Interview de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF et de la CGIP, dans "Le Journal des finances" du 3 avril 1999, sur les comptes de la CGIP en 1998, la participation dans des restructurations et l'actionnariat du groupe au sein de Valéo, Cap Gémini ou la Société Générale.

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Média : Le Journal des Finances

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Le Journal des finances : Pouvez-vous commenter pour nos lecteurs les comptes de la CGIP pour 1998 ?

Ernest-Antoine Seillière : « Ces comptes nous apparaissent très satisfaisants puisqu'ils font ressortir une progression de 90 % du bénéfice, par action, qui atteint 33,10 francs, ou un peu plus de 5 euros. Cette bonne performance est liée à trois principaux éléments. D'abords, une progression de 15 % du résultat consolidé de nos différents secteurs d'activités. Cela correspond à l'agrégation de notre quote-part du bénéfice de Valeo, de Cap Gemini, de Bureau Veritas, de Bio Mérieux et de nos autres participations. Ensuite, nous avons bénéficié d'éléments exceptionnels, pour un montant de 1,2 milliard de francs, en très forte hausse. Si bien que le résultat net part du groupe de la CGIP progresse de 84 %, à 2,22 milliards de francs. Enfin, l'actionnaire bénéficie de l'effet de relution lié au rachat d'une partie de nos [illisible]. »

Le Journal des finances : Un peu plus de la moitié du résultat de la CGIP provient de profits exceptionnels. Cela signifie-t-il que votre métier n'est plus seulement de détenir et d'animer des participations, mais aussi de les arbitrer ?

- « Le résultat courant, provenant de la consolidation des comptes de nos participations, reste bien sûr un indicateur important de la qualité de nos actifs. Néanmoins, chaque année, nous avons maintenant des éléments exceptionnels provenant de cessions ou de déplacements d'actifs. Ce qui traduit bien notre double vocation : veiller à la bonne marche des entreprises dans lesquelles nous avons investi, et, bien sûr, valoriser au mieux notre portefeuille global de participations en extériorisant régulièrement des plus-values, et cela au mieux de nos intérêts. Nos actionnaires peuvent être sereins puisque le réservoir de plus-values de la CGIP est actuellement de l'ordre de 10 milliards de francs. »

Le Journal des finances : Vos actionnaires vont être associés à ces bonnes performances à travers une hausse du dividende.

- « Nous allons effectivement leur proposer d'approuver la distribution d'un dividende net de 5,24 francs par titre. Nous faisons en sorte que la répartition des bénéfices de la CGIP soit, d'une part, le reflet de nos bonnes performances, et, d'autre part, assure à nos actionnaires, notamment familiaux, un rendement suffisant pour faire face à des contraintes fiscales - je pense à l'ISF - très asphyxiantes. »

Le Journal des finances : Comment a évolué la valeur de vos actifs depuis an ?

- « Le portefeuille de la CGIP représente un actif global de 35,8 milliards de francs, dont il faut soustraire 1,8 milliard de francs de dettes. Si bien que l'actif net réévalué s'établit à 34 milliards de francs, ou 505 francs, par action (77 euros). En l'espace d'un an, il s'est donc apprécié de 20 % environ, ce qui n'est pas négligeable. Notre participation de 26,8 % au capital de Gap Gemini représente à elle seule la moitié de la valeur globale de notre portefeuille. Et les titres Valeo contribuent à hauteur d'un quart. A côté de ces deux importantes participations, nous avons cinq lignes d'actifs, non cotés (Wheelabrator-Allevard, Bio Mérieux Alliance, Bureau Veritas, Hebdo Mag et Orange Nassau), qui représentent le dernier quart de notre portefeuille. »

Le Journal des finances : Le poids de la participation dans Cap Gemini n'est-il pas devenu trop important ?

- « Nous n'avons pas d'autre doctrine en la matière que d'être pragmatiques. Et, pour l'heure, nous estimons que Cap Gemini est une entreprise remarquable qui recèle un potentiel de croissance important à moyen terme. Nous ne voyons donc pas de raison de ne pas en faire profiter nos actionnaires sous prétexte de rendre notre portefeuille plus esthétique. En matière d'allocation d'actifs, nous sommes de moins en moins partisans des approches logiques chères à Descartes, et nous mettons de plus en plus en pratique le sens de la curiosité sans a priori chère à Montaigne. »

Le Journal des finances : Quel est le montant de votre trésorerie disponible ?

