mais il entendra avec beaucoup d’attention les arguments en sens inverse – que cela au moins fonctionnera mieux qu’une éventuelle formule d’internat plus ou moins organisée sur cinq jours. Je souhaite ne pas être du tout désobligeant vis-à-vis de qui que ce soit, mais je pense qu’il fallait tout de même que quelqu’un rappelle ces notions élémentaires.

Quant à la question de la terminologie, je l’aborde avec d’autant plus de modestie que j’en ai proposé les termes moi-même ; ils ne sont en effet pas du tout intouchables et on peut sans doute faire mieux :
    - pourquoi le mot « appel » ? Pour la raison simple – et qui va exactement dans le sens de l’amendement précédent de la commission – qu’il y a une obligation et qu’il est essentiel que la loi le dise. Cette obligation a une vertu de principe, à savoir qu’il subsiste des sujétions de défense nationale, et une vertu d’efficacité. Nous allons modifier profondément le système du recensement et nous devons nous assurer que le recensement est fiable ;
    - pourquoi « préparation » ? Parce que c’est l’une des étapes, après l’initiation par la voie scolaire, de la sensibilisation des jeunes, une étape qui leur donne la possibilité d’aller plus avant, notamment vers les préparations militaires ou les volontariats. Donc, il s’agit bien de « préparer » l’avenir ;
    - enfin, pourquoi « défense », mot qui traduit une vraie différence avec le Rendez-vous citoyen ? Parce que nous avons choisi de concentrer les thèmes de cette journée de convocation sur des objectifs de défense. Cela ne signifie pas un instant que le Gouvernement méconnaisse la valeur des autres objectifs d’intérêt général qui avaient été assignés au Rendez-vous citoyen, cela veut dire simplement que le Gouvernement et la majorité, comme du reste un certain nombre d’élus de l’opposition, estiment que d’autres moyens non militaires sont plus efficaces et moins coûteux pour atteindre les mêmes résultats. Je ne pense pas, par exemple, qu’une convocation militaire soit le meilleur outil d’appréciation de la santé publique d’une classe d’âge ou le meilleur outil de prévention de l’alcoolisme. Il n’est en rien scandaleux d’avoir un différend sur ce point-là, mais nous pensons, pour notre part, que les autres objectifs citoyens peuvent être atteints autrement que par la contrainte militaire.

Volontariats militaire et civil

M. le président de l’Assemblée nationale : je suis saisi de deux amendements, n°92 et n°191, pouvant être soumis à une discussion commune. L’amendement n°92, présenté par M. Boulaud, rapporteur, est ainsi rédigé : « Après le premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 111-2 du code du service national, insérer l’article suivant : “Il comporte aussi des volontariats.” » L’amendement n°191, présenté par M. Michel Voisin, est ainsi rédigé : « Compléter le premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 111-2 du code du service national par la phrase suivante : “Il comporte également un volontariat militaire.” » (…)

M. le ministre de la Défense : le Gouvernement est d’autant plus favorable à l’amendement de la commission que nous avons estimé utile, au premier alinéa de l’article, d’ajouter les mots « des obligations ». Le complément de cette précision est bien d’écrire que le service national « comporte aussi des volontariats ». On aboutit ainsi à un article de définition générale plus satisfaisant.

Pourquoi suis-je, comme le rapporteur, en divergence avec la proposition de M. Voisin ? Non pas pour un motif de fond, car il est clair que nous allons organiser un volontariat militaire auquel un article ultérieur, précisé grâce aux apports de la commission, est naturellement consacré. Mais dans cet article général, je ne crois pas qu’il faille exclure les autres volontariats.

Ce qui est en jeu en l’occurrence – vous le savez bien, et il n’y a là aucune différence d’appréciation entre nous – ce sont les volontariats d’action extérieure. Les volontariats envisagés dans l’ancien projet, volontariats de solidarité ou d’action sociale sur le terrain intérieur, nous ne les excluons pas par principe, mais ils n’ont plus, me semble-t-il, une grande portée pratique car le dispositif des emplois-jeunes a toutes les chances de répondre plus efficacement aux mêmes objectifs.

En revanche, nous sommes extrêmement attachés – et ce point me paraît faire l’unanimité – au maintien d’une formule efficace et stable de volontariat pour remplacer les appelés de la coopération, de l’action humanitaire, de l’aide technique y compris dans les départements d’outre-mer, etc. J’estime qu’il serait trop tôt pour préjuger que ces volontariats, auxquels nous consacrerons une seconde loi – assez vite j’espère –, sont à l’écart du service national. Car il s’agit tout de même de servir le pays à l’étranger. Or ce ne sont pas des volontariats militaires. Donc, dans l’article L. 111-2, article de principe qui fixe le cadre général du service national, je préfère que nous parlions de volontariats au sens générique, comme le propose la commission, quitte à renvoyer à la partie du code du service national consacré au service militaire l’organisation des volontariats militaires, et à préciser ultérieurement, dans une autre partie du code, celle des volontariats d’action extérieure.

M. Galy-Dejean : M. le ministre, les explications que vous venez de nous fournir me donnent l’occasion d’appeler votre attention sur un problème qui nous avait énormément préoccupés lors des discussions sur le texte précédent. Nous envisagions des volontariats non pas salariés mais donnant lieu au versement d’une indemnité et nous voulions surtout éviter que ces postes payés un peu au rabais ne se substituent à des emplois réels qui auraient pu être occupés, précisément, par des salariés exerçant une vraie profession. C’était là notre souci permanent.

Qu’en est-il, M. le ministre, avec les volontariats militaires et les autres volontariats civils que vous venez d’évoquer ? Devons-nous comprendre qu’ils se substituent normalement aux formes civiles normales du service, ou bien s’agira-t-il d’emplois temporaires créés pour cinq ans, qui empêcheront de créer des emplois à durée indéterminée ? Il y a là quelque chose que je ne comprends pas bien dans votre démarche.

M. le ministre de la Défense : Si M. Galy-Dejean me repose cette question, c’est que j’ai dû être très obscur. Je tiens à préciser de la façon la plus formelle qu’il s’agit d’assurer la relève des appelés. Aujourd’hui, 6000 à 7000 appelés servent au titre de la coopération de l’action humanitaire à l’extérieur ou de l’aide technique. Cela n’a jamais été des emplois et il n’est envisagé par personne que ces postes soient transformés en emplois permanents. Je ne vois d’ailleurs pas qui en assumerait la charge. Si nous ne prenions pas de dispositions nouvelles, les fonctions extrêmement utiles qu’assument ces appelés – depuis trente ans pour certaines formules – risqueraient de disparaître. Aucun d’entre nous ne le souhaite.

M. Galy-Dejean : Pourquoi ne pas créer des emplois définitifs ? Pourquoi le ministère compétent n’est-il pas doté des moyens financiers nécessaires ?

M. le ministre de la Défense : Compte tenu des positions prises hier par votre groupe sur la nécessité de ne pas multiplier les emplois à la charge des collectivités publiques, je suis un peu surpris de vos questions, M. Galy-Dejean.

M. Galy-Dejean : Ce n’était pas le cas pour les postes que nous proposions. Nous avions envisagé, par exemple, que le conseil national du patronat français et les entreprises puissent participer au financement.

M. le ministre de la Défense : L’essentiel des missions accomplies aujourd’hui par les jeunes dans le cadre de la coopération, de l’aide technique et a fortiori de l’intervention humanitaire n’ont évidemment aucun caractère lucratif. Ce n’est qu’au-delà de la durée légale de leur service, lorsqu’ils le poursuivent, que ces jeunes perçoivent une rémunération, au demeurant limitée. La formule de ce volontariat devra donner lieu, pour assurer la poursuite de ces interventions précieuses, à une nouvelle législation. Mais nous pensons nécessaire d’indiquer, dès le présent projet de loi, que telle est l’intention du Gouvernement. J’espère que vous partagez cette intention. En tout cas, il nous paraît déterminant que le Parlement se prononce positivement sur ce point.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°92. (L’amendement est adopté.) En conséquence, l’amendement n°191 tombe. (…)

Volontariat militaire

M. le président : Je suis saisi de l’amendement n°95, présenté par M. Boulaud, rapporteur, et M.  Lellouche qui est ainsi libellé :

« Rédiger ainsi le texte proposé pour l’article L. 111-3 du code du service national :

« Le volontariat vise à apporter un concours personnel à la communauté nationale dans le cadre d’une mission d’intérêt général, et à développer la solidarité et le sentiment d’appartenance à la nation.

« Les volontariats s’effectuent dans l’un des trois domaines suivants :

« – défense, sécurité et prévention ;

« – cohésion sociale et solidarité ;

« – coopération internationale et aide humanitaire. »

M. le ministre de la Défense : Le Gouvernement éprouve une petite hésitation à l’égard de cette nouvelle rédaction de l’article L. 111-3, même si elle reprend la plupart des termes et des notions qui figurent dans son propre projet. La raison essentielle de mon hésitation est la reprise des trois objectifs du volontariat qui figuraient dans le précédent projet de loi.

Les collègues… – pardonnez ce lapsus nostalgique – les parlementaires, veux-je dire, de l’opposition qui défendaient cet amendement le faisaient, position parfaitement justifiable, avec le sentiment d’une continuité. Or si le Gouvernement, avec l’assentiment de la majorité, reprend le concept de volontariat qui a une teneur nettement plus professionnelle, on s’écarte de l’idée d’un bénévolat indemnisé pour passer à une organisation de première expérience professionnelle, d’où les critiques, que j’estime un peu injustes, qui voient dans cette loi un complément de la loi sur les emplois des jeunes alors qu’il s’agira bien – nous venons de le préciser – d’emplois à caractère militaire.

J’éprouve donc une petite gêne à l’idée d’adopter un texte qui semble réintroduire dans un article du code du service national une conception qui n’était pas la nôtre. Toutefois, comme je me suis exprimé, parfois un peu laborieusement, dans le sens d’une recherche de consensus et de rassemblement sur ce texte, je crois préférable de passer par-dessus cette hésitation et de suivre malgré tout l’avis de la commission. Le Gouvernement ne s’oppose pas à l’adoption de cet amendement.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°95. (L’amendement est adopté.)

Volontariat civil

M. le président : M. René Galy-Dejean a présenté un amendement, n°243, ainsi rédigé : « Après le texte proposé pour l’article L. 111-3 du code du service national, insérer l’article suivant : “Un projet de loi précisera les dispositions relatives au volontariat civil.” »

M. le ministre de la Défense : Il me semble que sur le fond, c’est-à-dire la définition des conditions d’exécution de cet article par une nouvelle loi, M. Galy-Dejean – il est tout à fait naturel qu’il le réclame – a satisfaction puisque nous allons discuter, dans quelques instants, l’article 8 qui l’indique explicitement.

Je voudrais revenir d’un mot sur l’objection quant à la présence des volontariats civils dans cette partie.

J’ai indiqué, à propos d’un amendement de M. Michel Voisin – j’étais déjà réticent au volontariat en service intérieur au territoire français –, que les volontariats d’actions extérieures dans lesquels les jeunes volontaires représentent la France à l’extérieur et agissent pour elle ont leur place dans le code du service national. Voilà pourquoi, le jour venu, je préconiserai que les autres volontariats civils ne soient pas inclus dans la partie législative du code du service national. Cela me paraît avoir une cohérence.

Quant au texte d’annonce, si pour les coopérants nous avons du temps puisque les jeunes appelés, bénéficiaires de report, vont encore entrer en coopération, au moins pendant toute l’année 1998 et sans doute 1999, il nous a paru nécessaire de faire figurer dès maintenant dans le texte notre intention de prolonger cette formule des coopérants appelés par une formule de coopérants volontaires. C’est l’objet de l’article 8.

Je réponds d’un mot à la critique d’impréparation dont j’ai cru comprendre qu’elle était un peu de circonstance. C’est le seul de tous les articles du texte à propos duquel le Gouvernement ne s’est pas rangé exactement à l’avis du Conseil d’État. Tous les autres articles du projet, ligne par ligne, ont été approuvés par le Conseil d’État. Voilà une définition de l’impréparation que beaucoup d’autres auteurs de projets de loi auraient acceptée ! Le seul point sur lequel nous avons été un peu critiqués par le Conseil d’État porte sur cet article d’annonce qui n’est pas de bonne technique législative. C’est en réalité une simple résolution. J’ai convaincu le Gouvernement de le maintenir parce que nous voulions précisément que le Parlement se soit déjà prononcé sur le fait qu’il y aurait un futur statut des volontaires de coopération extérieure (…).

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°243. (L’amendement n’est pas adopté.)

Jeunes hommes nés en 1979 (dispensés de l’APD)

M. le président : M. Boulaud, rapporteur, a présenté un amendement, n°102, ainsi rédigé :

« Après le texte proposé pour l’article L. 112-2 du code du service national, insérer l’article suivant : “Les jeunes hommes nés en 1979 sont exemptés de l’appel de préparation à la défense. Ils peuvent néanmoins demander à y participer et se porter alors candidats à une préparation militaire. Jusqu’au 31 décembre 2001, les jeunes hommes nés en 1980, 1981 et 1982 sont convoqués pour participer à l’appel de préparation à la défense entre la date de leur recensement et leur dix-neuvième anniversaire.” »

Sur cet amendement, je suis saisi de deux sous-amendements, n°246 et n°247, présentés par M. Galy-Dejean. Le sous-amendement n°246 est ainsi rédigé : « Supprimer le premier alinéa de l’amendement n°102. » Le sous-amendement n°247 est ainsi rédigé : « Dans le dernier alinéa de l’amendement n°102, après les mots : “nés en”, insérer l’année : “1979”. » La parole est à M. le rapporteur, pour soutenir l’amendement n°102.

M. Didier Boulaud, rapporteur : De manière similaire au précédent, cet amendement vise à reprendre l’article L. 114-11 du chapitre IV pour regrouper les dispositions relatives aux mesures transitoires. Plusieurs modifications ont été apportées par la commission de la défense :
    - dans le premier alinéa de l’article qu’elle propose, il a été tiré conséquence de l’amendement n°96 à l’article L. 112-1, qui modifie la date d’application du livre 1er. Il devient donc nécessaire d’exempter toute la classe d’âge des jeunes hommes nés en 1979, compte tenu du retard pris pour adopter la réforme ;
    - dans le second alinéa, l’expression « jeunes hommes » doit être répétée, car le dispositif transitoire ne concerne pas les jeunes filles. Enfin, une correction rédactionnelle a été apportée sur la formulation des dates.

M. le président : Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la Défense : Favorable.

M. le président : La parole est à M. René Galy-Dejean, pour soutenir les sous-amendements n°246 et n°247.

M. René Galy-Dejean : Le sous-amendement n°246 vise à supprimer le premier alinéa de l’article additionnel proposé par l’amendement n°102. En effet, cet alinéa envisage de ne pas obliger les jeunes hommes nés en 1979 à participer à l’appel de préparation à la défense puisqu’ils « peuvent » le demander, sans y être le moins du monde tenu. Le sous-amendement n°246 vise à rétablir cette obligation, considérant que cette dispense d’une tranche d’âge n’a pas de véritable justification. Si cet alinéa est supprimé, il convient de tirer la conséquence de sa suppression et de convoquer à l’appel de préparation à la défense les jeunes hommes nés en 1979. C’est l’objet du sous-amendement n°247.

M. le président : Quel est l’avis de la commission sur ces deux sous-amendements ?

M. Didier Boulaud, rapporteur : La commission s’est prononcée contre le sous-amendement n°246 de M. Galy-Dejean. Contrairement à ce que propose M. Galy-Dejean, il convient d’exempter expressément les jeunes gens nés en 1979, car ils ne pourront pas participer à l’appel de préparation à la défense pour des raisons techniques liées au décalage qui a été pris dans l’année en cours.

La commission repousse également le sous-amendement n°247.

M. le président : Quel est l’avis du gouvernement sur ces deux sous-amendements ?

M. le ministre de la Défense : Je voudrais rendre sensibles les parlementaires de l’opposition au caractère quelque peu paradoxal de la situation. Ainsi que le rappelait M. Galy-Dejean ce matin, la situation un peu inhabituelle dans laquelle nous nous trouvons à l’instant vient du fait que plus aucune incorporation n’a été engagée à partir du 1er février de cette année, alors que la loi prévoyait toujours l’incorporation. C’est l’unique raison pour laquelle le Gouvernement a demandé l’urgence. Le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui devrait être rendu applicable le plus tôt possible, et de préférence – je vous le dis franchement – avant la fin de cette année. Du fait que nous allons, j’espère, pouvoir rendre au moins les dispositions essentielles de cette loi applicable au 1er janvier 1998, se posera un problème circonscrit à cette année. Si vos sous-amendements, M. Galy-Dejean, étaient adoptés, il faudrait, au cours de l’année 1998, au moment de la mise en place du nouveau système, convoquer deux tranches d’âge à l’appel de préparation à la défense.

Je ne suis pas satisfait de la situation actuelle. Mais je n’ai pas la combativité de revenir en permanence sur le fait que celle-ci est due à des dispositions qui ont été prises antérieurement. Évitez peut-être d’ajouter du sable dans la mécanique en demandant au Gouvernement et à la majorité qui le soutient de rattraper dans des conditions acrobatiques les conséquences de choix quelque peu aventureux qui ont été faits auparavant !

M. le président : Je mets aux voix le sous-amendement n°246. (L’amendement n’est pas adopté.) Le sous-amendement n°247 n’a plus d’objet. Je mets aux voix l’amendement n°102. (L’amendement est adopté.) (…)

Enseignement de défense (fondement et organisation)

M. le président : M. Michel Voisin a présenté un amendement, n°238, ainsi rédigé : « Au début du texte proposé pour l’article L. 114-1 du code du service national, après les mots : « Les principes », insérer les mots : « et l’organisation ». La parole est à M. Michel Voisin.

M. Michel Voisin : La professionnalisation des forces armées et l’abandon de la conscription risquent, à terme, si l’on n’y prend garde, de couper définitivement le monde militaire du monde civil. Nous, parlementaires, qui nous prononçons annuellement sur le budget de la défense, nous percevons déjà les difficultés qu’il y a à faire admettre par une part grandissante de l’opinion publique la nécessité de l’effort financier en faveur de la défense. Si les fondements de notre défense et l’organisation qui en découlent ne sont pas clairement exposés aux jeunes Français, il y a, hélas ! de fortes probabilités pour que ceux-ci n’établissent plus le lien indispensable entre l’armée et la nation, principe fondamental de la République. C’est pourquoi je vous propose de faire en sorte que nos enfants ne soient pas déconnectés des réalités et connaissent dans ses grandes lignes l’organisation de notre défense.

M. le président : Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Boulaud, rapporteur : Cet amendement n’a pas été examiné par la commission. Bien que les principes de la défense incluent naturellement son organisation, je suis favorable à l’amendement de M. Voisin.

M. le président : Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la Défense : Autant j’avais des réserves sur le détail et le risque d’interprétation restrictive de l’amendement de M. Teissier – au fond, il envisageait d’insérer toutes les têtes de chapitre d’un programme dans un article législatif, ce qui était un peu délicat – autant la précision que comporte l’amendement de M. Voisin – la base de ce programme sont les principes et l’organisation de la défense – est tout à fait recevable.

Des difficultés apparaîtront ensuite, parce que le programme se traduira par un certain nombre d’heures ou de dizaines d’heures réparties sur deux ou trois années de scolarité entre la quatrième et la première. Ce qu’on mettra en plus d’un côté, on le mettra en moins de l’autre. Or, c’est à travers les programmes d’histoire qu’on peut faire réfléchir les jeunes sur la logique des conflits, leurs effets – les conséquences de l’échec d’une politique de sécurité, par exemple, en partant de ce qui s’est passé entre les deux guerres. Il ne faudra donc pas consacrer trop de temps à une pure description du dispositif militaire existant, qui est plus de l’ordre de l’appel de préparation. Cela dit, le principe, le schéma général – la répartition entre les armées, les mécanismes du commandement, par exemple – tout cela doit figurer dans les programmes. Je suis favorable à l’amendement.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°238. (L’amendement est adopté.) (…)

Enseignement de défense (niveaux scolaires)

Après trois amendements sur les niveaux scolaires, la parole est au rapporteur.

M. Didier Boulaud, rapporteur : Le projet de loi est très imprécis sur les niveaux scolaires concernés par l’enseignement des principes de la défense. À la lecture de l’article L. 114-2 qui dispose que l’appel de préparation à la défense a lieu à la suite de cet enseignement, on peut penser que seuls les établissements d’enseignement primaire et les collèges seraient concernés.

Au niveau de l’enseignement primaire, il faut laisser aux enseignants, me semble-t-il, la faculté de compléter la formation civique par une formation plus spécifique aux questions de défense. En revanche, il paraît étonnant d’exclure les lycées et autres établissements d’enseignement secondaire du second cycle du dispositif. L’intérêt des jeunes pour les questions de défense sera d’autant plus grand qu’ils seront sur le point d’accomplir l’appel de préparation à la défense, voire, pour certains, qu’ils l’auront déjà effectué. La notion d’établissement d’enseignement du second degré des premiers et seconds cycles recouvre un champ d’application satisfaisant et garantit que chaque jeune aura, avant l’âge de seize ans, reçu un enseignement des principes de défense.

M. le président : La parole est à M. Voisin, pour soutenir l’amendement n°222.

M. Michel Voisin : Mon amendement va quasiment dans le même sens. Il vise à fixer la période pendant laquelle cet enseignement sera dispensé. Avec mon collègue Christian Martin, nous pensons que, délivré dès le cours moyen deuxième année, l’enseignement civique sur la défense sera ainsi suivi par l’ensemble d’une classe d’âge, y compris par les filles et les garçons qui quittent le système scolaire.

M. le président : La parole est à M. Pierre Lellouche, pour soutenir l’amendement n°45.

M. Pierre Lellouche : Le recensement devra être effectué à seize ans et, si j’ai bien compris, la journée de préparation à la défense se déroulera dans la dix-septième année et il faudrait, pour que cet enseignement ait un sens, le commencer autour de la douzième année, c’est-à-dire à partir de la classe de sixième.

M. le président : Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements ?

M. le ministre de la Défense : Nous en sommes au début du travail. J’ai pris l’engagement devant l’Assemblée nationale que la mise en place de ce schéma de programme serait rapide : mais elle n’est quand même pas encore faite. Compte tenu de l’ensemble des autres contraintes qui pèsent sur les programmes, il me semble que la formulation préconisée par la commission, qui fait commencer cet enseignement dans le premier cycle du second degré – c’est-à-dire entre la sixième et la troisième, pour être tout à fait précis à l’égard de M. Lellouche –, est la bonne. Commencera-t-on en sixième ou en cinquième ? Une marge de décision doit être laissée au Gouvernement et à la commission de programmes. Je préfère de loin la formule préconisée par la commission. Il me semble qu’elle rejoint l’objectif défendu par les auteurs des autres amendements, qui pourraient donc les retirer.

(Deux amendements sont retirés et le troisième est adopté.)

Enseignement de défense par des professionnels

Sur un amendement proposant que l’enseignement de défense sera dispensé par des enseignants spécialement formés à cet effet :

M. le ministre de la Défense : La suppression de la conscription et l’entrée durable du pays dans un système d’armée professionnalisée ont changé beaucoup de choses. Nous n’en verrons les effets que dans dix ou vingt ans, ce qui fait peser sur nous une responsabilité d’une intensité particulière.

