Texte intégral
L’Humanité le 18 novembre 1997
Q. Le sommet a-t-il atteint selon vous ses objectifs ?
R. Il a tenu des espérances et a consolidé l’institution francophone en donnant une unité de « commandement » qui lui manquait puisqu’il y avait souvent des discordances entre les différents outils de la francophonie. On a fait le choix de désigner un secrétaire général qui en sera le coordinateur. Il reste à M. Boutros Boutros-Ghali d’utiliser au mieux les moyens qui sont mis à sa disposition et qui ne sont pas négligeables. L’effort de la France est sensible dans un contexte budgétaire difficile puisque les fonds accordés seront augmentés de 17 %. Nous avons souligné la dimension politique que nous voulions donner à la francophonie. Il est important que les francophones s’organisent mieux pour exister davantage dans les grandes institutions internationales comme le FMI et la Banque mondiale de façon à faire entendre aussi notre différence qui se caractérise, entre autres, par une préoccupation plus grande des problèmes sociaux par rapport au vent libéral qui souffle fort dans ces institutions. La dimension politique recouvre aussi l’intention de faire progresser les Droits de l’Homme et la démocratie par le dialogue et le débat.
Q. Il a été aussi question de coopération économique durant cette rencontre. Que propose la francophonie à ce sujet ?
R. Le Vietnam a souhaité que ce thème soit central dans les débats. La dimension économique de la francophonie ne peut se traduire par l’établissement d’un « espace » économique francophone qui exigerait des règles précises. Il s’agit de favoriser les expériences, les contacts, aider les réseaux de recherches à se mettre en place. Dans cet esprit, on peut parler de « coopération économique francophone ».
Q. Mais n’y a-t-il pas un risque de repli sur soi-même ?
R. La notion de francophonie n’est pas l’enfermement dans le français mais recouvre aussi l’ouverture vers les pays anglophones. La francophonie ne doit pas être un souvenir mais un avenir, à condition d’en avoir une conception très ouverte et de ne pas la réduire à une bataille défensive d’une citadelle linguistique. La francophonie est un moyen de non-alignement, un refus d’un modèle culturel et linguistique unique pour conserver un monde divers, donc plus riche. Si on veut que la francophonie attire, il faut qu’elle offre un visage qui s’inscrive dans la modernité et qu’elle s’appuie sur les outils les plus pointus de communication, comme l’internet.
Q. N’y a-t-il pas une contraction entre une volonté « conquérante » de la francophonie et la baisse de l’aide publique au développement de la part de la France ?
R. Cette baisse est le fait de tous les pays industriels et je le regrette profondément. Cette année, nous avons quasiment enrayé la dette des années passées. J’espère que cela augure une révision à la hausse des prochains budgets. La stratégie de ces dernières années de réduire les coopérants de formation n’est plus tenable. Nous sommes arrivés à un seuil en deçà duquel des pans entiers de notre coopération risquent de disparaître. Nous allons augmenter le budget du fonds d’aide à la coopération (FAC) et nous essayons dans le même temps de mobiliser les partenaires que sont les collectivités locales, les villes, les départements, les régions, qui ont tout à gagner en développant des coopérations à leur échelle.
Q. Le Vietnam était le pays hôte de ce sommet. Que peut-on dire des relations franco-vietnamiennes aujourd’hui ?
R. Au lendemain du renouvellement de son Assemblée nationale, du changement de gouvernement, de président, le Vietnam, en organisant ce sommet, a présenté un visage de l’ouverture au monde. Entre la France et le Vietnam, le temps a fait son œuvre et nous entretenons des relations adultes et relançons un partenariat avec le souci des intérêts mutuels. La France était le premier pays européen investisseur au Vietnam. Avec les 5 milliards de francs de contrats qui viennent d’être signés, elle va être à égalité avec le Japon, qui était dans le peloton de tête des investisseurs en général. Je pense aussi que ces accords sont une excellente chose pour l’emploi en France.
Intervention à l’Institut international de l’administration publique (Paris, le 18 novembre 1997)
Mesdames, Messieurs,
Avant que je n’aborde le sujet qui m’est imparti - « La nouvelle politique française de coopération » - permettez-moi de vous dire combien je regrette de n’avoir pu être présent à la cérémonie d’ouverture du cycle long de l’IIAP, en septembre dernier.
La raison en est un calendrier particulièrement chargé. Comme vous le savez, le gouvernement idéal se caractérise par une réduction du nombre des portefeuilles ministériels. Cela se traduit par des responsabilités accrues pour chacun des ministres. C’est ainsi que le secrétariat d’État à la Coopération exerce désormais également, par délégation du ministre des Affaires étrangères, les attributions de celui-ci relatives à la francophonie, et est également en charge de l’action humanitaire et des Droits de l’Homme. J’y reviendrai dans un instant, si vous le voulez bien.
