Rapport de M. Pierre Zarka, membre du secrétariat du comité national, devant le comité national le 28 octobre, paru dans "l'Humanité" du 29 octobre 1997, sur les fonctions de "L'Humanité" et de "L'Humanité Dimanche" et l'avenir de la presse communiste.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Réunion du comité national du PCF à Paris le 28 octobre 1997

Média : L'Humanité

Texte intégral

Les fonctions de « L’Humanité » et de l’« Humanité Dimanche »

Cette session du comité national a été préparée par des grands débats dans le Parti : déjà 64 réunions pour 41 fédérations, débats à la Fête de l’Humanité, dans les colonnes de l’« Humanité Dimanche » et de la quotidienne. Ils ont donné lieu à de riches échanges, parfois contradictoires, où toutes les questions ont pu venir. Ce débat ne sera pas terminé avec la session du comité national, mais il est normal que, à ce stade, celui-ci intervienne et fasse des choix. Et ce sont ces choix qui serviront de base à la poursuite de la réflexion.

Des camarades disent ne pas retrouver leur « Humanité ». Au-delà des défauts et insuffisances que nos journaux peuvent avoir, des habitudes de lecture, des repères, profondément ancrés dans le temps, sont bousculés.

Il y a les mutations politiques du Parti. C’est la première fois que nous sommes dans une situation qui exige de tous : lecteurs, Parti, journalistes, un effort que nous découvrons au fur et à mesure et dont il nous faut continuellement préciser le contenu. Et tous les jours, « L’Humanité » doit, dans l’immédiateté, passer d’une démarche générale à la nécessité de la faire vivre à partir des problèmes concrets. Il arrive d’ailleurs que des questions posées découlent davantage du renouveau de la politique du Parti que de « L’Humanité » elle-même mais que celle-ci cristallise.

Un journal est un contrat entre un éditeur, ici le Parti, des lecteurs et des journalistes qui pensent et matérialisent cette rencontre. C’est certainement la première fois, en tout cas depuis de très longues décennies, que nous sommes en mesure de définir le champ d’intervention de l’éditeur qu’est le Parti, c’est-à-dire préciser ses attentes politiques et définir le champ des rédactions, leur part de réponses et de créativité, sans que ces deux champs ne viennent se confondre. La levée d’organe central du Parti communiste effectuée il y a un peu plus de trois ans, n’implique pas la disparition des liens entre le Parti et ses journaux, mais en modifie la nature. C’est à ce travail que nous avons besoin de nous livrer.

Mon rapport comportera quatre parties. La première concernera l’examen de la crise de la presse, ainsi que les aspects spécifiques à « L’Humanité ». Il s’agit de bien mesurer la réalité de notre situation, la dimension des enjeux, et donc le niveau et l’ampleur du défi à relever et les efforts à fournir. Définir un projet éditorial commence par définir les besoins politiques de l’éditeur et la spécificité de ce qu’est un journal. Renvoyer en quelques phrases au 29e congrès ne suffit pas et ce sera donc l’objet de la deuxième partie. Dans une troisième, je tenterai de dégager des éléments de réponse qui formeront les axes, les contours d’un projet éditorial. Je tenterai de le faire non pas de manière arbitraire, mais à partir des questions qui sont venues lors des discussions préparatoires à cette session. Enfin, je consacrerai un 4e chapitre à la diffusion, non pas comme une fin en soi, mais comme un enjeu de déploiement de l’activité des communistes.

I. Situation réelle et enjeux

La situation de nos journaux est critique. Depuis 1991, l’existence de « L’Humanité » n’a jamais cessé d’être menacée. Elle a connu un court répit au terme d’un redressement en 1993, dû à un progrès sensible des abonnements et à un effort exceptionnel et soutenu du Parti après le comité central de décembre 1992, ainsi que d’une compression inouïe de ses dépenses et capacités d’activité : disparition des éditions régionales et du Val-de-Marne ; niveau d’effectifs et budgets reportages qui font de chaque numéro le résultat d’exercices d’équilibres et d’efforts qui auraient fait renoncer n’importe quel autre journal. 61 journalistes participent à la rédaction quotidienne de « L’Humanité ». Ils sont de l’ordre de 300 au « Parisien », 270 au « Figaro », 240 au « Monde », autant à « Libération », plus de 300 à « La Voix du Nord », 260 à « La Dépêche du Midi », 230 au « Midi libre », 400 à « Sud-Ouest ». L’énoncé de ces chiffres ainsi que la faible pagination imposée par nos moyens contraignent nos journaux à se confectionner à partir de choix draconiens et déchirants.

L’existence d’un quotidien communiste tient, dans les conditions économiques et politiques d’aujourd’hui, autant de la gageure qu’à l’époque où il a été créé. De plus riches et plus puissants que nous sont restés sur le carreau et l’existence de cette presse quotidienne fait partie d’une exceptionnalité française aussi fragile que tenace.

1. Un déséquilibre structurel

En 1994, 1995, 1996, si nous avons réussi, par des efforts considérables, à maintenir le niveau des abonnements postés au-dessus de la barre des 30 000 exemplaires et développer le portage à 7 000 exemplaires, la vente en kiosque continue de suivre une tendance lourde à l’érosion puisqu’elle tutoie aujourd’hui la barre des 20 000, soit un total de près de 60 000 exemplaires en 1996 pour la quotidienne. Et ce, malgré des pointes de diffusion sur lesquelles j’aurai l’occasion de revenir.

Les ventes à l’étranger qui dépassaient encore, dans les années quatre-vingt, les 15 000 exemplaires pour « L’Humanité » quotidienne et 10 000 pour l’« Humanité Dimanche », aujourd’hui ne représentent que quelques centaines d’exemplaires.

Quant à l’« Humanité Dimanche », réalisé avec 35 journalistes, l’érosion de la diffusion militante du magazine se poursuit. Le niveau de base de celle-ci n’est aujourd’hui que légèrement supérieur à 50 000 exemplaires. Par contre, les abonnements, eux, ont progressé de 3 000 exemplaires et se maintiennent depuis fin 1993 autour des 25 000. Naturellement, des ventes élargies ou massives permettent d’augmenter de plusieurs dizaines de milliers d’exemplaires, voire de doubler ces niveaux de diffusion, mais la tendance lourde est à l’érosion. Érosion qui doit beaucoup à la diminution des CDH passés de 7 500 en 1992 à 6 000 aujourd’hui. On retrouve là un problème lié à la vie des cellules. Au total, avec la vente en kiosque, et hors des ventes de masse, l’« Humanité Dimanche » ne dépasse plus les 100 000 exemplaires seuil qui l’empêche désormais de participer au financement de l’ensemble de l’édifice.

Quelques chiffres sur l’économie de nos titres. Depuis 1993, nous connaissons à nouveau des exercices déficitaires. Certes, le niveau du déficit annuel n’est que de l’ordre de quelques millions de francs (3,7 en 1996, 7 en 1995) – alors qu’il dépassait les 20 millions au début des années quatre-vingt-dix –, mais ces déficits cumulés ont fortement fragilisé l’entreprise. Et nous n’avons plus l’apport économique régulier que représentait le bénéfice de la Fête de l’Humanité, déficitaire depuis trois ans. Ainsi, nous sommes en péril pour une somme relativement modeste au regard de ce que coûte un journal.

Quant à l’aide de l’État à la presse, la promesse de son doublement pour les quotidiens à faibles ressources publicitaires faite en 1995 n’a toujours pas été tenue, au contraire, mais la nouvelle tarification postale, particulièrement pénalisante pour « L’Humanité » et l’« Humanité Dimanche », s’est mise en œuvre. Des incertitudes demeurent sur la compensation réelle de la suppression de l’abattement de 30 % dont bénéficiaient les journalistes. Par contre, des mesures de soutien à l’existence de la presse quotidienne viennent d’être annoncées. Un fonds nouveau a été adopté la semaine dernière pour les financer. Reste à s’assurer que les journaux qui en ont le plus besoin bénéficieront en priorité de ces aides dans les proportions nécessaires à leur survie.

Les recettes publicitaires, grâce à l’activité opiniâtre de notre régie, l’ACP, ont bien résisté ces dernières années, après la grave récession des annonces qui a touché l’ensemble de la profession en 1991. Mais elles continuent de représenter une bien trop faible part de notre chiffre d’affaires (12,3 % en 1996).

Enfin, l’équation économique la plus importante pour l’existence et le développement de nos titres peut se traduire ainsi : 20 000 exemplaires supplémentaires vendus régulièrement – c’est l’objectif fixé avec le nouveau magazine – représentent un apport économique de plus de 10 millions de francs par an.

2. Réalités de la crise de la presse

Ces problèmes s’inscrivent dans une crise plus générale, spécifique à la presse française, et qui a pris une nouvelle dimension à la fin des années quatre-vingt. Il y a un demi-siècle, la presse nationale comptait 28 titres et diffusait à près de 6 millions d’exemplaires. Cinquante ans plus tard, les six quotidiens d’information générale et politique restants (« Le Figaro », « Le Monde », « Libération », « France-Soir », « La Croix », « L’Humanité ») en diffusent un peu plus d’un million. Un Français consacre en moyenne chaque jour cinq heures à la télévision, contre deux heures à la radio et une demi-heure à la lecture d’un quotidien. En France, aucune implantation de titre quotidien nouveau n’a réussi depuis vingt ans. Aucun quotidien national n’est en bonne santé sur le plan financier. Pour survivre, il doit soit s’adosser à des groupes de presse, soit, fait nouveau, il appartient à des grands groupes industriels et financiers qui décident d’injecter à fonds perdus plusieurs dizaines de millions de francs pour « recapitaliser » ces journaux. Ces groupes, étrangers au monde de la presse, ne cachent pas leur intention d’être les vrais patrons.

Au-delà des aspects économiques, je crois qu’on peut aussi parler d’une crise de la lecture politique et de l’information.

Il y a information quand existe la possibilité de l’utiliser pour agir sur sa situation ou participer de l’élargissement du savoir nécessaire au développement de la personnalité (on le voit à l’impact des émissions concernant la météo, la sécurité routière, le SIDA). Or, l’absence de perception claire de transformation possible de la société, le constat du malheur, une certaine façon de flatter le sentiment d’impuissance, le consensus ont mis en relief un caractère vain de l’information politique, la discréditant en profondeur, alors qu’en France la presse est née avec des engagements, des combats à mener.

Une crise de la représentation politique et de ses aspects institutionnels s’est développée : tout a failli, l’URSS a sombré, le capitalisme échoue ; les hommes politiques ont perdu en crédibilité, les journalistes aussi. Aux yeux des gens, ils ne sont porteurs d’aucune efficacité face aux grands problèmes du siècle. Bien plus, le mensonge, la manipulation, mais même parfois simplement l’approximation, la méconnaissance criante de la vie des gens, des notions comme celles de « pouvoir médiatique » soulignent le caractère de dépossession de la presse et des médias. Parallèlement, le sentiment se développe que les centres de décisions sont hors d’atteinte. Une déconnexion profonde a travaillé ainsi pendant plus de vingt ans notre société. Ces comportements sont particulièrement nets chez les générations qui sont devenues adultes au cours des années quatre-vingt et parmi les milieux populaires les plus durement touchés par la crise, c’est-à-dire ceux qui ont fait pour l’essentiel notre assise.

On retrouve ce qui se désagrège dans la réalité du corps électoral, si on pense à la part de jeunes et d’ouvriers qui s’abstiennent ou ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Et, à la différence du vote qui est politiquement plus impliquant, l’achat d’un journal est un acte quotidien, donc renvoie aux tréfonds des comportements. Pour des raisons évidentes, les nouvelles locales – encore que de moins en moins lorsque la population se déplace – le sport, les services échappent à cette défiance. Il est à noter qu’à son tour – fait nouveau – la presse quotidienne régionale est touchée par la crise, perdant en un an 500 000 lecteurs et ayant des difficultés à toucher les jeunes – exception faite du « Parisien » dont les moyens sont nourris par « L’Équipe » et le tour de France. La presse hebdomadaire d’information n’échappe pas non plus à la désaffection : de juin 1996 à juin 1997, à l’exception du « Nouvel observateur », stable avec un résultat de – 0,2 %, tous les autres perdent : « L’Événement du jeudi », - 5,4 % ; « L’Express », - 4,1 % ; « Le Point », - 3,5 %.

Reste ce que nous pourrions appeler « une petite élite » sans aucune connotation péjorative, d’intellectuels, de cadres, de responsables syndicaux et d’associations, qui continue à lire des journaux. Ils n’éprouvent d’ailleurs pas toujours en permanence un besoin de culture politique, mais lors de moments précis. Les pointes de diffusion de « L’Humanité » quotidienne enregistrées lors des mouvements de novembre et décembre 1995 ont montré combien sa lecture était liée à l’événement et n’était pas ressentie comme un besoin permanent. Cela a été vrai durant les derniers mois : + 15 % des ventes en kiosque en mai, juin derniers ; les JMJ : + 12 % ; la mort de Lady Di : + 12 % ; l’interview de Jean-Claude Gayssot à quelques jours de la démission du PDG d’Air France : + 6 % ; le centenaire d’Aragon : + 30 % ; l’anniversaire de la mort du Che : + 19 % ; publication exclusive de l’acte d’accusation de Papon : + 40 % ; l’annonce des 35 heures : + 30 %. Ce comportement de lecture occasionnelle ou d’utilisation à géométrie variable n’est pas propre aux lecteurs de « L’Humanité ». Un très grand nombre de journaux ont parfois jusqu’à 50 % de lecteurs occasionnels, mais ce renouvellement est suffisamment fréquent pour être déterminant quant au niveau de diffusion moyen. Et au-delà de la presse, ce comportement de recours « à la carte » de manière utilitaire, se retrouve dans bien des domaines sociaux et politiques. Un nombre croissant d’hommes et de femmes n’envisagent par leur appartenance à un syndicat, ou leur lecture, comme un acte régulier et fidèle, mais davantage en fonction de l’utilisation qui leur semble la plus opportune à un moment donné. Ainsi les changements de majorité représentent moins des volte-face que des occasions saisies pour se faire entendre. Des études de l’INSEE ont montré que les abstentionnistes n’étaient pas toujours les mêmes.

La télévision n’échappe pas à ce phénomène de désaffection puisqu’elle perd 1,8 million de téléspectateurs. Et il faudrait vérifier ce que veut réellement dire « allumer la télé ». Toujours est-il que le fait du jour est connu, et pour beaucoup se suffit à lui-même.

Notons le succès des mensuels – je ne parle pas des journaux spécialisés – plus lents, allant plus au fond, moins immédiatement politiques, mais aussi nettement moins populaires.

Les beaux jours de « L’Humanité » ont été liés à la grande influence du Parti. Lire « L’Humanité » était alors l’affirmation d’une identité, d’une conviction. Cela représentait la participation à un mouvement ascendant dans le siècle, et par là même une valorisation de soi. Depuis, chacun sait que différents événements en ont altéré le sens : effondrement de l’URSS et perte de nombreux repères anciens ; échec après 1981 et disparition de perspectives claires ; la crise elle-même et le doute sur la possibilité d’en dégager une issue de progrès, particulièrement dans les milieux populaires et chez les jeunes ; l’érosion de nos capacités militantes tant en nombre d’adhérents qu’en activité de cellule ; le vieillissement et le non-renouvellement de l’audience du Parti durant de longues années.

Ainsi, l’information ne porte plus des nouvelles d’espoir et la perspective de progrès. Souvent même elle porte l’image de l’impuissance et donne un caractère vain à la lecture. Aujourd’hui, lire « L’Humanité » dans les conditions de la crise de la vie politique, c’est participer à quoi ? La réponse est à construire dans l’enrichissement de nos mutations. Cela dit, en une semaine, les journaux communistes continuent d’être le moyen de toucher le plus de monde et sur le plus grand nombre de sujets.

3. Les objectifs de la bourgeoisie

La bourgeoisie ne laisse pas faire, elle impulse. Dans un contexte où l’affrontement des idées participe de plus en plus à structurer les comportements, qui maîtrise le savoir à le pouvoir.