Nous décidons par la loi de mettre en place tout de suite un enseignement de défense que nous considérons comme plus nécessaire qu’avant du fait que le service militaire, dans sa version classique, va prochainement disparaître. Là aussi – et je crois que M. Claude Allègre vous en a parlé en commission – le Gouvernement est déterminé à proposer aux enseignants des moyens complémentaires de formation pour qu’ils s’investissent mieux dans cette nouvelle composante de leur enseignement. Cela étant, je ne crois pas qu’un article de loi suffise. La démarche doit s’inscrire dans la continuité, et il aurait sans doute fallu que plusieurs gouvernements antérieurs envisagent cette formation, notamment dans l’enseignement supérieur. Cela n’a pas été le cas, c’est leur responsabilité. Maintenant ne nous surchargeons pas pour autant d’indications normatives qui n’auront pas beaucoup de prise sur la réalité, faisons vraiment les choses.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°33. (L’amendement n’est pas adopté.)

 

Date : 22 septembre 1997
Source : Assemblée nationale

Principales interventions du ministre de la Défense durant l’examen des articles du projet de loi réformant le service national (suite)

Appel de préparation à la défense

M. le président de l’Assemblée nationale : L’amendement n°115, présenté par M. Boulaud, rapporteur, ou MM. Galy-Dejean et Lellouche de la commission de la défense nationale et des forces armées, est ainsi libellé : « Rédiger ainsi le texte proposé par l’article L. 114-3 du code du service national : “Lors de l’appel de préparation à la défense, les jeunes Français reçoivent un enseignement adapté à leur niveau de formation qui permet de présenter les enjeux et les objectifs généraux de la défense nationale, les moyens militaires de la défense et leur organisation, les formes de volontariat ainsi que la préparation militaire et les possibilités d’engagement dans les forces armées et les forces de réserve.” »

M. Didier Boulaud, rapporteur de la commission de la défense nationale et des forces armées : Cet amendement vise à préciser le contenu de l’appel de préparation à la défense, tant sur la forme que sur le fond.

Sur la forme, il a pour objectif d’adapter l’enseignement au niveau de formation des jeunes appelés. En effet l’appel de préparation à la défense réunira, à chacune de ses sessions, quatre-vingts jeunes âgés de seize à dix-huit ans qui auront des niveaux de formation très divers : certains seront lycéens, d’autres apprentis depuis plusieurs années, d’autres encore étudiants. Or il importe que les jeunes Français tirent un profit maximal des informations qui leur seront délivrées lors de cette journée et que l’appel de préparation à la défense renforce l’intérêt des jeunes pour les questions de défense.

Pour ce faire, l’enseignement sur les objectifs généraux de défense nationale et l’organisation de la défense militaire doit être différencié et adapté aux niveaux de formation des jeunes. Telle est la condition pour que la qualité d’écoute et d’attention des jeunes soit satisfaisante. Certains pourront objecter qu’une telle disposition soulève des difficultés d’application importantes : comment évaluer le niveau de formation des jeunes ? Faudra-t-il prévoir plus de trois groupes, et donc plus de locaux et de personnel d’encadrement ? Une seule mallette suffira-t-elle ?

Ces difficultés devraient être facilement surmontées. Le niveau de formation pourra être mentionné lors du recensement, ce qui permettra soit de convoquer les jeunes de manière cohérente, soit de former les groupes très rapidement le jour de l’appel de préparation à la défense. Par ailleurs, deux groupes seront suffisants pour répondre de manière globale aux différences de niveau, ce qui évite de recourir à des salles et à un encadrement supplémentaire. Enfin, les cadres seront capables d’adapter le contenu de leur propos à partir d’une mallette de base ; les cadres d’active auront en effet reçu une formation dans les écoles militaires et les cadres de réserve auront, eux aussi, reçu une formation spécifique.

Sur le fond, cet amendement a pour objet de préciser le contenu de l’appel de préparation à la défense, sans pour autant remettre en cause son nécessaire recentrage par rapport au précédent projet, sur les questions liées à la défense.

La présentation des questions de défense au cours de l’appel de préparation à la défense comporterait ainsi cinq éléments : les enjeux et objectifs généraux de la défense nationale – pour montrer la pertinence des objectifs il convient au préalable de préciser les enjeux ; les moyens militaires et leur organisation ; les formes de volontariat et la préparation militaire ; les possibilités d’engagement dans les forces armées et dans les forces de réserve. Un tel contenu reste compatible avec la durée de l’appel de préparation à la défense tout en donnant à celui-ci, nous semble-t-il, une efficacité maximale. (…)

Le ministre de la Défense : La commission me paraît bien répondre à l’ensemble des objectifs visés par le Gouvernement dans le programme de l’appel de préparation à la défense. Il va un peu plus loin dans l’énoncé des différents moments du contenu de cet appel ; il améliore donc le texte du projet et je le soutiens. En commission, le groupe de M. Galy-Dejean a bien voulu accepter de se placer dans la logique du texte en proposant un amendement qui tend à organiser de façon plus efficace l’appel de préparation à la défense et à faire une distinction selon le niveau scolaire des jeunes. Cette question s’était d’ailleurs déjà posée à l’occasion du dispositif précédent et elle n’est donc pas liée à la durée de l’appel ; il est parfaitement logique de proposer une telle distinction.

Comme l’a dit M. le rapporteur, il faudra que cette journée soit la plus efficace possible, et que l’information et l’initiation soient adaptées aux différents publics. Le fait que nous souhaitions structurer cette journée par groupes répond précisément à ce souci ; c’est là un élément important du texte.

Jusqu’en 2022, l’appel de préparation à la défense fonctionnera concomitamment avec le service national, que des appelés accompliront dans la durée. On a déjà distingué l’appel de préparation à la défense et l’appel sous les drapeaux. Nous avons souhaité – et je me suis expliqué sur ce point jeudi – maintenir le terme d’appel de préparation à la défense pour bien montrer qu’il s’agissait d’une obligation à laquelle on demandait aux jeunes Français de se soumettre, mais que cette obligation n’était pas de même nature que le service national de dix mois.

Statut des jeunes participant à l’APD

Or l’utilisation du terme d’« appelés » présente certains avantages de droit. Le statut personnel des jeunes pendant l’appel de préparation à la défense est clair, me semble-t-il, et l’utilisation de ce terme entraînerait une certaine ambiguïté. Les appelés sont les jeunes qui effectuent le service national pendant dix mois. Les jeunes qui accomplissent l’appel de préparation à la défense sont convoqués par la défense dans le cadre d’une journée, et l’on peut très bien régler l’ensemble de leurs problèmes de statut personnel sans les qualifier d’appelés. Je suis d’accord avec le rapporteur, il convient de conserver l’expression : « les jeunes Français », car celle d’ « appelés » risque d’engendrer une équivoque plutôt qu’une clarification juridique. (…)

APD (enseignement de défense en groupes hétérogènes le même jour)

M. Voisin, je voudrais vous convaincre que l’intention du Gouvernement n’est assurément pas de concrétiser des discriminations. Nous n’entendons pas convoquer les jeunes à des dates différentes selon leur niveau scolaire. Les groupes de convocation se réuniront le matin pour vérifier les qualifications, puis les jeunes seront réunis en groupes plus restreints pour l’efficacité de l’enseignement. Il pourra y avoir une différenciation à certains moments de la journée, suivant la nature des formations, par niveau de qualification, mais ce ne sera pas le cas pour toute la journée. En tout cas, tous les jeunes seront convoqués ensemble le même jour, au même endroit, et certaines des présentations ou des initiations seront communes.

Mais, en ce qui concerne les questions de stratégie ou les relations internationales, il est clair que les jeunes ayant suivi un enseignement jusqu’au bac auront des notions que n’auront pas les autres, et qu’il sera donc préférable, pour des raisons d’efficacité, de constituer des groupes différents. Nous nous efforçons de personnaliser et de regrouper les niveaux de formation pour que chacun retire le maximum de cette journée. Mais je vous donne l’assurance qu’il n’y aura pas de convocation séparée, en des lieux distincts, des jeunes en fonction de leur niveau.

M. René Galy-Dejean : Je vois bien l’état d’esprit du Gouvernement et je suis prêt à accepter la démarche de M. le ministre, d’autant plus que, étant coauteur de l’amendement défendu tout à l’heure par M. Boulaud, je ne peux pas être en contradiction avec moi-même. Mais les explications que nous a données M. le ministre me conduisent à lui poser une question. En fonction de quels critères, et comment, de façon concrète, va-t-on, à un moment de la journée, constituer les différents groupes ? Les responsables de la journée auront-ils des critères concrets de jugement ? Deuxième question : quelle explication donnera-t-on aux jeunes qu’on répartira ici et là ?

Le ministre de la Défense : L’enseignement sera « adapté à leur niveau de formation », comme vous l’avez-vous-même proposé dans l’amendement n°115, et les jeunes le comprendront parfaitement.

M. René Galy-Dejean : Mais comment connaîtra-t-on leur niveau de formation ?

Le ministre de la Défense : Grâce aux données du recensement, et nous avons longuement discuté de ce point jeudi soir. Lorsque le jeune se fait recenser, il doit indiquer son niveau de formation. Certes, s’il est convoqué un an ou dix-huit mois plus tard, ce niveau peut avoir évolué, mais, si nous avons maintenu une convocation militaire spécifique, c’est en premier lieu – et j’ai toujours insisté sur ce point – pour fiabiliser le recensement. Après l’appel de préparation à la défense, nous aurons un fichier exact, qui pourra être mis à jour, indiquant non seulement l’état civil des jeunes mais aussi leur adresse, leur niveau de formation et leur situation professionnelle. Lors de l’appel de préparation à la défense, on demandera donc au jeune où en est sa formation ; cela fait partie des opérations préliminaires du début de la matinée de cette journée. (…)

APD (connaissance des moyens militaires et de leur organisation)

Nous faisons le choix, discuté et confirmé par l’Assemblée, d’un appel de préparation à la défense d’une journée, lequel ne peut pas donner lieu à une trop grande diversité d’enseignements ou d’initiations. Tout le monde est, sur le principe, d’accord avec la proposition de M. Voisin. Je ne suis moi-même pas opposé à ce que l’expression « moyens civils et militaires de la défense » figure dans la loi. Je rappelle cependant que la journée de l’appel de préparation à la défense sera orientée vers la connaissance des moyens militaires et de leur organisation, et beaucoup approuvent cette orientation. Telle sera bien la priorité et il faudra éviter de se disperser. (…)

(L’amendement n°115 est adopté.)

APD (statut des jeunes y participant)

M. Didier Boulaud, rapporteur : Nulle part, dans le texte du projet de loi, le statut des jeunes qui participeront à l’appel de préparation à la défense n’est défini. Poser le principe de la responsabilité de l’État en cas de dommages corporels ne suffit pas à établir un statut positif des personnes participant à l’appel de préparation à la défense. Leur donner la qualité d’appelé du service national permettrait de les doter d’un statut clair. Que sont en effet les jeunes qui participent à l’appel de préparation, sinon des appelés du service national ?

L’article L. 111-2 définit bien l’appel de préparation à la défense comme un volet du service national, et la terminologie même d’ « appel » confirme cette analyse. Certes, il s’agit là d’appelés d’un genre nouveau – je le concède – dont le statut ne serait pas militaire, contrairement à celui des appelés dans le système de la conscription. Ce serait un statut de droit public semblable à celui des collaborateurs occasionnels du service public, tel qu’il est défini depuis longtemps par la jurisprudence administrative. De même que les agents occasionnels sont requis, les appelés à la préparation à la défense répondent à une obligation sollicitée ou même spontanée. Mais, n’étant couverts ni par la législation sur les pensions, ni par celle sur les accidents du travail, ils se trouvent face à un vide juridique préjudiciable à l’accomplissement des missions de service public. Aussi, mentionner explicitement ce statut serait de nature à lever toute ambigüité et à éviter une multiplication des contentieux.

Le ministre de la Défense : Comme je l’ai laissé entendre tout à l’heure, je souhaiterais convaincre l’Assemblée qu’on peut atteindre le même résultat, à savoir la stabilité de la situation des jeunes convoqués, sans courir le risque d’une confusion quant à la qualité d’appelés.

La question de base qui est posée par cet amendement est de savoir si l’on souhaite associer à la qualité d’appelés le statut de militaire pendant l’appel de préparation à la défense. Le Gouvernement ne l’a pas voulu, et il me semble que cela correspond bien au sentiment de l’Assemblée. Le fait d’inscrire dans un article du code du service national – et c’est bien sur ce code que nous sommes en train de légiférer – que les jeunes Français qui effectuent l’appel de préparation à la défense ont la qualité d’appelés du service national entraînerait toute une série de conséquences, dont celle de placer ces jeunes sous statut militaire. Cela ne me paraît pas adapté à la nature des obligations auxquelles ils seront soumis pendant cet appel. S’agissant notamment des obligations de discipline et des sanctions qui s’y rattachent, une telle disposition ne serait pas applicable en pratique.

En revanche, l’amendement suivant de la commission, n°121, tendant à placer les jeunes sous la responsabilité de l’État, affirme un principe qui recueille l’accord du Gouvernement. Par conséquent, si la commission était d’accord, je préférerais que les amendements n°120 et n°121 soient réunis sous la rédaction suivante : « Les jeunes Français répondant à l’appel de préparation à la défense sont placés sous la responsabilité de l’État. » Ensuite viendrait l’alinéa dans lequel sont décrits les droits qui leur sont reconnus en matière de risques personnels, et notamment en cas d’accident. Je considère que le détour par la qualité d’appelés comporte des inconvénients que l’Assemblée percevra sans doute et dont il vaut mieux se passer.

M. Guy-Michel Chauveau : Je rejoins la position défendue par M. Boulaud. Il existe, par exemple, une jurisprudence concernant les accidents dont les jeunes peuvent être victimes dans le cadre du service national, notamment dans ses formes civiles. J’ai déjà parlé du cas de ces jeunes gens qui ont sauté sur une mine à la limite du Sahara, il y a quelques dizaines d’années, et qui posait un vrai problème. À cet égard, la formulation de la commission me paraît plus large que celle de M. le ministre. Aussi, je m’interroge.

M. Paul Quilès, président de la commission : Monsieur le président, cette question a fait l’objet d’un débat au sein de la commission de la défense. Le texte proposé par le rapporteur a été adopté à l’unanimité parce qu’il nous semblait nécessaire d’assurer une réelle cohérence avec l’article L. 111-2 – M. Boulaud en a parlé tout à l’heure –, qui définit le contenu du service national universel, que nous sommes en train de faire évoluer.

Nous avons dit clairement que le service national universel comprenait le recensement, l’appel de préparation à la défense et l’appel sous les drapeaux. Le recensement est une opération purement administrative qui ne pose pas de problème. Mais si l’on veut établir un parallèle entre l’appel sous les drapeaux, qui se traduit ensuite par une incorporation et qui correspond à la situation que connaissent les appelés actuellement, et l’appel de préparation à la défense – et vous-même, M. le ministre, nous avez expliqué à juste titre qu’il fallait garder ce mot d’appel, alors l’amendement qui a été adopté par la commission prend tout son sens.

Certes, je vois bien les difficultés que vous avez soulevées, mais il me semble tout de même nécessaire – M. Chauveau l’a exposé très justement – de conserver aux jeunes, qui ne sont pas formellement des appelés, ce statut d’appelés du service national. Sinon, on risque d’être confronté à certaines situations – qui sont toujours des situations d’exception, bien sûr – difficiles à vivre et qui créeraient une solution de continuité difficilement acceptable.

M. Pierre Lellouche : Je veux très brièvement soutenir l’amendement de M. Boulaud ainsi que les propos que vient de tenir le président de la commission de la défense. En effet, cet amendement a été adopté à l’unanimité par la commission, précisément parce que nous sommes convaincus que les jeunes qui répondent à l’appel de préparation à la défense sont sous le régime du service national. On voit donc mal ce qui se passerait en cas d’accident si ces jeunes étaient considérés autrement, on ne sait trop comme quoi, d’ailleurs.

Autant la formule, proposée dans l’amendement suivant n°121 et qui fait état de la responsabilité de l’État, est trop vague, autant le texte présenté par le Gouvernement, qui évoque une réparation du préjudice calculée suivant les règles de droit commun, pose problème. Une telle proposition dénote dans un texte qui, même si le système a été profondément assoupli – on en a parlé jeudi dernier –, continue malgré tout à porter sur le service national, donc sur la défense. (…)

APD (statut des jeunes y participant)

Le ministre de la Défense : Je reviens brièvement sur le fond de l’amendement de la commission. Je vois bien qu’elle a eu le souci de préciser le statut des jeunes. Je rappelle que si l’on s’en tient à l’expression « ils sont sous la responsabilité de l’État », comme le propose l’amendement n°121, laquelle expression a des conséquences de droit majeures, on fait entrer les jeunes dans un régime de droit parfaitement éprouvé et dont les applications sont multiples, à savoir le régime des collaborateurs occasionnels du service public placés sous la responsabilité de l’État.

C’est à l’Assemblée d’apprécier s’il n’y aura pas plus d’inconvénients à placer, notamment pendant la période de transition – ce qui sera quand même l’objet principal de cette loi –, sous un même régime de droit les jeunes qui, n’étant plus soumis aux obligations du service militaire, répondront à une convocation d’une journée, ayant un rôle de formation, et les jeunes appelés qui, eux, sont soumis au régime militaire, et donc à la discipline militaire, et en assument toutes les obligations.

J’ajoute que, sur le plan de la réparation des dommages, les conséquences seront rigoureusement les mêmes, et elles sont d’ailleurs, me semble-t-il, très bien clarifiées par le texte. Les conséquences en matière de droit des pensions, quant à elles, ne pourraient pas de toute manière être applicables, car les jeunes placés dans le régime d’appel de la journée de préparation à la défense n’obtiendraient pas de droits en matière de pensions permanentes.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°120. (L’amendement est adopté.) (…)
M. le président : M. Boulaud, rapporteur, a présenté un amendement, n°121, ainsi rédigé : « Au début du texte proposé pour l’article L. 114-9 du code du service national, insérer l’alinéa suivant : “Ils sont placés sous la responsabilité de l’État.” » La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud, rapporteur : Cet amendement est complémentaire du précédent. Il était nécessaire de préciser que ces jeunes sont placés sous la responsabilité de l’État, notamment pour tout ce qui touche aux dommages corporels survenant à l’occasion de l’appel de préparation à la défense.

M. le président : Quel est l’avis du gouvernement ?

M. le ministre de la Défense : Favorable !

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°121. (L’amendement est adopté.) L’amendement de M. Lellouche n’a plus d’objet.

APD (dans une enceinte militaire)

M. le président : M. Boulaud, rapporteur, a présenté un amendement, n°122, ainsi rédigé : « Compléter le texte proposé pour l’article L. 114-9 du code national par l’alinéa suivant : “Aucune action récursoire ne peut être engagée contre les personnes morales propriétaires des locaux d’accueil.” »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud, rapporteur : L’article L. 114-9 pose le principe de la responsabilité de l’État pour tous les dommages corporels survenant à l’occasion de l’appel de préparation à la défense. Le régime institué est celui de la responsabilité sans faute. La seule existence d’un dommage corporel suffit à engager la responsabilité de l’État.

Dans un tel système, rien n’interdit à l’État de se retourner contre la personne morale propriétaire des locaux dans lesquels se déroulera l’appel de préparation à la défense. Un tel cas de figure est d’autant plus probable que l’appel de préparation à la défense pourra se dérouler dans des locaux banalisés et très variés. Par exemple, une action récursoire de l’État contre une commune pour défaut d’entretien des locaux peut être envisageable. Une telle hypothèse n’est pas un cas d’école. L’accueil de quatre-vingts jeunes, au minimum, par semaine suppose des travaux d’entretien réguliers.

Or, manifestement, il n’est pas prévu d’imputer les dépenses correspondantes sur le budget de l’État, les dépenses d’investissement liées à l’appel de préparation à la défense étant évaluées à 200 millions de francs ce qui couvre tout au plus l’achat de matériel pédagogique. L’entretien des locaux d’accueil reviendra donc au propriétaire, qui pourrait voir sa responsabilité engagée par l’État, si celui-ci estime que le mauvais entretien des locaux est à l’origine d’un accident corporel.

Le service national est lié aux missions régaliennes de l’État ; si celui-ci doit donc en assumer toutes les responsabilités. C’est pourquoi une disposition doit être introduite pour prémunir les personnes morales propriétaires des locaux d’accueil de l’appel de préparation à la défense de toute action récursoire, sous peine de dissuader les collectivités locales et autres, lorsqu’elles seront sollicitées, de mettre à la disposition du Ministère de la défense les locaux leur appartenant.

M. le ministre de la Défense : Le Gouvernement ne s’opposera pas à cet amendement, mais il tient à souligner devant l’Assemblée que les conditions de son application devraient normalement ne pas se produire. En effet, l’intention du Gouvernement est de réaliser l’appel de préparation à la défense chaque fois que possible – nous avons vérifié que, dans la quasi-totalité des départements, il en sera ainsi – dans une enceinte militaire. En l’occurrence, le propriétaire des lieux et l’organisateur de l’appel seront la même personne. Dans les autres cas, nous préférerons assurer l’accueil par un service de l’État, plutôt que par une collectivité. Dans le cas où l’État conclurait un accord avec une collectivité locale pour organiser l’appel de préparation à la défense dans un local ne lui appartenant pas, une convention sera établie dans laquelle seront précisées les obligations du propriétaire et du locataire.

Si cet amendement est voté – bien, que, encore une fois, il corresponde, selon nous, à une hypothèse d’école – on peut dire que l’État renonce à faire valoir ses droits s’il est condamné à la suite d’un accident subi par un jeune convoqué, alors que la cause provenait d’un mauvais entretien des lieux. Il s’ensuit que les services préfectoraux et les délégations militaires départementales qui organiseront matériellement cet appel ne pourront utiliser des locaux dont l’entretien serait jugé douteux. Il me semble vraiment que cela correspond à une hypothèse qui n’a pas de raison de se produire.

M. Pierre Lellouche : L’amendement n °122 de M. Boulaud et la réponse que vient de faire le ministre, selon lequel la situation est théorique mais peut quand même se produire – puisque dans certains cas l’appel se déroulera dans une installation autre que militaire – conforte la position prise par l’Assemblée il y a quelques instants quant au statut des jeunes pendant cette journée. Il est bien évident que, si l’appel se déroule dans une enceinte non militaire alors que les jeunes gens n’auront pas le statut d’appelé au service national, nous serons dans une confusion juridique grave qui pourrait remettre en cause l’indemnisation des jeunes victimes d’un accident. Le point soulevé fort justement par le rapporteur dans cet amendement confirme donc la nécessité d’accorder à ces jeunes le statut d’appelé, comme il est d’ailleurs à l’article L. 111-2 que nous avons voté.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°122. (L’amendement est adopté.)

