Déclaration de M. Lionel Jospin, Premier ministre, en réponse à une question sur l'impunité des criminels de guerre de l'ex-Yougoslavie dans le secteur français de la Bosnie, suite à l'interview dans "Le Monde" du 15 décembre de Mme Louise Arbour, procureur du Tribunal pénal international, à l'Assemblée nationale le 16 décembre 1997.

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Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Députés, Monsieur le Député,

Je comprends que l'opinion et, sans doute aussi la représentation nationale, se soient émues légitimement de la gravité des imputations qui ont été portées contre les autorités publiques françaises et contre les soldats français par le président du Tribunal pénal international. Je voudrais rappeler, comme le ministre des Affaires étrangères, qui n'est pas présent aujourd'hui en raison d'une réunion de l'OTAN, l'a souligné auprès de Mme Arbour, la contribution essentielle qu'a pris la France à l'origine dans la création du Tribunal pénal international. Je voudrais rappeler le rôle moteur de la France dans le rétablissement de la paix dans l'ex-Yougoslavie. Je voudrais rappeler le tribut payé par nos soldats pour ce rétablissement de la paix, soixante-dix morts, sept cent blessés. Je voudrais rappeler l'enjeu fondamental que représente la poursuite des opérations de maintien de la paix pour notre pays, pour la communauté internationale et pour les populations de l'ex-Yougoslavie.

Sur l'imputation la plus grave qui a été publiquement portée par Mme Arbour et qui concerne l'arrestation des criminels de guerre, je voudrais dire ici, solennellement, le caractère inacceptable des allégations selon lesquelles les criminels inculpés par le Tribunal pourraient se sentir en sécurité dans le secteur de la SFOR contrôlé par le contingent français.

La France s'est constamment prononcée pour que tous les criminels impliqués soient livrés au Tribunal. Tout doit être entrepris dans ce but. La France participe pleinement, autant que les autres pays concernés, et d'ailleurs en étroite relation avec eux, dans les instances qui conviennent sur ce plan et certains savent à quoi je pense. La France participe pleinement aux efforts déployés sur le terrain pour y parvenir.

Les militaires français présents en Bosnie font partie de la SFOR sous commandement de I'OTAN et j'ai été heureux de voir le Secrétaire général de l'OTAN, M. Javier Solana, rendre hommage à ce que font nos soldats français dans la zone qui leur est impartie au service de la paix.

Le deuxième point n'a pas la même gravité, même s'il pose des problèmes importants car il ne relève pas d'une imputation scandaleuse mais d'un débat qui peut avoir lieu sur les conditions dans lesquelles la France coopère, parce qu'elle entend coopérer avec le Tribunal pénal international.

La coopération entre la France et les TPI se déroulent selon les principes fixés par la législation française dès 1995. Les démarches de coopération adressées à des ressortissants français sont envoyées par le Procureur aux autorités françaises. Le contenu et les destinataires des demandes de coopération relèvent naturellement du secret de l'instruction. Dans ce cadre, les services du Procureur ont déjà pu procéder à l'audition d'une trentaine de responsables publics français dont des officier généraux. Mme Arbour a d'ailleurs reconnu dans les entretiens qu'elle a eus avec le ministre des Affaires étrangères, les progrès de cette coopération et souhaité que celle-ci s'amplifie encore.

La France est prête à poursuivre les discussions sur les modalités de cette coopération dans le cadre de relations qui doivent être nécessairement de confiance avec le Tribunal pénal international. J'évoquerai cette question avec le président de la République. Mesdames et Messieurs, soyez assurés qu'à nos yeux aucun criminel de guerre ne doit échapper au jugement, aucun crime ne doit rester impuni. La France est résolue à agir en ce sens avec ses alliés et avec le Procureur du Tribunal pénal international.