Elle a recours à un éventail fantastique de moyens d’interventions, depuis certains aspects de l’organisation du travail et une savante politique d’intégration à l’entreprise, à la marginalisation de ceux qu’elle n’intègre pas, en passant par l’appareil d’État et ses énarques ou le rôle qu’elle veut faire jouer aux médias. Dans cet arsenal, elle est bien loin de renoncer à l’écrit, comme cela se dit trop souvent. Elle cherche plutôt à en supprimer le caractère indépendant et pluraliste. L’écrit a l’immense avantage de structurer les idées et la réduction du lectorat tend à transformer ces lecteurs en leaders d’opinions, c’est-à-dire des gens parmi les autres, en bas, qui portent de façon cohérente des idées plus structurées que ne le fait l’audiovisuel. Les idées d’un journal qu’un chef de service, un dirigeant syndical ou une discussion de café, reprend à son compte, pénètrent par cet intermédiaire.

On peut être inquiet devant la réalité du paysage de la presse française. Où sont les conditions économiques indispensables au pluralisme quand le capital industriel, financier et international a fait brutalement irruption dans un grand nombre de groupes de presse ? Quand des groupes étrangers ont déjà fait main basse sur plusieurs dizaines de titres et en convoitent de nombreux autres ? Quand l’un des premiers groupes intervenant sur les marchés publics dans ce pays devient l’actionnaire de référence de la plus puissante régie publicitaire, elle-même propriétaire du magazine politique le plus diffusé en France ? D’autant que ces groupes ne cachent pas leur volonté de ramener la presse – jugée jusque-là trop indépendante – à la communication de la pensée unique. Ainsi, l’existence de « L’Humanité » représente un enjeu réel pour la démocratie, le mouvement populaire. Y répondre nous demande de nous bouger, au risque de voir « L’Humanité » disparaître.

4. La crise de la presse recèle des points d’appui

Cependant, la crise n’est pas à lire de manière unilatérale. De cette situation émergent tout à la fois les aspirations au changement, la volonté d’intervenir pour maîtriser son sort, de participer à un grand mouvement d’ensemble, d’être reconnu comme la force motrice première, et en même temps, nous le savons, la difficulté à dégager les réponses qu’impliquent de telles aspirations.

S’il y a crise de la politique, de l’information et de la lecture, ce n’est pas par désintérêt, mais parce que les citoyens ont de grandes exigences à leur égard et que leurs demandes ne sont pas satisfaites. Ils mesurent de plus en plus les limites du recours au pragmatisme et éprouvent le besoin de se construire une grille de lecture pour donner une cohérence à leur environnement, afin de pouvoir avoir prise sur lui.

Paradoxalement, les manifestations de désaffection signalent une grande disponibilité. Ainsi, les gens se rapprochent à nouveau du champ politique, mais désormais pour participer et non pour suivre. Les pointes de diffusion dont je parlais tout à l’heure montrent qu’il y a à la fois capacité à se saisir des opportunités, mais que le paysage politique et idéologique ne permet pas un engagement permanent. Cela détermine un espace, avec des limites bien sûr, mais aussi avec de formidables points d’appui qui constituent autant d’appels envers la politique et la presse.

Les racines de la crise de la politique et de l’information ne sont-elles pas justement les mêmes que ce qui motive nos mutations ?

Tout nous renvoie au besoin de décider, de maîtriser son sort. Les attentes expriment à la fois le refus d’une presse qui pense à la place du lecteur et, pour les mêmes raisons, le refus d’une presse neutre ou qui se prétendait telle. Ces attentes expriment le souhait d’une presse qui soit au contraire, dans le même mouvement, porteuse de réappropriation de la politique, qui permette de donner une cohérence au monde et rende plus perceptible le rôle que peut jouer chaque personne. Il y a intérêt dès lors qu’il y a matière à faire des choix et liberté pour les faire. La presse communiste le permet-elle suffisamment ? Chacun sent bien qu’on ne peut plus penser ni le contenu ni la diffusion de nos journaux sans un profond renouvellement de leurs conceptions mêmes.

II. Les besoins du Parti

Ces besoins nous renvoient à ce que nous appelons la nouvelle fonction communiste. Il ne s’agit ni de compter sur une espèce d’autorité que nous n’avons pas, ni de considérer que l’objet de notre mutation se résume à des effets d’images pour nous rendre plus acceptables et avoir notre place dans le concret politique. Nous savons que l’aspiration au changement ne se suffit pas à elle-même ; un décalage existe lorsqu’il s’agit de définir les moyens économiques, sociaux et politiques du changement de société. Nous sommes à la recherche d’interventions qui permettent d’impulser une dynamique politique. Notre participation au Gouvernement rend encore plus aiguë cette nécessité. Chaque question posée renvoie à un affrontement d’idées, de conceptions, à la nécessité pour le mouvement populaire d’investir ce terrain.

1. Mutation et influence idéologique

Notre ambition serait irréaliste si nous ne comptions sur le partage de l’élaboration de savoirs et les moyens d’avoir pignon sur rue. Quand on mesure le rapport des forces, on perçoit tout de suite que notre objectif politique est que les gens changent d’avis ; qu’ils changent d’avis sur la crise, sur les moyens d’en sortir… et sur nous-mêmes. Toute notre mutation est tendue vers cet objectif.

Or, leur comportement politique n’est pas déterminé uniquement par l’organisation d’actions ou la présentation de propositions (bien entendu, nous ne sous-estimons pas le caractère décisif des unes et des autres). Les positions respectives du Parti et du Parti socialiste concernant la CSG ou Maastricht sont connues, et nul ne peut ignorer que nombre de personnes opposées à l’une et à l’autre ont préféré voter pour le Parti socialiste en mai dernier. Les comportements politiques sont déterminés par un entrelacs de réflexions, d’idées, d’images. Ils sont déterminés par un profond soubassement idéologique. Ce n’est donc pas sous-estimer l’action que de dire que sans pensée il n’y a ni action transformatrice ni dynamique politique. Et ce n’est pas parce que le débat est devenu notre mode d’élaboration de propositions que nous n’aurons aucune idée de la direction à prendre et par là, vocation à orienter ce soubassement, comme par exemple sur la nature de la crise. Le combat politique passe par un combat pour l’hégémonie idéologique au sens où l’entendait Gramsci. Je pense là, non pas à un dogme à asséner, ni à des vérités figées pensées en dehors de tous, susceptibles de guider tout le monde, mais à la capacité d’aider la majorité du peuple à construire mentalement les chaînes de raisons, de concepts, d’images qui donnent une cohérence et un sens à chaque chose perçue. Cela ne se fait pas par à-coups, mais par une intervention permanente à partir de chaque événement. Et c’est ce sens donné qui fait d’un même événement, soit la source de l’acceptation de la crise, soit un point de départ du processus de transformation.

Produire du sens, c’est donner les éléments, les repères qui permettent à chacun de se situer dans la société, de situer sa propre émancipation dans une perspective de développement. Produire du sens redonne de l’espoir et donc la possibilité de s’identifier à un groupe : je ne dis pas étroitement à un parti, mais à un type de comportement. Le patronat l’a bien compris, qui a tenté de récupérer ce besoin d’appartenance à travers ce qu’on a appelé la « culture d’entreprise », et à travers ses efforts d’intégration. D’un tout autre côté, il n’est qu’à voir la forte présence de notions de « résistance » ou d’« être ensemble » pour mesurer combien les gens, les jeunes, sont justement en quête de sens.

Seulement, pour cela nous avons besoin de répondre à des attentes et d’obéir à des réalités. Je le disais tout à l’heure, agir pour rassembler, c’est agir pour que les gens modifient leur opinion. La conscience est, semble-t-il, suffisamment « paresseuse » pour ne pas se précipiter dans l’inconnu, adhérant à des idées qui lui sont totalement extérieures. Elle ne progresse qu’à partir de ce qui lui est déjà acquis et familier, par petits enchaînements successifs, soutenus par l’expérience et le vraisemblable. Bref, il n’y a pas de grand bond en avant dans la conscience. Faire de la politique, c’est aussi faire l’effort de percevoir le trajet qui sera le plus aisé de parcourir pour aller du sensible, de l’acquis, à des conclusions nouvelles. Or, même en vivant avec les gens, partageant leurs problèmes, nos analyses et pratiques de la politique font que nos canaux de réflexions ne sont plus tout à fait les leurs. On a donc besoin de les connaître en permanence, plus profondément qu’au travers de ce qu’ils explicitent directement au plan politique. Toute la société suinte de l’aspiration au changement. On le voit à travers des événements les plus divers, ne correspondant parfois pas à une expression politique directe, on l’a vu à travers la charge d’émotion provoquée par le décès de Lady Di ou l’indignation provoquée par l’affaire de la vache folle.

2. Un nouveau lien identitaire

Au cœur de nos mutations se trouve le besoin de s’ouvrir sur la connaissance, sur les réalités dans toute leur complexité. L’actuelle réflexion que nous menons sur les entreprises et les services publics montre combien l’orientation que nous donnons à nos positions a besoin, justement pour préserver le fondamental, de mieux intégrer les évolutions du réel. Et cette connaissance dépend, bien sûr, de notre capacité à regarder, à analyser avec minutie, mais aussi à nous ouvrir sur le savoir d’autres, tout en gardant ce qui fonde notre point de vue. Nous avons besoin de moyens d’investigation capables de nous apporter éveil et nouveau et pas seulement confirmation de ce que nous savons déjà ou croyons savoir. Cette connaissance en mouvement peut être un lien puissant.

Par ailleurs, notre stratégie repose sur une dualité force de proximité – force nationale, capable d’infléchir le cours des événements. D’incontestables progrès ont été faits par les cellules en matière d’efforts de proximité et continuent d’être faits, par exemple, avec les espaces citoyens. Notre image générale s’est considérablement améliorée au plan national.

Néanmoins, nous sommes confrontés non seulement à la question de la crédibilité de nos propositions, mais aussi à celle de notre capacité à porter partout la dimension d’une force nationale. Par force nationale, j’entends tout à la fois l’intelligence des problèmes posés à notre société par chaque communiste et le fait que chaque militant apparaisse aussi porteur d’une capacité à avoir prise non seulement sur le local, mais aussi sur l’infiniment grand. Le militant de Nice collant une affiche et celui de Bezons faisant du porte-à-porte ont besoin d’avoir conscience qu’ils ont des liens étroits et qu’ils participent au même mouvement.

Je m’interroge si cette dimension est vraiment réaliste sans presse nationale et si nous avons toujours conscience que, sans elle, nous serions davantage perçus comme mouvement social que comme force politique. On cerne là un aspect de l’écart qui existe entre la sympathie que l’on suscite et les votes que l’on obtient.

De plus, personne n’agit durant de longues années s’il n’a pas le sentiment que ses efforts débouchent sur du concret et qu’il en percevra le résultat, et si ces efforts ne le valorisent pas. C’est vrai des communistes. Un nouveau besoin d’idéal grandit. Il ne se reconstituera pas selon les schémas anciens. Mais l’idée de comprendre le monde et notre époque et d’être capable de partager cet effort, d’être porteur de possibilités d’interventions et de débouchés, peut nourrir des motivations individuelles profondes, donner du sens à l’engagement personnel.

Tout cela ne peut s’inscrire que dans la durée, dans la permanence. L’impact et la portée de nos initiatives dépendent aussi de la manière dont elles sont perçues à travers le regard des gens sur l’ensemble de la société. Ce regard se travaille. Et là, nous touchons au rôle de la presse.

3. Définir l’identité spécifique d’un journal communiste

C’est au Parti qu’il appartient de définir démocratiquement sa politique comme c’est à lui qu’il revient de définir ce qu’il attend de sa presse. Mais ce n’est pas la même chose de définir les attentes politiques de sa presse ou de ne concevoir celle-ci que comme expression officielle du Parti. La presse a une identité qui est distincte des partis et de leur communication propre. Ces deux notions ne s’opposent pas, mais ne sont pas synonymes. La presse appelle un acte d’achat qu’il faut sans cesse renouveler. Elle est un objet communiste distinct du Parti lui-même. C’est un petit peu comme quand, il y a de cela une dizaine d’années, il nous a fallu distinguer la spécificité des élus communistes et du Parti lui-même. On se souvient du rapport de Madeleine Vincent au comité central de novembre 1986, et Alain Bocquet vient de le repréciser à propos des parlementaires communistes. Le journal communiste n’est journal que s’il est inscrit dans le paysage de l’information. Cela veut dire qu’il est à la fois communiste et objet culturel. Il doit trouver ses sources dans l’expérience collective de la vie et pas seulement dans des convictions préétablies, même si ce sont les siennes. De plus, les gens ne hiérarchisent pas les événements de l’actualité : politiques, sociaux, culturels, sportifs, faits divers, comme un parti politique peut le faire. Cette hiérarchie peut varier d’un jour à l’autre en fonction de la prégnance des événements. Les lecteurs partent alors du fait vers l’idée générale et non pas l’inverse. La force du journal est celle de la preuve par l’actualité. Ce qui implique qu’on achète de moins en moins un journal sur la base d’une confiance prédéterminée, et de plus en plus pour y trouver un apport immédiat. Les attentes vis-à-vis de la presse s’expriment à travers la variété des canaux qui font l’univers mental des gens. Elles traduisent la volonté de comprendre tout ce qui compose l’environnement des citoyens et qui paraît aujourd’hui brouillé. On sera de ce point de vue très exigeant vis-à-vis d’elle. On peut s’identifier à un journal, mais à la condition de retrouver en lui les moyens de décrypter les événements, qu’il soit porteur de sens et d’un avenir dans lequel on peut se projeter ; éléments dans lesquels on ne peut s’engager dans quoi que ce soit.

Au fond, parce qu’il s’agit des mêmes hommes et femmes, les raisons profondes de nos mutations et le besoin d’avoir de vrais journaux obéissent aux mêmes exigences humaines.

La spécificité « presse » apporte le regard de l’actualité. Elle ne scande pas un parti pris présenté comme acquis une fois pour toutes, mais va chercher dans cette actualité ce qui nourrit et rend actuel ce parti pris. Il ne s’agit pas là d’une éventuelle neutralité ou d’abandon de conviction ; l’avenir de la presse appartient à la presse qui s’engage. Mais la vie nous a plusieurs fois confirmé que l’appréhension du réel peut conduire à renouveler les idées fondamentales ; il vaut mieux être doté d’outils qui interrogent en permanence ce réel plutôt qu’être bousculé par les événements. Sur la base d’un engagement commun, clairement précisé par l’éditeur, la liberté d’investigation, de démonstration du journaliste, sa possibilité d’être pleinement responsable, peut aider à la réflexion de tous. Cette possibilité nous a été fermée par le concept d’« organe central du Parti ». Nous devons avoir à l’esprit qu’une des différences entre l’expression officielle du Parti et celle de sa presse tient au fait qu’on écoute un parti pour savoir ce qu’il pense et qu’on lit un journal pour construire ce qu’on va penser soi-même. Plus « L’Humanité » sera reconnue comme étant un vrai journal communiste et non pas comme le prolongement officiel de la direction du Parti, plus elle apportera en renfort le crédit de la connaissance et de l’information.

Considérons que la direction du Parti possède d’autres moyens d’expressions que « L’Humanité » pour parler. On peut en créer de nouveaux, travailler à redéployer ceux qui existent : réunions, recours, à la presse, fax, « Transparence », Internet, tracts. Et pensons que nous pouvons avoir une grande ambition : nourrir un grand courant d’idées de masse, pour favoriser la mise en mouvement des citoyens.

Bien évidemment, lorsque quelqu’un lit la presse communiste, il sait à l’avance qu’il va lire des idées de communistes. Mais il pense que ce qu’il va lire accepte d’être confronté à des réalités qu’il connaît par ailleurs, à des exigences qui ne sont pas du ressort de la propagande sans pour autant que celle-ci soit déjugée, mais du ressort de l’information ou de l’analyse. Ce n’est pas une question de valeur, mais d’angle de vue. Plus nous aurons des angles de vue, des prismes différents pour faire vivre nos idées et comportements, plus nous gagnerons en crédibilité.