- « Nous avons 2 milliards de francs de liquidités prêtes à être investies pour soutenir le développement de nos filiales ou saisir de nouvelles opportunités d'investissement. A cela pourraient s'ajouter des ressources provenant d'arbitrages réalisés en fonction des opportunités. Ainsi, l'an passé, nous avons cédé 3,2 % de Cap Gemini, pour 2 milliards de francs. Parallèlement, nous avons apporté 2,4 milliards de francs pour développer nos deux principales filiales (Cap Gemini et Valeo) et investi 1,2 milliards de francs dans un nouveau secteur d'activité avec Hebdo Mag International. Enfin, nous venons de céder le solde de nos titres CCK en exerçant en février une option de vente sur les 5 % du capital qui nous restaient. Cela nous apporté 1,8 milliard de francs et nous assure une plus-value de 700 millions de francs. »

Le Journal des finances : N'est-ce pas devenu un problème pour un groupe comme la CGIP, de trouver des participations attrayantes à la fois par la taille et le potentiel de croissance ?

- « Ce pourrait être l'une de nos principales préoccupations stratégiques. Nous pourrions nous demander si la CGIP sera capable, le moment venu, de soutenir son rythme d'investissement en entrant dans un nouveau secteur d'activité, à travers une entreprise phare, afin de la transformer en leader sur son marché. Surtout compte tenu de l'ampleur des sommes qui seraient à notre disposition si un jour nous allégions nos deux principales participations. Mais, je vous rassure, ce n'est là qu'une préoccupation virtuelle, car le potentiel de développement de Valeo ou de Cap Gemini reste très important. Valeo l'a prouvé l'an passé à travers le rachat de la division systèmes électriques d'ITT. Cap Gemini a les moyens d'une croissance externe. Et, par ailleurs avec notre prise de participation dans Hebdo Mag, nous avons montré à nos actionnaires notre capacité à saisir de belles opportunités. Il s'agit là d'un leader potentiel sur le marché des annonces presse et multimédias avec 150 titres (comme La Centrale des particuliers) et une vingtaine de sites Internet. C'est une affaire très prometteuse qui va largement profiter du développement d'Internet. Et elle pourrait être cotée sur un marché de valeurs de croissance, surtout si elle se positionne comme une net company. »

Le Journal des finances : Malgré tous vos efforts de communication, la Bourse semble encore loin d'apprécier le titre CGIP à son juste prix…

- « Le cours actuel des actions CGIP fait apparaître une décote de plus de 40 % par rapport à leur valeur intrinsèque. Cet écart me paraît très excessif. Et nous continuons à étudier les solutions qui permettraient de le réduire. Malgré tout, il faut relativiser ce problème. L'action CGIP a progressé de 48 % au cours des quinze derniers mois, surperformant largement l'indice CAC 40 ou l'indice SBF 120. Notre objectif est de voir notre titre apprécié à sa juste valeur. Outre la simple arithmétique, cela signifierait que le marché apprécie la valeur ajoutée que nous apportons à nos participations en matière de management de définition de la stratégie et de financement de cette stratégie. »

Le Journal des finances : Allez-vous prendre de nouvelles initiatives, comme vous y a incité Warburg, qui détient 10 % de la CGIP et de Marine-Wendel ?

- « Nous avons avec Warburg Dillon Read d'excellentes relations, comme nous en avons avec tous nos actionnaires. Ils nous ont fait part de leurs réflexions sur le problème de la décote, sans apporter toutefois de solutions auxquelles nous n'avions pas déjà songé. Ainsi, la prochaine assemblée générale des actionnaires sera invitée à nous autoriser à procéder à un rachat de nos titres sur le marché, à hauteur de 10 % du capital. »

Le Journal des finances : Les opérations spectaculaires et parfois inamicales se font chaque jour plus nombreuses sur le marché. Peut-on voir un jour la CGIP y participer ?

- « Si la CGIP choisissait d'intervenir dans des restructurations ou de tenir un rôle de chevalier blanc, ce serait à condition que cela doit bien sûr amical et sans tapage. »

Le Journal des finances : La CGIP est toujours actionnaire de la Société Générale.

- « Nous avons participé au tour de table de cette maison lors de sa privatisation, nous en avons encore un peu moins de 0,3 % du capital. C'est en tant qu'actionnaire et administrateur à la fois de la Société Générale et de Paribas que je suis convaincu que le projet le plus créateur de valeur est celui d'un rapprochement SG/Paribas. »