Les orientations et les modalités de notre coopération vont être transformées. Ce n’est pas d’une réforme pour la réforme que nous traitons. Depuis longtemps en France, des voix s’élèvent pour réclamer une présence de la France à l’extérieur qui soit plus unifiée, plus concertée, pour être plus efficace et plus vigoureuse. En réalité, ce sont les mutations profondes du contexte international qui dictent le changement institutionnel. Voilà pourquoi je souhaite à grands traits vous indiquer notre perception de ce contexte pour que vous compreniez mieux la démarche que nous adoptons.
L’échange international ses dernières années s’est profondément renouvelé.
La mondialisation, même si le concept est passe-partout, est inscrite dans les faits. Simultanément, et ce n’est aucunement contradictoire, on observe que le monde se diversifie, qu’émergent et se consolident des entités régionales fortes. Enfin, et c’est le produit de ces deux tendances, le débat international s’intensifie, il devient plus complexe. Il justifie par conséquent que la France y assure sa présence et adapte, à la mesure des enjeux et de ces interlocuteurs nouveaux, ses instruments de coopération.
Je ne reviendrai sur la mondialisation que pour rappeler une évidence : tous les pays du monde y sont engagés, et même si le libre marché, donc l’économie en est l’aspect le plus marquant, ses conséquences s’étendent à tous les domaines de la vie sociale, publique, voire culturelle (on le sait dans les médias). Sur ce point, la mondialisation doit être analysée sous l’angle d’un rapport de forces extrêmement dur, justifiant une position aussi offensive dans la concurrence, que solidaire avec les pays qui manifestent leur inquiétude devant une tendance rapide à l’uniformisation, dans laquelle ils auraient tout à perdre.
En même temps, et comme en réponse à ce phénomène, on observe que le monde, non moins rapidement, s’organise en ensembles, qui correspondent à une puissante volonté d’exister dans l’avenir en réunissant toutes les forces qu’à la seule échelle de ses propres espaces, aucun État n’a plus aujourd’hui. La construction européenne, dans laquelle la France a mis beaucoup d’elle-même, en est le meilleur exemple. L’Europe est sur la voie d’inventer une politique étrangère commune mais depuis longtemps déjà elle avait avec les pays du Sud noué un partenariat qu’elle s’apprête à renouveler profondément. Nécessairement, l’aide française se « communautarisera » davantage à long terme. Voilà pourquoi notre implication dans la préparation de ce débat doit être forte car c’est l’Europe qui portera une part importante de notre vision du développement et de la contribution que nous y apportons.
Mais ce mouvement s’observe également dans le pays destinataire de notre aide : en Afrique, en Asie du Sud-Est, en Amérique latine. Ces ensembles économiques sont autant d’espaces nécessaires en réponse à la mondialisation et nous les encourageons. Ils constituent un contrepoint indispensable à toutes les formes de particularisme qu’on voit renaître un peu partout, qui sont souvent encouragés en Afrique surtout, par la diversité ethnique.
Vous observerez à ce stade que notre dialogue change de nature, et que son extension par conséquent se modifie. L’exemple de l’Afrique en offre ici une bonne illustration : même si notre partenariat avec les pays francophones d’Afrique demeure une priorité, il n’aurait plus de sens s’il ne s’élargissait à tous les pays anglophones et lusophones avec lesquels les premiers sont en relation nécessaire, non seulement pour leur économie, mais également pour une gestion de plus en plus commune et intelligente de leur développement, de leur sécurité, de leur environnement.
Ces évolutions sont de grandes conséquences pour notre contribution au développement. Elles nous imposent une présence accrue dans le débat international et singulièrement dans les instances multilatérales où la voix de la France est entendue et attendue, en proportion de ce qu’elle y défend des thèmes qui lui propres. Je songe notamment aux programmes financiers du Fonds monétaire international attachés à la maîtrise des dépenses publiques, mais dans lesquels nous rappelons sans relâche la priorité à accorder aux dépenses sociales, d’éducation et de santé, en particulier. Je songe aussi aux initiatives de la Banque mondiale, utiles lorsqu’elles visent au renforcement des capacités nationales et à tous ce qui peut fortifier l’État, à nos yeux sacrifiées ces dernières années de façon dommageable jusqu’à ne plus jouer un rôle régulateur des grands équilibres sociaux, avec toutes les conséquences que cela emporte, sur le bien-être collectif mais aussi la paix.