Préparation militaire

M. le ministre de la Défense : (…) Je souhaite apporter quelques précisions pour répondre au souhait de M. Lellouche, partagé sur l’ensemble des bancs de l’Assemblée. Je rappelle que le dispositif actuel de préparation militaire concerne 24000 jeunes chaque année, soit 10% des jeunes en situation d’être appelés. La réforme de ce dispositif et sa pérennisation sont, aux yeux du Gouvernement, un pilier essentiel de la réussite de la professionnalisation et du maintien d’un lien armée-nation, qui, comme chacun ici le sait, est un des enjeux essentiels de la réforme dont nous débattons.

La réforme proposée de préparation militaire permettra une prise de contact, un premier pas vers une connaissance approfondie entre les jeunes volontaires et l’armée. Les stages seront de courte durée, organisés principalement dans les unités, espaces actifs de l’institution militaire. Tout jeune pourra ainsi, le plus souvent à proximité de son domicile, apprendre à connaître les métiers de la défense et la réalité militaire quotidienne.

Réserves (projet de loi en discussion parlementaire pour 1998)

Le stage de préparation militaire comportera l’acquisition des savoir-faire militaires élémentaires et sera, à ce titre, un élément essentiel de la réussite de la réforme des réserves. Cette réforme des réserves, vous le savez, donnera lieu à un nouveau texte qui sera présenté aux assemblées parlementaires au début de l’année 1998, mais il est bien entendu – je tiens à le préciser dès maintenant – que la réussite à la préparation militaire donnera aux jeunes accès à la réserve, laquelle aura une activité régulière et une relation directe avec les unités militaires actives.

Comme la réserve devrait représenter, en fonction des options de format de l’armée qui ont été programmées, 100 000 personnes, nous devrons trouver des incitations, sur lesquelles les propositions du Parlement seront très fructueuses, pour qu’un nombre suffisant de jeunes volontaires soit intéressé par les préparations militaires de manière qu’en phase de croisière la proportion de réservistes venant des préparations militaires soit suffisante par rapport aux réservistes venant des anciens d’active.

Je rappellerai tout d’abord que ce dispositif était prévu dès la loi de programmation militaire. Les effectifs en question sont nécessaires à l’accomplissement des missions futures des armées telles qu’elles sont définies dans la réforme. Il n’existe pas de différence dans la durée de l’exercice et la nature des postes. Je répète – je l’avais déjà dit jeudi dernier et j’avais eu le sentiment d’avoir été entendu – que l’expression « valet d’armes » venue d’on ne sait où, et qui me paraît sans application à la réalité militaire, devrait être exclue de notre débat. En effet, le jeune homme ou la jeune femme qui remplit une fonction de soutien d’activité technique nécessaire au fonctionnement militaire d’une unité est aussi utile et aussi pertinent au sein de l’organisation militaire que celui qui est directement porteur des armes.

Volontariat militaire (avec rémunération)

L’un des changements importants du projet de loi qui vous est soumis, changement qui a des conséquences budgétaires, est que le volontariat est normalement rémunéré. Je comprends tout à fait l’objection que vient de faire M. Lellouche : il est d’une nature différente du volontariat prévu dans l’ancien projet de loi, sous la précédente législature, lequel n’était pas à proprement parler rémunéré, mais donnait lieu à une indemnité.

Comme nous l’avons dit, le volontariat peut durer jusqu’à cinq ans mais il s’opère par tranches d’une année, ce qui réserve une marge de choix importante au jeune en fonction de la formation et de l’expérience qu’il acquiert et des changements d’orientation qu’il peut souhaiter à un moment ou à un autre.

Il y a une profonde cohérence entre ce dispositif et la nouvelle organisation de nos armées. J’en veux pour preuve que la notion de volontariat était, je le répète, inscrite dès le départ dans la loi de programmation militaire.

Service militaire adapté

M. Hoarau, l’inspiration de nombreux élus d’outre-mer au nom desquels vous vous êtes remarquablement exprimé est bien reprise par le projet de loi. Comme vous l’avez-vous-même expliqué, il s’agit maintenant d’un volontariat ; nous étions bien sûr empêchés de maintenir un service obligatoire uniquement pour les jeunes gens des départements d’outre-mer, notamment pour ceux ayant un faible niveau de formation. Le Gouvernement a présenté un sous-amendement qui prévoit que le volontariat donne lieu à un statut social, celui de stagiaire, permettant le niveau de rémunération que vous recommandiez. Nous pouvons ainsi espérer que le nombre des jeunes qui souscriront à ce volontariat correspondra à l’effectif actuel du SMA.

Vous avez eu raison de rappeler qu’on avait beaucoup hésité au départ à créer cette institution qui, par la suite, a rendu des services considérables à l’intégration, à l’insertion sociale des jeunes les plus en difficulté dans les départements d’outre-mer. Il faut poursuivre dans cette voie.

Le Gouvernement entend avec intérêt les recommandations que vous faites quant à un élargissement des missions des régiments de service militaire adapté. Je pense en particulier à la situation de la Réunion, que vous connaissez bien. Nous poursuivrons le dialogue à cet égard si vous le voulez bien.

Volontaires militaires (reconversion)

M. Voisin, les dispositions de reconversion seront rendues applicables aux jeunes ayant accompli quatre ans de volontariat. Pourquoi ? Parce qu’au fond, la cinquième année est, dans notre esprit, une année de basculement. La logique du volontariat est de correspondre à une première activité professionnelle dans les armées, pour laquelle la durée de deux ou trois ans est le plus souvent conforme à la réalité. Le jeune qui, au bout de deux ou trois ans, aura acquis une expérience et bien perçu l’environnement militaire, choisira, s’il veut continuer, de passer dans le statut d’engagé.

La quatrième année de volontariat correspondra à la situation d’un jeune qui n’a pas encore vraiment fait son choix et peut encore s’orienter vers la sortie. En tout cas, la cinquième année de volontariat ne devrait pas être le cas général. Donc, le jeune qui aura accompli quatre années de volontariat devra bénéficier du dispositif de reconversion car il aura vocation à quitter l’armée plutôt qu’à s’engager.

Volontariat (rémunéré)

J’ai déjà expliqué à M. Lellouche pourquoi le Gouvernement tenait à conférer aux volontaires la condition d’agent du Ministère de la défense normalement rémunéré avec un statut professionnel. Je ne crois pas qu’un salaire équivalent au SMIC soit plus dévalorisant qu’une indemnité de 2000 francs. S’il plaît à M. Lellouche de continuer à proclamer, pour des raisons politiques, que le seul fait de rémunérer les jeunes volontaires dans les armées fait du projet de loi dont nous discutons, qui réforme en profondeur toute notre organisation militaire, une annexe militaire du plan Aubry et si, dans son esprit, cela a quelque chose de péjoratif, personne ne peut l’en empêcher. Mais, sur beaucoup d’autres bancs de l’Assemblée, ce raisonnement ne sera pas entendu.

Report d’incorporation pour les jeunes salariés (création)

M. le président : Je suis saisi de six amendements : n°306 rectifié ; n°131, n°274, n°260 deuxième correction ; n°248 et n°242 pouvant être soumis à une discussion commune.

Le Gouvernement, partageant la préoccupation mise en évidence par le dépôt de ces amendements et la discussion qui a suivi en commission, a déposé un amendement n°306 rectifié visant à insérer un article L. 5-1 dans le code du service national. Le ministre de la Défense déclare :

Le ministre de la Défense : Comme vous le savez, le Gouvernement fait de l’emploi des jeunes et leur insertion professionnelle une de ses priorités, sinon sa priorité essentielle. Le Ministère de la défense doit pour sa part y contribuer. Je signale que, ces dernières années déjà, les armées ont pris leur part dans l’insertion professionnelle des jeunes. Elles ont notamment délivré 110 000 certificats de pratique professionnelle en 1996 et ont financé – nous poursuivrons cette action – des opérations de lutte contre l’illettrisme.

La mission majeure de nos forces armées demeure toutefois la défense du territoire et des intérêts de notre pays dans le monde, ainsi que la protection de nos ressortissants. Les armées contribuent à d’autres missions de sécurité intérieure ou de service public. Pour assurer correctement le passage d’une armée mixte à une armée entièrement professionnelle – transition qui ne peut pas s’étaler sur une durée inférieure à cinq ans – il nous incombe d’être vigilants et donc de faire face à l’ensemble de nos responsabilités s’agissant de la période de transition.

Nous avons pu observer dans d’autres pays qui conduisaient une professionnalisation à partir d’une situation de conscription que cette évolution, si elle se traduisait à un moment donné par une rupture brutale, pouvait compromettre les capacités opérationnelles des forces armées. Nous souhaitons donc opérer dans de bonnes conditions la transition dans les deux premières années, c’est-à-dire 1998 et 1999.

L’objectif de laisser poursuivre leurs débuts professionnels par les jeunes titulaires d’un contrat de travail peut, si l’on ne prévoit pas de conditions, entraîner un déficit sérieux d’effectifs dans nos unités. En effet, si l’on procédait au calcul théorique des conséquences d’un report accordé systématiquement à tout jeune détenteur d’un contrat de travail quelle qu’en soit la nature, le manque de recrues incorporées au cours de l’année 1998 serait, à très peu de chose près, de 50 000. Et même après l’application de mesures correctives tendant en particulier à réduire les besoins dans les services civils qui pourront bénéficier de l’apport des emplois-jeunes, ce serait encore 30 000 postes environ qui devraient être trouvés, ce qui présenterait un risque de désorganisation. ( ... )

L’amendement du Gouvernement permet de répondre aux besoins des armées, tout en assurant un nombre de jeunes appelés correspondant aux besoins de la défense et en permettant une transition comprise par l’ensemble de nos concitoyens, selon des règles étalées dans le temps et correspondant aux priorités que le Gouvernement s’est données. L’article L. 5-1 nouveau que le Gouvernement vous propose est fondé sur le schéma suivant : les jeunes titulaires d’un contrat de droit privé à durée indéterminée, bénéficiant de ce contrat depuis au moins trois mois à la date de résiliation de leur report, et ceux titulaires d’un contrat de travail à durée déterminée conclu pour une durée au moins égale à six mois pourront demander à bénéficier d’un report d’incorporation jusqu’au terme du contrat en cours, dans la limite de deux ans. Toutefois, pour tenir compte de la priorité à l’insertion des jeunes déjà entrés dans un contrat à durée indéterminée, nous prévoyons que cette durée de deux ans pourrait donner lieu à une prolongation.

Ces reports seront accordés par la commission régionale instituée à l’article L. 32 du code du service national. C’est-à-dire qu’ils ne seront pas attribués d’office. « Les reports mentionnés au présent article sont accordés si l’incorporation immédiate du demandeur a pour conséquence de compromettre son insertion professionnelle ou la résiliation d’une première expérience professionnelle. » Donc, c’est la commission régionale de dispense, chargée maintenant de l’appréciation du bien-fondé des demandes de report, qui vérifiera si cette condition est remplie.

Si l’Assemblée y consent, la mesure pourrait entrer en application dès le début de l’année 1998 pour les bénéficiaires de contrats à durée indéterminée, auxquels chacun s’accorde à estimer qu’il faut accorder une priorité. Elle sera mise en vigueur avant la fin de l’année 1998 – en tout cas avant le 1er janvier 1999, pour les titulaires de contrats à durée déterminée (plus de six mois). Ce décalage correspond à une priorité de politique d’emploi. De plus, il permettra au Gouvernement d’assurer la réalisation des effectifs nécessaires à la vie de nos armées pendant l’année 1998 et la première moitié de l’année 1999.

Le dispositif que le Gouvernement propose à l’approbation de l’Assemblée répond aux préoccupations légitimes de soutien des jeunes au début de leur vie professionnelle qui ont été exprimées sur tous les bancs de cette assemblée. Par ailleurs, il est de nature à assurer la continuité et le bon ordre des mesures de transition vers l’armée professionnelle, qui ne peuvent prendre une durée inférieure aux cinq années qui restent, et il établit des critères compréhensibles par tous, sans conférer à personne la dispense de service mais en prévoyant simplement des reports pour que l’exécution des obligations du service national intervienne à une date plus propice.

Après la discussion des différents amendements, le ministre de la Défense conclut :

Le ministre de la Défense : Je regrette de prolonger les débats, mais deux points au moins me paraissent justifier une précision. Les parlementaires qui viennent de s’exprimer ont, me semble-t-il, incomplètement interprété les dispositions qui leur ont été présentées voici quelques heures maintenant.

À M. Lellouche, je veux préciser qu’il n’y aura pas de discriminations entre les jeunes ayant entamé des études et les autres. Je l’affirme de la façon la plus certaine et l’expérience le vérifiera. Nous sommes à une période où tout jeune qui sera appelé au service le sera à l’issue d’un report. C’est le résultat mathématique de la date de naissance fixée dans le projet de loi. Aucun jeune ne sera défavorisé par le fait qu’il n’aura pas entamé d’études.

À M. Voisin, je réponds qu’il n’y aura aucune contradiction entre le code du travail et les dispositions prononcées ici. Aujourd’hui déjà, l’incorporation au service militaire ne rompt pas un contrat de travail à durée indéterminée. Et une autre disposition du projet de loi que nous allons examiner précisera de façon explicite qu’il s’agit seulement d’une suspension, et que le jeune restera détenteur de son contrat de travail. Je vous réponds que la proposition du Gouvernement ne vise pas accorder, de façon déguisée, une dispense de service au jeune titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, mais un report dont la durée pourra être modulée en fonction de la situation d’insertion professionnelle. Vous pouvez être en désaccord politiquement, c’est votre droit le plus absolu, mais je tiens à ce que vous ne vous trompiez pas sur l’interprétation de ce sur quoi l’Assemblée va se prononcer.

(L’amendement n°306 rectifié est adopté.)

À la suite de plusieurs amendements sur les dispenses, le ministre de la Défense déclare :

Dispenses (aux jeunes responsables d’entreprise)

M. le ministre de la Défense : Plusieurs participants au débat sur le difficile problème des reports pour motif professionnel ont souligné qu’il y avait un déséquilibre entre les jeunes responsables d’entreprise et les jeunes salariés au regard de l’accomplissement des obligations du service national.

Le système de dispense des jeunes chefs d’entreprise ayant deux ans d’ancienneté est éprouvé. Les observations faites par les uns et les autres à l’encontre d’une réduction de ce délai ont paru convaincantes au Gouvernement. En effet, pour une entreprise qui a deux ans d’ancienneté, il n’y a pas de véritable problème de confirmation de la réalité et de l’impact économique de cette entreprise.

En ramenant le seuil de dispense à un an d’exercice de l’entreprise, nous courons effectivement le risque d’avoir des montages qui soient favorables à des jeunes dont la situation sociale leur permet d’apparaître nominalement comme chef d’entreprise alors qu’ils en auront peu exercé la responsabilité réelle. En tenant compte des éléments de ce débat, le gouvernement préfère renoncer à cette disposition qui peut apparaître déséquilibrée par rapport à d’autres et maintenir la condition d’ancienneté à deux ans.

Volontaires dans la gendarmerie nationale (statut d’agent de police judiciaire adjoint)

M. le président : M. Boulaud, rapporteur, a présenté un amendement, n°144, ainsi libellé : « Après l’article 6, insérer l’article suivant :

“Après le 1° de l’article 21 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 1er bis Les volontaires servant en qualité de militaires dans la gendarmerie.” »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud, rapporteur : La gendarmerie envisage de recruter à terme environ 10 000 volontaires militaires sur les 27 200 que prévoit la loi de programmation militaire pour l’exercice 2002. Ces volontaires seront intégrés autant qu’il est possible dans des unités opérationnelles : brigades territoriales, unités d’autoroute, unités de montagne, pelotons de sécurité et d’intervention de la gendarmerie. Le volontariat donnera à la gendarmerie de meilleures capacités pour assurer la sécurité des Français. Les emplois proposés offriront de vraies responsabilités et des conditions de travail permettant une expérience professionnelle.

Pour que la réforme soit immédiatement applicable à la gendarmerie et efficace, il est nécessaire de conférer aux volontaires servant en qualité de militaires dans la gendarmerie le statut d’agent de police judiciaire adjoint. C’est pourquoi la commission de la défense a adopté l’amendement n°144 qui tend à compléter la liste de l’article 21 du code de procédure pénale. Je vous rappelle que le directeur général de la gendarmerie en avait fait la demande à la commission.

M. le ministre de la Défense : Heureusement, c’est la position de tout le Gouvernement, pas simplement celle d’un des hauts fonctionnaires qui le servent. Il y aura en effet un gain de responsabilité et d’expérience professionnelle entre la situation actuelle des appelés de gendarmerie, que vous connaissez tous, les gendarmes auxiliaires, et celle des volontaires qui vont être mis en place. Cela constitue une réponse de plus aux appréciations de ceux, peut-être insuffisamment informés, qui disent que les volontaires n’ont pas de véritables responsabilités militaires.

Les gendarmes auxiliaires sont une ressource humaine déjà très utile à la gendarmerie mais la brièveté de leur service et, par conséquent, la relative brièveté de leur formation limitent les responsabilités qui peuvent leur être confiées. Avec la nouvelle formule des volontaires, après une certaine durée, les jeunes servant en cette qualité, dont la formation sera plus longue – le Gouvernement prévoit de leur conférer une formation d’au moins trois mois, plus des formations complémentaires à mesure qu’ils avanceront en ancienneté –, pourront donc jouer un rôle beaucoup plus varié et s’impliquer beaucoup plus dans le fonctionnement des unités, en particulier des brigades. Cela permettra une réelle amélioration en matière de sécurité publique dans les zones rurales ou dans les zones périurbaines. Après avoir analysé les conséquences juridiques d’une telle disposition, le Gouvernement est favorable à la reconnaissance, après un temps d’expérience, de la qualité d’agent de police judiciaire adjoint aux jeunes volontaires en gendarmerie.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°144. (L’amendement est adopté.)

Militaires (nouveaux droits à accorder)

Le débat parlementaire se termine par la discussion de plusieurs articles présentés par le Gouvernement traitant de questions relatives à la condition militaire. Les députés repoussent à plus tard ces dispositions pour les discuter dans un nouveau texte. Pendant cette discussion, l’élargissement du droit d’expression des militaires étant abordé, le ministre de la Défense donne sa position :

Le ministre de la Défense : M. Cova, de son côté, a souhaité que le Gouvernement soit saisi de propositions visant à élargir le droit d’expression des militaires sur leur condition et sur les missions de leurs unités, en allant même jusqu’à évoquer le droit, pour les intéressés, de se prononcer sur les décisions individuelles, comme c’est l’usage dans la fonction publique.

Le Gouvernement croit qu’il y a, en effet, matière à ouvrir la réflexion sur ce sujet. Lorsque je disais, au début de la discussion générale, que nous n’avions pas encore pris en compte l’ensemble des conséquences de la professionnalisation des armées, c’était l’un des sujets auxquels je songeais. Il ne me paraît pas possible à long terme de maintenir l’organisation du dialogue interne aux armées, une fois la professionnalisation totalement acquise, comme on la concevait il y a trente ans avec une armée constituée majoritairement de conscrits. Je pense ne pas heurter le souci de cohésion de l’armée qu’a M. Cova en disant cela. Comme le laissait entendre M. Sandrier, il faut travailler et entendre des opinions variées sur ce sujet. Le Gouvernement ne prendra assurément pas position en faveur de l’instauration d’un droit de type syndical dans les armées, mais je vous ferai observer que nos armées agissent, sur certains terrains, auprès d’autres armées dont les soldats sont syndiqués et qui, aux dernières nouvelles, ne se débandent pas au premier coup de feu.


Discours du ministre de la Défense avant le vote du projet de loi

En présentant ce projet de loi, le Gouvernement a eu conscience des difficultés à surmonter et des contradictions entre lesquelles il fallait avancer. En même temps, il s’est tenu pour responsable de la clarification de la situation de nos armées, et il a ressenti la nécessité de faire se prononcer le Parlement sur l’ensemble des effets de la professionnalisation ; cette dernière, je le rappelle, avait été approuvée dans la déclaration de politique générale dès le début de la législature.

Le débat, qui a eu lieu et pour lequel le Gouvernement s’est efforcé de se montrer le plus disponible possible et soucieux des meilleurs échanges avec le Parlement, aboutit à l’adoption d’un très grand nombre d’amendements issus de tous les groupes de l’Assemblée. Nous avons cherché de bout en bout à convaincre, et à rassembler autour de cette réforme que nous considérons comme profondément nécessaire.

Armée de conscription – armée professionnelle

Ne nous dissimulons pas les efforts et les remises en cause que cela a représenté pour de nombreux parlementaires. Je rappelle que, au moment où la réforme a été lancée par le chef de l’État, beaucoup, sur tous les bancs, exprimaient leurs hésitations et leurs réticences devant la fin de la conscription. Indéniablement, un an et demi après, beaucoup d’esprits ont évolué. Les Français, dans leur majorité, se sont placés dans cette perspective, comprennent les objectifs de défense ainsi que les questions d’équilibre de société qui l’ont motivée, et il est apparu au Gouvernement qu’il était vain de vouloir revenir en arrière.

Débat politique

Bien entendu, cette évolution peut donner lieu à des critiques, voire à des moqueries. C’est la loi de la vie politique : on ne s’y fait pas de cadeau. Personne, en tout cas, ne peut contester que, pour le Gouvernement et sa majorité, cet effort de prise en compte des responsabilités supérieures de l’État a été l’objet d’un sincère et véritable engagement. Je remercie donc la majorité de la solidarité qu’elle manifeste avec le Gouvernement autour de cet objectif de préservation des acquis essentiels de notre république.

Lien armée-jeunesse

Nous avons fait ensemble du travail positif pour renouveler, pour rétablir un lien entre le système de défense et la jeunesse en dépit de la fin de la conscription. Bien entendu, ce sera encore à perfectionner, car peuvent surgir des difficultés d’application le long du chemin, comme c’est le cas de toute grande réforme. Je souhaite simplement que l’ensemble de l’Assemblée nationale soit convaincu de la détermination du Gouvernement à mener cette réforme avec le souci de la parfaite continuité des nécessités opérationnelles de nos armées, du respect de situations sociales souvent difficiles que révèle la transition vers la professionnalisation, et avec la préoccupation de faire de nos armées, dans le nouveau système, après la fin de la transition, un attribut essentiel de notre édifice républicain à la fois tourné vers la diversité de la société et garant de nos intérêts supérieurs en France et dans le monde.

 

Date : 7 octobre 1997
Source : Sénat

Présentation par le ministre de la Défense du projet de loi réformant le service national (extraits)

Appelés du contingent (nécessité pour la réforme des armées)

Je tiens à saluer, ici, devant les élus de la nation, cette attitude essentielle pour le succès de la professionnalisation. Nous avons absolument besoin des appelés du contingent pour réussir une transition harmonieuse vers l’armée professionnelle tout en assurant l’exécution des missions confiées à nos armées. Ainsi, la mise en place du plan Vigipirate ne peut-elle se concevoir actuellement sans l’apport de la conscription. Sur l’équivalent du 1,2 million de journées de soldat nécessitées par les patrouilles dans le métro parisien, les gares, les aéroports, les trois quarts, soit plus de 800 000, ont été fournis par les appelés. Qui plus est, nous n’en sommes qu’au début de la phase de transition : à ce jour, sur les cent régiments que compte l’armée de terre, seuls quinze sont entièrement professionnalisés. L’équilibre entre la montée en puissance des effectifs d’engagés ainsi que l’adaptation mesurée des effectifs de sous-officiers et officiers et la transformation des unités mixtes en unités entièrement professionnelles sont très directement conditionnés par la présence des appelés en nombre et en qualité pendant cette période cruciale.