Tout cela ne veut pas dire que les journaux ne répondent pas de leurs actes devant le Parti. Mais il s’agit de déléguer à la direction et aux rédactions de « L’Humanité » et de l’« Humanité Dimanche » le soin de s’ouvrir sur les réalités, de partir du plus sensible et des consciences de chaque moment pour faire vivre les demandes de l’éditeur, et non pas simplement les écrire. Cela suppose parfois d’accepter d’être surpris. Ce n’est pas une concession à une mode floue ou à une perte de substance, mais le moyen, au contraire, que le Parti n’ait pas que son seul registre de parti politique pour faire grandir ses idées.

C’est répondre de manière satisfaisante à la principale attente issue du questionnaire de 1994, qui était que « L’Humanité » ne se contente pas d’être dans le sillage de l’audience du Parti mais, en s’adressant de manière ouverte au public le plus large possible. Et c’est dans la mesure où « L’Humanité » et l’« Humanité Dimanche » répondent à cette demande qu’ils sont constitutifs de l’existence et de l’influence d’un grand parti communiste populaire.

III. Des éléments de réponse

Il me semble que le meilleur moyen de dégager les axes de ce projet est de bien entendre les questions venues dans les discussions du Parti et de commencer à y répondre. Je les regrouperai en Sept axes principaux.

Premier axe : à qui nous adressons-nous ?

À ceux qui partagent déjà grandement les idées du Parti communiste et les expriment ? Ou plus largement à celles et ceux qui cherchent comment la société peut changer ? L’acte d’achat doit-il être la conséquence du soutien préalable au Parti ? Ou doit-il être motivé par la recherche des éléments qui permettent de participer à la transformation de la société, sans obligatoirement impliquer ce soutien ? Je ne renvoie pas la lecture de « L’Humanité » aux seuls non-membres du Parti. On n’est pas communiste une fois pour toutes, ni une fois pour toute avec les mêmes connaissances et de la même manière. Tout le monde, communiste ou pas, puise son engagement à partir de la connaissance du réel, de la connaissance de l’état d’esprits des citoyens, à partir de points de repères. La lecture et l’accès à la connaissance sont des actes qui nourrissent l’engagement. C’est d’ailleurs suffisamment vrai pour qu’une étude confirme que les attentes des diffuseurs de l’« Humanité Dimanche » vis-à-vis de l’hebdomadaire et celles des autres lecteurs sont exactement les mêmes.

Des camarades souhaitent que nos journaux fassent un effort pour être toujours plus accessibles. Je crois effectivement qu’il faut soigner d’autant leur lisibilité que ce sont les seuls qui s’adressent à un public socio-culturellement très diversifié.

Deuxième axe : identité et ouverture

Cela me conduit à l’identité révolutionnaire du journal. Des camarades éprouvent le besoin de la réaffirmer. J’entends ce souci et j’attire l’attention sur le fait que nous avons appris – parfois à notre détriment – que l’identité ne s’autoproclame pas. Elle est ce que les autres perçoivent de nous. Nous est posé, par contre, ce que nous faisons pour qu’elle soit bien perçue. Le débat ne peut donc se situer entre ouvert et fade ou politique et péremptoire. Il serait enfermé dans le même défaut : l’impossibilité de faire surgir des valeurs de référence transformatrices à partir des consciences actuelles. N’est-ce donc pas un risque que de vivre comme deux pôles opposés identité et ouverture ? L’ouverture n’est pas un rajout appliqué à notre identité comme une façade démocratique ni le moyen de se faire aimer des gens. Elle est au cœur de notre volonté de voir les citoyens jouer le rôle premier dans la vie politique. Il s’agit pour nous de rendre possible l’engagement du peuple en répondant aux exigences que cela implique.

Il n’y a pas de réceptivité d’une idée si on demande aux gens d’accepter cette idée plutôt que de participer à son élaboration. D’où le renvoi permanent à l’expérience, au vérifiable, à la liberté de jugement ; c’est-à-dire à une lecture active. D’où aussi la multiplication des acteurs afin de ne pas présenter une idée comme dogmatique, mais de l’inscrire dans la réalité. Soit ces acteurs convergent et font la démonstration qu’il existe de multiples cheminements pour aller vers un même objectif. Soit ils s’opposent, et ayons à l’esprit qu’une idée n’est adoptée que lorsque les gens ont vérifié qu’elle était meilleure que d’autres. L’appropriation que nous souhaitons ne peut pas reposer sur des affirmations, aussi fortes soient-elles, mais sur des démonstrations, des preuves, des confrontations. D’où, enfin, la nécessité de bien respecter le cheminement de la pensée du lecteur, sans commencer hâtivement par ce qui est notre conclusion, comme nous le faisons certainement encore trop souvent.

Troisième axe : les dangers d’un regard trop égocentrique

N’existe-t-il pas encore trop chez nous la confusion entre la volonté d’apporter notre éclairage indispensable à ce qui fait la vie, et l’idée que nous serions toujours vécus comme étant le centre de la vie ?

Ainsi, au moment où les communistes se penchent sur leur rapport à la jeunesse, sur les rapports de celle-ci à la politique, il était indispensable de s’interroger sur le sens profond de ce qui a conduit un million de jeunes à participer aux JMJ. Par ailleurs, comment prétendre demander à d’autres de nous écouter si nous leur offrons le visage d’un parti qui ne cherche pas à les écouter eux, qui ne s’intéresse pas à ce qu’ils pensent, et pas seulement à leur situation sociale.

L’ouverture n’est pas une concession, elle est à la fois un moyen obligatoire pour être ce que nous sommes, de forger nos conceptions et le moyen d’accès pour les autres de nous comprendre. Et c’est à la manière dont nous parlons des autres ou que nous leur donnons la parole que les gens se font l’idée la plus précise de nous.

Au-delà de cet aspect, pensons que plus aucun mouvement d’opinion ne va se produire autrement que par l’exercice de la citoyenneté, c’est-à-dire par l’usage du droit à la parole. « L’Humanité » ne peut être attractive que si elle répond à ce besoin. Ce recours à la libre parole peut en faire un lieu exceptionnel de rencontres et de convergences.

Des camarades se demandent si nos journaux parlent assez de l’activité du Parti et des communistes. La réponse est nettement non. Mais la question mérite d’être précisée pour en mesurer la complexité. Trop fréquemment, la nature de la sollicitation tend à substituer le journal à des interventions de la direction du Parti qui peuvent passer par d’autres canaux, sans voir que malheureusement, parmi les efforts intenses que nous faisons, tous ne produisent pas forcément du sens aux yeux des lecteurs. Même si c’est injuste, ce n’est pas toujours la salle des machines qui incite à monter dans un navire. Et nous avons à faire face à quatre défauts : ne pas parler du tout du Parti ; demander à « L’Humanité » de participer à organiser le travail de ses cadres ou encore tout voir comme si nous étions pour tous le centre de l’actualité – et cela a pour conséquence que tous ceux qui ne sont pas des responsables du Parti, ne « rentrent pas » dans ces articles et du coup doutent que le reste du journal les concerne – appauvrir l’événement que représente l’intervention du Parti par sa répétition.

Savoir parler du Parti, ce n’est plus en parler à partir d’impératifs réels, mais que nous seuls percevons comme tels, ni à partir de l’a priori un peu égocentrique que notre intervention serait le point de départ de tout événement. C’est certainement sur cette question que nous avons le plus besoin de respecter le cheminement de pensée des gens. Ils ne font pas de nous le centre de tout. Ils perçoivent nos apports quand il est clair qu’ils sont faits pour eux et qu’ainsi ils peuvent nous distinguer des autres forces politiques. En fait, nous avons besoin de faire des journaux qui militent pour des causes, qui valorisent ce qu’est le Parti, sans en faire des journaux réservés à des militants.

Quatrième axe : faire de la politique, c’est produire du sens

N’y a-t-il pas aussi le risque de sous-estimer la demande de politique ? Nous nous adressons à des gens exigeants : s’ils ne veulent pas de vérité révélée, ils ne lisent que si leur lecture apporte quelque chose d’opérationnel, si elle leur permet de décrypter les événements, de se doter d’une grille de lecture qui doit à chaque moment faire la preuve de sa validité, s’ils peuvent identifier le journal à un moyen de ne pas être ballotés par les puissants, un moyen de savoir et de pouvoir réutiliser ce savoir.

La distinction des faits et des commentaires a été une grande avancée. Entre nous, pas seulement du point de vue de la seule « Humanité ». Cette absence de distinction supposait une adhésion ou une confiance préétablie vis-à-vis de nos propos, qui visiblement n’existait pas.

Cette distinction permet au lecteur d’être actif : il juge de l’événement et peut, à partir de là, librement juger du commentaire. Nous sommes passés de l’affirmation à la démonstration. Parfois, des camarades nous ont trouvés moins nets. Nous devons entendre le besoin de radicalité, mais l’expérience a montré que si l’affirmation était aisément repérable, elle est peu convaincante. Cette avancée nous a permis de nous dégager de l’illusion selon laquelle plus nous parlerions fort, mieux nous serions entendus. Elle était la dimension journalistique de notre volonté de ne pas prétendre être parti-guide. Idée généralement admise, mais parfois plus difficile à accepter devant des comportements concrets.

Cela dit, ce qui était un progrès hier tend aujourd’hui à être dépassé. Les faits ne sont pas neutres. Nous avons la possibilité de nous y plonger plus profondément, de les hiérarchiser, en fonction des significations que l’on peut dégager, de faire ressortir les éléments émancipateurs. Les pointes de diffusion dont je parlais tout à l’heure montrent que le besoin de lecture se fait sur la base d’événements. Nous avons la possibilité de mieux faire parler les faits, d’être davantage porteurs d’événements, pas obligatoirement ceux de la télévision, mais les plus éloquents. En même temps, être acteur suppose d’avoir les réflexions qui rendent possible l’intervention avant une échéance, pour peser sur elle. C’est ce qu’a tenté de faire « l’Humanité » avec les 35 heures et la préparation de la conférence nationale. Pour que les lecteurs soient acteurs, cela suppose que les journaux soient eux-mêmes acteurs, qu’ils ne se contentent pas de parler du mouvement populaire, qu’ils en soient pleinement partie prenante, pas comme organisateurs, mais comme porteurs de connaissances et de possibilités d’expression.

Cela implique des repères, des analyses, des articles de fond qui interpellent les rédactions, mais pas seulement les rédactions. Je tiens à faire remarquer qu’en général dans la presse, ce type de travail est fourni, la plupart du temps, par des personnalités extérieures aux équipes rédactionnelles. Non pas que celles-ci en soient incapables, mais parce que le rythme de traitement du quotidien ou de l’hebdomadaire et celui d’explorations fondamentales ne relèvent pas de la même démarche intellectuelle. C’est pourquoi les journaux ont recours à des femmes et des hommes dont la profession ou l’activité sociale leur donne les moyens d’approfondir de grandes questions. De telles personnalités écrivent parfois dans « l’Humanité », mais, malgré des appels réitérés, ce sont rarement des membres du Parti. Sorti de textes au caractère organisationnel, de prises de position ou des préoccupations liées à des objectifs de travail, les dirigeants ou les intellectuels communistes font preuve d’une trop grande discrétion ou prudence vis-à-vis de la publication éventuelle d’analyses. Bien évidemment, dans ces cas-là, il ne s’agit pas de répéter ce qui est acquis par le comité national ou d’illustrer la dernière intervention de Robert Hue. Il s’agit d’explorer, d’avancer des hypothèses personnelles au risque d’être contredit, voire de se tromper. Je crains que ne pèse sur nous encore trop le poids de ce qu’a été le centralisme démocratique et que ce handicap nous prive de contributions pourtant indispensables à la fois à la réflexion des lecteurs et à la richesse de nos journaux.

Cette recherche d’analyse et d’exploration doit supposer que l’on donne un caractère moins sacré à ces articles. Il n’t a exploration que si le droit à l’erreur est reconnu et que le statut des textes renvoie davantage à l’intérêt, la curiosité, que systématiquement à une prise de position ou à l’affirmation d’une orientation. La force de l’écrit est telle que si notre regard sur les textes ne change pas, il se transforme en force paralysante aussi bien pour les dirigeants du Parti que pour les journalistes, qui se sentent bien souvent exposés au risque. Or, on ne fait pas un journal intéressant en se gardant continuellement des interprétations et des risques. D’autant que le rythme quotidien ou même hebdomadaire permet, sans en faire une affaire d’État, de prolonger la réflexion, voire de la corriger.

Il est d’autant plus nécessaire de surmonter cet obstacle, qu’une attente réelle se manifeste à l’égard de nos propositions. Le problème est que cette attente vise moins l’énoncé même des propositions que la démonstration de leur faisabilité et leur mise en perspective, comme autant de passages permettant la transformation de la société.

Nous avons tendance encore bien souvent à juger de l’écrit à l’aune du centralisme démocratique. Ainsi, par exemple, la diversité exercée de manière constructive est communément admise lorsqu’il s’agit du Parti ou du groupe parlementaire à l’Assemblée ou au Sénat. Mais il arrive que lorsqu’un journaliste écrive quelque chose qui choque, on se plaigne : « "l’Huma" a dit ». Eh bien non, « l’Humanité » n’a pas dit, untel a écrit dans « l’Humanité » ! Et ce n’est pas la même chose. Ce qui n’empêche nullement de repérer aisément le sens général qui se dégage de « l’Humanité ».

Si l’appropriation de la politique repose sur l’exploitation, cela inclut la multiplicité des approches et donc obligatoirement la diversité communiste. Non pas comme une tolérance morale à l’égard de la dissidence, mais comme l’intégration du plus large éventail de réflexion possible.

Pour que la diversité communiste soit vécue dans les colonnes de « l’Humanité » comme un enrichissement, cela suppose de prendre en compte plusieurs contraintes. Ce qui compte du point de vue d’un journal, c’est l’intérêt du lecteur et pas la satisfaction de l’auteur. Pour ces raisons, la finalité de nos journaux n’est pas d’être le réceptacle de chaque confrontation au sein de la direction du Parti offrant des pages à la proportionnelle des sensibilités. « L’Humanité » ne peut devenir l’organe central d’un parti divers et pluriel, mais doit répondre aux besoins de connaissance, d’information, d’analyses des lecteurs, et c’est en fonction de ces critères que le respect de la diversité doit être pris en compte. Cette diversité apparaît alors sous forme de moments au sein d’une démarche d’ensemble, dont le cap, l’orientation, les choix majoritaires sont nettement lisibles.

Cinquième axe : donner davantage de perspectives et d’espoir

Ne doit-on pas répondre à cet obstacle qu’a dressé la crise sur le chemin du mouvement populaire : le sentiment d’impuissance ?

Durant des décennies, le monde du travail n’avait pas seulement conscience d’être dominé par le capital, mais d’être une force avec laquelle il fallait compter. La crise elle-même, avec le chômage aggravant le caractère de dépendance vis-à-vis du patronat, l’échec consécutif à 1981, l’effondrement de l’URSS, ont débouché sur un sentiment de faiblesse. Nous devons veiller à ce que notre manière de dénoncer les mauvais coups, même parfois de parler des luttes, ne donne pas à celles-ci un caractère vain. De même notre lucidité, indispensable pour analyser, anticiper, ne doit pas déboucher, aux yeux des gens, sur l’accumulation d’obstacles et une vision décourageante. Nous entendons trop de jeunes nous dire « qu’ils savent que le monde est moche, et qu’ils n’ont pas besoin de dépenser 7 francs chaque matin pour se le faire confirmer ». Nous avons davantage besoin de favoriser la perception d’issues, qui incite à l’engagement, que d’exprimer seulement l’indignation.

Sixième axe : « l’Humanité », journal communiste, journal du PCF

Je ne dis pas journal communiste ou journal du Parti communiste parce qu’opposer ces deux termes est une impasse. Ce serait n’offrir le choix qu’entre nous figer ou nous diluer. Je me refuse à entrer dans cette alternative.

La manière dont la question est venue et dont la presse s’en est fait écho a suscité parfois l’inquiétude de voir « l’Humanité » ne plus être un journal communiste. Je tiens à dire d’emblée que cette idée n’a jamais été celle ni de la rédaction, ni de la direction de « l’Humanité ». Le problème n’est pas celui de l’existence de liens avec le Parti, de prendre des distances politiques, mais de réfléchir, trois ans après, aux implications qu’ouvre le dépassement de la notion d’organe central.

