Interview de M. Jacques Dondoux, secrétaire d’État au commerce extérieur, dans "La Dépêche du Midi" du 23 octobre 1997, sur la nécessité de clarifier les aides de l’État à l'exportation en faveur des PME.

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Média : La Dépêche du Midi

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La Dépêche du Midi : Si l’on s’attarde uniquement sur les records d’excédents de notre balance commerciale, on peut s’interroger : les entreprises françaises ont-elles encore besoin de l’État pour s’exporter ?

Jacques Dondoux : Notre commerce extérieur se porte bien : est-ce une situation durable ? Il y a très clairement dans les chiffres des derniers mois des raisons d’être optimiste. Si nous dégageons un fort excédent – 160 M de francs, peut-être, en 1997 ? – c’est au dynamisme de nos exportateurs qu’on le doit. Si on compare les sept premiers mois de 1997 aux sept premiers mois de 1996, les chiffres parlent d’eux-mêmes : nos exportations augmentent de 12 %. Et même si la reprise de nos importations qui semble se dessiner au cours des derniers mois se confirme, notre excédent devrait rester à un niveau élevé. C’est une bonne chose pour la croissance et pour l’emploi : nos échanges extérieurs se traduisent par une création nette de 100 000 à 200 000 emplois en 1996 et plus encore depuis le début de l’année.

Mais les marchés internationaux évoluent très vite. Les marchés qui croissent le plus vite aujourd’hui sont des marchés émergeants, lointains, parfois difficiles. Nos parts de marché dans ces pays sont souvent très faibles et nous ne bénéficions pas de l’avantage de positions déjà acquises qu’ont certains de nos partenaires. En outre, les entreprises qui font le plus d’efforts à l’international aujourd’hui ce sont les PME. Il faut en tenir compte, non pas tant parce que nos PME seraient moins performantes que celles de nos voisins, c’est, je crois, tout à fait inexact, mais simplement parce que on ne raisonne pas vis-à-vis des PME comme avec une grande entreprise.

La Dépêche du Midi : Quel rôle l’État peut-il jouer, principalement à l’égard des PME qui ont le plus besoin d’être soutenues ?

Jacques Dondoux : Je l’ai dit, il ne faut pas croire que les exportateurs auront la tâche facile. Nous devons les aider avec les moyens dont nous disposons, en faisant nous aussi les efforts d’adaptation nécessaires. Cela vaut pour l’État, mais aussi plus largement pour l’ensemble du dispositif public et parapublic, les conseils régionaux qui jouent un rôle de plus en plus important, les chambres de commerce, les conseillers du commerce extérieur.

La question n’est plus aujourd’hui de créer des aides supplémentaires : il y en a déjà beaucoup et elles ne sont pas toujours suffisamment coordonnées. Il nous faut mieux faire connaître les dispositifs existants et veiller à les rendre plus simples et plus « lisibles » pour les PME qui me disent souvent qu’elles se sentent perdues dans le maquis des aides et des institutions qui interviennent dans le domaine du commerce extérieur.

Il y a, enfin, un domaine dans lequel nous pouvons intervenir directement au profit des PME, c’est celui des foires et expositions commerciales à l’étranger dont j’ai souhaité que le budget soit accru dès 1998. C’est un excellent moyen de commencer à prospecter un marché et nous accusons pour ce type d’actions un retard important par rapport à nos grands concurrents européens.

La Dépêche du Midi : Le dispositif français d’aide à l’exportation est-il adapté ?

Jacques Dondoux : Il est surtout extrêmement varié et pas toujours très clair pour les entreprises. C’est pourquoi j’ai demandé à mes collaborateurs les plus proches de se rendre en région pour en discuter avec, non seulement les fonctionnaires d’État en charge du commerce extérieur, mais aussi avec les organismes consulaires et régionaux et évidemment les entreprises.

Sur le fond, j’ai quelques convictions simples. La première est qu’il faut laisser chaque région trouver son dispositif le plus adapté : on ne peut décider un modèle unique à partir de Paris. La seconde concerne ce que je pourrais appeler le minimum vital : si les différents intervenants décident de ne pas se regrouper à l’instar de ce qui a été fait ou se fera dans les Pays de Loire ou dans le Nord Pas-de-Calais, il faut au moins qu’ils relèvent d’un même réseau d’information. Il serait également très utile que tous les intervenants puissent faire partie d’un réseau commun sur Internet ou sur un Intranet « commerce extérieur ».

En troisième lieu, il est nécessaire que l’État améliore le fonctionnement de son propre dispositif de soutien au commerce extérieur. J’ai demandé un rapport sur ce sujet à M. Gardère dont les conclusions seront discutées par les différentes parties concernées avant que des décisions de réorganisation soient prises. Selon la méthode à laquelle le gouvernement est attaché.

Enfin, pour être complet, j’ajoute que Dominique Strauss-Kahn et moi-même souhaitons poursuivre les discussions avec notre collègue des affaires étrangères, Hubert Védrine, pour prolonger des expériences qui me semblent très profitables, en particulier les postes de communes, consul général et conseiller économique et commercial. C’est un moyen pour l’État de faire des économies et d’être plus efficace.

La Dépêche du Midi : Dans le débat sur les 35 heures, des patrons ont agité la menace des délocalisations, conséquences d’une réduction du temps de travail. Selon vous, ce risque existe-t-il ?

Jacques Dondoux : Je crois que ce risque n’existe tout bonnement pas. La réduction du temps de travail ne doit pas durablement accroître les coûts de l’entreprise, soit que celle-ci y gagne en termes d’assouplissement de l’organisation du travail ou de modération salariale, soit qu’elle soit aidée par l’État, directement comme vient de l’annoncer le gouvernement ou à terme indirectement par la baisse des cotisations patronales.

Il me semble quand même un peu étonnant de reprocher à Lionel Jospin d’agir dans ce domaine avec une certaine résolution et de tenir les engagements qu’il a pris pendant la campagne. Tout le monde est d’accord pour dire que la croissance économique en crée pas assez d’emplois. Tout le monde est d’accord pour dire que l’emploi doit être la priorité nationale et que tous les moyens doivent être mobilisés dans ce but. La réduction du temps de travail, souple et négociée, comme l’envisage le gouvernement, est une des voies prioritaires même si ce n’est pas la seule arme utilisée par le gouvernement pour lutter contre le chômage.

La Dépêche du Midi : Avec la fin du service militaire, ce sera aussi la fin des coopérants du service national en entreprise qui concernait des milliers de jeunes. À l’heure de la mise en place des emplois-jeunes, un dispositif de substitution est-il prévu ?

Jacques Dondoux : Le système des coopérants de service national en entreprises est excellent pour ses bénéficiaires et les entreprises et il se prolongera naturellement jusqu’en 2002 avec les actuels sursitaires. Néanmoins, ainsi que le prévoir la loi Richard sur la réforme du service national, une loi sur le volontariat permettra prochainement de prendre le relais avec les nouvelles générations si je puis dire, garçons et filles confondus. Nous travaillons déjà activement sur ce sujet avec, là encore, une excellente collaboration avec le ministère des Affaires étrangères. Mon souhait est que le nouveau dispositif concerne à la fois beaucoup plus les jeunes, un plus vaste éventail de qualification et soit encore plus souple pour les entreprises en particulier quant à la durée de la période à l’étranger.