Je veux m’inscrire, par ailleurs, en faux contre les déclarations intempestives de ceux qui ne voient dans les appelés que des supplétifs de faible utilité. Cela est injuste pour ces jeunes qui, conscients de leur rôle, assurent la vigilance armée et soutiennent par leur savoir-faire l’évolution vers la défense de demain. C’est également inexact à l’encontre des cadres qui les commandent et qui, je le vérifie à chaque déplacement dans une unité, attachent la plus grande importance au rôle des appelés jusqu’à la fin de la période de transition. Ce n’est donc qu’avec leur apport que la réforme en cours se poursuivra dans les conditions satisfaisantes que nous connaissons aujourd’hui. Je souhaiterais maintenant vous rappeler la démarche qui a présidé à l’élaboration du projet de réforme du service national qui en est le corollaire. (…)

Pérennité du lien armée-nation (renouveau)

Il nous appartient donc aujourd’hui de concevoir autrement le lien entre la nation et son armée. Pour cela nous souhaitons définir les nouvelles modalités d’un véritable « parcours citoyen » pour que les jeunes restent partie prenante de la notion de défense globale. Le projet de loi qui vous est présenté doit être vu comme un ensemble cohérent qui comprend, notamment, des obligations, parce que le devoir civique est un pilier majeur de toute société démocratique comme un ensemble cohérent qui repose aussi sur le volontariat, car la prise de responsabilité est une valeur essentielle à l’esprit de défense.

C’est donc l’ensemble du parcours offert aux jeunes depuis l’enseignement des principes de défense à l’école dès avant seize ans au volontariat entre dix-huit et vingt-cinq ans qui constitue la nouvelle trame des rapports entre les jeunes et la défense.

Initiation à la défense dans le cadre de l’enseignement

Le Gouvernement a tout d’abord clairement manifesté sa volonté de revitaliser l’enseignement de l’instruction civique et de l’histoire pour que les adolescents soient formés, dès leur scolarité, aux fondements de notre pacte républicain. Dans ce contexte, ils seront initiés aux principes de la défense sous la responsabilité du corps enseignant. C’est en effet l’un des rôles qui doit revenir à l’éducation nationale, chacun en convient. L’éducation nationale remplira ainsi pleinement sa mission de cohésion républicaine, sur laquelle toutes les familles de pensée se rassemblent. La complexité des débats de forme en première lecture à l’Assemblée nationale sur ce sujet n’a fait, me semble-t-il, que refléter le consensus existant sur le fond de cette évidence.

Appel de préparation à la défense

Un « appel de préparation à la défense » d’une journée s’inscrira dans la continuité de cet enseignement avec lequel il forme un tout. Le choix d’une formule peu contraignante pour les jeunes, organisée à proximité de leur domicile, dans des sites le plus souvent militaires, répond très directement aux critiques formulées ici même sur le Rendez-vous citoyen. Juste avant leur majorité, un à deux ans après avoir été recensés, les jeunes auront un contact direct avec la communauté militaire.

Session d’une journée organisée par les militaires

L’entrée dans la citoyenneté sera marquée par cette journée au cours de laquelle la nécessaire implication de chacun dans la défense sera rappelée. Les garçons y seront convoqués à partir de la rentrée scolaire de 1998 et les jeunes filles dès l’an 2000. Placées sous la responsabilité du ministre de la Défense, organisées par les autorités militaires du département en liaison avec les préfets, les sessions se tiendront le mercredi ou le samedi, afin de ne pas perturber l’activité scolaire ou professionnelle des jeunes. L’information sera assurée par des cadres militaires d’active et de réserve, servant dans des unités géographiquement proches. Je n’exclus pas que des personnalités de la société civile y soient associées.

Seront ainsi présentés les enjeux de la défense, son organisation, ses missions et ses moyens, ainsi que les opportunités de participer à une préparation militaire, à une forme de volontariat, ou de souscrire un engagement dans la réserve. Le devoir de mémoire sera évoqué, avec la participation du secrétariat d’État aux anciens combattants. Enfin, la journée permettra la détection de l’illettrisme.

Préparations militaires

Après l’appel de préparation à la défense, les jeunes auront la possibilité, s’ils le désirent, de participer à des préparations militaires. C’est une démarche volontaire qui leur permettra d’acquérir, lors de périodes compatibles avec leur engagement universitaire ou professionnel, des savoir-faire militaires élémentaires et de découvrir concrètement l’activité quotidienne des armées.

La mise en présence dans les unités des femmes et des hommes qui ont choisi de faire de la défense leur métier avec les jeunes participants contribuera directement à l’établissement de relations de confiance entre la jeunesse et l’armée, gage de respect mutuel, ainsi qu’au recrutement de réservistes et de volontaires.

Parcours militaires vers les réserves

La préparation militaire sera ainsi un moyen utile de pérenniser le lien entre la nation et son armée et constituera un instrument privilégié de la réforme des réserves, dont le rôle devient déterminant aux côtés de l’armée professionnelle. Ce parcours préparation militaire-réserve constitue une réponse réaliste à la demande largement exprimée, en particulier au Parlement, d’une formation militaire de base pour les jeunes désireux d’apporter une participation directe à la défense sans toutefois embrasser une carrière dans les forces armées.

Volontariat militaire

En outre, par une démarche librement consentie, les jeunes pourront également choisir de servir dans les forces armées en qualité de volontaires. La mise en œuvre de ce volontariat s’inscrit avec compatibilité et cohérence, dans la priorité nationale que constitue l’emploi des jeunes et contribue à l’action globale du Gouvernement en la matière.

Durée : douze mois renouvelables – rémunération au niveau du SMIC

Sa durée initiale sera de douze mois, mais le volontariat pourra être renouvelé et atteindre jusqu’à soixante mois. La rémunération, compte tenu des avantages matériels accordés aux volontaires, leur permettra de disposer de ressources au moins égales au SMIC net. Bien loin d’être des « valets d’armes », selon l’expression malheureuse que certains ont employée, ces volontaires exerceront un métier à part entière, souvent de niveau technique élevé, en remplacement de la ressource très qualifiée que pouvait offrir le service national – je pense notamment aux scientifiques du contingent.

27000 volontaires sans statut militaire dont 16000 dans la gendarmerie

La loi de programmation militaire votée l’année dernière prévoit la création de 27 171 postes de volontaires d’ici à 2002, dont 16 232 dans la gendarmerie, ce qui accroît les moyens de ce corps pendant la période considérée. Ces volontaires seront l’une des composantes de l’armée professionnelle aux côtés des militaires de carrière ou engagés, des réservistes et des civils.

Il restait cependant à définir le cadre juridique du volontariat. Le texte qui vous est présenté y pourvoit en faisant des volontaires des militaires en droits et en devoirs. Ces volontaires placés sous statut militaire contribueront directement à la pérennité du lien entre l’armée et la jeunesse. Ils serviront dans les armées pendant une période limitée, sans faire de cette activité leur métier. Ils constitueront l’un des viviers de la réserve.
Par ailleurs, en complément de ce corps de volontaires, dont la création est inscrite dans la loi de programmation militaire, les unités de la sécurité civile, notamment celles des sapeurs-pompiers, qui sont des unités militaires, pourront également avoir recours au volontariat.

Service militaire adapté

Le service militaire adapté sera maintenu en faveur de nos jeunes concitoyens recensés outre-mer. Il sera proposé sous la forme d’un volontariat de douze mois qui conservera son identité militaire. Les jeunes y recevront d’abord une formation civique et morale, qui sera suivie par ce qui fait la spécificité de la formule actuelle, à savoir une formation militaire et professionnelle adaptée à laquelle les élus d’outre-mer sont très attachés – ils ont eu l’occasion de me le redire pendant la concertation.

Volontariat civil

Le projet de loi crée en outre la possibilité d’effectuer un volontariat civil, notamment dans les domaines de la coopération internationale et de l’action humanitaire. Le Gouvernement a souhaité que la loi énonce dès maintenant le principe de ce futur volontariat de manière à clairement indiquer qu’il n’y aurait pas de discontinuité lors de la fin progressive de l’utilisation des jeunes appelés dans la coopération. L’action bénéfique pour le rayonnement de la France, et pour les pays et les organismes qui en bénéficient, accomplie aujourd’hui par les coopérants du service national sera ainsi poursuivie.

Le principe de l’existence de ces volontariats étant posé, leur organisation et leurs statuts seront précisés par une loi ultérieure dont la préparation incombera plus directement aux départements ministériels utilisateurs de ces jeunes. Il n’y a en effet pas urgence, parce que les besoins de la coopération sont couverts pendant encore plusieurs années grâce au recours à des jeunes en report d’incorporation.

Initiation aux principes de défense dès l’école, appel de préparation à la défense, préparations militaires et volontariat, telles sont les étapes de ce « parcours citoyen » qui pérennise et renouvelle le lien entre la nation et son armée.

Préservation de la sécurité territoriale

Mais ce n’est pas là le seul objectif du projet de loi. Il est en effet de notre devoir de préserver la sécurité de notre pays quelles que soient les évolutions futures du contexte géostratégique. Nous maintenons donc la possibilité de recourir à un recrutement plus massif pour le cas où de nouveaux besoins de sécurité l’exigeraient.

Recensement (de dix-sept à seize ans)

Tel est l’objet de l’obligation de recensement ainsi d’ailleurs que l’appel de préparation à la défense. Le recensement interviendra dès l’âge de seize ans, au lieu de dix-sept actuellement. Il sera étendu aux jeunes filles à partir de 1999, sur la demande de l’Assemblée nationale. C’est d’ailleurs le terme le plus proche qui nous soit accessible. Le recensement deviendra ainsi véritablement universel. Il constituera la deuxième étape des obligations civiques, après l’instruction civique et avant l’appel de préparation à la défense. Les données relatives à chaque jeune recensé seront actualisées et suivies par la direction du service national jusqu’à ce qu’il atteigne l’âge de vingt-cinq ans. La convocation à l’appel de préparation à la défense permettra, entre autres, de les valider.

Ainsi sera effectivement préservée une capacité de montée en puissance rapide des effectifs si le législateur décidait de rétablir l’appel sous les drapeaux. L’obligation de recensement et celle de participer à l’appel de préparation à la défense seront assorties de sanctions administratives qui nous ont paru les plus pragmatiques possibles. Le certificat de satisfaction à ces obligations sera en effet exigé pour s’inscrire aux examens et concours soumis au contrôle de l’autorité publique. Mais les jeunes auront la possibilité de régulariser à tout moment leur situation.

Renouvellement du lien armée-nation, préservation de notre sécurité quelle que soit l’évolution du contexte géostratégique, tels sont donc les deux premiers objectifs de cette réforme.

Transition (nouvelles dispositions des dispenses et des reports d’incorporation)

Le projet de loi organise enfin la transition vers l’armée professionnelle en simplifiant le système des reports d’incorporation et en assouplissant le régime des dispenses. Pour cet aspect du projet de loi, les dispositions largement débattues lors de l’examen du texte du Gouvernement précédent ont été reprises et étendues en première lecture. Je tiens toutefois à insister sur un point fondamental, à savoir la cohérence que nous devons rechercher pour assurer la crédibilité et le bon déroulement de l’appel sous les drapeaux des jeunes nés avant le 1er janvier 1979, continuant à effectuer leur service, comme les garçons de leur âge qui n’ont pas bénéficié de reports d’incorporation. Cela répond à un souci de justice et d’équité que nous partageons tous ; c’est en outre, je l’ai dit précédemment, un élément nécessaire de la stabilité de nos armées. La matière est rendue délicate par le changement que crée, dans l’esprit de tous, la fin annoncée du service national. Nous devons en débattre avec le sens de l’intérêt général, qui, je le sais, anime tous les parlementaires sur cette question des reports.

Nouveau report d’incorporation (insertion professionnelle)

La formule née sous l’éclairage des débats de première lecture me semble un compromis équitable et satisfaisant entre les besoins cruciaux des armées pendant la phase de transition, que je vous ai exposée, et le souci qui est le mien de participer pleinement à l’élan en faveur de l’emploi donné par le Gouvernement.

L’amendement voté sur ma proposition par l’Assemblée nationale ne fait ainsi, sous les conditions restrictives examinées par une commission régionale, que reporter l’incorporation des jeunes concernés de manière à concilier au mieux les besoins des armées et le souci de ne pas compromettre leur insertion professionnelle.

Cette dernière sera d’ailleurs, si vous acceptez le dispositif, protégée par le projet de loi. En effet, une modification du code du travail a pour objet de préciser notamment que la réintégration dans l’entreprise devient de droit à l’issue de l’obligation militaire, le contrat de travail n’étant que suspendu et non plus rompu comme c’était le cas dans la législation antérieure.

Code de justice militaire

Dans la version du projet proposée en première lecture à l’Assemblée nationale, le Gouvernement demandait par ailleurs une habilitation pour modifier par voie d’ordonnance, comme l’y autorise l’article 38 de la Constitution, le code de justice militaire. Ce choix technique du Gouvernement, guidé par un souci de rapidité et d’efficacité, visait uniquement à introduire les dispositions de la loi n°93-2 du 4 janvier 1993 – vieille déjà de près de cinq ans ! – portant réforme de la procédure pénale.

L’article 229 de cette loi avait en effet prévu, au titre des dispositions transitoires, qu’une loi ultérieure, devant initialement intervenir avant le 1er janvier 1995, rendrait ces mesures applicables aux juridictions militaires. Deux lois postérieures, la dernière étant celle du 22 juillet 1996, ont reporté cette date limite au 1er janvier 1997. Nous savons tous qu’il est difficile de faire tenir tous les souhaits du législateur dans le calendrier législatif. La formule de l’ordonnance me semblait donc utile pour régler cette question, s’agissant – je tiens à être parfaitement clair sur ce point – de transposer purement et simplement les dispositions déjà approuvées par le législateur dans le code de procédure pénale.

Il est en effet nécessaire, à mes yeux, de faire bénéficier les militaires, sans plus attendre, des dispositions protectrices des droits de la défense assurée par le nouveau code de procédure pénale. Je citerai, à titre d’exemple, l’instauration d’un droit d’appel des jugements rendus en matière contraventionnelle et délictuelle, qui n’existait pas avant, le meilleur encadrement des conditions de la garde à vue, avec une information du prévenu de son droit de faire alerter sans délai un membre de sa famille, d’être examiné par un médecin et de s’entretenir avec un avocat dès la vingtième heure. Il s’agit donc, sur tous ces plans, d’une progression de l’État de droit, chacun admettant, me semble-t-il, que les militaires, justiciables des tribunaux militaires, ne peuvent plus rester la seule catégorie de Français à ne pas bénéficier d’une protection juridique.

L’Assemblée nationale, dans un souci louable de préservation des prérogatives du Parlement, a rejeté cette demande. Le Gouvernement, par voie d’amendement, vous proposera donc de repousser une nouvelle fois, et ce jusqu’au 1er janvier 1999, la date d’adaptation du code de justice militaire, sauf si le Sénat, lui, estimait possible de nous autoriser à procéder par ordonnance.

Réforme des armées (vaste dispositif législatif)

Mmes, MM. les sénateurs, la réforme qui va vous être proposée dans quelques instants s’inscrit de façon cohérente dans un dispositif législatif plus vaste refondant intimement les rapports entre la nation et ses forces armées. La professionnalisation de ces dernières, conséquence maintenant largement reconnue de leur adaptation au nouveau contexte, s’est déjà traduite par l’adoption de deux texte législatifs : la loi de programmation militaire pour les années 1997 à 2002 et la loi d’accompagnement de la professionnalisation du 19 décembre 1996.

Prochains budgets de loi (réserves et statut du volontaire civil)

La cohérence de l’ensemble vous amènera à vous prononcer encore sur deux autres textes dans les prochains mois :
    - tout d’abord, dès le premier semestre de 1998, il conviendra de doter d’un statut propre les réservistes de demain, véritables professionnels à temps partiel de la défense. L’article L. 111-2 du code du service national dispose en effet clairement que ces réservistes sont parties intégrantes des effectifs de nos forces armées. Aussi leur doit-il être précisé ;
    - dans un second temps, comme je vous l’ai déjà exposé, il conviendra de doter les volontaires civils d’un encadrement juridique. En effet, contrairement au volontariat militaire, dont le statut existe déjà – c’est celui du statut général des militaires –, il apparaît nécessaire, pour établir le statut du volontariat civil, que soit fixée exactement l’application de ce volontariat.

Lien armée-nation

L’ensemble de ce dispositif législatif posera, à terme, les bases d’un consensus renouvelé entre la nation et ses forces armées. Notre responsabilité, la mienne singulièrement, ne s’arrête toutefois pas là. Il est en effet impossible de prévoir toutes les implications, morales notamment, du changement profond que nous sommes en train d’opérer aujourd’hui. Nombre de militaires, particulièrement, s’inquiètent de la rupture possible entre ceux qui assureront la défense, parfois au péril de leur vie, et une société ayant délégué le fardeau de sa sécurité à des professionnels.

À cette crainte légitime de dérive, j’oppose les relations fortes qui existent aujourd’hui entre notre peuple, profondément attaché à son armée, dont il soutient moralement le courage et le professionnalisme, et notre défense. À ces inquiétudes, j’oppose tout ce qui, dans le projet de loi, tend au renouvellement des liens entre la nation et ses forces armées. Ce ne sont là toutefois que des bases de départ, à l’origine d’une évolution qui sera longue et guettée par la facilité. Je suis sûr que vous tous, membres de la représentation nationale, serez porteurs d’idées et d’exigences neuves pour développer ce nouveau contrat moral. C’est un échange que nous poursuivrons année après année. Vous pouvez compter sur moi, responsable de la gestion de notre outil militaire, pour rester en éveil devant tous les risques à conjurer et tous les progrès à accomplir.

Pendant tout ce processus de réorganisation, nous sommes tenus à un devoir de continuité et de responsabilité pour garantir la bonne marche des armées, instrument décisif de notre sécurité et de notre présence dans le monde. Chacun, ici, aura à cœur de préserver l’efficacité et la motivation de ceux qui concourent à défendre notre sol, à agir pour nos intérêts et à servir nos ambitions de progrès et de paix dans le monde. Les sacrifices qu’ont consentis nos soldats constituent un cadre moral qui nous oblige, Gouvernement et Parlement, à la recherche exigeante de l’intérêt général et au dépassement de désaccords secondaires, que les familles de ceux qui sont tombés au service de notre pays, au nom d’un idéal de paix, ne pourraient comprendre.

En vous disant à nouveau la détermination du Gouvernement à réussir cette réforme au service de notre nation, sans esprit partisan, j’espère contribuer, Mmes, MM. les sénateurs, à faire de cette loi nouvelle sur le service national une synthèse de nos ambitions de défense et de nos aspirations de cohésion civique. Je suis sûr de votre volonté de mener ce débat avec la hauteur de vues qu’il mérite, et je vous soumets en toute confiance le projet de loi que le conseil des ministres m’a chargé de défendre devant vous.


Réponses du ministre de la Défense aux orateurs dans la discussion du projet de loi (extraits)

Je me permettrai d’en appeler à l’indulgence des intervenants, car je vais m’efforcer de leur répondre brièvement, étant entendu que j’aurai l’occasion d’apporter les précisions souhaitées lors de la discussion des articles, que le Sénat souhaite, je le sais, aborder sans tarder. Je regrouperai mon propos autour de quelques thèmes qui ont été abordés de manière récurrente par les uns et par les autres.

Éducation nationale – examen de santé

À M. le rapporteur (M. Vinçon), je dirai d’abord que je partage un certain nombre des préoccupations essentielles qu’il a exprimées. Je pense en particulier au rôle qu’il souhaite voir l’éducation nationale tenir dans le renforcement de l’esprit de défense et dans la préparation d’un rappel possible d’effectifs plus importants, que prévoit effectivement le présent projet. En exposant les différences avec le projet de loi précédent, M. le rapporteur a appelé l’attention du Sénat sur la question du bilan de santé. Je sais qu’il s’agit d’une question clé pour beaucoup des membres de cette assemblée. Le Gouvernement doit en effet rechercher des solutions qui tiennent compte de l’expérience acquise, mais qui soient aussi assurément applicables.

Volontariat (statut social du jeune volontaire – plan emploi-jeunes)

En ce qui concerne le volontariat, il a défendu une logique différente de la nôtre. À partir du moment où le Gouvernement, dans la cohérence de sa politique, souhaite fournir aux jeunes de nouvelles possibilités d’insertion professionnelle en définissant un équilibre entre les obligations auxquelles ils doivent se soumettre et les possibilités – y compris en termes de statut social minimal – qui leur sont offertes par la société, à savoir un emploi avec un contrat de travail et avec une rémunération égale au SMIC, il ne serait pas réaliste d’affirmer que le seul secteur dans lequel des jeunes devraient, par principe, obtenir un statut social et une rémunération plus limités serait celui de la défense de notre pays.

Bien sûr, on peut être radicalement opposé au schéma de l’emploi des jeunes, mais je crois avoir noté que telle n’était pas l’approche du Sénat puisqu’il a souhaité examiner pleinement le projet de loi présenté par Mme Martine Aubry, mais en l’amendant parfois dans le sens d’un élargissement de son champ d’application. Autant j’admets parfaitement la distinction intellectuelle qui est faite entre le volontariat selon l’ancien système et le volontariat tel que nous le proposons, autant je mets en garde contre une distinction morale qui consisterait à soutenir qu’un volontariat rémunéré à 2000 francs serait l’expression d’une générosité et qu’un volontariat payé à 3500 francs et 4000 francs représenterait une sorte d’embourgeoisement qui lui retirerait toute valeur.

Il y a bien une différence, mais ce n’est pas un abîme. À partir du moment où une nouvelle priorité – on peut la contester, mais elle a sa logique et elle répond, je crois, à l’attente d’un très grand nombre de nos concitoyens, jeunes et moins jeunes – a été définie, il est logique de mettre en cohérence le statut social du jeune volontaire et celui du jeune occupant un emploi d’utilité publique dans d’autres secteurs, sans qu’on puisse pour autant parler d’assistance ni d’affadissement des missions défense.

Nouveau protocole éducation nationale-défense (enseignement de défense)

Le président de Villepin a très utilement rappelé les finalités de défense autour desquelles s’organise ce projet de loi, comme elles étaient d’ailleurs également au centre de ce projet de loi précédent. Je veux répondre d’emblée à une question importante qu’il m’a posée : je considère comme nécessaire d’établir, dans les mois qui viennent, un nouveau protocole éducation nationale-défense. Nous souhaitons en effet demander à l’éducation nationale d’instruire, comme elle le faisait dans un lointain passé, les jeunes sur la défense de leur pays, et beaucoup ont bien voulu approuver cette démarche. Cela suppose des collaborations nouvelles, une complémentarité entre notre appareil de défense et l’éducation nationale. Il y a donc lieu de définir dans un document majeur les missions des uns et des autres et la manière dont les moyens seront répartis.

