Interview de M. Ernest-Antoine Seillière, président du MEDEF, dans "Le Parisien" du 5 juin 1999, sur la valeur de l'euro depuis son lancement début janvier 1999, le tassement de l'euro par rapport au dollar et la compétitivité des entreprises européennes face aux entreprises américaines.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien
– Que pensez-vous de la chute importante de l’euro depuis son lancement en grande pompe le 4 janvier dernier ?

Ernest-Antoine Seillières
– D’abord, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise valeur de l’euro, qui correspond simplement à une réalité : la force du dollar est due à l’expansion « insolente » - selon l’expression des analystes – des Etats-Unis. L’Europe, en comparaison, se porte beaucoup moins bien, car elle traîne toujours des problèmes structurels, comme, selon nous, le poids des systèmes de solidarité sociale…

Le Parisien
- Cette baisse de l’euro peut-elle soutenir l’économie ?

Ernest-Antoine Seillières
– Le niveau actuel de l’euro présente des avantages incontestables : cela favorise les exportations de la France, et de l’Europe, dans toute la zone d’influence du dollar : Etats-Unis, mais aussi Amérique du Sud, Asie… Grâce au tassement de l’euro par rapport au dollar, nos produits deviennent plus compétitifs. Cela permet aux entrepreneurs soit d’améliorer leurs marges, et donc d’investir plus, soit de baisser les prix pour pousser les ventes.

Le Parisien
– Malgré tout, l’euro était annoncé comme une monnaie capable de rivaliser avec le dollar. Sa baisse n’est-elle pas décevante ?

Ernest-Antoine Seillières
– En réalité, l’euro a démarré en trombe, à haut niveau, dans l’euphorie de son lancement, mais il atteint aujourd’hui un niveau plus raisonnable. Nous n’avons jamais souhaité un euro trop fort. Evidemment, la situation actuelle n’est pas sans quelques inconvénients : la facture d’énergie, que l’on règle en dollars, augmente pour nous tous. D’autre part, à moyen terme, un euro durablement faible perdrait en crédibilité. Mais ce n’est pas encore le cas. Il est trop tôt pour dire si l’euro peut s’imposer comme référence dans les grands contrats internationaux : six mois, c’est un battement de cols dans la vie d’une grande monnaie ! L’euro est déjà reconnu par la finance mondiale (on ne cote plus les actions européennes qu’en euros), mais il n’entrera dans les porte-monnaie des 380 millions d’Européens qu’en 2002. On ne pourra pas porter de jugement avant quatre ou cinq années.