S’il s’agit d’affirmer sans ambiguïté que l’éditeur de « l’Humanité » c’est le Parti communiste français, faisons-le nettement. « L’Humanité » est la propriété morale du Parti communiste français et le restera. L’une ne peut exister dans l’autre. Elle est un journal dont l’indépendance économique, financière et la gestion sont garanties par son statut juridique.

Mais au-delà même de l’abandon de toute conception qui renvoie à un bulletin intérieur, ce que je crois que personne ne demande, tout ce que je disais sur la conception du journal communiste : pratiquer l’ouverture come moyen d’appropriation critique du réel, ne pas situer le Parti de manière égocentrique, affirmer l’identité spécifique de la presse, explorer, décrypter, permettre au lecteur de se saisir du contenu, sans que cela ne suppose un soutien préalable au Parti, à d’autres d’y apporter leurs connaissances et talents, sans les transformer en ce qu’on a appelé « compagnons de route », conduit à bien caractériser l’orientation éditoriale comme « journal communiste ». Il s’agit d’affirmer nettement à travers l’idée de journal communiste qu’il n’est pas conçu pour être réservée aux seuls militants.

Il nous faut aussi trancher la question du compte rendu des travaux du comité national. Nous avons besoin, disons-le, de répondre à l’usure d’un type de compte rendu qui a été une avancée dans le cadre de l’organe central, mais qui aujourd’hui jette un doute sur à qui s’adresse réellement le journal. Le problème qui nous est posé est de permettre la plus large audience aux débats de la direction du Parti. Un compte rendu journalistique du rapport et des débats a l’avantage non seulement d’être moins lourd, mais de pouvoir mettre en lumière le fil conducteur des pensées et des discussions, intégrant le respect de la diversité, les arêtes les plus vives plutôt que l’alignement de toutes les interventions dans leur ordre chronologique. En même temps, j’entends la demande de camarades de pouvoir travailler sur l’intégralité du rapport et un analytique plus précis de la discussion. C’est pourquoi je vous propose de retenir le principe d’un compte rendu journalistique du rapport et de la discussion puis de la publication dans un supplément, deux ou trois jours après, de l’intégralité du rapport et du compte-rendu de la discussion. Ne nous cachons pas que cela demande au Parti de dégager des moyens supplémentaires importants en journalistes et en papier, pour réaliser ce double objectif.

Septième axe : les moyens de « l’Humanité » quotidienne et de l’« Humanité Dimanche »

J’en profite pour m’arrêter d’abord sur un aspect de la question qui a fait parler et qui prolonge la précédente : le tire de propriété et la question du capital de « l’Humanité », pour dire qu’il n’y a pas de solution envisageable qui passerait par une ouverture du capital de « l’Humanité », ce qui entraînerait la perte de son identité et de sa mission. Le titre de propriété ne changera pas. D’autant que les déficits structurels et les seuils de diffusion entraînent un besoin de financement qui tient moins à un apport même massif mais ponctuel, qu’à un apport renouvelé, répété. Et il est plus efficace de l’envisager en recouvrant aux lecteurs et à la Société des amis de l’Humanité.

Cela dit, au-delà de la question de leur survie, nos journaux n’ont pas les moyens financiers de répondre aux attentes que l’on est en droit d’avoir à leur égard. Si nous ne voulons pas continuer à vivoter et à nous interroger continuellement sur leur fragilité, si nous voulons qu’ils occupent l’espace le plus large possible, cette question a aujourd’hui des conséquences décisives. Que nous demandions du temps passé à être attentif à l’égard de ce qui bouge, une plus grande connaissance des dossiers, de la disponibilité, nous demandons plus de journalistes. Que nous demandions davantage de diversité ou de sujets traités, nous demandons une plus grande pagination. La mise en kiosque, coûteuse, implique des investissements sur plusieurs années avant de donner des résultats. Le développement des abonnements et du portage, les opérations de promotion, les reportages sur le terrain nécessaires à tout journal, exigent beaucoup plus de moyens que ceux que nous avons actuellement. Le moindre progrès se chiffre en plusieurs millions de francs chaque année. Cette question concerne l’éditeur qu’est la Parti communiste, ainsi que la direction des journaux. Elle appelle des efforts considérables de tous. Nous pourrions aujourd’hui décider que la souscription prévue par le dernier comité national devienne une double souscription, l’une pour le Parti et l’une pour « l’Humanité », ce qui implique de doubler les objectifs. Se doter d’un quotidien et d’un hebdomadaire ne peut qu’être le fruit d’efforts de tout moment. En même temps, la direction de « l’Humanité » multiplie ses propres initiatives. Je pense au développement de partenariats de types divers, mutuellement avantageux, soit ponctuels, comme nous le faisons déjà pour la Fête de l’Humanité, soit sur une période plus longue. Je pourrais évoquer la création de la Société des amis de l’Humanité, fructueuse en abonnements payés et en rayonnement. Je terminerai sur deux points : l’effort avec l’ACP pour élargir notre accès à la publicité. Les lecteurs de « l’Humanité » paient la part de la publicité qui est dans le prix de tout ce qu’ils consomment. Il est juste qu’ils retrouvent cette part dans les colonnes de leurs journaux. Nous intervenons pour voir le Gouvernement assumer ses responsabilités vis-à-vis du pluralisme de la presse et de l’existence de « l’Humanité » qui en est une composante. Partenariats, publicité sont aussi – au-delà de l’apport financier -  des reconnaissances de notre présence par la société.

Nous pourrions considérer que, sur la base de ces axes, la direction de « l’Humanité » et la rédaction du quotidien puissent préparer non pas une amélioration de la formule actuelle, mais bien une nouvelle « l’Humanité ». Ce qui demandera de leur part effort, engagement personnel et temps pour répondre aux exigences de qualité et dégager un quotidien communiste sur la base d’une conception originale de la presse. Et la rédaction de l’« Humanité Dimanche » pourrait poursuivre ses efforts pour que, tout de suite, nous marquions un tournant avec un nouvel hebdomadaire qui sortira le 20 novembre.

Ces transformations envisagées vont dans le sens de réponses au besoin croissant de recul, de réflexion et de décryptage en se dégageant du rythme effréné de l’actualité, parfois vécu de manière chaotique. L’hebdomadaire doit permettre de revenir sur des événements connus pour aller de manière accessible vers les grands débats de société. De nombreux diffuseurs nous ont fait, à plusieurs reprises, remarquer que le vocable « Dimanche » de l’« Humanité Dimanche » portait en lui des attentes d’actualité qui ne correspondaient pas au contenu. Nous avons donc opté pour passer de l’« Humanité Dimanche » à « l’Humanité Hebdo » afin de bien marquer le caractère du journal et ses options nouvelles. Plusieurs fédérations nous ont interrogés sur les possibilités d’éditions départementales ou régionales, c’est une étude à envisager rapidement.

IV. La lecture et la diffusion

La diffusion régulière de « l’Humanité Hebdo », l’extension de l’audience de « l’Humanité » quotidienne, sont l’effort minimal de masse qui contribue à construire le regard et l’écoute des gens. Je l’ai dit en début de ce rapport, la manière dont sont perçues nos initiatives dépend aussi du fond idéologique sur lequel elles viennent se greffer. Et ce fond se travaille.

Malheureusement, l’existence de nos titres reste posée et il n’y a de solution qu’en associant de manière étroite vente, efforts financiers et capacité à parler de « l’Humanité », à l’inscrire dans toutes nos préoccupations de façon à en faire une référence. Or, disons-le, la vie, l’attention régulière portée essentiellement lors de « ventes de masse », l’absence de responsables de cellule et de section témoignent que, pour l’instant, nous ne sommes pas en situation de déployer la diffusion de la presse communiste.

1. Les communistes ne sont pas des soldats

Le Parti n’est pas une armée. Un objectif aussi complexe, aussi répétitif ne peut être atteint et réédité sur une longue période ni par l’exhortation ni même uniquement par des mesures d’organisation, aussi pertinentes soient-elles.

Par exemple, en ce qui concerne l’« Humanité Dimanche », nous avons besoin de nous interroger sur l’écart grandissant entre le caractère public du journal et son audience réelle, l’écart d’appréciation entre ses lecteurs et parfois celle des cadres du Parti. En même temps, nous avons besoin d’examiner l’état de notre réseau de diffusion et l’évolution de nos capacités militantes dans la mesure où 70 % de la vente est militante et dans la mesure aussi où ce mode de diffusion constitue une part fondamentale de l’identité de l’hebdomadaire. Des études réalisées auprès des membres du Parti, des CDH, montrent une érosion de notre système : disparition de CDH ; vieillissement et absence de renouvellement des diffuseurs – pour de multiples raisons, on ne milite plus comme il y a vingt ans : régression du nombre de cellules en activité, mais surtout absence de toute autre motivation que le seul soutien à « L’Humanité », qui réduit l’appel à la diffusion à la notion de dévouement au journal, valeur réelle, mais ne correspondant pas à notre conception du militantisme. Le moyen, devenant but en soi, perd de sa vitalité et se transforme en corvée.

Il n’y a pas d’efforts durables possibles si leur portée politique n’est pas perçue, s’ils ne sont pas vécus comme un levier décisif pour faire évoluer la situation et comme une valorisation de ceux qui y participent. On a longtemps dit que militer c’était donner un sens à sa vie, cela reste à démontrer dans les conditions d’aujourd’hui.

2. Le support de l’influence communiste

Aussi, deux questions étroitement liées constituent un véritable défi pour notre mutation : donner goût à ce que représente la lecture de nos journaux ; donner envie de participer à leur diffusion.

La première consiste à mieux penser le rayonnement du journal comme un objectif politique à part entière. Nous avons à construire l’audience et l’autorité des journaux communistes. Plus leur contenu sera porté comme source d’informations, d’arguments et plus les communistes seront considérés comme des références. Cela suppose que l’on sache se saisir des contenus pour être présent sur tous les terrains. En prenant en compte tous leurs défauts, les pages de l’« Humanité Dimanche » sur la banlieue, sur l’emploi, ou celles de la quotidienne sur l’argent, la fiscalité, les enjeux de la récente conférence nationale sur l’emploi et les salaires, auraient pu être davantage utilisée.

D’où l’importance du nombre de dirigeants quelles que soient les responsabilités qu’ils portent : responsable à la diffusion bien sûr, à l’organisation pour l’intégration des adhérents, qua entreprises, aux jeunes, aux intellectuels, à la communication, qui font entrer cette dimension dans leur activité. Alors, les mesures et la minutie avec lesquelles on organise l’abonnement ou le portage de la quotidienne seront le fait d’une démarche de tout le Parti.

Ces efforts n’auront de résultat que s’ils sont permanents, s’ils deviennent partie intégrante de la vie régulière du Parti. Du point de vue des dirigeants, cela passe par – mieux que nous ne l’avons fait jusqu’à présent – faire des questions de diffusion le support de toute l’activité communiste. Non pas au sens où chaque distribution de tracts devrait être précédée d’une vente de l’« Humanité Dimanche » - ce serait absurde –, mais au sens où nous prenons conscience que de cet effort permanent dépend en grande partie la réalité et la durabilité des effets de toutes nos initiatives militantes. Et la capacité militante du Parti – son ampleur et son efficience – serait autre si la vie du parti reposait – non pas totalement, autre idée absurde –, mais de manière plus constante sur la lecture de « L’Humanité » et de « l’Humanité Hebdo ».

3. La diffusion de « l’Humanité Hebdo »

En ce qui concerne « l’Humanité Hebdo », nous avons besoin de créer, au plus vite, les conditions pour que chaque communiste perçoive que de participer comme il l’entend à la diffusion, ne serait-ce qu’en vendant le journal à deux ou trois collègues ou voisins, est la base d’un formidable déploiement du parti dont dépend en permanence l’ampleur et le niveau d’intervention du mouvement populaire. Pour cela, nous avons besoin d’initiatives qui valorisent les diffuseurs.

Si telle devient notre démarche, cela modifie la conception que nous avons des CDH. Aujourd’hui, même quand elle est le fait de camarades au cœur de l’activité du Parti, la diffusion n’a pas toujours cette place centrale. Notre objectif devient la multiplication du nombre de diffuseurs. J’entends bien que, dans certaines fédérations, notre système de diffusion a déjà commencé à évoluer. Mais il ne s’agit pas seulement d’accroître le nombre de diffuseurs. Il s’agit plutôt, à travers une conception plus souple de la diffusion, d’élargir le nombre de communistes qui participent ainsi activement à la vie du Parti. Quand on en mesure réellement le nombre, ou le temps nécessaire à une campagne de remise des cartes, on se rend compte que les liens ont besoin d’être nourris pour être resserrés.

Cette démarche est à la portée de tous, quel que soit l’état réel d’organisation de la cellule. Bien plus, elle peut être à la base du redémarrage de la vie du Parti. Tournée des adhérents et personnes avec lesquelles on établit des liens permanents ; tenue d’un point de rencontre hebdomadaire qui permet, avec la diffusion de « l’Humanité Hebdo », d’échanger rapidement des avis sur les questions de la semaine, enracinent la cellule dans la vie du quartier ou de l’entreprise, faisant du dialogue avec le Parti un usage. Elle assure une existence publique, tangible du Parti.

C’est sur la base de cette démarche que la participation de « l’Humanité Hebdo » aux espaces citoyens donne à ceux-ci toute leur portée. Elle permet à la fois d’enrichir le débat, de créer entre participants des liens durables parce que reposant sur des idées de faire qu’ils aient conscience, à travers la dimension nationale donnée par l’hebdomadaire, qu’ils participent bien là à modifier des données politiques fondamentales, et qu’ils aient conscience de se constituer en force nationale.

Pris ainsi, l’effort de diffusion est la base d’un formidable déploiement du Parti, d’une intervention publique permanente redonnant du sens à des actes militants qui ne demandent qu’à connaître une actualité nouvelle : porte-à-porte, points de rencontres réguliers, espaces citoyens. C’est également le moyen de mettre chaque communiste en situation de participer, ou encore de permettre à de nouveaux adhérents d’avoir un lien hebdomadaire avec le Parti communiste plus profondément implanté parce que plus présent et actif à chaque moment.

De ce point de vue, si la région Île-de-France peut considérablement regagner du terrain avec cette conception de la diffusion de « l’Humanité Hebdo », il demeure, au regard du nombre d’adhérents, des voix recueillies à diverses élections, une plage de progression très importante en province. Tout simplement parce que, durant les années où l’« Humanité Dimanche » était un journal du septième jour, sa diffusion a concerné essentiellement la région parisienne et que la tradition est moins ancienne en province. Le problème de la diffusion dans les entreprises se pose également en termes de bond possible à effectuer, au grand bénéfice de l’activité politique sur le lieu de travail. Dans certains endroits, ayons-en conscience, à travers cette question c’est l’existence même du Parti qui est en jeu.

Cette conception de la diffusion rend possible de soutenir d’autres types d’efforts avec le journal. L’abonnement pourrait être délibérément plus développé comme extension du rayonnement de l’hebdomadaire là où les contacts avec le Parti sont plus rares, nos capacités militantes plus fragiles. Il devrait être possible de dresser rapidement des listes de gens à solliciter en collaboration avec les sections. Cela peut être le cas dans les zones rurales. De même, cette rencontre avec le journal peut s’effectuer en demandant à des lecteurs, des participants aux espaces citoyens, de prendre part à la diffusion créant ainsi des liens plus étroits à partir du journal : élargissant ainsi les possibilités de rencontres avec le journal. Tout cela s’organise en permanence, se construit. La diffusion de « l’Humanité Hebdo » ne se règlera pas sur la base de sa seule notoriété ou qualité. Je l’ai dit, la sortie de ce nouvel hebdomadaire communiste aura lieu dans un peu moins d’un mois. Son lancement public, en grand, doit être le moyen de changer d’échelle dans nos efforts de diffusion. Sans rien rétrécir des discussions sur le contenu, c’est dès maintenant que doivent se préparer les dispositions à prendre à partir de chaque cellule, sous l’impulsion de chaque section.