Rendez-vous citoyen/appel de préparation à la défense

M. de Villepin a bien voulu noter l’impact positif que pourrait avoir la relance des préparations militaires, qui constitue l’une des originalités de ce projet de loi par rapport au précédent.

Il a également appelé du Sénat sur les différences existant entre l’ancienne formule du Rendez-vous citoyen et la nouvelle formule de l’appel de préparation à la défense, expression dont le signe heurte sa sensibilité. À cet égard, il a estimé – et l’on sait que le choix des adjectifs est toujours chose délicate – que le Rendez-vous citoyen était ambitieux et que l’appel de préparation à la défense était modeste. J’accepte tout à fait ces qualificatifs, avec toutes les implications qu’ils comportent.

M. Vigouroux a évoqué, voilà quelques instants, les questions que comportait l’instauration du Rendez-vous citoyen, dont étaient conscients de nombreux sénateurs.

M. About a affirmé que l’on aurait dû courir ces risques, apprécier ensuite la situation, mais après avoir pris l’attache des représentants de tous les groupes, notamment ceux du Sénat, le Gouvernement a pensé que ceux-ci étaient excessifs par rapport à l’efficacité que l’on pouvait attendre du Rendez-vous citoyen. Ce dispositif est en effet ambitieux, et cette ambition nous paraissait parfaitement servie par les moyens envisagés.

Volontariat civil (futur statut défini par un projet de loi)

M. de Villepin a enfin insisté sur la nécessité de légiférer à propos des volontariats civils. Je ne peux faire ici une annonce, mais elle engage bien sûr le Gouvernement : celui-ci devra déposer, au cours des prochains mois, un projet de loi fixant le statut des volontariats civils, en cohérence, comme l’a suggéré M. le président la commission, avec le statut des volontaires militaires. Le Ministère de la défense s’était organisé pour préparer rapidement un nouveau texte répondant à l’urgence parce que l’absence de vocation des jeunes appelés nés après le 1er janvier 1979 créait depuis le début de l’année 1997 une incertitude unique qu’il importait de lever rapidement.

En ce qui concerne le statut des volontaires civils, les ministères chargés de veiller à l’emploi et aux conditions sociales et économiques faites aux jeunes gens concernés sont principalement celui des affaires étrangères, le secrétariat d’État à la coopération, le secrétariat d’État au commerce extérieur, et éventuellement certains ministères d’action intérieure ; tout en leur fournissant un appui logique dans le débat interministériel, il m’a paru souhaitable de leur laisser un peu de temps, après qu’aura été défini en particulier le champ d’application de ces nouveaux volontariats, pour élaborer des propositions législatives qui devront être soumises au Parlement dans les prochains mois.

Réforme des armées (application et coût budgétaire)

Je voudrais confirmer à M. Marini qu’un équilibre délicat est à trouver dans l’application de la grande réforme de la professionnalisation des armées. Comme il a bien voulu le rappeler, cette réforme a été engagée voilà déjà un an et demi ; nombre de ses conséquences ont été tirées, et la transition difficile, qui concerne l’ensemble des services du ministère de la défense, notamment la direction du service national, limite la marge de manœuvre. D’autres orateurs l’ont également souligné. (…)

Par ailleurs, puisque M. Marini a souligné quelques problèmes budgétaires, je tiens à m’excuser auprès de vous, Mmes, MM. Les sénateurs, de ce que, soucieux de ne pas alourdir notre discussion, je n’engage pas dès maintenant le débat budgétaire, avec les conséquences financières qu’a ce projet de loi. Il n’en demeure pas moins que j’ai bien entendu pris note très scrupuleusement des questions budgétaires auxquelles la Haute Assemblée s’est montrée sensible.

Appel de préparation à la défense (sites militaires)

Je rejoins enfin M. Marini pour constater que la recherche, au travers de l’instauration de l’appel de préparation à la défense, d’une répartition territoriale beaucoup plus fine du dispositif sur l’ensemble des départements, au lieu de la concentration sur une dizaine de sites majeurs prévue dans l’optique de la mise en place du Rendez-vous citoyen, crée une relation nouvelle avec les collectivités. En effet, certaines d’entre elles pouvaient espérer qu’un centre de Rendez-vous citoyen viendrait compenser la perte d’autres activités militaires. Comme M. Marini le sait, la concertation a déjà été engagée avec l’ensemble des collectivités concernées, mais il a bien fait de noter que, outre la question des pertes d’emplois pouvant résulter d’une telle évolution, se posait un problème urgent en matière d’aménagement urbain pour certains sites couvrant plusieurs dizaines d’hectares, qui ne peuvent être complètement désertés. Nous devrons en débattre de façon confiante avec les collectivités.

Transition (nouvelles disposition des dispenses et des reports d’incorporation)

M. Dulait, pour sa part, a centré son propos, avec un grand souci du concret, sur la situation des jeunes et sur la difficulté de concilier l’appel sous les drapeaux de ceux d’entre eux qui sont nés avant 1979 avec les impératifs professionnels auxquels ils sont éventuellement soumis. Ce point me préoccupe également, et c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles j’ai souhaité que le texte soit approuvé le plus rapidement possible, afin qu’il puisse entrer en vigueur. En effet, comme M. Dulait l’a noté avec beaucoup de bon sens, la difficulté d’expliquer le régime de transition aux jeunes et à leur famille, ainsi qu’aux employeurs, contribue à rendre précaires ces situations.

Dispenses (commissions régionales)

M. Dulait a également bien fait de rendre hommage au travail des membres des commissions régionales de dispense, qui se penchent sur un certain nombre de ces questions. Je rappelle, à ce propos, que le taux des dispenses rapporté à l’ensemble de la classe d’âge est relativement stable, puisqu’il se situe entre 4% et 5% pour ces trois dernières années. En outre, environ 55% des dispense prononcées répondent à des motifs économiques – il s’agit notamment de la situation classique dite de « soutien de famille » – tandis que quelque 40% concernent des binationaux qui ont excipé de leur État.

Recensement (à seize ans et des jeunes filles)

S’agissant de l’obligation de recensement, je suis tout à fait d’accord pour que nous diffusions rapidement une meilleure information. C’est la raison pour laquelle, suivant en cela le texte préparé par nos prédécesseurs, nous avons choisi de fixer l’âge du recensement à seize ans. En effet, il nous semble que la continuité sera ainsi assurée entre la mission dévolue à l’éducation nationale en matière de sensibilisation des jeunes – avant seize ans, par définition, tous les jeunes sont soumis à l’obligation scolaire – et l’obligation de recensement. Cela est d’autant plus nécessaire que nous avons l’intention, à partir de l’année prochaine, d’étendre cette dernière aux jeunes filles, lesquelles n’y sont pas du tout préparées psychologiquement aujourd’hui. Par conséquent, il faudra intensifier l’effort d’information.

M. Habert, quant à lui, a rappelé l’évolution historique qui a mené de la décision première de professionnaliser les armées au projet de loi actuel. Je voudrais à nouveau insister sur le fait que le volontariat reste orienté vers un service à la collectivité, même si les jeunes volontaires bénéficient d’un statut social comparable à celui des jeunes relevant du plan emplois jeunes. Je crois que M. Habert a eu raison de souligner la continuité qui doit exister entre l’appel de préparation à la défense et le rôle rempli par l’éducation nationale. De plus, il a bien noté que le projet de loi prévoyait d’appliquer l’ensemble des obligations, qu’il s’agisse du recensement ou de l’appel de préparation à la défense, aux jeunes Français de l’étranger, en ménageant des adaptations de bon sens. Sur ce point, le Gouvernement continuera bien entendu à se tenir à l’écoute des parlementaires représentant les Français de l’étranger.

M. About, pour sa part, a exprimé, comme cela est parfaitement légitime dans le débat politique, une attitude critique face aux choix du Gouvernement. Il a ainsi souligné que nous faisions le choix de la professionnalisation. Certes, il est parfaitement libre de nous le reprocher, mais qu’il me permette de relever que, si nous avions effectué le choix inverse, il nous l’aurait également reproché. Par conséquent, nous ne pouvons qu’implorer son indulgence.

Éducation nationale/défense

Quant au caractère prétendument dogmatique du choix de substituer l’appel de préparation à la défense au Rendez-vous citoyen, je tiens tout d’abord à souligner – c’est un autre point sur lequel il n’y a pas tout à fait convergence de vues, me semble-t-il, entre M. About et le Gouvernement ! – que nous croyons, pour notre part, au rôle qu’aura à jouer l’éducation nationale dans l’approfondissement de la connaissance, par les jeunes, du système de défense. Je préfère le dire avec une certaine franchise : si des élus de ce pays pensent que l’éducation nationale n’est pas en mesure, comme elle l’a fait depuis un siècle, de transmettre aux jeunes les notions de civisme, de responsabilité collective et d’amour de leur pays, alors ils doivent en tirer bien d’autres conséquences que le simple rejet d’un article de ce projet de loi, et s’interroger sur un ensemble de responsabilités politiques qui, dans l’histoire récente de notre pays, ont été, c’est le moins que l’on puisse dire, équitablement partagées. Personnellement, je préfère exprimer un choix de volonté politique et de confiance, qui est, me semble-t-il, un choix de rassemblement.

Travail parlementaire (1996-1997) pris en compte

Je voudrais essayer de convaincre M. About du fait que le travail effectué par le Parlement au cours des deux dernières années a été largement pris en compte dans le texte du Gouvernement. La preuve en est que, sur des articles complets, le projet du Gouvernement a repris, au mot près, la rédaction du texte issue de la navette, en particulier sur le point sensible des reports et des dispenses. Je crois enfin que l’esprit de défense doit être développé aussi largement que possible au travers d’une collaboration entre l’éducation nationale et les personnels de la défense. J’ai bien l’intention de veiller, avec mon collègue de l’éducation nationale, à ce que des progrès concrets soient faits dans ce sens.

Je voudrais maintenant rendre hommage à la grande richesse de l’intervention de M. Delanoë, qui a relevé la cohérence de l’ensemble des décisions politiques qui ont suivi la déclaration initiale de M. le président de la République.

Ministre (responsabilité stratégique à long terme)

Par ailleurs, la préoccupation, même si elle paraît lointaine, d’assurer une reconstitution de nos forces en cas de nécessité constitue l’un des fils conducteurs de ce projet de loi. Bien entendu, il n’appartient pas au ministre de la Défense d’évoquer de façon plus ou moins responsable, devant une Assemblée parlementaire, telle ou telle hypothèse stratégique qui pourrait, le moment venu, dans dix ou quinze ans, justifier une remontée en puissance des effectifs de notre défense. Toutefois, la fonction que j’exerce m’oblige à faire preuve d’un peu de pessimisme et à prévoir les situations les plus difficiles. De nombreux Français sont tout à fait disposés à le comprendre, et le Parlement n’a pas besoin de longues explications, me semble-t-il, pour faire ce choix de prudence.

La préparation militaire constitue l’une des mesures conservatoires : en effet, un élément clé de la cohérence de notre dispositif réside dans le fait que la remontée en puissance supposerait un changement de dimension de nos forces armées. Je rappelle les chiffres : le format de nos armées à l’horizon 2002 est d’un peu plus de 400 000 hommes, personnels civils compris, auxquels s’ajouteraient 100 000 réservistes. Si l’on devait renforcer ces effectifs, ne serait-ce que par la moitié d’une classe d’âge, nous devrions gérer un pourcentage d’augmentation très important.

En ce qui concerne le potentiel d’encadrement – et c’est le rôle des réservistes –, les dotations en matériel et le maintien d’un certain nombre d’emprises, nous devons avoir cette perspective à long terme. Cela donnera bien évidemment lieu à des critiques, par exemple lors de certaines discussions budgétaires.

Emprises militaires (entretien en vue d’une montée en puissance des armées)

On pourrait reprocher au Ministère de la défense de vouloir conserver, parmi les emprises qui étaient traditionnellement les siennes, des camps d’entraînement ou des casernements très vastes alors que, à court terme, il a peu d’unités à y loger. Mais si nous devions gérer une remontée en puissance, il ne serait plus temps de chercher des espaces adaptés, des possibilités d’accueil et des capacités d’encadrement. C’est donc bien une cohérence à long terme qui a guidé le Gouvernement.

Projection (mobilité, disponibilité) – protection du territoire national (rôle des réservistes et de la gendarmerie nationale)

Par ailleurs, je rejoins l’approche de M. Bertrand Delanoë à propos de la place que doit avoir la défense du territoire national. La réflexion nouvelle sur la situation stratégique née de la chute du mur de Berlin, en 1989, et l’orientation dominante de la professionnalisation ont conduit à mettre essentiellement l’accent sur l’un des objectifs énoncés dans le Livre blanc, à savoir la projection, terme auquel je m’efforce de préférer le plus souvent les termes de « mobilité » et de « disponibilité ». Le Livre blanc comporte quatre objectifs centraux, parmi lesquels figure la protection. En anticipant un peu sur la réponse que je dois à M. Hubert Haenel, je dirai que le renforcement des effectifs de la gendarmerie et l’importance des réservistes qui lui sont affectés, c’est-à-dire la moitié de l’effectif, correspondent en effet à une relève, à un changement de pied dans cette gestion de la défense du territoire : la gendarmerie deviendra de plus en plus l’arme de la défense à l’intérieur du territoire.

Lien armée-nation (esprit de défense)

Enfin, je veux relever, parmi les nombreux éléments particulièrement intéressants de l’intervention de M. Bertrand Delanoë, le besoin d’étendre la connaissance de la défense et l’esprit de défense à l’ensemble de la société. La nature du texte que nous examinons porte évidemment sur les obligations des jeunes et concentre notre attention à court terme essentiellement sur le lien entre la jeunesse et la défense. Cependant, si nous voulons que notre défense et nos choix politiques de sécurité soient compris par la population et soient assumés, notamment dans les périodes difficiles – ce n’est pas dans les périodes calmes que se vérifie l’esprit de défense –, il faut que les nécessités de la défense et ses enjeux soient compris de l’ensemble de la société.

Par conséquent, cet approfondissement des préoccupations de défense dans l’ensemble des générations et des couches sociales est un sujet majeur de réflexion pour le Gouvernement. Il me paraît être la contrepartie nécessaire du choix de professionnalisation. Il est de notre devoir de continuer à échanger, vous, parlementaires, et nous, Gouvernement, pour progresser vers cet objectif général.

Femmes militaires (place au sein de la défense)

Je saisis l’occasion de ma réponse à M. Bertrand Delanoë pour souligner que cette professionnalisation marque le franchissement d’une étape positive dans la place des femmes au sein de notre appareil de défense, place qui, je veux y insister, est de mieux en mieux comprise par les militaires eux-mêmes. La culture, la conception de la défense qui est la leur, comprend aujourd’hui de façon positive l’apport des femmes dans la grande majorité des fonctions qui sont offertes à nos militaires. Comme le Sénat le souhaite, je ferai en sorte que la participation des femmes à l’appel de préparation à la défense ou à la convocation de défense – le nom sera choisi par accord général – soit la plus précoce possible avec, surtout, la possibilité pour les jeunes femmes de suivre une préparation militaire.

Défense (place du citoyen)

À M. Jean-Luc Bécart, je veux dire le respect pour les interrogations qu’il a exprimées au nom de son groupe et mon assentiment pour le rappel des principes qu’il a fait, notamment la place du citoyen formé dans une défense républicaine. La période que nous traversons conduit, en fonction d’arguments importants fondés sur une analyse géostratégique, à suspendre le service national. Si cette question avait été abordée voilà huit ou dix ans, la marge des choix qui se présentent aujourd’hui au Gouvernement aurait sans doute été plus large ; cela n’a pas été le cas et il n’est pas dans mon intention d’en faire reproche à qui que ce soit. Simplement, la nouvelle situation nous impose, comme l’a dit très justement M. Bécart, de veiller particulièrement à la cohésion sociale, qui est une des bases de l’esprit de défense, et de maintenir ou de relever le niveau de la conscience civique, qui permettra au moins à nos concitoyens de mieux percevoir les efforts qui sont nécessaires pour l’ensemble de la société afin d’assurer sa défense.

M. Bécart a noté les améliorations que comporte ce projet de loi au regard, en particulier, du rôle du volontariat, consolidé sur le plan social et assorti d’une formation. Il a noté aussi le rôle nouveau de l’éducation nationale. À cet égard, je le rejoins, les professeurs pourront être appuyés par une pluralité d’intervenants expérimentés, qu’il s’agisse de militaires ou d’autres personnes ayant une expérience des questions de défense. Il a enfin noté notre souhait de dynamisation des réserves. Cela devrait permettre de poursuivre un dialogue constructif sur cette évolution.

Rendez-vous citoyen/appel de préparation à la défense

M. Calmejane, lui aussi, a indiqué qu’en fonction des choix antérieurs il aurait préféré le maintien du Rendez-vous citoyen. La journée de convocation de défense doit être dense, a-t-il dit. Sur ce point, nous nous rejoignons et le Gouvernement tiendra compte, lorsqu’il adoptera les dispositions concrètes que M. Vinçon a rappelées ce matin, des recommandations et observations faites par les parlementaires. Ce dispositif n’est pas figé. Nous nous efforçons de l’adapter au mieux. À cet égard, je reviens d’un mot à une recommandation de M. de Villepin : il est sûr que nous ne pouvons pas maintenir dans le cadre législatif une incertitude sur la durée puisqu’il s’agit d’une sujétion prévue par l’article 34 de la Constitution. Je crois que nous ne pouvons pas renvoyer au pouvoir réglementaire le soin de choisir la durée de convocation. Nous serons bien obligés de fixer une convocation d’un jour ou de deux jours, si telle est l’alternative. Je tiens à dire, en répondant à M. Calmejane et à M. de Villepin, que ce choix d’une journée a été fait pour des raisons pratiques parce que nous voyons de sérieux inconvénients et de sérieux risques de dérapage dans la formule d’hébergement collectif qui assortissait la convocation de plusieurs jours et qu’à l’expérience, il faut en effet pouvoir s’adapter et donc réviser ce dispositif.

Examen de santé (ajournement)

À M. Calmejane, je veux dire aussi que la détection des manques, des déficits sanitaires des jeunes, est un devoir qui s’impose au Gouvernement. Ce n’est pas par la forme de la convocation militaire que nous entendons le remplir. En répondant à la commission sur l’article concerné, je serai amené à indiquer comment nous réfléchissons à une formule qui permette, avant l’appel d’opération à la défense, d’avoir une véritable détection des risques sanitaires majeurs auprès des jeunes. Sur ce point, il y a, sinon, sur les modalités, du moins sur le principe, un souci de rencontre.

Je veux bien convenir avec M. Calmejane, s’agissant de l’approche pragmatique qu’il a bien voulu défendre du problème des reports liés à l’évolution professionnelle des jeunes, qu’il y a une situation particulière pour les très petites entreprises. Elle est d’ailleurs prise en compte pour un jeune qui est lui-même chef d’entreprise. Il est vrai que l’incorporation d’un jeune qui, dans une petite entreprise, a un rôle pratique important, peut compromettre la vie de cette entreprise.

M. Calmejane a bien voulu noter le rôle positif des commissions régionales de dispense. Je crois que c’est essentiellement par le pouvoir d’appréciation de ces commissions, auxquelles nous pouvons, les uns et les autres, faire confiance, qu’il pourra être répondu à ces difficultés.

Réforme (détermination de l’institution militaire)

M. Rouvière a eu le mot juste en parlant de parcours d’obstacles à propos du processus de professionnalisation. Je voudrais, en le remerciant de cette approche solidaire, rassurer quant au moral des militaires dans la conduite de ce processus. Ils ont bien compris ses objectifs et sa profonde justification en matière d’efficacité. Ils ont aussi compris la préoccupation, la vigilance des autorités civiles, qu’il s’agisse du Parlement ou du Gouvernement. Je crois pouvoir vous dire que les militaires se sentent soutenus et compris dans les multiples efforts d’adaptation auxquels ils sont conduits et qu’ils gardent une profonde détermination à réussir collectivement cette réforme. Je veux aussi confirmer à M. Rouvière que le réalisme et le souci de stabilité de l’outil de défense pendant toute période de transition sont un impératif dont le Gouvernement reconnaît la charge.

Gendarmerie (volontariat volontaire)

En ce qui concerne la situation des gendarmes volontaires, je souhaiterais préciser les intentions du Gouvernement. Ces gendarmes volontaires, ayant un statut militaire – même si nous pouvons discuter de façon très pragmatique des propositions de la commission quant à l’étendue des dispositions du statut militaire qui s’appliqueront à eux –, seront dans la même situation de logement que les militaires sous-officiers gendarmes. Autrement dit, leur logement sera assumé selon les deux formules classiques, c’est-à-dire soit, lorsque les locaux le permettent, dans des gendarmeries appartenant domanialement à l’État, soit dans des locaux qui sont la propriété de collectivités locales et pour lesquels l’État assurera le versement du loyer fixé conventionnellement par les Domaines.

Les compensations pour le Rendez-vous citoyen sont prises en compte dans le cas de Nîmes comme dans le cas de Compiègne – M. Rouvière n’en aurait pas attendu moins. Je veux convenir avec lui que le maintien du contrat de travail des jeunes appelés pendant la période de transition est une réforme importante. Elle donnera aux commissions régionales de dispense une réelle liberté d’appréciation pour vérifier si l’insertion professionnelle d’un jeune est effectivement compromise par son incorporation ou si cette garantie du maintien du contrat de travail est suffisante pour refuser la décision de report.

Information des jeunes

M. Robert-Paul Vigouroux a rappelé ses avertissements quant aux ambitions peut-être disproportionnées du Rendez-vous citoyen, et il a bien voulu reconnaître le caractère pratique de l’appel de préparation à la défense. Il a également souligné, et c’est important, l’approche moderne que doivent avoir les armées pour communiquer avec les jeunes. Les méthodes d’information qui sont traditionnellement les nôtres – je pense notamment à la sensibilisation des jeunes à la nécessité du recensement – doivent être remplacées par une méthode beaucoup plus directe, beaucoup plus « dialoguante », à laquelle aujourd’hui, et c’est une bonne chose, les jeunes sont habitués. La préoccupation d’égalité devra être la plus forte possible pour la gestion des reports à but professionnel pendant la période de transition. Nous en débattrons lors de l’examen des articles.

Examen de santé (période scolaire)

S’agissant du bilan de santé, je confirme à M. Vigouroux que l’une des solutions consiste en effet, pendant la période scolaire, à faire appel à la médecine scolaire. Cela pose bien entendu des problèmes de moyens – j’aurai à m’en expliquer – mais c’est sans doute l’une des bonnes formules pour redresser la situation sanitaire de certains jeunes dont la santé est négligée.

Réserves (doctrine d’emploi, statut et nouvelle terminologie)

Enfin, M. Haenel, je veux répondre positivement sur l’objectif qui consiste à définir une véritable doctrine d’emploi des réserves. Le projet de loi qui devrait vous être soumis dans quelques mois, normalement au cours de la présente session, portera essentiellement sur le statut et sur la mise en cohérence, dans la nouvelle formule beaucoup plus ambitieuse, des obligations des réservistes et de leur situation professionnelle ou sociale. J’espère – en tout cas le Gouvernement œuvrera en ce sens – que ce débat sera d’abord une occasion de soumettre au législateur les objectifs nouveaux de la réserve, élément créé de l’équilibre d’une défense professionnalisée, comme, d’ailleurs, dans les autres pays professionnalisés dont l’expérience a nourri, entre autres documents, le rapport rendu par M. Haenel voilà trois ans.

