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Le Parisien : Les préoccupations « écologiques » du gouvernement inquiètent les constructeurs automobiles. Quelle est votre philosophie en matière de diesel et en ce qui concerne l'avenir de la voiture ?
Christian Pierret : Je crois beaucoup au développement de la voiture électrique et au GPL. D’ici à trois ans, nous nous engageons à ce que les flottes publiques s'équipent de véhicules propres. Je crois également en l’avenir du GNV (gaz naturel de ville), notamment pour les bus. Je suis heureux de la commande annoncée par la RATP portant sur deux cents bus « propres » que Jean-Claude Gayssot et moi-même appelions de nos vœux. Pour les autres carburants, je ne vais pas en opposer un aux autres. Le diesel dégage des particules nocives, soit, mais le super avec ou sans plomb est également polluant. Je refuse que l'on fustige l'un ou l'autre au nom de la pollution. D'autant qu'à force de montrer du doigt le diesel, on risque de fragiliser l'industrie automobile qui fait travailler directement ou indirectement en France 1,3 million de personnes. Il faut savoir que 44 % de la production d'un des principaux constructeurs français, PSA en l'occurrence, repose sur le diesel. On ne peut pas déstabiliser aussi légèrement une activité majeure pour notre économie. Surtout à un moment ou d'autres pays européens comme l'Italie ou l'Allemagne adoptent des politiques pro-diesel.
Je pense en fait qu'il nous faut poser le problème en termes de modification structurelle des déplacements urbains : moins de voitures individuelles et plus de collectif. Il faut mettre en place une vraie politique des transports, pratique et de qualité, dans les grandes cités.
Le Parisien : Vous souhaitez donc que l'on renouvelle l'opération de circulation alternée des véhicules pairs ou impairs ?
Christian Pierret : Compte tenu des niveaux de pollution atteint ce jour-là, la mise en œuvre de la circulation alternée était indispensable. Mais si c'est une réponse à une situation de crise ponctuelle, c'est une mesure assez peu satisfaisante à long terme. En effet, si la circulation alternée permet de réduire le trafic, elle ne distingue pas les véhicules polluants des autres. Nous devons donc rapidement mettre en place une « pastille verte » sur les automobiles les plus propres pour permettre de sélectionner de façon judicieuse les véhicules autorisés ou non à circuler lors des pics de pollution.
Le Parisien : Le décret sur cette pastille verte n'est toujours pas passé en conseil des ministres. Pourquoi le gouvernement attend-t-il pour prendre cette mesure qui fait l'unanimité ?
Christian Pierret : Tout le monde au gouvernement est en effet favorable mais il y a encore des débats purement techniques sur la norme à arrêter. Nous avons le choix entre la norme Euro 1993 qui autoriserait 45 % des automobiles à circuler quel que soit le niveau de pollution et une norme plus sévère pour les véhicules diesel mis en service après le 1er janvier 1997. Il est également possible d'utiliser les résultats du contrôle technique antipollution comme critère d'attribution. Les autres véhicules, privés de pastille verte, seront soumis à la règle du « pair ou impair » et resteraient au garage un jour sur deux en période de pollution. Personnellement, je pense qu'il faut tenir compte de la pollution effectivement émise par les voitures. Il ne faudrait pas que les Français n'ayant pas les moyens de s'acheter des véhicules neufs soient pénalisés.
Le Parisien : À propos de ventes de véhicules, celles-ci ont chuté de 23 % depuis le début de l'année. Pensez-vous avoir recours à des primes de relance comme les gouvernements d’Alain Juppé et d'Édouard Balladur ?
Christian Pierret : Je ne pense pas que les constructeurs en réclament. Ces artifices ont montré que les aides étaient particulièrement nuisibles. Le bilan est aujourd'hui lourd pour les finances publiques, mauvais pour les constructeurs et préjudiciable à l'emploi. Bref, c'est un cuisant échec.
Le Parisien : Vous partez lundi au Japon en voyage « d’affaires ». Pensez-vous convaincre les patrons de Toyota, qui cherchent un site en Europe, de s'implanter en France ?
Christian Pierret : Toyota annoncera, avant la fin de l'année, sa décision sur l'implantation d'une deuxième usine de construction automobile en Europe et, à ma connaissance, hésite encore entre trois pays pour installer cette nouvelle usine européenne : la France, la Grande-Bretagne et la Pologne. L'enjeu est très important puisque ce serait un investissement de plusieurs milliards de francs avec plusieurs milliers d'emplois à la clé et la possibilité, pour les sous-traitants français, de travailler avec l'un des grands constructeurs japonais.
Le Parisien : N'avez-vous pas peur que cette « bonne nouvelle » déplaise aux constructeurs automobiles français qui redoutent l'arrivée de concurrents particulièrement agressifs sur leur propre territoire au moment où le marché national est morose ?
Christian Pierret : Les industriels français ne peuvent pas à la fois invoquer les règles du marché et refuser la concurrence. De toute façon, si les Japonais s’installent ailleurs dans l'Union européenne, nous aurons tout de même les voitures mais sans avoir les emplois ! Et même si Toyota choisissait la Pologne qui n'est pour l'instant pas intégrée à l'Europe communautaire, les contraintes douanières tomberont un jour ou l'autre. Il ne sert à rien de mener des combats d’arrière-garde…
Le Parisien : Les constructeurs français demandent, comme les syndicats d'ailleurs, un plan automobile pour bénéficier notamment de départ en préretraite. Que comptez-vous faire pour peu ?
Christian Pierret : Une mission automobile composée de parlementaires doit rendre un rapport à la fin du mois et nous étudierons attentivement ses conclusions. Mais surtout, la France est engagée dans un processus de passage à 35 heures d'ici à l'an 2000, qui sera une chance pour ce secteur en lui donnant l'occasion de repenser ses méthodes de travail et de gagner en compétitivité. Dans ce cadre, les entreprises doivent innover pour trouver des systèmes qui leur permettront tout à la fois de faire partir les plus âgés qui le souhaitent et d'embaucher des jeunes, en réduisant par exemple plus fortement le temps de travail en fin de carrière.
Le Parisien : Pour résoudre leurs problèmes d'effectifs, PSA et Renault avaient fait une demande précise aux précédents gouvernements : 40 000 départs en préretraite contre 15 000 embauches de jeunes. Le dossier est-il définitivement enterré ?
Christian Pierret : Ce projet des constructeurs qui aurait coûté 35 millions de francs à l'État n'est pas viable économiquement. En revanche, nous sommes prêts à discuter avec eux de l'utilisation des outils existants, aides financières ou autres incitations, pour les aider s'ils font des efforts d'organisation. La balle est dans leur camp.