Nous pouvons renverser les tendances, provoquer une démultiplication de diffuseurs et être ainsi en état permanent de prospection, au grand bénéfice du dynamisme et de l’influence du Parti ainsi que du mouvement populaire. On le voir, à travers ces choix, nous sommes à une étape fondamentale de notre mutation et du développement de notre influence.


La discussion

À propos d’un prétendu changement de nom du PCF

Avant que ne s’engage le débat sur l’ordre du jour, Georges Marchais a souhaité faire part d’une « préoccupation intimement liée à ce dont nous allons discuter et des orientations que nous serons amenés à prendre concernant la presse de notre parti ». Ma préoccupation est la suivante : depuis quelques semaines, des émissions satiriques de télévision, divers articles de presse, des conversations font état de réflexions en cours sur un possible changement de nom de notre parti. Plusieurs hypothèses sont même avancées en remplacement du « Parti communiste français ». Bien entendu, a poursuivi Georges Marchais, « ce qu’il faut bien qualifier de rumeur provoque une vive inquiétude parmi de nombreux communistes. Il est, à mes yeux, normal et légitime qu’il en soit ainsi, car, s’agissant de leur parti, de son appellation, de son devenir, ce sont les communistes, et personne d’autre, qui doivent en décider. Ils sont attachés à leur parti, à tout ce qu’ils ont accompli et accomplissent dans le sens de la mutation pour en faire un parti communiste moderne, utile à notre peuple, parce que toujours mieux communiste ».
Georges Marchais a ajouté : « J’ai noté que Pierre Blotin avait, par deux fois, démenti cette rumeur, encore hier dans « L’Humanité ». Il n’en demeure pas moins que du trouble existe sur l’avenir de notre parti et qu’il est, je pense, nécessaire d’y mettre un terme par une expression nette de l’ensemble de la direction du Parti, c’est-à-dire le comité national. C’est pourquoi je souhaite que le conseil national prenne nettement position en réaffirmant notre appellation de Parti communiste français, afin de couper court à toute spéculation, qui n’est bonne, ni pour nous, ni pour la gauche française, ni pour notre pays, ni pour l’expérience en cours. Laisser les choses en l’état serait aggraver les inquiétudes des communistes et des gens qui attendent beaucoup de nous. J’ajoute qu’en soixante-dix-sept ans d’existence, certes, il y a eu des fautes et des erreurs, mais aussi la marque du Parti communiste français pour tout ce qui a été dans le sens du progrès social et démocratique en France et des droits des peuples dans le monde. Ce parti communiste français, notre parti, a encore de grandes pages à écrire avec notre peuple.

Robert Hue a répondu de la manière suivante : « Je suis heureux que cette question sur un prétendu changement de nom du Parti communiste français soit posée aujourd’hui. D’autant que je me trouvais à l’étranger au moment où un papier à la une du « Monde » en a largement développé la thèse. Vous en êtes tous témoins, depuis que je suis secrétaire national du Parti, il ne s’est pas passé une émission importante à la radio ou à la télévision où la question ne m’ait été posée : « Allez-vous changer de nom ? »

La question n’est donc pas nouvelle. Elle a été posée en son temps – et la plupart du temps sans arrière-pensée – dans l’instance la plus solennelle, celle où les communistes décident, je veux dire les congrès. La réponse a été apportée par l’immense majorité des communistes, et sans ambiguïté : nous avons décidé que le Parti communiste resterait le Parti communiste français.

La question revient donc aujourd’hui à partir de telle ou telle spéculation. On pourrait se demander pourquoi maintenant. On peut imaginer que derrière cette relance du débat sur le nom du Parti se profile l’espoir d’identifier la mutation du PCF à une remise en cause de sa raison d’être. On sent bien aussi combien seraient satisfaits ceux qui souhaitent que nous nous repliions sur nous-mêmes, et que nous soyons incapables d’aborder la nouveauté de la situation. Si nous les écoutions, on n’aurait le choix qu’entre l’immobilisme ou l’abandon.

Je tiens à le dire et à le redire : pour moi, rester le Parti communiste français, rester communiste, c’est le contraire de l’immobilisme. Ce n’est pas pour rien qu’à nos précédents congrès – le 28e et le 29e – nous avons parlé d’un « parti communiste d’un nouveau type ». Rien, je le répète, absolument rien aujourd’hui ne me semble justifier un changement de notre nom. C’est extravagant.

Pour autant, être le Parti communiste français aujourd’hui appelle le refus de l’immobilisme, du contentement de soi, d’un certain conservatisme identitaire. Être le Parti communiste français aujourd’hui appelle de très grands efforts pour exercer dans la société française la fonction que tant de nos concitoyens sont en droit d’attendre de nous, cette fonction nouvelle dont nous avons parlé au 29e congrès. C’est ce rapport vivant du Parti à la société qui doit permettre la mise en mouvement et la dynamique de la force communiste, ces femmes et ces hommes qui partagent les valeurs d’émancipation dont le Parti communiste est porteur, sans pour autant se confondre dans l’organisation d’un parti politique.

J’ajoute que face à la gravité de la crise de la politique, et même dans certaines régions de la mise en cause de la démocratie, plus que jamais, se priver de partis politiques, et tout particulièrement du Part communiste français, ne ferait qu’ajouter à cette crise et à cette mise en cause de la démocratie. I n’y a donc aucune ambiguïté.

Enfin, je tiens à réaffirmer que, de même que rien ne me semble justifier un changement de nom du Parti communiste français, rien ni personne ne me semble être aujourd’hui en capacité d’empêcher la mise en œuvre de la mutation de notre parti, telle que l’ont décidée les communistes.

Il a été fait référence à l’histoire. Je l’entends bien ainsi : la roue de notre histoire ne tournera pas à l’envers.

La discussion reprend sur le rapport de Pierre Zarka : « Les fonctions de "l’Humanité" et de l’"Humanité Dimanche" ».

Roger Martelli estime qu’il n’y a pas de solution simple pour sortir d’une situation aussi critique. Crise de la presse, crise du communisme, mais d’abord crise spécifique à la presse communiste. Le problème n’est pas, déclare-t-il, de mettre « l’Humanité » au diapason des exigences de la mutation communiste ; il est avant toute chose de penser la mutation de la presse communiste. Après avoir évoqué quelques points de l’histoire de « l’Humanité » - d’abord journal autonome, ensuite instrument de la politique du Parti –, il affirme qu’on assiste à une incontestable laïcisation de la presse communiste, de son ton et de son style. Mais, dit-il, l’image qui transparaît du communisme est celle de la majorité du Parti, au sens strict. Il estime qu’il y a aujourd’hui dans le journal davantage d’ouverture vers les cercles les plus éloignés du Parti que d’ouverture sur la diversité communiste. Cela lui paraît révélateur, et de ce qui bouge, et du fait que le mouvement ne nous a pas encore sortis du rapport de dépendance qui relie le journal au Parti. Il fait la différence entre un parti politique qui intervient dans la vie politique pour faire partager une expérience, faire vivre un projet, convaincre de la force de ses propositions, susciter l’adhésion, et un journal qui certes peut prendre parti – au sens plein du terme –, mais qui cherche avant tout à aider ses lecteurs à se faire par eux-mêmes une opinion. Partis et journaux peuvent partager des valeurs, une culture, une même visée humaine, ils n’exercent cependant pas la même fonction ni la même mission.

Il peut être satisfaisant, à court terme, pour un parti de contrôler un journal. Mais à quoi bon ce contrôle si l’espace du lectorat se contracte, si l’image du journal ne déborde pas de façon sensible le cercle des militants ? Il plaide donc pour une décision politique qui soit la plus claire possible : donner à la presse communiste quotidienne et hebdomadaire l’espace de sa liberté.

Qu’attendre de cette « Humanité » dont on veut penser l’avenir ? La question est moins une question de cible (qui vise-t-on ?) qu’une question de projet (que vise-t-on ?). Les enjeux se situent à plusieurs niveaux : relancer le progressisme sur des bases solides pour que la gauche gagne ; stimuler toute les forces qui, dans le mouvement de la société, portent vers un changement radical de la manière de vivre ensemble ; et enfin – l’enjeu le plus stratégique – reconstituer sur des bases modernes l’espace communiste dont la France a besoin. À partir de cette troisième exigence peut se penser le champ d’action d’un journal de visée communiste et non le journal d’un parti communiste. Le communisme n’est pas seulement une réalité donnée, mais une réalité à construire. Même, signale-t-il, si nous nous engagions dans la voie d’une formation communiste franchement nouvelle, le journal devrait rester autonome de cette formation communiste-là.

Roger Martelli énumère ensuite un certain nombre d’objectifs de contenu. S’ouvrir à la critique de la société dans tous les domaines, économique et social, mais aussi plus systématiquement aux problèmes de l’éthique, de la culture, de la vie quotidienne. Renouveler la pensée des rapports de l’art et de l’engagement civique, de la culture, de l’éthique et de la politique. S’ouvrir davantage sur l’alternative à l’échelle sociale, s’appuyer sur la tradition de presse attentive aux luttes salariales pour s’ouvrir plus nettement aux composantes non syndicales du mouvement social, à ses débats, à ses controverses. Enfin, une ouverture encore plus grande sur les questions du communisme lui-même. L’orateur conclut en revenant sur ce qui relève de l’initiative du Parti : la presse communiste ne vivra que si elle se dote, en toute liberté, d’un projet, clairement conçu. De cette liberté du journal, le Parti communiste fera très vite son miel.

Claude Cabanes pense qu’entre l’attitude du « nez collé aux circonstances » et celle de la vision à longue portée d’un quotidien communiste du troisième millénaire, il faut retenir la seconde. Il fonde ce choix sur ce fait capital qu’est la réapparition de l’homme comme sujet de l’histoire et sur l’émergence d’un humanisme anticapitaliste. Ceci alors que les communistes se donnent comme outils révolutionnaires nouveaux la culture de l’individualité, la culture de la réalité, la culture de la diversité, la culture de la constructivité, bref la mutation. Il souhaite que nous lancions un message très puissant : le journal « l’Humanité » fondé par Jean Jaurès tourne une page de son histoire et en ouvre une nouvelle. Tous les observateurs considèrent que des espaces s’ouvrent devant nous, qui naissent de l’effervescence citoyenne, sociale et sociétale, du bouillonnement de la pensée critique contre le gendarme de la pensée unique, du positionnement politique du Parti jusqu’au Gouvernement pour faire bouger la société dans le bon sens. Si le vivant est dans le dépassement, que faut-il dépasser aujourd’hui ? Pour Claude Cabanes, « l’Humanité » subit un handicap très lourd, celui de l’image d’un support de propagande parmi d’autres du PCF, son journal officiel, s’adressant à un cercle militant d’initiés. Cette image fait de l’acte d’achat un acte trop lourd, trop institutionnel, trop officiel. Pour lui, on lira de moins en moins « l’Humanité » par discipline, par croyance, par réflexe, et il voit les nouvelles sources de lecture dans la nécessité moderne de « comprendre et se comprendre, construire et se construire, repérer et se repérer ». S’il y a besoin de radicalité, encore faut-il s’entendre là-dessus. Il faut sortir du déjà-vu, du déjà lu, du rabâché, du mâché, il faut retrouver de l’insolence.

À la question « journal du Parti communiste ou journal communiste », il répond « franchement » : journal communiste. Il précise qu’il ne s’agit pas d’une distance prise avec le Parti communiste, avec lequel il y a de l’existentiel, mais des rapports nouveaux. Il cite longuement le cas du dossier France Télécom, en particulier l’achat massif d’actions par les salariés de l’entreprise, en indiquant que « l’Humanité » peut se montrer gênée par l’événement, en attendant la position du Parti, et que cela c’est la conception du journal du Parti, ou que « l’Humanité » peut jouer son rôle d’investigation, d’analyse, qui aidera les communistes et que cela c’est la conception du journal communiste. Pour lui, en étant découvreur, le journal s’affirme comme un journal combattant.

Enfin, Claude Cabanes pose les questions majeures, auxquelles il faut répondre en amont de toute mise en œuvre : d’abord celle du collectif de rédaction qui doit être refondé, élargi, requalifié, professionnalisé, remotivé, et qui doit s’ouvrir à des professionnels non communistes prêts à mettre leurs talents au service du nouveau journal communiste ; ensuite la pagination qui est trop pauvre et qui empêche les lecteurs qui sont aujourd’hui des zappeurs de construire dans le journal leur propre journal ; enfin, question des questions, le financement qui déterminera la réussite ou l’échec de l’entreprise et à ce sujet il pense qu’il ne faut ni ouverture du capital ni immobilisme, mais explorer les partenariats financiers, les structures financières nouvelles, sans céder d’un pouce sur l’indépendance du journal.

En conclusion, il évoque le journal qui, dès sa naissance en 1904, avec Jaurès, a su réaliser l’alliance formidable de l’esprit révolutionnaire, de l’ouverture au monde et d’un extraordinaire rassemblement de talents. Cette histoire est l’histoire d’un grand journal avec de grands journalistes, qui a accompagné avec éclat la grande histoire du peuple français et c’est à cet égard que nous avons devant nous un grand devoir de création. Il n’existe aucun modèle, de ce quotidien communiste de type nouveau, ni dans l’histoire ni dans le monde d’aujourd’hui.

Ce défi, le Parti et le journal le relèveront ensemble.

Nicolas Marchand exprime son accord avec le rapport et cite d’emblée Robert Hue, lançant à Vénissieux au mois d’avril le débat du PCF sur sa presse, « ce n’est pas en devenant moins le journal du Parti communiste que « l’Humanité » peut progresser, mais en étant pleinement le journal du Parti communiste d’aujourd’hui ». Il poursuit : « Je pense que s’il veut répondre à l’attente des communistes et créer les conditions de la nécessaire remobilisation du Parti pour la lecture et la diffusion de sa presse, le comité national doit confirmer pleinement sa position. (…) Nous devons donner aux communistes la conviction que nos décisions ont bien pour objectif de permettre qu’ils assument mieux leur fonction de journaux du Parti communiste. Les communistes tiennent à "l’Huma" parce que c’est le journal de leur parti, parce que c’est un atout du Parti, un élément spécifique de la mise en œuvre de sa politique, un moyen d’expression sur le terrain de l’information et du débat politique, de l’identité communiste telle que notre mutation permet de la faire percevoir. S’il n’en était pas ainsi, je ne vois pas comment et pourquoi les communistes pourraient apporter à sa diffusion, à sa promotion, l’apport politique et financier qu’ils sont capables d’apporter. Des camarades considèrent que c’est un handicap pour "l’Huma" d’être le journal du Parti communiste, qu’il faut inventer un nouveau journal. Je ne partage pas ce point de vue. »

Nicolas Marchand constate ensuite que, pour lui, une distance a déjà été prise entre « l’Humanité » et le PCF, et que nombre de communistes voire de journalistes de « l’Humanité » s’en inquiètent. Il évoque notamment le traitement de certaines luttes, telle celle de la SFP, la « froideur » de « l’Humanité » vis-à-vis de Cuba, ou encore la place insuffisante donnée aux initiatives du PCF ou de ses dirigeants, la façon « réductrice » dont est traitée la diversité des communistes eux-mêmes. Il poursuit, s’agissant de ceux qui s’inquiètent de cette évolution : « Est-ce qu’ils veulent un journal destiné aux seuls communistes ? Non ! Est-ce qu’ils refusent l’ouverture aux autres, à la société ? Non ! À condition qu’elle ne s’accompagne pas d’une fermeture à notre apport, à nos idées. Qu’est-ce qui empêche, "l’Huma" étant le journal du PCF, d’en faire un journal plus vivant, plus ouvert, plus intéressant par la qualité et la diversité de ses informations, de ses analyses, de ses commentaires, un journal plus branché sur les débats dans la société et le Parti, sur les luttes ? J’ai envie de dire "un journal plus libre, capable de répondre aux attentes largement communes de ses lecteurs potentiels, communistes et non communistes." En quoi est-ce que ce serait un handicap pour le journal que de s’attacher à être mieux l’expression journalistique de l’identité des communistes d’aujourd’hui, de notre ouverture sur la réalité plurielle de la société et sur son mouvement ? »

Notant ensuite que « l’Humanité » ne part pas de rien, et qu’il y a beaucoup d’exagération dans l’idée qu’il faudrait inventer un nouveau journal, il souligne que si c’était le cas, nous aurions sûrement un effet d’annonce, des commentaires sympathiques, mais que le prix serait cher payé et pour quel résultat ? Il conclut : « J’ai parfois l’impression qu’on raisonne comme si le Parti était un obstacle, une secte coupée de la société, rétive aux mutations nécessaires comme s’il fallait donner à "l’Humanité", avec plus d’autonomie, plus de latitude pour accélérer la mutation malgré le Parti. Mais de quelle mutation s’agirait-il s’il ne s’agissait pas de la mutation voulue et décidée par les communistes ? » Il souligne : « Beaucoup de communistes se demandent, avec angoisse, parfois avec colère, si la mutation ne tend pas à devenir une dérive. Ce n’est pas le changement qu’ils refusent, mais des changements qui constitueraient un glissement progressif vers autre chose que le Parti communiste. Il nous revient de leur apporter des réponses claires. Cela dépasse largement la question de "l’Humanité", mais c’est une part essentielle de ce qui est en jeu dans nos décisions concernant "l’Humanité". »

Guy Carassus parle « d’un progrès de la culture du débat au sein du Parti » dans la préparation de ce comité national, dans lequel il retient deux aspects forts : « Le formidable attachement des communistes à leur presse et leur volonté de contribuer à de nouvelles évolutions, afin que celle-ci réponde toujours mieux aux objectifs transformateurs que nous nous sommes fixés ensemble avec notre mutation. » Pour lui, faire face aux urgences exige d’en passer par une réflexion sur ce que nous attendons de notre presse et sur sa conception. Il lui semble donc « important de distinguer au sein de l’intervention communiste ce qui relève de l’apport spécifique de la presse communiste ». Autrement dit, il s’agit de faire vivre « une presse qui soit immergée dans le mouvement de la société et qui appuie son travail d’investigation et de connaissance des réalités sur une démarche communiste d’aujourd’hui, faite d’ouverture à ce qui bouge, de lucidité sur les obstacles et les potentialités, de créativité ».