Certes, des réticences ou des hésitations doivent être vaincues, parce qu’il s’agit d’une vraie réforme. C’est la raison pour laquelle j’envisage, comme je le lui ai confié ce matin, de rechercher un nouveau terme pour caractériser cette force. Il est en effet d’usage, dans notre pays, que les réserves militaires soient aujourd’hui fort peu actives et qu’il leur soit demandé peu de périodes de service.

L’objectif, à l’avenir, est que les réservistes soient en relation directe avec des unités constituées, qu’ils aient fréquemment des périodes actives et que la variété des missions qui leur sont fixées permette d’en faire un appui efficace à l’armée d’active dans l’ensemble de ses missions.

La part de la réserve affectée à la gendarmerie devrait être de l’ordre de 50 000 unités, dont 13 000 en réserve dite principale, avec des missions particulièrement imbriquées dans celles de la gendarmerie : elles seraient « projetables » et pourraient être associées aux missions de la gendarmerie sur des théâtres extérieurs, comme il s’en produit fréquemment. Cela suppose un accroissement du nombre de volontaires et des réservistes de la gendarmerie en raison du rôle de la protection du territoire qui deviendra principalement le sien. Des crédits sont prévus dans la loi de programmation. Comme vous pourrez vous en rendre compte lors de l’examen du projet de loi de finances, l’ « annuité » 1998 du budget de la défense comportera une première montée en charge des moyens matériels attribués à la réserve de la gendarmerie.

Pour conclure, je voudrais saluer l’état d’esprit du Sénat dans cette discussion générale ainsi que la très grande qualité des interventions et de la réflexion pour préparer notre outil de défense à la nouvelle étape qu’il va franchir. L’esprit constructif qui a animé l’ensemble des intervenants nous prépare un dialogue législatif particulièrement fructueux lors de l’examen des articles, que nous allons aborder maintenant.

Principales interventions du ministre de la Défense durant l’examen des articles

Rencontre armées-jeunesse avec bilans scolaire et médical

M. le président : Par amendement n°6, M. Vinçon, rapporteur, au nom de la commission, propose :

I. – De rédiger ainsi le texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 111-2 du code du service national :

« Art. L. 111-2. – Le service national universel comprend des obligations : le recensement, la Rencontre armées-jeunesse et, si la défense de la nation le justifie, la conscription. »

« Il comporte aussi des volontariats. »

« La Rencontre armées-jeunesse a pour objet de conforter l’esprit de défense et de concourir à l’affirmation du sentiment d’appartenance à la communauté nationale, ainsi qu’au maintien du lien entre l’armée et la jeunesse. Elle permet aussi de procéder à un bilan de la situation personnelle des jeunes, sur les plans scolaire et médical. » « La conscription permet d’atteindre, avec les militaires professionnels, les volontaires et les réservistes, les effectifs déterminés par le législateur pour assurer la défense de la nation. »

II. – En conséquence, dans la suite du projet de loi, de substituer à chaque fois que nécessaire aux mots : « L’appel de préparation à la défense » les mots : « la Rencontre armées-jeunesse ».

Cet amendement est assorti d’un sous-amendement n°30, présenté par M. Calmejane, et tendant, après le troisième alinéa du texte présenté par le paragraphe I de l’amendement n°6 pour l’article L. 111-2 du code du service national, à insérer deux alinéas ainsi rédigés : « Le bilan de santé, s’il ne peut avoir lieu pour des raisons pratiques le jour même de la Rencontre armées-jeunesse, pourra être préalablement effectué dans un centre de soins publics. Un bon d’examen gratuit sera délivré avec la convocation. » « Les résultats de ce bilan, dont le contenu sera fixé par décret, devront obligatoirement être transcrits sur le carnet de santé individuel des jeunes. »

La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n°6.

M. Serge Vinçon, rapporteur : La nouvelle rédaction proposée pour l’article L. 111-2 du code du service national vise à substituer l’expression « Rencontre armées-jeunesse » à celle, contestable selon nous, d’« appel de préparation de défense ». Il est vain en effet d’attendre de quelques heures d’« exposés une quelconque préparation à la défense, celle-ci devant désormais incomber aux préparations militaires ». La dénomination « Rencontre armées-jeunesse » renvoie de manière plus adéquate à l’objet, certes modeste, de cette nouvelle obligation, qui est essentiellement de maintenir un lien privilégié entre les jeunes et l’armée. Cette nouvelle rédaction permet aussi d’enrichir le contenu de la Rencontre armées-jeunesse par rapport à celui de l’appel de préparation à la défense, en prévoyant expressément, dès le début du code du service national, qu’à cette occasion sera effectué un bilan de la situation personnelle des jeunes sur les plans scolaire et médical. Le bilan de santé sera effectué notamment dans une logique de santé publique, en vue de procéder à un rattrapage pour les jeunes qui, aujourd’hui, sont trop nombreux à être exclus du système de santé.

Cet amendement a également pour objet de substituer le terme « conscription », auquel se réfère la législation depuis la loi Jourdan, à l’expression juridiquement moins rigoureuse d’« appel sous les drapeaux », et de rappeler que, loin de constituer une modalité banale et normale d’accomplissement du service national, sur le même plan que le recensement et la Rencontre armées-jeunesse, la conscription répond à une menace affectant la sécurité du pays.

Le présent amendement a enfin pour objet de procéder, dans la suite du projet de loi, à la substitution de l’expression « Rencontre armées-jeunesse » à celle d’« appel de préparation à la défense » à chaque fois que cela est nécessaire.

M. le président : La parole est à M. Calmejane, pour défendre le sous-amendement n°30.

 

« Appel de préparation à la santé » civil et gratuit

M. Robert Calmejane : Ce sous-amendement vise à compléter l’amendement très pertinemment introduit par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat en vue de rétablir le bilan de santé, sans toutefois en préciser les conditions pratiques, au cours de la journée « Rencontre armées-jeunesse. » Il importe d’affirmer, comme le souhaite d’ailleurs M. le président de la Caisse primaire d’assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis, l’universalité et la gratuité de ce bilan, indispensable à une prévention efficace.

Alors même que la conférence nationale de la santé, reprenant les conclusions du rapport du haut comité de santé publique, a dressé début juillet un bilan accablant de l’état de santé des jeunes, la disparition des « trois jours » doit non pas déboucher sur une régression du dispositif de prévention, mais, au contraire, étendre aux jeunes filles la garantie d’un bilan gratuit, seul capable de prendre en compte les jeunes que la précarité sociale place souvent en dehors de tout système de soins. Il s’agit de remplacer la consultation précédente par ce que l’on pourrait appeler un véritable appel de préparation à la santé.

M. le président : Quel est l’avis de la commission sur le sous-amendement n°30 ?

M. Serge Vinçon : Je suis au regret de dire à mon collègue M. Calmejane que la commission a émis un avis défavorable sur ce sous-amendement. Elle est en effet convaincue de la nécessité d’effectuer un bilan de santé – c’est l’une des importantes modifications qu’elle souhaite apporter à ce projet de loi – et ce à l’occasion de la Rencontre armées-jeunesse, qui doit être l’occasion d’évaluer globalement la situation sanitaire d’une classe d’âge. Par-delà cette nuance rédactionnelle, il n’y a pas de désaccord sur le fond quant à la nécessité de pratiquer ce bilan de santé.

M. le président : Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n°6 et sur le sous-amendement n°30 ?

M. le ministre de la Défense : Le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement, qui aborde l’un des deux ou trois sujets de ce projet de loi – finalement, ils ne sont pas très nombreux – sur lesquels il y a une différence d’appréciation entre la majorité de la commission et le Gouvernement.

Terminologie

Il y a d’abord deux questions de terminologie : en premier lieu, celle qui consisterait à rebaptiser « Rencontre armées-jeunesse » l’appel de préparation à la défense ; en second lieu, la question du terme « conscription ».

Le Gouvernement n’est pas favorable à ces deux substitutions, d’abord parce que le terme « rencontre » ne me paraît pas représenter ce que nous avons entendu faire et avec quoi, je crois, le Sénat est d’accord : il s’agit d’une convocation, c’est-à-dire de la mise en œuvre d’une obligation.


Rencontre armées-jeunesse (au lieu d’appel de préparation à la défense)

Le Gouvernement, pour des raisons de principe, a souhaité que la journée d’information et de sensibilisation des jeunes sur les questions de défense fasse l’objet d’une convocation spécifique et obligatoire, distincte de l’obligation scolaire. C’est pour cela, qu’il a choisi le terme « appel ». On peut certes discuter du choix de ce terme et en proposer un autre ; néanmoins celui de « rencontre » n’évoque pas la même notion.

Conscription (au lieu d’appel sous les drapeaux)

Le terme « conscription » a été écarté par le conseil d’État lors de la préparation du projet de loi, car il n’a pas d’effet juridique direct. Ce qui, à l’issue de sa délibération, est apparu au conseil d’État comme traduisant au mieux l’obligation d’être incorporé pour accomplir une mission militaire, c’est l’expression « appel sous les drapeaux ». Le Gouvernement s’en tient à cette recommandation.

Voilà pour ce qui est des deux points de terminologie, étant entendu que, sur la question de la dénomination de la convocation, le Gouvernement n’a pas une position bloquée ; si le Sénat souhaite trouver une dénomination autre que « appel de préparation à la défense », il n’émet pas d’objection de principe. Simplement, le mot « rencontre » ne lui paraît pas adapté.

Bilan scolaire et médical

J’en viens à la différence de fond, qui porte sur la décision qui serait prise dès maintenant d’inclure dans cette journée un bilan de la situation personnelle des jeunes sur les plans scolaire et médical. Les objections qu’a formulées le Sénat, dans la phase antérieure de la discussion, sur le cahier des charges trop volumineux du Rendez-vous citoyen me paraissent s’appliquer à cette modification.

Le Gouvernement l’a déjà dit devant l’Assemblée nationale, il le dit de nouveau devant le Sénat, établir un bilan de santé des jeunes orienté vers leur information sur les risques qu’ils courent « sur la responsabilité qu’ils ont au regard de leur propre santé est un objectif de santé publique qui doit être atteint ». Le système des trois jours, auquel nous étions accoutumés, avait certes, des retombées positives en termes de santé publique, mais c’était avant tout un système d’appréciation de l’aptitude militaire. Compte tenu des exigences actuelles de la technique médicale, il nous paraît particulièrement difficile de conjuguer les deux objectifs.

La préférence du Gouvernement va à un système de contrôle de santé général pour les jeunes qui prépare leur prise de responsabilité au regard de leur maintien en bonne santé.

Par ailleurs, le Gouvernement a besoin de plus de temps. Je rappelle que nous avons été obligés de présenter ce projet de loi rapidement, dès la rentrée parlementaire, parce qu’il y a, aujourd’hui, un vide juridique. Ce n’est pas à la même échéance que nous pouvons faire des propositions pratiques applicables sur le bilan de santé des jeunes.

J’insiste donc auprès du Sénat pour que nous soit laissé le temps de la réflexion et de la concertation. Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale doit être présenté dans un délai qui est fixé par la Constitution. Tout système de bilan de santé généralisé, souhaitable dans son principe, a un coût budgétaire relativement important, et la répartition de ce coût entre les différentes instances de financement possibles est un sujet délicat. Ce n’est donc pas pour l’année 1998 que pourra être proposé un système définitif.

C’est la raison pour laquelle je demande au Sénat de bien examiner les conséquences que pourrait avoir l’inscription dans la loi d’une obligation que l’État ne pourrait pas assumer, en raison du cumul d’un objectif militaire et du bilan de santé des jeunes, qui est un objectif civil.

L’amendement de la commission, de ce point de vue, n’améliore pas la cohérence du texte.

S’agissant du sous-amendement n°30, il s’y oppose, me semble-t-il, un argument de forme. L’article L. 111-2, dont nous débattons, fixe les principes du code du service national. On peut donc tout à fait logiquement, même si je ne suis pas d’accord, inscrire dans ces principes que l’appel de préparation à la défense comporte un bilan scolaire et médical. En revanche, les modalités de cet appel de préparation à la défense sont prévues à l’article L. 114. C’est donc à cet article que pourrait être discuté le sous-amendement.

M. le président : Je mets aux voix le sous-amendement n°30, repoussé par la commission et par le Gouvernement. (Le sous-amendement n’est pas adopté.)

Je mets aux voix l’amendement n°6, repoussé par le Gouvernement. Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant de la commission. Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)

Le scrutin est clos. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n°5 :
    Nombre de votants : 317
    Nombre de suffrages exprimés : 300
    Majorité absolue des suffrages exprimés : 151
    Pour l’adoption : 219
    Contre : 81

Le Sénat a adopté. En conséquence, le texte proposé pour l’article L. 111-2 du code du service national est ainsi rédigé et il sera procédé à la coordination nécessaire.

Jeunes filles (recensement après 1983 au lieu de 1982)

Par amendement n°8, M. Vinçon, au nom de la commission, propose dans la première phrase du texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 112-1 du code du service national, de remplacer les mots : « après le 31 décembre 1982 » par les mots « après le 31 décembre 1983 ». La parole est à M. le rapporteur.

M. Serge Vinçon : Cet amendement vise comme l’amendement suivant, n°9, à revenir aux dates qui figuraient dans le texte initial du projet de loi pour l’application aux jeunes filles du service national rénové.

Cette disposition tend à compenser le fait que, dans un article ultérieur, la commission proposera d’étendre les nouvelles obligations du service national aux jeunes gens nés en 1979, que le projet de loi dispense de toute obligation.

Le report d’une année de l’application aux jeunes filles du nouveau service national – par rapport au texte adopté par l’Assemblée nationale – a pour objet, sans compromettre l’universalité du nouveau système, de ménager les conditions de la montée en puissance du nouveau service national.

M. le ministre de la Défense : Le Gouvernement s’en remettra à la sagesse du Sénat sur cette proposition, sachant que l’Assemblée nationale avait souhaité avancer d’une année l’entrée des jeunes filles dans le dispositif, mais que nous étions à la limite des possibilités techniques. Le Gouvernement a accepté cette charge supplémentaire pour prendre en compte la préoccupation – qui, je crois, peut rassembler beaucoup – que les dates d’application de la loi pour les filles et les garçons soient les plus proches possibles.

Par ailleurs – nous en reparlerons lorsque l’amendement correspondant sera discuté – le fait que les jeunes filles ne soient soumises à l’obligation de recensement et d’appel de préparation à la défense qu’un an plus tard ne facilitera pas l’avancement du dispositif pour les jeunes qui sont nés en 1979. De toute manière, nous aurons une impossibilité pratique pendant l’essentiel de l’année 1998 de faire venir à cette nouvelle formule deux classes d’âge superposées. En conséquence, il me semble que le Sénat, s’il accepte de prendre en compte cette difficulté d’ordre pratique, pourrait voir l’intérêt d’une anticipation d’un an – qui a été discutée et acceptée par l’Assemblée nationale – de l’entrée des jeunes filles dans le nouveau dispositif.

Je crois savoir que la Haute Assemblée a été sensible au gain d’efficacité que le recensement des jeunes filles apporterait au système d’inscription automatique sur les listes électorales. Comme vous l’avez judicieusement noté, tant que l’on ne dispose pas de listes de recensement fiabilisées à la fois des jeunes filles et des jeunes garçons, on ne peut fonder l’inscription d’office sur les listes électorales que sur les fichiers qui n’ont pas véritablement de caractère civique : cela pose donc une difficulté pratique. Il s’agit là d’un des motifs qui ont conduit le Gouvernement à accepter, malgré l’effort administratif que cela représente, une anticipation au 1er janvier 1999 du recensement des jeunes filles.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°8, sur lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. (L’amendement est adopté.)

Femmes nées en 2000 (obligation de la « journée défense »)

Par amendement n°9, M. Vinçon, au nom de la commission, propose, à la fin de la seconde phrase du texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 112-1 du code du service national, de remplacer les mots : « 1er janvier 1999 » par les mots : « 1er janvier 2000 ». La parole est à M. le rapporteur.

M. Serge Vinçon : Mon argumentation est la même que pour l’amendement précédent. J’ajouterai simplement que la commission souhaite que les jeunes nés en 1979 puissent tous effectuer la Rencontre armées-jeunesse. Pour cela, mieux reporter les dates.

M. le ministre de la Défense : Comme sur l’amendement précédent, le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président : Je mets aux voix, modifié l’amendement n°9, sur lequel le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat. (L’amendement est adopté.)

Jeunes gens nés en 1979 (obligation de la « journée défense » avant le 31 décembre 1999)

Par amendement, n°12, M. Vinçon, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le premier alinéa du texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 112-4 du code du service national : « Les jeunes hommes nés en 1979 sont soumis à l’obligation de participer à la Rencontre armées-jeunesse avant le 31 décembre 1999. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Serge Vinçon : Cet amendement vise à soumettre à l’obligation de participer à la Rencontre armées-jeunesse les jeunes nés en 1979, que le projet de loi dispense de toute obligation. L’extension du service national rénové à ces jeunes gens répond à un souci d’équité. Cette mesure implique cependant un rattrapage rapide de la situation des jeunes gens nés en 1979 par l’administration chargée du service national. En conséquence, alors que les jeunes gens nés en 1980, 1981 et 1982 devront participer à la Rencontre armées-jeunesse avant leur dix-neuvième anniversaire, ceux qui sont nés en 1979 devront accomplir cette obligation avant le 31 décembre 1999, c’est-à-dire au plus tard pendant l’année de leurs vingt ans.

M. le ministre de la Défense : Le Gouvernement accueille avec sympathie les objectifs de cet amendement, mais il veut rendre le Sénat témoin des grands obstacles pratiques qui s’y opposent. M. le rapporteur nous dit qu’il faudrait procéder à un rattrapage rapide de la situation. Certes, nous le souhaiterions tous. Depuis, le 1er février 1997, les jeunes de dix-huit ans ne sont plus appelés. Nous sommes au mois d’octobre et nous n’avons toujours pas de loi pour préciser leur situation. Nous sommes favorables à un rattrapage rapide de la situation ; d’ailleurs nous sommes en train d’y procéder.

Toutefois, une année ayant été neutralisée du fait de l’interruption du débat législatif par les événements de la République, si nous appelions les jeunes nés en 1979 au milieu ou à la fin de l’année 1998 – le système ne pourra en effet pas être mis en place plus rapidement – nous les astreindrions à cette obligation dans leur vingtième année ou à vingt ans. Or le Gouvernement – et c’est l’une des bases du système qu’il propose – souhaite organiser rapidement, le plus rapidement possible, avant l’âge de dix-huit ans, cette obligation civique, qui devra coïncider avec la majorité.

De plus, cela reviendrait, dès la première année de la mise en œuvre du dispositif, à augmenter de 400 000 le nombre de jeunes devant participer à l’appel de préparation à la défense, soit un doublement de la charge ! Le Gouvernement est obligé de dire franchement au Sénat que cela n’est pas réalisable sur le plan pratique, et c’est la raison pour laquelle il a proposé, à son grand regret – mais le trou d’un an n’a pas été créé par ce gouvernement –, le simple envoi d’une information écrite.

Je veux aussi préciser, pour des motifs de principe cette fois, que les jeunes nés en 1979 ne sont pas dispensés de toute obligation. Si l’appel sous les drapeaux était rétabli avant leur vingt-cinq ans, ils y seraient aussi soumis. Cela a fait l’objet d’un amendement déposé à l’Assemblée nationale, auquel le Gouvernement a souscrit parce que, en effet, par rapport au texte initial du projet de loi, il y avait un risque d’inégalité devant la loi. Nous l’avons compensé en prévoyant que ces jeunes pourront être rappelés, puisque le nouveau régime du service national s’appliquera à eux. Au niveau du principe juridique, il y a donc bien égalité dans cette classe d’âge.

Les motifs pratiques que j’ai indiqués me paraissent s’opposer à la tentation de cumuler deux générations la première année d’entrée en service de la convocation de défense, ce cumul comportant un risque sérieux d’inefficacité et de désordre.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°12, repoussé par le Gouvernement. (L’amendement est adopté.)

Enseignement de défense (à partir de la promulgation de la loi)

Par amendement n°14 ; M. Vinçon, au nom de la commission, propose, au début du texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 114-1 du code du service national, de supprimer les mots : « À partir de la rentrée 1998. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Serge Vinçon : S’agissant de l’enseignement des objectifs de la défense et de l’organisation de la défense dans l’éducation nationale, nous voulons supprimer l’expression « À partir de la rentrée 1998. » En effet, nous pensons que, dès le vote de la loi, il va de soi que cet enseignement aura lieu.

M. le ministre de la Défense : Je comprends le sens politique de l’affirmation de la commission, mais j’imagine que si la commission des affaires culturelles avait été saisie de cette proposition elle n’aurait sans doute pas approuvé les conséquences pratiques de cette affirmation politique. Chacun sait bien ici que la modification d’un programme de l’éducation nationale visant à s’appliquer à tous les jeunes réclames un certain délai. M. de Villepin recommandait tout à l’heure la préparation et la discussion d’un nouveau protocole éducation nationale-défense.

Si, comme nous l’espérons, ce projet de loi entre en vigueur dès le mois de novembre, il est pratiquement impossible de demander à des enseignants qui n’y auront pas été préparés de dispenser, dès la rentrée de la Toussaint, un enseignement dont le programme n’aura pas été rédigé. Cet amendement a un caractère proclamatoire que je respecte, mais il serait, je crois, profondément malhonnête de la part du Gouvernement de laisser entendre qu’il peut avoir la moindre suite pratique.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°14, repoussé par le Gouvernement. (L’amendement est adopté.)

Politique étrangère et de sécurité commune (élargissement de l’enseignement de défense)

Par amendement n°1, MM. Estier, Delanoë, Rouvière, Mélenchon, Madrelle et les membres du groupe socialiste et apparentés proposent dans le texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 114-1 du code du service national, après les mots : « les principes et l’organisation de la défense nationale », d’insérer les mots : « et les principes et les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune ». La parole est à M. Delanoë.

M. Bertrand Delanoë : Au moment de préciser qu’il va être dispensé à l’école un enseignement relatif aux principes et à l’organisation de la défense nationale, nous souhaitons élargir le contenu de cet enseignement pour y ajouter, conformément à l’explication que j’ai donnée tout à l’heure, « les principes et les objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune ».

Il ne suffit pas de parler de défense nationale, encore faut-il préciser : une défense nationale pour quoi faire et dans quel cadre ? Pour gagner du temps, j’indique par avance que je suis favorable au sous-amendement que M. le rapporteur de la commission a l’intention de déposer pour améliorer la rédaction de mon amendement.

M. le président : Comme M. Delanoë vient de l’indiquer, j’ai effectivement été saisi par la commission d’un sous-amendement n°36, présenté par M. Vinçon, au nom de la commission, et tendant, au début du texte de l’amendement n°1, à remplacer le mot : « et » par les mots « ainsi que ». Quel est l’avis du Gouvernement sur l’amendement n°1 ?