Vous comprendrez enfin pourquoi dans cette perspective nous suivons avec attention la réforme du PNUD, et nouons en même temps un partenariat plus actif avec ses instances comme l’UNICEF et le FNUAP qui, en matière de population, d’éducation, de santé, d’attention aux groupes sociaux vulnérables, développent des thèmes et des actions qui concernent le monde entier et dont nous ne souhaitons pas être absents.
Derrière cet ensemble de relations, c’est une image nouvelle de la France à l’extérieur qui est en jeu : il n’échappe à personne que cette image s’est ternie ces dernières années ? Notre place dans le monde s’est relativisée et en même temps des dispositions fort dommageables, je pense notamment à la politique restrictive des visas, ont contribué à accréditer l’idée que notre pays se repliait frileusement sur lui-même et entrait en contradiction avec le discours généreux et solidaire qu’il tenait.
Nous voulons réaccorder le discours avec les actes et promouvoir une forme de partenariat qui, tout en ménageant nos intérêts et notre influence qui est réelle et souhaitée, renouvelle l’image d’une France attentive aux mouvements du monde, à l’appétence de ses interlocuteurs pour une relation égale mais aussi ouverte, une relation enfin qui favorise un échange Sud-Sud responsable.
Le sommet francophone de Hanoï vient de s’achever. En le préparant, puisque je suis en charge de ce dossier au Gouvernement, en le suivant aux côtés du Président de la République, j’ai pu vérifier combien la francophonie pouvait et devait contribuer à ce renouvellement de notre présence dans le monde.
J’ai déjà eu l’occasion de dire que pour beaucoup de nos partenaires, la francophonie est comme un non-alignement qui ne dit pas son nom. Certes la France y joue un rôle éminent, mais en concourant aux modifications de structure qui viennent de conduire au choix d’un secrétaire général de la francophonie, elle souhaitait lui donner de la maturité, une nouvelle responsabilité et une voix audible dans le débat international. En la rattachant à la coopération, le Gouvernement a, de son côté, marqué sa volonté d’en faire un des instruments de la rénovation de notre politique extérieure, et de notre aide au développement, puisque mon département ministériel en est, hors la chaîne TV5, le plus important contributeur.
En résumé : nous vivons dans un monde d’échanges ouverts. Nous découvrons chaque jour ces conséquences et devons nous accoutumer à une diplomatie ouverte et à un échange culturel ouvert. Notre coopération, quant à elle, s’apprête à répondre de façon adaptée à ces enjeux.
Je dirai que face à la vision dialectique du monde que j’ai essayé de vous faire partager, entre globalisation et diversification, elle retient trois principes : l’expression d’une solidarité, le souci d’un dialogue libre et exigeant, le libre choix enfin de thèmes d’actions qui identifient notre présence.
La solidarité est inscrite dans nos valeurs et dans notre tradition. Aujourd’hui, elle vise à prévenir les risques de marginalisation économique et politique de pays qu’on ne peut concevoir dans l’asservissement à l’assistance et à l’aide humanitaire. Cela justifie le choix de pays et de régions où l’on concentre notre aide : l’Afrique bien entendu y tient une place particulière, pourvu qu’on ait sur ce continent un autre regard, plus complice des initiatives qu’on y voit surgir, de la croissance qui s’y manifeste, des hommes et des femmes qui entreprennent, que des catastrophes hélas encore fréquentes qui les entravent. Le Maghreb, le Pacifique, l’Asie du Sud-Est figurent aussi parmi les espaces où la France souhaite promouvoir ses intérêts et son influence.
La concurrence dans laquelle nous sommes à d’autre part pour corollaire une culture de dialogue nouvelle : chacun est libre de son choix. Lorsqu’il est fait, il doit permettre un partenariat rigoureux, attaché à des priorités partagées dans lesquelles chacun se retrouve, la France comme les interlocuteurs qui ont fait le choix de sa coopération.
Il est enfin indispensable de cerner les domaines et les approches qui nous paraissent les plus propices à soutenir de façon aussi coordonnée que possible. Les efforts appelés par le développement, ce sont aussi les domaines où notre expertise est la plus forte. Je ne les hiérarchiserai pas, mais rappellerai simplement que la conquête de la souveraineté économique, l’enracinement de la citoyenneté, l’attention à l’éducation et à la santé, enfin l’environnement et le développement durable constituent des champs de préoccupation et d’interventions complémentaires, dont la valeur est universelle, mais qui, selon les pays, selon les régions, se déclinent différemment.