Pour jouer ce rôle, il faut savoir modifier certaines conceptions encore à l’œuvre. Par exemple, la notion de séparation entre le fait et le commentaire semble devoir aujourd’hui être dépassée, dans la mesure où elle continue à nous positionner en situation d’extériorité par rapport aux réalités sociales. « Or, il me semble que c’est le point de vue communiste, qui, dans le mouvement même des événements, doit nous permettre de faire émerger le sens et les possibilités émancipatrices qu’ils recèlent. » De même, il nous faut réfléchir au dépassement concret de la notion d’organe central : d’une part, parce que « l’Humanité » a déjà procédé à des évolutions sensibles dans cette direction ; d’autre part, parce que ce n’est qu’avec le 29e congrès que nous mettons véritablement fin à la conception de « parti guide ». C’est donc de l’intérieur de nos propres avancées qu’il faut examiner cette question. Elle appelle à en finir avec « tout ce qui peut relever encore d’une conception de presse partisane, au profit d’une conception qui se matérialise dans une presse d’opinion communiste ».

Guy Carassus entend par là une presse qui informe, en apportant appréciations, avis, jugement, « dans la confrontation, la diversité et la pluralité en notre sein et au sein de la gauche ». Une presse qui fasse donc appel aux facultés de juger et de penser de lecteurs citoyens. Cette conception entre en résonance avec notre volonté « de devenir un parti communiste utile à notre peuple parce que ses analyses, ses propositions, ses initiatives favorisent le déploiement des capacités d’intervention des individus pour transformer la société ». La presse d’opinion communiste peut être un des moyens qui, par son apport spécifique et singulier, contribue à cette démarche. Pour cela, il est nécessaire d’établir une relation d’autonomie avec la rédaction du journal et les journalistes : c’est ce qui peut permettre aux communistes d’avoir un lien fort avec la presse ; c’est aussi le moyen de mettre les journalistes eux-mêmes en position d’un travail créatif et libéré, dont nous avons besoin pour notre propre activité d’élaboration et de décision.

L’orateur souligne ensuite que « notre presse a désormais vocation à s’adresser indistinctement à des lecteurs communistes ou pas : à tous ceux qui pour des raisons diverses sont liés à des attentes de changements, à la recherche de perspectives progressistes ». En quelque sorte, « nous avons besoin de la transformation du rôle de notre presse pour appuyer la mise en œuvre d’une vie et de pratiques renouvelées ». Cette réciprocité dans la singularité et la complémentarité des apports de la presse et du Parti fait de celle-ci un atout pour le Parti communiste et de celui-ci un atout pour la presse communiste. « Notre responsabilité à l’égard de notre presse a donc pour socle l’utilité qu’elle a au regard des objectifs, de l’intervention communiste d’aujourd’hui. » Ceci doit se concrétiser par une intégration des activités de diffusion de la presse comme un élément concourant à construire des initiatives communistes dans leurs caractéristiques actuelles.

Guy Carassus conclut en soulignant que tout cela appelle à réfléchir à ce que sont les CDH et aux renouvellements souhaitables du sens même de leur activité. Selon lui, ces structures doivent s’ouvrir à la fois à un plus grand nombre de communistes et à des lecteurs non adhérents pour, dans le cadre d’une activité de diffusion, participer à l’essor de la participation des citoyens à la construction du changement.

Martine Bulard estime que cette session du comité national « doit faire date et marquer une étape décisive dans l’histoire du Parti communiste et de sa presse. Nous avons ensemble à refonder l’identité de "l’Humanité" et de l’"Humanité Dimanche". C’est-à-dire redéfinir les rapports qu’entretiennent les journaux à la société, réinventer les relations entre les journaux et leurs lecteurs, et donc revoir de fond en comble les liens entre les journaux et le Parti communiste ». « Tout y pousse, et notamment les menaces présentes sur les journaux communistes, dont l’identité ancrée sur nos anciennes visées se retrouve aujourd’hui en miettes. »

Elle poursuit : « On ne peut donc se contenter de petits arrangements avec les mots. C’est une révolution copernicienne dont les journaux communistes ont besoin dans leur fonction, dans leur contenu, leur diffusion », révolution qu’elle entend évoquer en cinq points, notant : « On ne réussira pas la mutation communiste s’il n’y a pas mutation des journaux communistes. Avec cette mutation, nous cherchons à immerger tout le Parti dans la société, dans le but d’élaborer un projet communiste de changement de civilisation, en dialogue et en confrontation avec les citoyens. (…) Les espaces citoyens cherchent à répondre à ces défis. Les journaux doivent en être partie prenante. Pour cela, ils doivent reconsidérer leur rapport à la société et s’ouvrir sur elle. (…) Ils sont bien placés, ils sont au carrefour des informations, leur métier est d’aller débusquer celles qui dérangent. » Mais il faut, selon elle, bousculer les habitudes des rédactions et du Parti. « En résumé, je dirai que nous avons encore une vision instrumentale de la presse communiste, dont il faut sortir. »

Elle aborde ensuite la question « journaux de parti » ou « journaux communistes ». Elle note que les journaux n’appartiennent pas aux seuls communistes, mais qu’ils sont le bien commun des communistes, des lecteurs et des rédactions. « Ils ne peuvent donc pas être la mise en forme journalistique de décisions politiques. Ils ont une double responsabilité : vis-à-vis du Parti communiste, qui en est « l’éditeur », et vis-à-vis des lecteurs. C’est une double responsabilité qu’il faut assumer. » Les journaux doivent-ils partir du point de vue du Parti ou du point de vue de la société ? Dans les deux cas, les journaux sont porteurs des valeurs communistes, ont un lien avec le Parti, contrairement à ce que dit Nicolas Marchand, mais pas de la même nature. Des journaux de parti « font vivre et expliquent la politique du Parti. Des journaux communistes parlent de ce qui bouge dans et hors du Parti, avec nos valeurs bien sûr. »

Elle poursuit : « Je plaide pour que, sans ambiguïté, nous devenions des journaux de la transformation sociale, des journaux communistes et progressistes. Il ne s’agit pas de renoncer à nos convictions, il s’agit de participer à cette société qui s’invente sous nos yeux, avec nous et parfois sans nous. » Ils se feront, pense-t-elle « avec des équipes rédactionnelles libérées de toute tutelle, mais engagées dans cette volonté transformatrice pour déployer toute leur capacité créatrice. Je peux témoigner que celle de l’« Humanité Dimanche » y est prête ». Elle avance l’idée d’une charte rédactionnelle et déontologique explicitant le rôle du journal dans la société, servant de base à l’engagement professionnel des journalistes, communistes ou non, permettant au lecteur et au Parti d’en partager les objectifs et d’exercer leur droit d’alerte et de vérification. Elle plaide pour passer un nouveau contrat de confiance avec les lecteurs et définit ce qu’elle appelle « une nouvelle "plaque d’identité" de l’"l’Humanité" », pour rendre le lecteur plus actif et plus vigilant. Après avoir souligné les efforts cohérents faits par des journaux comme « Le Monde » et « Marianne », elle aborde son cinquième point, sur l’audience et la diffusion du nouvel « Humanité Hebdo ». Regrettant que le rapport, « qui fait un réel effort d’innovation sur la fonction du journal, ne trace pas cependant de visée transformatrice de la diffusion, même si pour la première fois on y évoque l’abonnement », elle insiste : « Être sur la place publique, jouer pleinement sur le statut de magazine communiste et progressiste, intégrer l’univers de la presse : tout cela devient indispensable y compris pour la vente militante. »

Pour elle, il faut dynamiser les CDH actuels, opter résolument pour une stratégie d’abonnements, et pas seulement comme un pis-aller : « Nous avons en friche un lectorat que nous laissons de côté. Nous devrions imaginer une animation commune de ce réseau, parti et journal, qui permette aux communistes comme aux lecteurs abonnés au CDH de participer à des rencontres, des débats, des actions. Nous avons un devoir d’invention. » Enfin elle estime indispensable pour « l’Humanité Hebdo » d’exister en kiosque : « Aujourd’hui, trouver le journal quand on ne connaît pas de communiste ou que l’on ne souhaite pas toutes les semaines avoir un contact avec un communiste est impossible. » Elle conclut : « La presse communiste a un avenir à condition d’y croire et d’avoir de réelles ambitions. Je suis persuadée que la sortie le 20 novembre de « l’Humanité Hebdo » peut être un événement politique et de presse. »

Paul Boccara intervient en commençant par pointer une difficulté : « Faire de belles phrases ? Mais quelles décisions concrètes ? » Il précise que lui-même est confronté à cette question. S’agissant du « constat critique sur les efforts d’orientations nouvelles » pour « l’Humanité » et l’« Humanité Dimanche », L’orateur souligne que ceux-ci ont partie liée avec l’importance de la mutation communiste et la responsabilité considérable qui est celle du PCF pour occuper tout l’espace ouvert par le besoin nouveau de transformation face aux bouleversements du monde et de la société. Il s’agit de développer l’originalité d’une presse communiste plus ouverte sur la société. Le fait que « l’Humanité » ne soit plus l’organe central d’un parti guide suppose autonomie et ouverture, mais aussi une responsabilité accrue pour les journalistes communistes, et la nécessité que ceux-ci aient une liaison plus grande, systématique, avec les communistes et les lecteurs.

Tout cela s’organise. S’il faut la dédramatiser, l’importance de « l’Humanité » quotidienne et de l’« Humanité Dimanche » reste très sensibles à l’autorité de leur journal et exigeants à son égard. Pour Paul Boccara, il y a aujourd’hui « des aspects contradictoires : d’une part, des problèmes de maîtrise de la situation nouvelle ». Il y a des dérapages. C’est normal. Mais il faut écouter les critiques pour les corriger. « L’ouverture, ce n’est pas essentiellement mettre en avant quelqu’un parce qu’il n’est pas communiste. Et l’autonomie ne signifie pas une réduction des liens avec les communistes et avec le lectorat, mais tout au contraire une organisation des relations sur le fond avec eux. Il d’agit de faire en sorte que le journal développe son originalité, c’est-à-dire son apport pour la transformation sociale : informations sans tabous, avec esprit critique, avec des contre-propositions transformatrices, liées aux enjeux des luttes. »

L’orateur suggère alors quelques pistes de réflexion. Par exemple, au-delà du courrier des lecteurs ou des correspondants, ne serait-il pas possible d’organiser la participation du lectorat à l’orientation et à l’élaboration du journal, avec un responsable affiché, mieux que ne le fait « Le Monde » avec son médiateur ? Ne faudrait-il pas non plus faire apparaître les noms des responsables des différentes rubriques ? N’y a-t-il pas aussi à se préoccuper de la formation permanente des journalistes ? Ne faut-il pas aussi mener de grandes campagnes, non pas avec des slogans, mais pour faire bouger l’opinion sur de grandes questions, par exemple sur le crédit et les relations des entreprises avec les banques ?

Paul Boccara évoque ensuite la question du positionnement du journal dans les luttes et par rapport au Gouvernement. Il rappelle les critiques qu’il avait émises lors d’une récente réunion du comité national par rapport à un certain suivisme. Il estime que les choses se sont améliorées depuis, mais qu’il faut encore faire des efforts, notamment pour mieux faire apparaître la réalité, l’originalité et la portée de nos propositions, face que contradictions de la politique gouvernementale. Cela concerne notamment les questions du crédit, des financements, de la baisse des charges financières, de la baisse des taux d’intérêt avec des aides financières publiques, en faveur de l’emploi, à l’opposé de la baisse des charges salariales. C’est une question cruciale, en particulier pour l’utilisation de la réduction du temps de travail pour créer vraiment des emplois de façon importante.

Il juge normal que « l’Humanité » donne la parole à des économistes qui ne sont pas membres du PCF, comme à ceux qui animent l’appel des économistes contre la pensée unique. Mais, s’agit-il pour autant de mettre en valeur ce qu’ils disent, quand cela s’oppose à ce que disent les économistes communistes, par exemple sur le rôle crucial du crédit ou sur la monnaie unique, sans confronter finement les points de vue pour avancer en rassemblant.

Enfin, s’agissant de l’organisation de la rédaction de « l’Humanité », il insiste sur les nécessaires relations à établir de façon nouvelle avec tous les communistes, avec les groupes de travail du comité national, les fédérations, etc. Il propose également que soit recréer une rubrique économique dans « l’Humanité ». En conclusion, il estime que le débat sur la presse communiste doit se poursuivre notamment au-delà de cette session du comité national, comme à propos de l’expérience pratique des nouvelles formules de l’« Humanité Dimanche » ou « l’Humanité Hebdo » – puis de « l’Humanité » quotidienne.

Richard Beninger cite d’abord un message qu’adressa Aragon il y a plus de Trente ans à l’occasion d’un anniversaire de « l’Humanité » : « Ce qui fait du journal des communistes le journal le plus difficile à faire, c’est qu’il ne s’adresse pas qu’à eux, mais à d’autres, aux autres. » Et il ajoute : « Aujourd’hui, c’est parce qu’il veut s’adresser aux autres que "l’Humanité" peut être pleinement un journal communiste, et c’est parce qu’il ne veut pas s’adresser qu’à eux que les communistes pourront se retrouver le mieux dans leur journal. » Il estime ensuite que le rôle d’éditeur que jour le Parti communiste est une exception dans le domaine de la presse française et de la vie politique. Notre mutation le rend-il obsolète ? « La réponse ne va pas de soi, considère-t-il, sauf à réduire notre mutation à la vision caricaturale que certains s’obstinent à nous prêter, ici ou là, et qui est du même tonneau que les rumeurs sur le changement de nom du Parti. » Jugeant qu’il ne peut être question d’être « avant tout dans le courant » comme il y a de cela un temps on avait théorisé l’idée d’être par principe « à contre-courant », il estime que « l’existence originale de "l’Humanité" est à la fois une composante indispensable de cette identité communiste nouvelle et un journal à part entière dans le paysage de la presse française ». C’est parce que notre mutation appelle un profond renouvellement de notre rapport à la société, qu’une reconnaissance, non pas par nous-mêmes, mais par les autres de notre utilité, que nous devons apprécier la chance que nous avons de pouvoir disposer de journaux qui s’inscrivent dans cette perspective. « À condition que ceux-ci soient en situation de le faire. »

Prenant parti pour que « l’Humanité » se définisse comme « journal communiste » – il s’agit d’affirmer une orientation éditoriale au diapason de notre mutation –, l’orateur ne voit pas de contradiction avec l’affirmation d’un rôle d’éditeur politique revendiqué par le Parti communiste français. Alors que, selon une formule du « Canard enchaîné », « les industriels n’achètent pas leurs journaux seulement au kiosque », cette fonction d’éditeur est une des garanties constitutives du pluralisme de la presse en France. Concernant la définition de « journal de parti », il invite à dépasser une conception « qui ne viserait qu’à la communication politique de cette formation, à être son bulletin d’information. C’est la confusion avec ce qu’est véritablement un journal, c’est même la négation de sa spécificité ». Une telle orientation n’a pas d’avenir et continue à nous enfermer, même quand le contenu et la pratique le contredisent, dans un rapport organique et d’appartenance tutélaire, qui rebute le lecteur potentiel.