M. le ministre de la Défense : Le Gouvernement est favorable à cet amendement. Je souligne qu’un débat de nature similaire a eu lieu devant l’Assemblée nationale, débat au cours duquel certains députés ont souhaité que le contenu communautaire de cette sensibilisation à la sécurité et à la défense figure dans l’appel de préparation à la défense. Compte tenu des limites pratiques et de la concentration stricte de l’appel de préparation à la défense sur des objectifs de vie militaire concrète, je n’y ai pas été favorable, cela me paraissant constituer une surcharge, d’inspiration positive certes, mais de pratique difficile, de l’appel de préparation à la défense. En revanche, dans le cadre du programme scolaire, cela paraît être une extension tout à fait souhaitable et conforme à des engagements européens qui sont partagés sur toutes les travées. (…)

M. Serge Vinçon : La commission est favorable à cet amendement et le sous-amendement qu’elle a déposé est d’ordre purement rédactionnel.

M. le président : Je mets aux voix le sous-amendement n°36. (Le sous-amendement est adopté.)

Volontariat militaire (douze mois, renouvelable et fractionné)

M. le président : Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l’objet d’une discussion commune. Par amendement n°20, M. Vinçon, au nom de la commission, propose de rédiger ainsi le troisième alinéa du texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 121-1 du code du service national : « Le volontariat est conclu pour une durée de douze mois. Il est renouvelable dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre mois. Il peut être accompli de manière fractionnée, si la nature de l’activité concernée le permet. »

Par amendement n°32, le Gouvernement propose de compléter le troisième alinéa du texte présenté par l’article 1er pour l’article L. 121-1 du code du service national par la phrase suivante : « Il peut être accompli de manière fractionnée, si la nature de l’activité concernée le permet. » La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l’amendement n°20.

M. Serge Vinçon : D’une part, cet amendement tend à fixer la durée du volontariat à douze mois et ne permettre son renouvellement qu’une seule fois. D’autre part, il vise à permettre le fractionnement. Nous revenons un peu à l’esprit des volontariats tels qu’ils avaient été définis par le précédent projet de loi.

M. le ministre de la Défense : La simple lecture des deux amendements fait bien apparaître un point de convergence et un point divergence. Le Gouvernement convient avec la commission que, dans certains cas, le volontariat de défense peut utilement être fractionné. Je rappelle que, d’emblée, dans la mise en place du processus de professionnalisation, il a été prévu que le volontariat devait permettre de satisfaire aux besoins de la défense. C’est ainsi qu’un nombre a été fixé par la loi de programmation, qui a été approuvée par la majorité de cette assemblée.

Le point de divergence concerne le niveau de rémunération. La commission souhaite que ces volontaires soient payés nettement en dessous du SMIC ; c’est une position que je respecte mais avec laquelle le Gouvernement est en désaccord. La suite du dialogue législatif permettra, je l’espère, de faire évoluer les points de vue.

La commission souhaite en outre que les volontariats en question ne puissent durer plus de deux ans. Sur le plan de l’inspiration générale, le Gouvernement n’est pas très éloigné de cette approche. Il est en effet probable que, dans de nombreux cas, les intéressés, après deux ans, considérant qu’ils ont bien progressé dans leur formation et dans l’acquisition d’une expérience, manifesteront leur volonté d’entrer dans les cadres professionnels de l’armée : ils s’engageront.

L’observation des parcours professionnels des jeunes nous incite cependant à maintenir une durée plus longue car elle montre que, dans certains cas, le choix de l’orientation n’est pas nécessairement aussi prompt. De surcroît, il faut prévoir le cas où l’armée elle-même ne souhaiterait pas recruter au moment précis où ce jeune aura accompli ses deux ans de volontariat. On risque donc, par cette limitation, dont je comprends bien la justification de principe, de priver un certain nombre de jeunes de la possibilité de passer de la situation de volontaire à la situation d’engagé.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable à une limitation un peu rigide à vingt-quatre mois de la durée du volontariat. En revanche, il considère que le fractionnement du volontariat présente un intérêt pratique. En effet, comme je l’ai souligné tout à l’heure, ce volontariat peut correspondre à des activités de haut niveau technique. À l’heure actuelle, les jeunes scientifiques du contingent touchent la solde des appelés pendant les dix mois de leur service militaire obligatoire. Bien entendu, nombre de ces jeunes en fin de formation pourraient prétendre, en entrant dans la vie professionnelle, à des rémunérations beaucoup plus élevées que celles qui sont prévues pour les volontaires. Cependant, le fait d’avoir accompli une période à caractère professionnel, en tant que volontaires, auprès d’unités ou de services des armées dont la technicité est très élevée peut permettre à certains d’entre eux de parachever leur formation.

En outre, il faut bien constater que de nombreuses grandes entreprises accueillent aujourd’hui, en qualité de stagiaires, des jeunes ayant un niveau de formation élevé, en leur versant des rémunérations qui sont elles aussi très modestes. Il nous paraît donc tout à fait possible que des jeunes diplômés ou des jeunes en fin de formation supérieure soient intéressés par le volontariat, en général pour une première tranche de douze mois, avec un fractionnement de la durée de celui-ci.

C’est pourquoi le Gouvernement propose au Sénat, par le biais de son amendement n°32, d’accepter le fractionnement et de ne pas limiter à vingt-quatre mois, de façon trop rigide, la durée totale du volontariat.

M. le président : Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n°32 ?

M. Serge Vinçon : Notre amendement n°20 pose deux principes. Le premier a trait au fractionnement de la période volontariat et, à cet égard, l’amendement n°3 du Gouvernement nous donne satisfaction. Le second principe est relatif à la durée du volontariat, limitée à deux ans pour souligner la spécificité du statut des volontaires par rapport à celui des engagés. La commission maintient sa position et émet donc un avis défavorable à l’amendement du Gouvernement. Par ailleurs, je précise que l’amendement n°20 ne vise nullement le niveau de rémunération des volontaires.

M. André Rouvière : Je demande la parole pour explication de vote. Je ne comprends pas très bien l’intérêt de la proposition de la commission. En revanche, elle me paraît receler de nombreux inconvénients. En effet, des volontaires risquent de se voir contraints de quitter l’armée au bout de deux ans, au moment où, après avoir suivi une formation parfois longue dans leur discipline, ils deviennent pleinement opérationnels. Une durée de volontariat de cinq ans nous paraît donc beaucoup plus adaptée. En outre, faire coïncider cette durée avec celle des emplois-jeunes est un facteur de cohérence auquel nous sommes très sensibles. Par conséquent, nous sommes opposés à la proposition de la commission.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°20, repoussé par le Gouvernement. (L’amendement est adopté.) En conséquence, l’amendement n°32 n’a plus d’objet.


Discours du ministre de la Défense avant le vote du projet de loi (extraits)

Projet de loi sur le service national (Sénat)

Sans alourdir le débat, je souhaite, au nom du Gouvernement, remercier le Sénat pour l’intérêt et le souci d’approfondissement du travail législatif qui a été mené sur ces articles. Je constate que le Sénat et le Gouvernement se sont trouvés d’accord sur de très nombreux points formant l’ossature de ce projet de loi : le principe de la professionnalisation bien sûr, le rôle de l’éducation nationale dans l’acquisition des notions de défense des jeunes, l’importance du recensement, le développement des préparations militaires et leur continuité avec l’entrée dans les réserves ; un accord globalement assez complet est aussi intervenu sur les mécanismes de reports.

Il reste néanmoins des différences d’appréciation sur le principe de l’examen de santé – le Gouvernement souhaite rendre possible cette formule, mais en la détachant de l’organisation militaire –, sur quelques limitations de l’étendue du volontariat et de son statut, ainsi que sur le contenu précis de la journée de préparation à la défense.

Le travail effectué aujourd’hui par le Sénat a été très constructif. Le Gouvernement nourrit l’espoir que la suite des échanges législatifs permettra de déboucher sur une solution pleinement acceptée par les deux assemblées.

 

Date : 13 octobre 1997
Source : Assemblée nationale

Discours du ministre de la Défense lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi sur le service national

Projet de loi sur le service national (deuxième lecture à l’Assemblée nationale)

Le texte que nous examinons en seconde lecture ne présente pas de bouleversements par rapport à celui que vous avez adopté le 22 septembre, après l’avoir amendé, pour l’essentiel en plein accord avec le Gouvernement. La discussion devant le Sénat a révélé un sentiment commun quant à la nécessité de cette réforme ; mais elle a révélé aussi des divergences d’approche, dont nous allons débattre.

Avant d’évoquer les apports du Sénat, je développerai un sujet particulier, car cela me paraît nécessaire. En effet, le débat sur l’avenir du service national ne doit nous faire oublier ni le passé, ni le présent. L’armée mixte faisant largement appel à la conscription ne disparaît pas dans l’échec. Bien au contraire, elle doit sortir de la période de la fin de la Guerre froide avec le sentiment d’avoir participé à la paix par la dissuasion et non par la violence. Partout où notre armée de conscription a été engagée, que ce soit en exercice ou en opérations, elle a été admirée par nos grands alliés, dont certains avaient pourtant déjà fait le choix de la professionnalisation.


Transition (nécessité des appelés)

En ce qui concerne le présent, nous sommes engagés dans un processus de transition vers l’armée professionnelle. Mais il est indispensable de rappeler à quel point nous avons besoin des appelés du contingent pour réussir cette transition tout en assurant l’exécution des missions permanentes confiées aux armées. Ainsi, le plan Vigipirate, toujours en vigueur, ne pourrait être mis en œuvre sans l’apport de la conscription. Je rappelle aussi que nous ne sommes qu’au début de la phase de transition et que, à ce jour, sur les cents régiments que compte l’armée de terre, quinze seulement sont professionnalisés ; vous voyez donc que le maintien de notre capacité de défense repose largement sur les appelés.

Il faut aussi avoir en mémoire que l’équilibre délicat entre la montée en puissance des effectifs supplémentaires d’engagés, l’adaptation des effectifs de cadres militaires et la transformation des unités mixtes en unités entièrement professionnelles dépend de la présence des appelés, en nombre et en qualification, pendant cette période cruciale. Respect pour l’armée d’appelés d’hier, considération pour le rôle que les appelés d’aujourd’hui jouent dans la période de transition, telles sont les données que chacun doit avoir présentes à l’esprit, et je crois qu’elles sont partagées par l’ensemble de la représentation nationale.

Projet de loi sur le service national (Sénat)

La communauté des objectifs et des principes ne saurait cependant dissimuler la variété des moyens permettant d’atteindre ceux-là tout en respectant ceux-ci. Le Sénat, par un travail approfondi, a modifié cette œuvre législative. Je rappellerai brièvement les différences entre les deux assemblées et les convergences :

Nouveau protocole défense-éducation nationale

– le Sénat, comme l’Assemblée nationale et le Gouvernement, a voulu insister sur le rôle que jouera l’éducation nationale dans la diffusion de l’esprit de défense. D’où la proposition d’un nouveau protocole entre la défense et l’éducation nationale ainsi que la volonté d’enseigner à l’école les principes et les objectifs de la défense de l’Europe ;

Filière préparation militaire – réserve

– de même, le Sénat a donné son plein assentiment au développement d’une préparation militaire orientée vers un recrutement permanent de la nouvelle réserve ;

« Rencontre armées-jeunesse » au lieu d’« Appel de préparation à la défense » – durée

– le Sénat a préféré remplacer l’« appel de préparation à la défense » par la « Rencontre armées-jeunesse », expression dont j’ai expliqué devant la Haute assemblée qu’elle ne me paraissait pas adaptée puisque le choix de principe du Gouvernement et de la majorité de l’Assemblée nationale est qu’il y ait une convocation obligatoire en milieu de défense, ce qui justifie l’appellation que nous avions choisie. De même, le Sénat a souhaité laisser une marge d’évolution à l’intérieur de la loi quant à la durée de cet appel, ce qui ne me paraît pas autorisé par la Constitution laquelle précise dans son article 34 que c’est la loi qui fixe les règles concernant les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens ; je ne crois donc pas qu’on puisse fixer la durée de cette convocation de défense par un simple décret ;

Volontariat (cohérence avec le plan emploi-jeunes)

– l’autre point de différence avec le Sénat a été le volontariat. À partir du moment où le Gouvernement souhaite permettre aux jeunes de s’insérer professionnellement en leur offrant un statut social, il est naturel de leur proposer des fonctions qui sont utiles à l’armée et justifient un statut militaire, comme cela a d’ailleurs été prévu dans la loi de programmation votée par la législature précédente. Je ne partage d’ailleurs pas l’analyse qui consiste à opposer le volontariat, qui irait obligatoirement de pair avec une faible indemnisation, et le début du parcours professionnel prévu dans le projet. Je ne crois pas que, pour quiconque, le volontariat corresponde au bénévolat et qu’il se caractérise uniquement par une faible rémunération. Il est donc normal que le statut du volontariat dans les armées, en termes de rémunération et de durée de fonction, soit mis en cohérence avec le dispositif des emplois-jeunes, et que les jeunes ne s’orientent pas vers une spécialité plutôt qu’une autre parce qu’l y aurait une disparité de statut.

En revanche, le fractionnement du volontariat ne me paraît pas être écarté dans la mesure où il peut correspondre à des situations de jeunes en voie de spécialisation ou en fin de formation universitaire, qui peuvent être intéressés par un stage rémunéré au sein des formations techniques de la défense.

Sur ces points-là, il y a donc des différences, mais on voit bien qu’elles ne mettent pas en cause les principes de base. La commission mixte paritaire n’a pas abouti car les deux délégations ont insisté sur leurs différences mais je pense que, sur le principe de la réforme, il y aura convergence des deux assemblées.

Nouveaux reports d’incorporation et conditions de dispenses

S’agissant des reports et des dispenses, points délicats, il y a eu également une similitude d’approche. Le compromis trouvé à l’Assemblée nationale, prévoyant une exception marginale de durée, a été finalement approuvé par le Sénat. Il me semble le plus équitable et le plus satisfaisant car il tient compte des besoins des armées pendant la phase de transition et de notre préoccupation commune de favoriser le développement de l’emploi des jeunes.

M. le président, Mmes et MM. Les députés, ce débat est un moment privilégié de notre vie publique. Dans les deux assemblées, il a été conduit avec un souci de préparation de l’avenir et de reconnaissance du rôle de nos armées, qui a fait honneur à ses participants. Les deux assemblées ont divergé sur quelques points que j’ai rappelés. Mais je ne doute pas que nous pourrons, à l’Assemblée nationale, faire avancer la réforme dans des conditions qui répondent aux attentes du pays.

Principales interventions du ministre de la Défense durant l’examen des amendements sur le projet de loi

Jeunes hommes nés en 1979 (obligation de la « journée défense »)

M. le président : M. Boulaud, rapporteur, a présenté un amendement, n°7, ainsi libellé : « Rédiger ainsi le premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 112-4 du code du service national : “ Les jeunes hommes nés en 1979 sont exemptés de l’appel de préparation à la défense. Ils peuvent néanmoins demander à y participer et se porter alors candidat à une préparation militaire.” » La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud, rapporteur : En conséquence de la modification de la date d’application du livre 1er, l’Assemblée nationale a exempté d’appel de préparation à la défense les jeunes hommes nés en 1979, compte tenu du retard pris pour adopter la réforme. Le Sénat, lui, a estimé, au contraire, que la montée en puissance de l’appel de préparation à la défense permettrait de rattraper la classe d’âge 1999 à la faveur des deux premières années de transition. Pourtant, des raisons techniques de bon sens motivent une exemption. C’est pourquoi la commission de la défense a adopté un amendement rétablissant la rédaction de la première lecture.

M. le président : Quel est l’avis du gouvernement ?

M. le ministre de la Défense : Le débat à l’Assemblée nationale a bien fait apparaître ce qui était possible pratiquement et ce qui ne l’était pas. Nous maintenons donc que l’appel de préparation à la défense ne pourra pas être effectivement appliqué aux jeunes nés en 1979. Néanmoins, la formule proposée par la commission permettra à ceux des jeunes nés en 1979 et volontaires d’y participer lorsqu’il sera mis en place. Ils pourront ainsi se porter candidat à une préparation militaire.

Appel de préparation à la défense, volontariat militaire et gestion des dossiers militaires par la DSN (coût)

Après l’intervention de M. Lellouche, je constate un désaccord sur le chiffrage. Je veux redonner la position du Gouvernement. Aujourd’hui, le service national coûte budgétairement 8,2 milliards de francs. Il a coûté 9,5 milliards de francs en 1996, mais les effectifs étaient déjà réduits de 32 000. Avec la formule « Rendez-vous citoyen » s’appliquant aussi aux jeunes filles à partir de 2002, ce service aurait coûté 4,3 milliards de francs. Avec l’appel de préparation à la défense même compte tenu de l’élévation à 4000 francs de la rémunération des volontaires, il coûtera 3,3 milliards de francs.

M. Pierre Lellouche : Monsieur le Ministre, c’est moi qui vous ai mal compris le 22 septembre dernier. Il faudra le vérifier au Journal officiel, mais il me semble bien que vous aviez annoncé que le coût total s’élèverait à 8,9 milliards de francs.

M. le ministre de la Défense : C’est le coût total actuellement !

M. Pierre Lellouche : Il me semblait que c’était le système que vous proposiez !

M. le ministre de la Défense : Je confirme que le coût direct de l’appel de préparation à la défense est bien de 200 millions de francs. Les autres coûts correspondront, d’une part, à la structure permanente de la Direction du service national qui gardera la charge du recensement des jeunes et de sa mise à jour, d’autre part, aux rémunérations des volontaires.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°7. (L’amendement est adopté.)

Politique étrangère et de sécurité commune (élargissement de l’enseignement de défense)

M. Boulaud, rapporteur, a présenté un amendement, n°9, ainsi rédigé : « Dans le premier alinéa du texte proposé pour l’article L. 114-1 du code du service national, substituer aux mots : “ainsi que les principes et objectifs de la politique étrangère et de sécurité commune”, les mots : “et de la défense européenne”. » La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud : Cet amendement, qui se justifie par son texte même, appelle néanmoins quelques précisions. Le Sénat a souhaité donner une dimension européenne à l’enseignement des questions de défense à l’école. Si l’Assemblée nationale s’est prononcée en première lecture contre toute introduction des questions de défense européenne dans le contenu de l’appel de préparation à la défense, le problème se pose en des termes différents en ce qui concerne le contenu de l’enseignement scolaire. Les questions de défense européenne sont d’ores et déjà présentes dans l’enceinte scolaire par le biais des cours d’histoire en particulier. Dans l’enseignement spécifique des questions de défense, il peut être néanmoins utile d’ajouter une « dimension européenne ».

Il est cependant préférable d’éviter de recourir à la notion de PESC utilisée par le Sénat. D’une part, elle dépasse largement les questions de défense européenne tout en ne prenant en compte qu’une partie de celles-ci, par exemple l’OTAN. D’autre part, il ne serait pas satisfaisant de recourir à une terminologie juridique appelée à évoluer. C’est pourquoi la commission de la défense s’est prononcée en faveur de l’expression de « défense européenne », sans doute moins juridique, mais par là même indépendante de l’évolution de la terminologie technique.

M. le président : Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la Défense : La commission a bien fait la synthèse du débat qui a progressé entre les deux assemblées. En effet, s’agissant d’un enseignement qui se déroulera dans le cadre de l’éducation nationale et qui a une vocation à la durée, l’expression « défense européenne » est la plus simple et la plus concrète. La commission a aussi eu raison, aux yeux du Gouvernement, d’insérer cet enseignement dans le cadre scolaire parce qu’il y a une certaine possibilité de développer une cohérence. En revanche, dans le cadre de l’appel de préparation à la défense lui-même, qui doit être essentiellement consacré aux initiations concrètes à la technique militaire, il était en effet plus sage de l’exclure.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°9. (L’amendement est adopté.)

Volontariat (durée – fractionnement)

M. le président : M. Boulaud, rapporteur, a présenté un amendement, n°18, ainsi libellé : « Rédiger ainsi les deux dernières phrases du troisième alinéa du texte proposé pour l’article L. 121-1 du code du service national : “Il est renouvelable chaque année. La durée totale du volontariat ne peut excéder soixante mois.” » La parole est à M. le rapporteur.

M. Didier Boulaud : Le Sénat a contesté le bien-fondé des dispositions que nous avions adoptées et a ramené la durée maximale d’un volontariat à deux ans. Si l’on peut comprendre le souhait de distinguer un volontariat d’un engagement, la position de la Haute assemblée repose, de notre point de vue, sur une mauvaise appréciation de la réforme. Tout d’abord, le volontariat sous statut militaire ne doit pas être limité à une période de deux années : certaines armées ou formations rattachées pourraient éprouver le besoin de garder plus longtemps un volontaire, ne serait-ce qu’en attendant qu’il s’engage, mais la nature du contrat n’est pas la même. Ensuite, bien qu’il ait figuré dans le précédent projet – on y a fait allusion –, le principe du fractionnement du volontariat n’a pas été retenu par la commission de la défense. Malgré son utilité dans le cas des personnels de haut niveau de qualification, le fractionnement doit être selon nous refusé, car sa mise en œuvre se révélera trop délicate à effectuer.

Pour éviter d’éventuelles dérives, il conviendrait, en effet, de prévoir des limites strictes analogues à celles qu’avaient dégagées les débats sur le précédent projet : limitation du nombre des périodes fractionnées, durée maximale entre deux périodes fractionnées, durée minimale de chaque fraction. Au demeurant, comment les armées ou les forces rattachées seraient-elles assurées de retrouver le jeune au cours des périodes suivantes ? Le risque existe de créer de véritables stages professionnels dont l’objectif ne peut être confondu avec un volontariat. C’est la raison pour laquelle la commission a adopté cet amendement qui rétablit la rédaction du troisième alinéa, telle que l’Assemblée nationale l’avait adoptée en première lecture.

M. le président : Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. le ministre de la Défense : Sur le principe même, la position commune de la commission, de la majorité de l’Assemblée en première lecture et du Gouvernement se comprend parfaitement : le volontariat pourra atteindre une durée de cinq ans, en fonction du parcours professionnel des jeunes qui commencent leur activité dans la défense et dans un emploi militaire. Cela ne signifie pas que ce cas sera majoritaire ; mais un butoir à deux ans serait exagérément rigide.

Reprenons l’exemple, de nombreux députés l’ont à l’esprit, des 16 000 volontaires qui serviront dans quelques années dans la gendarmerie : il va de soi que pour ceux d’entre eux qui n’envisagent pas d’y faire définitivement carrière en s’engageant, la troisième ou la quatrième année sera très profitable non seulement pour le jeune dont l’expérience se confirmera et lui donnera de réelles possibilités dans des activités civiles, mais aussi pour la gendarmerie, pour une bonne association notamment des jeunes volontaires avec les brigades sur le terrain.