J’ajouterai, ne serait-ce que parce que votre institution y contribue, que l’une des particularités de notre aide consiste, pour chacun de ces thèmes, à plaider pour une réévaluation du rôle de l’État qu’il nous paraît nécessaire de « renationaliser » dans ses fonctions essentielles de conception, de gestion, d’évaluation et de prospective. La formation des administrations y tient naturellement un grand rôle.
Telle est, Mesdames, Messieurs, la nouvelle politique que je souhaite mettre en œuvre.
Mais ma nouvelle politique, ce ne sont pas seulement de nouvelles priorités, ce sont aussi de nouvelles méthodes, des moyens adéquats, et enfin de nouveaux instruments. Sous cette dernière rubrique, j’évoquerai rapidement pour conclure, la réforme de la coopération sur laquelle, je n’en doute pas, vous vous interrogez.
Nos moyens d’intervention :
Par le terme de moyens, j’entends évidemment à la fois les moyens humains déployés dans le pays avec lesquels nous avons des partenariats, et les moyens financiers sur lesquels sont assis nos projets et programmes.
Moyens humains tout d’abord :
La Coopération française, c’est schématiquement 3 000 coopérants civils et 700 coopérants militaires en 1997.
C’est un outil d’invention qui fait l’originalité de la Coopération française et qui est en perpétuelle évolution. Depuis plus de 10 ans, nous avons entrepris de transformer l’assistance technique pour laisser aux nationaux la charge de faire fonctionner les institutions et les secteurs qui comptaient une assistance technique de substitution. Pour l’essentiel, les organismes d’enseignement et de recherche ont fourni depuis lors la quasi-intégralité de la baisse des effectifs de coopérants. Je constate aujourd’hui que plus des deux tiers des assistants techniques en fonction aujourd’hui sont des chefs de projets. Ce sont autant d’agents de l’administration ou d’experts, moins nombreux, plus qualifiés, qui occupent des fonctions de conseil, d’expertise ou de formateurs auprès des autorités de nos pays partenaires. Je crois pouvoir dire aujourd’hui que nous arrivons au bout de la déflation. J’ai lancé une réflexion sur ce sujet dont je tirerai les conclusions dans les mois à venir.
Moyens financiers ensuite :
Le budget de la coopération n’est qu’une partie de l’aide publique au développement mise en œuvre par la France. Il convient d’y ajouter :
- les concours de nature purement financière servis par le ministère des Finances dans le cadre d’accords internationaux négociés avec les institutions de Bretton Woods ;
- les contributions de la France aux fonds et organismes multilatéraux ;
- et, les financements bilatéraux mis en œuvre par d’autres ministères, tels que les Affaires étrangères, l’Éducation ou la Recherche pour l’essentiel.
Au total, l’APD française est de l’ordre de 0,50 % de notre PNB, ce qui situe la France au premier rang des bailleurs de l’OCDE avec un montant de 36,5 milliards de francs en 97.
Du strict budget de la coopération, je dirai qu’il est stable en francs courant, dans la mesure où nous bénéficions - c’est un signe de meilleure santé et de bonne gestion, - d’une moindre demande de crédits d’ajustement structurel de la part de nos partenaires. Ceci nous permet de redéployer une partie de notre effort pour donner une impulsion à la politique que nous voulons mener et que j’ai décrite il y a quelques instants. Elle se traduit par des augmentations des crédits de formation et la croissance des crédits destinés à l’aide projet.
Les méthodes doivent tenir compte des évolutions chez nos partenaires. Les sociétés bougent, des institutions naissent, une nouvelle génération de cadres politiques, d’entrepreneurs, d’intellectuels, de journalistes, d’artistes, signale à notre attention que l’avenir dans ces pays est riche de promesse. Une alliance, dénuée de complexes comme de paternalisme, et fondée sur un dialogue responsable avec des élites émergentes, qui n’ont pas la même histoire que leurs pères, ni les mêmes références à la période coloniale, ouvre de nouvelles perspectives à la Coopération.
Le renforcement des capacités nationales de gestion est une orientation fondamentale pour faire de nos interlocuteurs africains de véritables partenaires exprimant des besoins justifiés par des évaluations et formulés dans des programmes conçus localement. Coopérer, c’est agir ensemble dans un dialogue libre. L’évolution de nos concours sera donc subordonnée à la négociation de « contrats de partenariat et de développement » avec les pays qui le désirent et qui s’avèrent en mesure de formuler une stratégie crédible de développement dans un autre cadre démocratique renforcé.