Mais, il existe, à ses yeux, un large espace pour un journal communiste, partisan au sens, de porteur de sens, de repères, de valeurs, de références. Citant Alain Duhamel qui estimait, dans « Libération », « que le combat idéologique est de retour », il considère que « l’Humanité » peut offrir le moyen privilégié de s’y investir.
Concernant l’ouverture du capital de « l’Humanité », il juge cette approche dangereuse et rappelle le mot du PDG des Chargeurs qui disait une semaine avant d’acheter « Libération » : « Nous ne sommes pas des mécènes, c’est l’équipe de "Libération" qui doit s’adapter à Chargeurs et pas l’inverse. » « L’Humanité » n’est pas à vendre, et le problème dont elle souffre est plus un manque de lecteurs qu’une absence de capital. « Nous pouvons brutalement mourir d’une crise cardiaque financière, mais c’est le cancer de l’érosion de la diffusion qui nous ronge. » Il invite à construire une alternative à la recapitalisation qui nous donne les moyens de nos ambitions. Il met en parallèle quelques chiffres : dix journalistes de plus, c’est 2 millions et demi de francs annuels ; augmenter de quatre pages la pagination, c’est 7 millions et demi de francs. 10 millions, c’est le montant de la dernière souscription. 10 000 lecteurs de plus à l’« HQ », 20 000 de plus à l’« HD » ; passer la publicité de 10 % à 15 % du chiffre d’affaires… moins que le doublement de l’aide à la presse. Des pistes qui doivent être immédiatement explorées et mises en chantier.

Il conclut en invitant à assurer le succès du lancement de « l’Humanité Hebdo » le 20 nombre, en s’appuyant sur les réunions qui ont eu lieu et celles qui vont se tenir sur notre presse. « Il permettra aux militants communistes de rencontrer en quatre jours des centaines de milliers de personnes. C’est un bel espace citoyen national. »

Rolande Perlican juge alarmant le déclin de la presse communiste et de « l’Humanité ». Elle estime que ce déclin est dû avant tout au fait qu’un nombre de plus en plus important de camarades sont mécontents. Cela vaut aussi, déclare-t-elle, pour ceux de nos lecteurs qui sont dans le mouvement social. Elle note un décalage de plus en plus marqué entre le recul de la presse communiste, qui s’accélère, et le mécontentement qui grandit vis-à-vis de la politique actuelle : « Ils sont de plus en plus nombreux, ceux qui ne trouvent pas dans "l’Humanité" ce qu’ils attendent d’un journal communiste. » Le déclin de « l’Humanité » est, pour elle, un problème d’abord politique. Ce qui ne va pas, c’est l’orientation politique du journal et c’est la même chose pour l’orientation politique du Parti. Que trouve-t-on aujourd’hui dans « l’Huma » ? L’illustration de la position de la direction du Parti sur la politique du Gouvernement et sur le reste. Comme cette position n’est pas bonne, on en revient à la question de fond de l’orientation politique. Il faut faire un journal à partir de la réalité de nos positions entre capitalistes et salariés, de ce que subissent les gens, de leurs colères, de leurs révoltes, de leurs protestations, de leurs luttes. « L’Humanité » doit être un journal de contestation de la société et exposer en même temps nos propositions pour un changement réel. Il faut, insiste-t-elle, mener le combat d’idées contre la pensée unique.

Après avoir exposé les manquements de l’information dans le journal, elle présente l’alternative suivante : ou bin « l’Humanité » devient un journal de lutte pour une perspective nouvelle, pour une alternative réelle, et qui s’oppose à tout ce qui est entrepris contre les intérêts du peuple. Ou bien, « l’Humanité » s’inscrit de plus en plus dans le cadre de la politique actuelle : aujourd’hui, il devient de plus en plus le journal qui soutient le Gouvernement. « Certains s’imaginent, lance-t-elle, qu’ils vont faire de « l’Humanité » le journal de la gauche plurielle. Je leur dis : le terrain est déjà occupé et bien occupé par des quotidiens et des hebdomadaires qui défendent la politique du gouvernement avec beaucoup de talent. » Les communistes ont besoin d’un journal, de la même façon qu’ils ont besoin d’un parti communiste. Cela n’implique ni repliement ni étroitesse. Être un journal de lutte et un journal très ouvert, cela va ensemble. Il faut un journal qui marque sa spécificité, qui soit une référence pour tous ceux qui veulent changer dans le bon sens.

En conclusion, elle répète qu’il faut d’abord un changement fondamental de ligne rédactionnelle de « l’Huma », c’est indispensable comme ça l’est dans le Parti.

Marc Brynholes fait état d’un débat profond qui a eu lieu dans son département sur la fonction de « l’Humanité ». Pour lui, la pérennité du militantisme passe par « l’Humanité ». Le militantisme, à ses yeux, appelle un effort personnel et solitaire de la lecture, et cette aide que doit apporter le journal est à cent lieux du bulletin intérieur. Se rencontrent ainsi le besoin du militantisme et le besoin du journal. « L’Humanité » remplit déjà cette fonction et elle a encore beaucoup à faire.

À propos de « l’Humanité Hebdo » et de son lancement le 20 novembre, il estime qu’on ne peut pas sortir une formule sans y associer les diffuseurs, qu’il y a un lien étroit à construire. Il pose la question : « Ne peut-on, dans les semaines qui nous restent, faire un gros effort pour associer les lecteurs ? » Il se demande enfin quel message va être envoyé aux communistes qui évitent d’opposer journal communiste et journal du Parti communiste et qui définissent bien le rôle de notre presse au-delà de la propagande.

Bernard Calabuig partage les orientations du rapport en particulier à propos du débat journal communiste – journal du Parti communiste. Il se pose la question : le journal, de quel parti communiste ? Si le Parti communiste qui est l’éditeur est un parti sensible à tout ce qui bouge dans la société, alors c’est un atout.

À ce sujet, il se pose le problème de l’identification du Parti. Il pense que, si le lien Parti-journal était simple quand il s’agissait de l’organe central, il faut aujourd’hui créer une association du journal et du Parti qui sera la condition du succès. Enfin, il estime que les questions que l’on se pose sur « l’Humanité » sont celles que l’on se pose également sur le Parti, les questions d’une vie plus riche.

Henri Malberg pense qu’il y a une forte attente des communistes et des gens qui s’intéressent à la presse communiste. « Le comité national doit créer les conditions d’un signal très fort en montrant notre volonté de faire bouger la presse communiste pour lui donner la place méritée par les idées communistes d’aujourd’hui. Il y a besoin d’une secousse, il y a un signal qui a été entendu celui d’un Parti communiste qui bouge, évolue affronte les problèmes immédiats et de fond. Je pense que le même signal, la même secousse est devant nous en ce qui concerne la presse communiste, toute la presse communiste. Pour lui, les atouts pour réussir sont réels et tiennent « à ce doublé prodigieux : communisme-humanité ». À l’image positive du mot « Humanité » de la fête du même nom. Et à l’image du militantisme : « Vendre un journal à la fois évidemment plus difficile qu’avant, mais c’est aussi une image positive d’engagement, d’honnêteté. »

Pour lui, le moment est favorable, marqué par la revalorisation des débats d’idées, la remontée du politique, la meilleure image du PCF, son rôle au sein de la gauche et la recherche de sens, de repères. Il s’interroge sur la contradiction entre cet espace élargi et le tirage en recul de la presse communiste. « On pense plutôt du bien de nous, on ne fait pas encore le pas », estime-t-il, sans sous-estimer pour autant les défauts de nos journaux : « Le rôle de chacun pour ce qui les concerne – direction communiste et rédaction – et de les pointer et d’y porter remède. »

S’il pense sur la question : journal communiste ou journal du Parti qu’il faut rester journal du Parti, il ne pense pas en revanche que cela soit un obstacle à la condition d’être un journal communiste d’aujourd’hui. Pour cela : « Il faut que les gens trouvent chez nous à la fois le point de vue du présent – farouchement contre l’insupportable – et celui de l’avenir. » Notre presse doit être également plus rebelle et « prendre parti en évitant le piège partisan qui n’est pas supporté par les gens ». Elle doit donner de la culture politique, des repères, donner à réfléchir sans toujours chercher à conclure.

Enfin, il considère qu’on ne peut diffuser la presse communiste de manière militante sans plaisir et que « la relance militante est inséparable d’un fort signal de contenu, de changement ». Elle ne s’oppose pas à la recherche de formes pour faire connaître et intégrer la presse communiste dans tous les circuits habituels : kiosque, portage, abonnement, etc.

Henri Garino intervient de sa place pour souligner, après Henri Malberg, la nécessité de discuter davantage du rapport entre le journal et les communistes. S’il estime les journalistes des rédactions concernées capables de moderniser le contenu des titres, il considère que l’on doit évoluer dans la forme même de la diffusion de notre presse. Un journal de la mutation communiste doit aider les citoyens à intervenir. Pour ce faire, il doit être ouvert et constructif. Et, pour ce journal, il faut d’autres diffuseurs. L’orateur fait part de l’expérience d’une cellule de l’Aude où la diffusion de l’« Humanité Dimanche » a augmenté de 30 % à partir du moment où plusieurs communistes se sont impliqués, en plus du CDH, « en interpellant les lecteurs à partir de dossiers qui pouvaient les intéresser ». En conclusion, Henri Garino insiste sur le renforcement des liens entre les militants et les équipes rédactionnelles.

Philippe Barrière évoque la réunion préparatoire à la tenue du Comité national, qui a eu lieu récemment dans les Hautes-Pyrénées. Il relève quelques-uns des éléments du débat : « Nos journaux ne sont pas assez attrayants… L’« Humanité Dimanche » n’est pas assez populaire… On n’y parle pas assez de loisirs… L’humour a très peu de place. » À travers ce débat, les communistes ont exprimé des attentes liées à ce qu’ils rencontrent dans la société, aux questionnements qui s’y font jour, pour développer l’intervention citoyenne et les exigences d’un apport communiste susceptible de contribuer à la transformation de la société. « Dans la mise en œuvre de la mutation, il y a une disponibilité pour la recherche d’un journal communiste qui aide à la réflexion, à l’action, à l’intervention des citoyens. » C’est cela le défi majeur de la transformation de « l’Humanité ».

Cette transformation est nécessaire pour répondre aux évolutions de la société et du monde et elle a pour but d’être en phase avec les attentes de citoyenneté qui s’y manifestent : « Refus de se laisser déposséder de son intelligence, de sa capacité d’intervention, volonté de peser sur le cours des choses. » Il existe une forte aspiration à comprendre, à trouver des éléments qui permettent de donner du sens aux événements, aux aspirations et, en même temps, de chercher des éléments de réponses et de solutions. Ces exigences rejoignent « le cœur de la mutation communiste, c’est-à-dire la reconnaissance du rôle majeur de l’individu, de son libre arbitre, et du rôle nouveau du Parti communiste qui en découlent ». Notre journal doit donc répondre à ces aspirations, développer la citoyenneté, en faisant vivre une culture, un savoir, une espérance, des valeurs qui n’excluent pas la révolte.

Philippe Barrière poursuit : « Les communistes ont besoin de "l’Humanité" pour construire leur propre autonomie de pensée, d’action, pour développer l’intervention citoyenne. » Il se réfère alors à ce qu’a dit Pierre Zarka dans son rapport sur la spécificité de la presse communiste, avant d’ajouter : « Pour faire vivre notre politique avec créativité, il y a besoin du concours de nombreuses réflexions chaque jour, chaque semaine, en liaison avec l’actualité, pour rendre lisible l’apport constructif des communistes au débat citoyen. » Il conclut, en soulignant qu’il existe un large espace pour développer la diffusion des deux titres, en s’adressant à toutes celles et à tous ceux qui veulent participer au mouvement de transformation de la société et qui ont besoin « de preuves, d’éclairages, de vécu ». Cela exige notamment de changer le rôle des CDH dans un sens plus collectif, où sera posée l’implication de chacun, de son intervention, afin de créer des dynamiques de rassemblement et de construction.

Serge Guichard fait d’abord le parallèle entre deux réunions organisées dans l’Essonne, l’une consacrée à « l’Humanité », l’autre à la mise en place d’espaces citoyens. Dans les deux cas, s’est exprimée une demande très forte de lieux de réflexion et d’intervention, utiles, propres au débat et à la confrontation. Il invite à bien apprécier tout ce qui est en train de bouger aujourd’hui, et le besoin, pour que le mouvement qui se dessine dans la société prenne de l’ampleur, de regarder notre presse non point comme un rapport qui parte des communistes pour aller vers les gens ou comme un instrument destiné aux seuls militants. En procédant de la sorte, « on se prive d’éléments forts de dynamique ». Il souligne son accord avec la définition de la fonction d’un journal communiste qui doit assumer un rôle original. Il discute l’idée selon laquelle il faudrait faire changer les gens d’opinion, et lui préfère une conception selon laquelle les communistes, de plain-pied avec les citoyens, en connaissent mieux les idées, instaurent des dialogues qui permettent à tous d’évoluer.

Il relève que lors de la réunion de Corbeil, des militants qui supportent la diffusion ont fait part de leur peu d’intérêt pour le contenu des journaux. Le rapport au journal est un sujet à évoquer aussi bien dans la population que dans les rangs du PCF. Reprenant l’exemple des salariés actionnaires de France Télécom, cité par Claude Cabanes, il juge nécessaire que le mouvement social soit ainsi interrogé, que le journal le dérange et le pousse à voir la réalité. Il estime également que des obstacles sont à surmonter pour permettre les rencontres citoyennes et le déploiement de notre stratégie. Ainsi, le collectif de signataires sur l’immigration peut se référer à « l’Humanité » pour y puiser ponctuellement des éléments de réflexion, mais ne le considèrent pas spontanément comme un lieu de débat : pour eux, s’il y a de bonnes choses à prendre, dans leur pratique habituelle, le journal semble réservé aux communistes. Il incite donc le comité national à donner un signal fort et apprécie le débat sur « journal de parti » ou « journal communiste » comme l’expression de conceptions différentes de la fonction communiste nouvelle. Ainsi, avec « l’Humanité », s’agit-il seulement de permettre aux communistes de prendre des initiatives, ou bien d’investir directement le champ politique ? Enfin, s’il admet que ce qui peut sauver nos journaux, c’est bien le gain de lecteurs, il pense que des moyens nouveaux sont nécessaires pour enclencher ce mouvement. Face à cet « effet de seuil », des décisions fortes doivent être prises.

Gilles Bontemps apprécie les orientations d’ensemble du rapport. Il souhaite toutefois avoir des réponses plus précises à des questions qui ont préoccupé, voire inquiété, le Parti en Loire-Atlantique. Les communistes ne souhaitent pas être dépossédés de leur journal. Ils veulent conserver la possibilité de donner leurs opinions sur le journal. D’autre part, la rumeur d’une éventuelle ouverture du capital de « l’Huma » a donné lieu à beaucoup de discussions sur la manière dont on ressent l’utilité du journal dans son département. L’orateur estime que notre presse doit porter des questions liées à celles qui existent dans le débat du Parti lui-même de façon à avancer dans la mise en œuvre des choix de congrès. Il ne convient pas pour cela d’attendre de « l’Humanité » qu’elle règle à la place du Parti des questions qui n’ont pas été encore forcément tranchées. Entendre ce que disent et attendent en réalité les communistes est un besoin impérieux.