Sur le fractionnement, je pourrais reprendre quasiment mot pour mot l’argumentaire de M. Didier Boulaud : le Gouvernement ne souhaite pas se priver de la possibilité d’offrir à certains jeunes en fin de parcours universitaire une opportunité d’activité professionnelle dans des services de pointe de la défense. Mais reprendre la formule du volontariat dont ce n’est pas le premier objet, et mentionner dans la loi un simple système de fractionnement ne me paraît pas une réponse tout à fait adaptée. Le Gouvernement utilisera peut-être la formule du volontariat pour ceux des jeunes qui auront terminé leur formation universitaire et effectueront un an complet de volontariat constituant pour eux un stage professionnel utile. Pour le cas où il s’agira de stages plus courts, on testera sans doute une formule de stage plus liée à la formation. S’il devait y avoir besoin d’un support législatif, le Gouvernement reviendrait alors devant le législateur avec déjà un début d’expérience.

M. Pierre Lellouche : M. le président, si je prends la parole, c’est encore pour prendre date et pour le Journal officiel ; je ne me fais guère d’illusions sur l’issue de cette discussion. Vous avez changé de logique, M. le ministre. Il s’agissait de volontaires et de générosité : désormais il s’agit du dispositif de la loi Aubry et d’une insertion professionnelle.

Votre raisonnement, pardonnez-moi, ne tient pas. Le système en vigueur, que nous avions repris dans le précédent projet de loi du « Rendez-vous citoyen », a démontré que la formule d’un volontariat d’un an, notamment dans les services de sécurité – police, gendarmerie – suffisait amplement, était même une opération extraordinairement réussie. Je connais moi-même des jeunes qui, ayant effectué une année dans la gendarmerie ou dans la police, ont choisi ensuite d’en faire une carrière. Votre argument selon lequel il faudrait faire trois, quatre ans pour se décider ne tient pas. La vérité, c’est que vous êtes engagé dans un « schéma loi Aubry », que vous avez transposé dans votre projet de loi. Pourquoi ne pas le dire ?

M. le ministre de la Défense : Votre système aboutira dans l’armée à un certain nombre de désavantages majeurs. Les jeunes en question n’auront aucune formation susceptible de leur permettre de faire carrière dans l’armée comme engagés de plein exercice : par ailleurs, vous allez créer une situation ingérable dans les unités entre volontaires pour cinq ans et engagés pour cinq ans, dont les profils de carrière, les modes d’emploi, les missions, les modalités d’entraînement seront par nature différents.

M. Lellouche : Je prends date avec vous, M. le ministre. Ce système est un mauvais système. J’aurais préféré que l’on gardât l’ancien, qui, sur ce point précis, a prouvé qu’il fonctionnait. De même qu’il ne faut pas s’opposer juste pour le principe de s’opposer, il ne faut pas non plus que tout nouveau gouvernement se croie obligé de considérer que tout ce qu’a fait le précédent était mauvais. En l’espèce, la réforme était bonne.

M. le ministre de la Défense : Je suis satisfait, M. Lellouche, que, de vous-même, vous employiez la formule « je prends date ». Si dans un an ou dans deux ans, lorsque la loi s’appliquera, lorsque, grâce aux efforts de ce Gouvernement, elle fonctionnera efficacement pour le plus grand profit et de l’emploi des jeunes et du bon fonctionnement des armées, si donc le bilan se révèle positif, j’espère que vous-même, avec autant d’assurance et d’assistance, vous viendrez nous expliquer que vous vous être trompé.

M. le président : Je mets aux voix l’amendement n°18. (L’amendement est adopté.)


Date : 16 octobre 1997
Source : Sénat

Discours du ministre de la Défense lors de la discussion en deuxième lecture du projet de loi sur le service national

Projet de loi sur le service national (deuxième lecture au Sénat)

Le texte qui est aujourd’hui soumis à votre examen représente à mon sens une synthèse équilibrée des propositions du Gouvernement et de la volonté de la représentation nationale. La volonté du Gouvernement était d’inscrire ce projet de loi dans une logique d’enracinement d’un nouveau consensus national sur les réformes militaires en cours. Ce texte est un tout, incluant les contraintes d’une professionnalisation maintenant généralement acceptée ainsi que le maintien du lien armée-nation, que tout le monde appelle de ses vœux, et l’assurance demandée par tous d’un possible rétablissement de l’appel sous les drapeaux si la sécurité venait à l’exiger.

Ce consensus sur les buts a, je le crois, existé depuis le début du débat. Il restait à le forger autour des moyens pour y parvenir. Les débats, tant ici, au Sénat, qu’à l’Assemblée nationale, ont témoigné d’une volonté partagée d’atteindre cet objectif. Les préoccupations des deux assemblées, prenant en compte des sensibilités politiques diverses, se sont rejointes sur de nombreux aspects du texte que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui.

L’Assemblée nationale a souhaité revenir à une lecture proche de son texte initial, mais elle l’a fait sous l’éclairage constructif de vos travaux, en incluant diverses dispositions qui s’inscrivaient dans un ensemble jugé cohérent par elle. Certaines propositions du Sénat, aussi argumentées et intéressantes qu’elles aient pu être, pouvaient affecter la logique interne du texte : ce sont celles que l’Assemblée nationale n’a pas retenues.

Accords sur le projet de loi (Sénat – Assemblée nationale)

En revanche, d’autres propositions qui affinaient et, il faut le dire, amélioraient le dispositif présenté en première lecture l’ont été. J’en donne rapidement le détail :
    - le débat sur le chapitre III, traitant du recensement, a maintenu en l’état l’amendement de votre commission atténuant la sanction pour non-accomplissement de l’obligation de recensement. Les députés ont été convaincus par cette proposition du Sénat ;
    - les souhaits du Sénat ont rejoint également ceux de l’Assemblée nationale avec la proposition nationale avec la proposition faite au cours des débats d’élaborer un nouveau protocole entre la défense et l’éducation nationale ;
    - de même, l’amendement de votre collègue M. Delanoë, permettant l’enseignement à l’école des principes et de l’organisation de la politique européenne de sécurité commune, a été repris dans le nouveau texte de l’Assemblée nationale. Il en a été de même, de façon littérale, cette fois, pour la désignation de cet objectif de formation ;
    - les députés ont en outre suivi votre proposition de consultation du Conseil supérieur des Français de l’étranger pour les modalités d’application de l’enseignement de défense et de l’appel de préparation à la défense pour les jeunes français établis hors de France.

Désaccords sur le projet de loi (Sénat – Assemblée nationale)

En revanche, la divergence n’a pas été aplanie en ce qui concerne l’intitulé de la journée de convocation de défense ; nous nous sommes expliqués, je crois, sur les motifs de cette différence d’appréciation sur les termes qui ont un retentissement sur le fond de ce dispositif.

Examen de santé (médecine scolaire – généralistes)

Quant au principe du suivi médical, véritable problème qui été soulevé avec insistance par le Sénat, il méritait effectivement d’être débattu. Toutefois, l’Assemblée nationale comme le Gouvernement ont estimé qu’il n’était pas opportun de trancher aujourd’hui ce débat par la loi. Le Gouvernement a le problème parfaitement présent à l’esprit. Des pistes de réflexion comme la prise en compte par la médecine scolaire ou une coordination entre la médecine scolaire et les généralistes engagés dans le principe du médecin référent sont à l’étude. La solution, qui est naturellement interministérielle, devra être trouvée sans la précipitation due à l’urgence qui entoure les travaux législatifs. Je souhaite pouvoir annoncer au Sénart, dans les mois qui viennent, qu’une solution a été retenue par le Gouvernement.

Volontariat militaire

À propos du débat sur le volontariat, qui faisait effectivement apparaître une divergence entre les conceptions défendues dans chacune des assemblées, je voudrais réaffirmer ceci : à partir du moment où le Gouvernement souhaite permettre aux jeunes de s’insérer professionnellement en leur offrant un statut social, il n’apparaissait plus possible de ménager, au sein des formations militaires, un volontariat d’une autre nature. Faiblement rémunéré, celui-ci risquait d’être à l’origine de décalages de qualité dans le recrutement des jeunes employés au sein des armées par rapport à ceux qui peuvent être recrutés par les services de l’administration civile. Le volontariat que nous préconisons s’adresse à des jeunes qui souhaitent se consacrer à la défense de notre pays sans pour autant en faire le métier d’une vie. L’adoption par l’Assemblée nationale de l’amendement de votre commission soulignant son caractère temporaire montre bien, d’ailleurs, cette appréciation. Toutefois, en ce qui concerne les conditions de rémunération et les conditions de durée, l’accord complet n’a pas été possible.

Accord Sénat – Assemblée nationale (nouveaux reports et nouvelles conditions d’incorporation)

Je tiens enfin à souligner la similitude des approches entre les deux assemblées sur le difficile dossier des reports et dispenses. Comme vous le savez, le projet de loi initial du Gouvernement partait du texte qui avait été approuvé par le Sénat lors du précédent débat législatif. La modification qu’y a introduite le Gouvernement, après dialogue avec l’Assemblée nationale, n’a pas rencontré d’opposition de principe devant le Sénat, la différence portant sur la limitation à deux ans du report en faveur des jeunes titulaires d’un contrat à durée indéterminée. À cet égard, je veux indiquer, et je le répèterai devant l’Assemblée nationale, que le Gouvernement, s’appuyant sur la condition de fond que le report doit être justifié par les difficultés d’insertion professionnelle du jeune, considère qu’il n’a rien d’automatique. En outre, les conditions d’application de ce report seront examinées par une commission régionale. Le report ne sera en quelque sorte « calibré » qu’en fonction de la situation spécifique du jeune.

M. le président, Mmes, MM. Les sénateurs, le dernier examen par le Sénat de ce texte est évidemment un moment important de notre vie politique. C’est un moment de la vie républicaine où la raison, je crois, sublime les débats, qui ont pu être, à certains moments, vifs. Le projet de loi qui vous est soumis représente, à mon sens, un compromis équitable entre les conceptions de l’ensemble de la représentation nationale et celles du Gouvernement. C’est l’essentiel qui doit être souligné. Nous sommes en possession d’un projet qui a sa cohérence, qui crée un « parcours citoyen » et facilite le passage à l’armée professionnelle, qui ouvre de nouvelles voies pour développer le lien armée-nation et qui ouvre la voie à la constitution des nouvelles réserves en maintenant notre capacité de remonter en puissance les effectifs si la défense de la nation le justifie. C’est bien l’essentiel, et l’apport du Sénat dans cette élaboration aura été déterminant.


Réponse du ministre de la Défense à la question préalable de la discussion du projet de loi (extraits)

Question préalable du Sénat

M. le président, Mmes, MM. les sénateurs, je tiens tout d’abord à faire remarquer que le vote que va émettre le Sénat sur proposition de sa commission compétente est l’expression normale d’un droit fondamental dans une démocratie : le droit à la divergence politique. Qu’après que les deux majorités politiques différentes eurent formulé des appréciations mûrement réfléchies sur un projet de loi important pour l’avenir du pays, la majorité sénatoriale aboutisse à la conclusion que les désaccords l’emportent sur les facteurs de convergence, cela me semble totalement légitime.

Professionnalisation des armées et nouvelles relations armée-nation

Je tiens cependant à souligner, après les interventions de M. le président de Villepin et de M. le rapporteur, que ce constat en phase finale du débat ne doit pas faire oublier les convergences existantes sur les objectifs ni l’approbation largement partagée par la représentation nationale de la professionnalisation de nos armées, ni le sentiment, également largement partagé, de la nécessité d’élaborer un nouveau dispositif aménageant les relations entre les armées et le nation, dispositif auquel le Gouvernement, en concertation avec les assemblées parlementaires, souhaitera apporter des compléments dans la vie courante, au-delà de la législation.

À ce stade du débat, je tiens à saluer le souci de contribution positive qui a été celui du Sénat dans l’examen de ce projet de loi. Mais je voudrais tout de même relativiser les désaccords qui ont été exprimés et qui fondent en partie la motivation de la question préalable présentée par la commission (…).

Je prends bonne note des appréciations qui figurent dans la motion. Le Gouvernement s’efforcera de prendre en compte les préférences du Sénat. Je voudrais, toutefois, exprimer un regret sur le choix, à mon avis hâtif, de quelques-uns de termes de cette motion ; je pense notamment à l’imputation d’un risque d’affaiblissement de la défense du pays. De telles affirmations ne peuvent pas être formulées à la légère et je pense que les débats que nous mènerons de nouveau au cours des mois qui viennent, qu’il s’agisse des questions budgétaires ou des orientations générales de notre politique de défense, permettront au Gouvernement de convaincre l’ensemble du Sénat que tout est fait – à partir de la décision présidentielle de professionnaliser les armées, une décision que personne ne remet en cause – pour assurer la fiabilité et la capacité de réponse de nos armées à toutes les situations et que la validité de notre dispositif de défense n’est en rien entamée, l’imputation contraire pouvant avoir d’ailleurs des conséquences politiques incalculables.

Je respecte, bien entendu, le vote du Sénat et ses motivations politiques. Ce vote n’exclut en rien la possibilité de poursuivre un dialogue loyal, amical et démocratique. Nous retrouverons, dans l’application de ce texte, les occasions de rapprochement et de conciliation qui ont été manquées de peu, me semble-t-il, à la fin de ce débat.

 

Date : 21 octobre 1997
Source : Assemblée nationale

Discours du ministre de la Défense lors de la discussion en troisième et dernière lecture du projet de loi sur le service national (extraits)

Projet de loi sur le service national (Assemblée nationale, troisième lecture)

Les débats sur la réforme du service national ont permis la confrontation de toutes les sensibilités et de toutes les opinions. Ainsi que je vous l’avais indiqué en prenant ce dossier, j’ai souhaité enrichir ce projet avec vous et je tiens à remercier la représentation nationale pour la qualité des échanges suscités par cette grande réforme dans les deux chambres du Parlement.

Il s’agissait bien, par un texte incluant les objectifs de la professionnalisation, de concrétiser un double souhait commun à tous les parlementaires, à tous les représentants de notre opinion publique : le maintien du lien armée-nation et la garantie qu’on pourrait rétablir l’appel sous les drapeaux si la sécurité du pays venait à l’exiger. Votre contribution a enrichi sur ces deux points le projet du Gouvernement. (…)

Des divergences sont apparues sur les moyens de réaliser un objectif qui était, lui, largement partagé mais, si des oppositions subsistent encore sur certaines modalités de la réforme, il me semble qu’aujourd’hui seul l’essentiel doit être souligné : nous sommes désormais en possession d’un projet cohérent, qui crée un véritable parcours citoyen. (…)

Il permet également de constituer les nouvelles réserves et il assure notre capacité de procéder à une remontée en puissance des effectifs si la défense de notre pays le nécessite. Ce texte est donc la meilleure synthèse entre la volonté du Gouvernement, les préoccupations légitimes des assemblées et le respect des critères communs de continuité et de stabilité que nous avons tous à l’esprit.

Parlement (information gouvernementale sur l’application de la loi sur le service national)

Il restera, dès son approbation définitive, à veiller à sa mise en œuvre pratique. Je n’attendrai pas l’échéance du rapport annuel que l’article 8 bis du projet prescrit au Gouvernement pour vous tenir informés des mesures prises et de leur effet dans nos unités :
    - je veillerai en particulier à ce que des parlementaires puissent contribuer à la réflexion en cours sur le développement du lien armée-nation car vous êtes sans doute parmi les mieux placés pour opérer cette réflexion. Cet aspect essentiel de notre réforme ne peut pas se résumer au seul cadre de la loi ;
    - je ferai en sorte également de tenir régulièrement informées votre commission ainsi que la commission du Sénat de l’avancement des réflexions en cours sur l’organisation des nouvelles préparations militaires et sur la mise en œuvre pratique de l’appel de préparation à la défense ;
    - comme je vous l’avais déjà indiqué, c’est aussi au Parlement que sera présenté le travail de l’organisation des programmes éducatifs liés à la défense.

Mmes, MM. les députés, en soulignant à nouveau la richesse des travaux conduits dès le printemps 1996 sous la législature précédente et approfondis avec ce projet de loi en voie d’adoption depuis le mois de juillet, je veux vous assurer de la conviction qu’a le Gouvernement de la cohérence de cette réforme qui allie les impératifs du présent et la préparation de l’avenir.


Discours du ministre de la Défense avant le vote final du projet de loi réformant le service national (extraits)

Je ne voudrais pas lasser l’attention de l’Assemblée mais je note que, lors de ce débat qui doit conduire à l’approbation définitive du projet de loi, plusieurs sujets de fond ont été développés. Certains avaient déjà été abordés et je n’y reviendrai donc pas, mais j’apporterai quelques éclaircissements sur autres. (…)

Objecteurs de conscience (sans affectation)

M. Cochet, je prends au sérieux la situation des objecteurs de conscience pendant la période de transition. Près de 10% se sont trouvés l’année dernière sans affectation, ce qui a perturbé l’activité d’associations ou d’organismes d’intérêt général qui comptaient sur eux. Nous avons, avec le Ministère de l’emploi et de la solidarité tenté de remonter la pente, et le nombre de ceux qui n’ont pas d’affectation s’est nettement réduit. Nous devons maintenir les contacts afin de nous assurer que le statut des objecteurs fonctionne honnêtement, conformément à ses règles, aussi longtemps que le service est en vigueur pendant la période de transition.

Quant aux risques diffus sur le territoire lié au fonctionnement et à la fragilité des grands réseaux civils, je souhaite pouvoir venir en parler à la commission de la défense, sans doute en compagnie de mon collègue M. le ministre de l’Intérieur. Je rappelle qu’en vertu de l’ordonnance de 1959, qui est l’un des piliers de l’organisation actuelle de la défense, un haut fonctionnaire de défense est présent dans chaque ministère. Tout en observant les plus grandes précautions quant à ce qui a vocation à entrer dans le débat public et ce qui n’a pas vocation à y entrer, il serait utile que le Gouvernement rende compte à la commission de la défense – laquelle pourrait à cette occasion s’ouvrir à d’autres parlementaires intéressés – des systèmes de précaution mis en œuvre, car ils relativisent l’appréciation un peu générale de fragilité que vous avez portée.

Emploi des jeunes

M. Lellouche, je rejoins assez largement votre description des débats antérieurs et de l’apport des uns et des autres. Je conviens en effet que le nouveau gouvernement et une large partie de sa majorité se sont rapprochés des positions des autres formations politiques autour d’une réalité, la fin du service, que nous nous efforçons d’accompagner. J’émettrai cependant une réserve. Vous avez dit que nous faisions un texte de circonstance parce que nous adoptions une ligne cohérente avec la lutte pour l’emploi des jeunes. Il s’agit là d’un des thèmes centraux de la législature. La lutte pour l’emploi des jeunes ne peut être réduite à un simple choix de circonstance : elle traduit une volonté politique majeure du Gouvernement d’agir pour l’emploi des jeunes.

Volontaires militaires (gendarmerie nationale)

Dans un autre domaine, j’ai mal compris l’observation de M. Voisin, qui tranchait par rapport à sa modération habituelle. Je ne crois pas que les 27 000 postes de volontaires que nous allons créer, dont 16 000 dans la gendarmerie, soient des postes sans utilité. Ils n’ont pas moins d’utilité que les postes tenus jusqu’à présent par des jeunes appelés qualifiés. Les nombreux parlementaires qui connaissent bien les questions de sécurité publique en milieu rural ou périurbain savent que les jeunes volontaires dans la gendarmerie pourront développer leur expérience professionnelle, leur formation et leur habilitation comme adjoint de police judiciaire pendant plusieurs années et qu’ils poursuivront, en allant plus loin, l’expérience et l’apport positif des jeunes gendarmes auxiliaires.

Fonction régalienne

Je veux rendre hommage à M. Lellouche pour sa pondération sur un sujet qui peut devenir important dans cette assemblée, la fragilisation de notre défense. Vous êtes une assemblée ouverte et le Parlement est l’un des piliers de la vie politique et institutionnelle de notre pays ; ce qui s’y fait et ce qui s’y dit à un retentissement international. Je souhaite que l’un ou l’autre d’entre vous n’affirme pas à la légère que la défense du pays serait moins solide, moins fiable, moins permanente qu’auparavant. Je vous rends hommage, M. Lellouche, de ne pas l’avoir fait, et chacun doit partager ce sens de la mesure et de la responsabilité. J’ai toujours pensé, parce que cela m’est aussi arrivé, que c’était dans l’opposition qu’on prouvait qu’on avait ou non le sens de l’État. Je compte sur la cohésion et le sens des responsabilités de l’ensemble de la représentation nationale pour ne pas développer à tort et à travers le thème du manque de fiabilité de notre défense.

Armées (missions)

Je veux saluer la hauteur de vue de M. Birsinger. J’insiste sur le fait que les missions confiées à notre défense ne se résument pas à la protection. Quatre grandes missions lui sont assignées : la dissuasion, la projection, la prévention et la protection, ce qui est une façon d’indiquer que la protection du territoire est une mission clé de notre défense.

Brazzaville (évacuation des ressortissants)

Certes, la professionnalisation peut fragiliser le lien de l’armée avec la nation, mais l’action de nos hommes pour secourir des ressortissants français ou d’autres nations confrontés à une situation d’insécurité dans certaines petites villes du Congo-Brazzaville – action à laquelle je souhaite rendre hommage devant la représentation nationale – a été reconnue par les personnes secourues. Dans de tels moments, les citoyens français se sentent proches de leur défense et même si les militaires sont des professionnels, ils comprennent que la défense travaille pour eux, pour l’image de notre pays et sa contribution à un monde plus pacifique.

Ce changement dans la substance du lien armée-nation justifie une vigilance nouvelle, et il reviendra au Parlement comme au Gouvernement de réfléchir à des initiatives et à des évolutions en profondeur améliorant le dialogue entre notre défense et l’ensemble du pays, et assurant une ouverture réciproque.

Défense (position socialiste)

En réponse à M. François Lamy, je note l’importance et la continuité de l’engagement des parlementaires socialistes au service de cette réforme. Cela n’avait rien de facile, cela a traduit une évolution et une prise en compte des réalités et des responsabilités qui n’étaient pas forcément acquises, encore que les électeurs se soient, à mon sens, prononcés et qu’aucune formation politique n’ait fait campagne pour le retour à la conscription. Peut-être n’avons-nous pas assez évoqué les questions de défense lors de la dernière consultation nationale – et cette critique peut s’adresser à toutes les formations – mais le choix de l’ensemble de nos concitoyens, je le répète, a été clair et cela a été l’un des mérites du groupe socialiste, tout en travaillant en profondeur sur les modalités du texte, de s’engager dans cette cohérence.

M. Voisin, c’est le droit le plus strict de l’opposition de récuser la cohérence et l’efficacité de notre projet dans ses modalités, mais alors qu’elle en accepte le risque ! Lorsque je reviendrai devant vous l’année prochaine pour vous présenter le budget de 1999, si ce que vous aviez cru inefficace fonctionne correctement, je suis convaincu que vous aurez la bonne foi de le reconnaître.

Quant à l’amendement du Gouvernement sur le report lié à la situation professionnelle, la seule chose que je me suis borné à dire en ce qui concerne le vote de l’opposition, c’est que personne n’a voté contre la proposition du Gouvernement. Je ne fais aucune critique et je ne me livre à aucune interprétation, mais je tiens à ce que cela soit rappelé. Ma remarque n’a d’ailleurs pas été contestée. (…)