Interview de Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat, dans "Sud Ouest" du 26 novembre 1997, intitulé "les PME face au cap des 35 heures", sur la création d'emplois induite par la réduction du temps de travail et les conséquences pour les PME.

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Intervenant(s) : 
  • Marylise Lebranchu - secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat

Média : Sud Ouest

Texte intégral

Sud-Ouest : Jacques Dondoux, secrétaire d'État au commerce extérieur, a affirmé lundi à Albi qu'il n'était « pas certain que le passage aux 35 heures créera beaucoup d'emplois ». Qu'en pensez-vous ?

Marylise Lebranchu : L'objectif central de la réduction du temps de travail est l'emploi. L'effet des 35 heures sur l'emploi dépendra des conditions dans lesquelles sera effectuée cette réduction. La variable cruciale est la négociation qui sera conduite par les entreprises et les branches. Il faut en effet que la réduction du temps de travail s'accompagne d'aménagements du temps de travail et de négociations sur l'évolution des salaires. Il faut qu'elle génère de l'efficacité supplémentaire en termes de productivité du travail, de développement du chiffre d'affaires, de durée d'utilisation des équipements et n’obère pas la compétitivité des entreprises.

Il n'est donc pas possible, à ce stade où les négociations se nouent, de connaître combien d'emplois peuvent être générés par les 35 heures. Une appréciation raisonnable permet de penser que quelques 10 millions de salariés peuvent être concernés par la réduction du temps de travail et que cela générera 500 à 600 000 emplois. Ce n'est donc pas la seule réponse au chômage de masse que nous connaissons. C'est un moyen parmi les autres.

Sud-Ouest : Dans quelles conditions les petites PME vont-elles devoir passer aux 35 heures ?

Marylise Lebranchu : Il faut d'abord prendre acte que les PME font preuve d'un grand dynamisme et sont créatrices d'emplois. Implantées dans les services, le commerce, le bâtiment, mais aussi dans tous les autres secteurs d'activité, elles font preuve de capacités d'adaptation et d'imagination qui leur donnent une place essentielle dans notre économie. Il est donc exclu de penser que la réduction et l'aménagement du temps de travail ne les intéressent pas ou ne les concernent pas.

Certes, du fait même de leur taille, les plus petites d'entre elles ne peuvent aborder la réduction du temps de travail de la même manière que les autres. C'est pourquoi le gouvernement a prévu que les entreprises de moins de 20 salariés aient un délai supplémentaire pour appliquer la nouvelle durée légale. Il prévoit néanmoins, dans le même temps, de les inviter à entrer dans le dispositif de négociation pour la réduction. Il ne peut y avoir deux types de salariés en France, même s’il y a des types d'entreprises différentes.

Sud-Ouest : Et le commerce ?

Marylise Lebranchu : Le commerce est un secteur économique important. Il n'y a pas de raison de penser que les évolutions en termes de durée du travail y seront différentes de ce que nous pouvons observer sur les autres secteurs. Les grandes entreprises sont déjà engagées sur des durées inférieures aux 39 heures. Quant aux plus petites, dont les travailleurs indépendants ne comptent pas souvent leurs heures, ce sera plus difficile.

Au travers de formules de mutualisation de personnel, d'aménagement d'horaire, il doit être possible là aussi de progresser. Nous devons tout particulièrement aider les petites entreprises de commerce à trouver les formes les plus originales d'organisation. Et, qui sait, le consommateur lui-même y trouvera meilleur compte.