Un dialogue libre et égal est aussi un dialogue exigeant. Bien entendu, il nous faut sortir des systèmes d’intervention clientéliste et des réseaux.
L’affirmation, il est vrai, n’est pas véritablement nouvelle, mais le temps n’est plus de se contenter d’annoncer de bonnes intentions plus ou moins suivies d’effets.
Nos concours, fondés sur de véritables priorités, doivent être plus sélectifs. Pour chaque pays bénéficiaire, nos moyens seront concentrés sur quelques programmes essentiels et les projets, moins nombreux, seront plus conséquents. D’ailleurs, des crédits pourront, et peuvent du reste déjà, être délégués aux postes, sous réserve naturellement d’un contrôle a posteriori pour des actions de moindre envergure, proches du terrain, en appui notamment à la coopération décentralisée.
Enfin, il faut envisager pour certaines opérations des gestions déléguées confiées à des opérateurs de statut privé (agences d’exécution, opérateurs privés, ONG). Les projets à gestion étatique devront ainsi devenir moins nombreux. Une telle évolution exige certainement beaucoup plus de professionnalisme et de transparence de la part des ONG et des autres opérateurs potentiels français et africains, qui devront, pour certains, démontrer sur le terrain leurs qualités de gestionnaire.
Parmi ces autres opérateurs, une place particulière revient, à mes yeux, aux collectivités locales et territoriales. Au fil des années, la coopération décentralisée a trouvé une place de plus en plus importante dans nos échanges avec le Sud.
Elle correspond à une forme d’investissement de la société civile française dans le développement qu’il faut encourager, car elle lui permet d’exprimer une générosité qui est l’autre face de la solidarité. Mais aussi parce qu’elle complète souvent utilement nos propres projets. En les adaptant au terrain et en leur conférant une dimension affective, elle leur donne, si je puis dire, de la chair. Elle est enfin un moyen privilégié d’encouragement à la démocratie locale, dont l’enracinement est indispensable à la démocratie. Il faut la guider sans l’encadrer ; mais en recherchant la meilleure liaison avec nos orientations.
S’agissant de la réforme des instruments de la coopération, c’est-à-dire de la réforme des structures ministérielles et administratives qui en ont la charge, vous comprendrez que je ne puisse entrer dans le détail. Une concertation interministérielle est en effet en cours.
Cela étant, je puis vous faire part de certains principes qui seront au fondement de cette réforme.
Le nouveau dispositif devra remédier aux défauts du dispositif actuel, soit une certaine confusion institutionnelle, résultant du partage des compétences entre de multiples acteurs : Coopération, Affaires étrangères, Économie et Finances, Défense, Caisse française de développement, Recherche, Éducation. Cette situation est source de lourdeurs, de doubles emplois et de surcoût. Elle nuit en outre à l’unité et l’efficacité de notre politique de Coopération.
Les inconvénients sont d’autant plus marqués, les champs géographiques d’intervention de ces différents acteurs se chevauchent sans coïncider, nuisant à la visibilité de notre politique.
Ces phénomènes sont en outre aggravés par les disproportions constatées dans l’allocation des crédits publics, selon les canaux de l’aide et les zones bénéficiaires. Or, ces dispositions résultent souvent moins de l’importance respective des pays concernés du point de vue de notre intérêt national que d’un héritage historique ou de la puissance respective d’appareils bureaucratiques qui appartiennent eux-mêmes à cet héritage historique.
Les mesures concrètes qui permettront de traduire ces principes au plan administratif ne sont pas encore arrêtées. Elles le seront l’année prochaine.
D’ores et déjà, pourtant, certaines mesures ont été prises. Comme vous le savez, le secrétaire d’État à la Coopération est un secrétaire d’État délégué auprès du ministère des Affaires étrangères. La notion de « charge » n’a en outre plus lieu d’être et le secrétariat d’État à la Coopération a désormais vocation à agir dans tous les pays confrontés à des problèmes de développement. Cela ne signifie naturellement pas qu’il interviendra effectivement dans tous les pays, il existe des priorités géographiques, mais il n’est plus de limitation de principe du champ géographique.
Ces deux changements (mise en place d’un secrétariat d’État délégué et absence de référence à la notion de champ) procèdent naturellement de la prise en compte des évolutions que j’ai brièvement décrites au début de mon propos (mondialisation, processus d’intégration régionale).
Voilà, Mesdames, Messieurs, les réflexions dont je voulais vous faire part. Naturellement, elles ne sont pas exhaustives. Mais je souhaiterai laisser place au débat qui est dans votre tradition et auquel nous pourrons maintenant consacrer quelques instants.
Je vous remercie.