Personne ne souhaite, remarque-t-il, que « l’Huma » soit un tract, ce qui ne signifie pas, bien sûr, que « l’Huma » serait quelque chose d’ouvert et le tract quelque chose de fermé. Les deux n’ont tout simplement pas la même fonction. Pas plus n’est souhaité que « l’Huma » soit un bulletin interne pour régler des questions entre communistes. L’attente, précise-t-il, c’est d’abord l’information des opinions diverses et les échanges avec d’autres personnalités, mais il y a aussi besoin de l’opinion du Parti. Il ne faut rien opposer. Par exemple, la demande de radicalité n’exclut pas l’ouverture. Il évoque les emplois-jeunes et la discussion du budget au Parlement. Il faut répondre aux besoins des communistes, des autres lecteurs et des lecteurs potentiels. C’est pour cette raison qu’il est favorable à ce que « l’Huma » ait une réelle autonomie afin d’être mieux communiste.

Il fait part alors de deux choses qui le gênent dans le rapport. Premièrement, la référence fréquente à ce qui lui semble relever d’une opposition entre « l’Humanité » et les directions du Parti. Deuxièmement, ce que signifie le passage sur les dirigeants nationaux qui ne répondraient pas aux appels à écrire dans « l’Huma ». Il se prononce pour des échanges sur les questions politiques d’actualité. Il comprend qu’il y ait besoin de davantage de journalistes. Il partage l’idée d’un signe fort à donner à la société pour faire savoir que « l’Huma » change et se prononce à propos du financement pour que des coopérations soient aussi envisagées avec les départements.

Pierre Zarka intervient alors dans le débat pour préciser son propos en réponse à Gilles Bontemps. « Quand je dis que les dirigeants communistes, les intellectuels communistes, etc., ne répondent pas aux appels à écrire dans « l’Humanité », je ne vise pas leur expression à partir de décisions déjà prises, mais je pense aux débats de fond où il ne s’agit pas de donner une position arrêtée du Parti, mais d’apporter du neuf dans une réflexion en cours non achevée. Ça ne se bouscule pas beaucoup, par exemple, sur une question comme l’immigration où il s’agit d’explorer. Il n’y a pas assez d’engagement, de ce point de vue, même si je comprends que c’est difficile. »

Il évoque ensuite, toujours en réponse à Gilles Bontemps, qui voyait une opposition dans ses propos entre la direction du journal et celle du PCF, je n’oppose pas « l’Humanité » à la direction du Parti. Je n’ai aucune appréciation désobligeante à l’égard de sa communication, mais ce n’est pas la même chose. Quand il s’agit de la communication ou de l’idée « journal du Parti communiste », c’est le Parti qui parle, quand il s’agit de la presse avec l’éclairage de notre point de vue, c’est le réel qui parle. La presse communiste a vocation à presser le réel comme un citron. Il se n'agit pas d’opposer, il s’agit de deux registres différents. C’est pour ces deux raisons que je parle de « journal communiste ».

Bernard Violain part du fait que nos journaux n’ont pas les moyens financiers de répondre aux attentes que l’on est en droit d’avoir à leur égard. À l’occasion du 29e congrès, la commission nationale de contrôle financier avait alerté les communistes sur les limites d’une gestion par les coûts et par les prix. Cette gestion a sans doute, de l’avis de ladite commission, atteint son seuil. C’est pourquoi il faut défricher de nouvelles voies pour le financement de notre presse, en partant de ce qu’elle apporte d’utile aux citoyens, à la société. La recherche de partenariats doit être envisagée et nous devons avoir d’autres ambitions pour la publicité. La commission avait proposé de regarder à une éventuelle mise en commun de nos moyens et de nos compétences. Cette démarche a pu être interprétée comme étant d’abord une recherche d’économies. C’est certainement un objectif à atteindre, mais l’enjeu est d’optimiser nos moyens et compétences jusqu’à en faire un facteur de progrès de nos activités, un facteur de progrès de notre mutation.

L’orateur traite d’abord des besoins. Ils ne sont plus les mêmes. Ils sont en évolution. Ne les figeons pas. Nous voulons transformer l’état de choses actuel. Notre projet politique a donc changé et nous mettons dans cette perspective notre presse à la disposition du besoin de connaissance, du besoin de confronter sa vie, son opinion, sa conscience à une information rigoureuse, engagée et accessible. Notre fonction communiste a également changé. Notre presse peut permettre le va-et-vient entre la place et le rôle nouveau des communistes et l’intervention politique citoyenne. Elle est un atout d’une interactivité que nous recherchons. Notre mode de vie a changé : débat, démocratie, libre expression de la diversité communiste sont les fondements mêmes de notre fonctionnement. Notre presse devient donc lieu et moyen de ce bougé du mode de vie communiste. Le défi lancé à la presse écrite, c’est qu’elle puisse tout à la fois répondre aux niveau et besoin de lecture et de recherche de sens. Bernard Violain énumère ici diverses motivations d’achat éventuel du journal par différentes catégories de lecteurs.

Reprenant l’expression du « signe fort », il se demande si l’événement ne serait pas de mettre les différents moyens matériels, fonctionnels et humains dont nous pouvons disposer en synergie. Cela pourrait permettre une progression géométrique de nos atouts. Il ne faut pas perdre de vue que ces atouts peuvent être soit capital de possibilités, soit capital à risques. L’orateur avance ici de grands choix possibles. Premièrement, on ne touche à rien de l’existant. Nous ne sommes pas pour le statu quo et cette solution est donc difficilement viable. Deuxièmement, nous considérons que l’existant ne répond plus à ce qu’est notre projet politique, à ce qu’est notre fonction communiste nouvelle, donc cet existant est en inéquation avec nos besoins. Nous avons alors à reconsidérer le dispositif d’ensemble de nos moyens jusqu’à aller vers des décisions d’ordre structurel. Troisièmement, nous n’abordons pas cette question des besoins et nous nous en tenons seulement à la question des moyens financiers. Mais pour quel résultat dans le moyen terme ? Quatrièmement, c’est la recherche directe d’une meilleure efficacité, en travaillant dans les domaines de la gestion et de l’anticipation. La question du redéploiement de nos moyens est posée. Nous devons avoir de grandes ambitions, mais aujourd’hui, du fait de la situation réelle de nos différents moyens de presse, quand le débat « redescend » dans les départements, dans les cellules, tout devient une addition de défis à relever et le possible devient l’impossible.

La commission de contrôle financier ne dit pas qu’il faut tout faire tout de suite. Elle suggère la mise en place d’un collectif de travail qui pourrait faire l’inventaire de tout ce qui est possible d’envisager.

Compte rendu : Patrick Appel-Muller, Jean-Paul Monferran, Charles Silvestre, Arnaud spire, Maurice Ulrich.

La commission chargée de proposer le texte final au comité national a été élue hier matin en début de séance. Elle était composée de Daniel Brunel, Richard Béninger, Jean-Paul Boré, Martine Bulard, Claude Cabanes, Guy Carassus, Jean-Claude Danglot, Brigitte Dionnet, Roland Favaro, Michel Laurent, Marie-France Vieux.


* Le point de presse de Pierre Zarka

Le directeur de « l’Humanité », Pierre Zarka, tenait, hier midi, un point de presse au siège du comité national du PCF. Après avoir brièvement résumé les grands thèmes du rapport qu’il venait de présenter devant les membres de la direction communiste, il a répondu aux questions des nombreux confrères présents.

« L’Humanité » va-t-elle « couper le cordon ombilical avec le PCF » ? Il s’agit plutôt d’en finir avec une conception d’un journal « considéré comme le prolongement institutionnel de la direction du PCF », pour déboucher sur un « journal communiste », ce qui « ne signifie pas que tous les journalistes doivent être membres du PCF », précise-t-il. « L’éditeur est le PCF », le journal a une « orientation éditoriale », il demeure un « journal d’opinion », mais il a « son identité propre » et il s’adresse à tous ceux et celles que le changement de société intéresse. Cela le conduira-t-il à être plus critique à l’égard du Gouvernement ? « Il a déjà commencé », mais il s’agit surtout de bien distinguer « ce qui est le rôle des ministres, des parlementaires, du PCF, du journal », celui-ci ayant, insiste Pierre Zarka, sa fonction « distincte ».

Comment faire face aux besoins de financement pour de tels objectifs ? De plusieurs manières, répond-il, citant l’effort de relance et de diversification des formes de diffusion, la recherche de publicité, l’appel à l’État pour qu’il assume pleinement ses responsabilités en matière de pluralisme, le lancement d’une souscription, la contribution des Amis de l’Humanité, le recours à des partenaires… Ces questions des moyens seront posées « de manière publique ». S’agit-il d’ouvrir le capital comme on l’a écrit parfois ? « Non, mais de rechercher des partenariats avec des entreprises, des associations qui peuvent trouver un intérêt à se faire connaître de nos lecteurs », indique Pierre Zarka, signalant que des expériences de ce type ont été faites pour la Fête de l’Humanité.

Des moyens suffisants pour renforcer la pagination, l’équipe rédactionnelle ? Pierre Zarka le « souhaite » car il ne peut selon lui y avoir de solution que dans « une sortie par le haut » : il ne s’agit pas de simples « ajustements », mais, dit-il, de « profonds changements ». L’« Humanité Dimanche » devenant « l’Humanité Hebdo » à partir du 20 novembre, avec d’importantes transformations, quelles échéances pour « une nouvelle "Humanité" » ? Rappelant que la dernière transformation avait demandé cinq à six mois de préparation, il indique que ce sera « plus long » car il s’agit de quelque chose de « plus radical ». Une « mutation » ? « Incontestablement » : il n’est pas question d’opérer par « petites touches », même si des modifications seront intégrées au fur et à mesure. Refusant de choisir entre « nous figer ou nous diluer », il indique qu’il existe un espace à gauche pour un journal qui permet aux gens de s’informer et d’être « acteurs du changement ».

Date : 30 octobre 1997
Source : L’Humanité

La discussion du comité national (suite)

Nous publions ci-contre la fin de la discussion du comité national du 28 octobre, sur les fonctions de « l’Humanité » et de l’« Humanité Dimanche », notamment l’intervention de Robert Hue et l’« appel » voté par le comité national à l’unanimité de ses présents, à l’issue de ses travaux.

Robert Hue intervient alors à partir de ce qui vient d’être dit : « Je souhaite insister sur la question des moyens. On a tendance à passer un peu à côté, même si évidemment nous devons conduire le débat de fond. Quelles responsabilités devons-nous prendre à cet égard pour être conséquents avec nos intentions et nos décisions ? On a beaucoup souligné, et à juste titre, l’importance de ce comité national. Pourquoi l’avons-nous décidé ?

D’abord pour répondre à la nécessité de relever des défis politiques posés par la situation inédite que nous vivons. Et d’autre part – mais le problème n’est pas moindre – avancer des solutions à la situation financière gravissime de "l’Humanité", avec ce que cela signifie pour le Parti : car effectivement, je considère "l’Humanité" comme existentielle pour le Parti.

Nous avons donc absolument besoin d’un journal communiste. Il s’agit de donner toute sa dimension à une rénovation profonde – pas superficielle – de « l’Humanité » et de l’« Humanité Dimanche ». Et cela, dans une situation apparemment paradoxale : une évolution positive de l’opinion envers le Parti communiste, un espace considérable qui s’ouvre ; et dans le même temps une baisse critique de la diffusion.

Le renouvellement de nos journaux est indispensable à l’accélération de la mutation. J’entends par là dans leur fonction propre et irréductible de journal.

Cela a été répété, et je partage cette vision : l’ouverture ne doit pas conduire à être "moins communiste". Un journal communiste, cela signifie aujourd’hui : lieu de débat, de rencontre, de confrontation, avec un contenu qui soit celui de la mutation du PCF. Par-delà le débat sur "journal communiste" ou "journal du PCF", "l’Humanité" doit être avant tout et toujours plus le journal de la mutation communiste.

Oui à l’autonomie de la rédaction. Cela ne s’oppose pas à une ligne éditoriale qui soit à la fois la politique décidée par les communistes (lors du congrès ou des comités nationaux…) et, dans le même temps, la nécessité de puiser quotidiennement dans l’actualité l’expression du point de vue communiste. Ça ne s’oppose pas. Nous sommes éditeurs du journal. Mais c’est dans la vie qu’il faut apporter une réponse de visée communiste. Le PCF comme éditeur – au sens politique – peut s’attendre à ce que le journal qu’il édite donne une expression claire de ce que sont ses positions – ce qui n’a rien à voir avec le fait d’être le journal officiel du PCF. Une autonomie plus grande ne doit pas signifier distanciation avec les communistes, mais au contraire une interactivité avec eux.

Le débat a posé aussi l’exigence d’une amélioration sensible du contenu pour mieux exprimer ce dont est porteur le mouvement social pour être le lieu d’un véritablement bouillonnement d’idées avec l’expression d’analyses en liaison avec l’actualité.

Il y a beaucoup à travailler encore à l’expression de la diversité. Sur ce point, ne jetons pas la pierre au journal. Sommes-nous nous-mêmes au point dans l’expression de la diversité ? Certainement que bien des efforts restent à faire en la matière.

Je reviens à la question des moyens. Si nous sommes convaincus qu’il y a besoin d’un journal de la mutation communiste, cela implique des engagements. Si l’on veut sérieusement améliorer la qualité du journal, il est indispensable d’avoir davantage de journalistes, une pagination plus importante (à propos des journalistes, je n’ai rien contre l’engagement de journalistes qui ne soient pas membres du Parti, cela peut contribuer à enrichir le collectif de rédaction). En outre, on a exprimé le souhait d’une publication intégrale des comptes rendus du comité national en plus d’une présentation rédactionnelle. Soyons conséquents : tout cela exige des moyens supplémentaires. On les évalue à 10 millions de francs. On sait comment les trouver. D’abord par la diffusion. 20 000 « Humanité Hebdo » et 10 000 « Humanité » supplémentaires, c’est possible. À condition de s’en donner les moyens.

Le débat d’aujourd’hui doit absolument déboucher sur un signe fort : des mesures pour que s’inverse la courbe de la diffusion.

Et puis il y a la souscription. Comme à chaque fois que « l’Humanité » était menacée, on a trouvé une issue, peut-être existe-t-il une certaine tranquillité, l’idée que de toute façon on trouvera une solution. Ne nous racontons pas d’histoires. Il n’existe pas de trésor de guerre caché. Nous sommes face à nos responsabilités.

Il faut poursuivre la discussion jusqu’au bout, c’est-à-dire jusqu’à la question des moyens, par la diffusion et par la souscription. Il faut 10 millions. Nous n’avons pas le choix. On peut sortir des difficultés actuelles par le haut : en se donnant les moyens de faire un journal, des journaux qui soient totalement l’expression vivante de notre mutation. Cet effort est lui-même partie prenante de la mutation. Un champ immense est ouvert pour ce type de presse. Nous avons la politique de ces journaux. Donnons-nous les moyens des journaux de notre stratégie. »

Jean-Michel Bodin estime qu’il y a un fort besoin d’échange sur notre activité politique comme sur nos journaux. Il y a parfois le sentiment qu’on s’en sort toujours à ce sujet, mais à chaque fois, on s’en sort avec un peu moins… Je voudrais d’abord dire ceci : quel apport, « l’Humanité » ! C’est avec le journal que souvent nous sommes devenus communistes. J’approuve le rapport de Pierre Zarka ; dans les débats entre communistes, j’ai trouvé beaucoup d’esprit de responsabilité sur le devenir du journal. Il faudra poursuivre ce va-et-vient avec les communistes ; il faudra trouver les formes pour qu’en permanence ce soit notre patrimoine commun.

Il y a un axe important de la réflexion ouverte par le rapport : produire des idées et les confronter. Je me demande même comment localement nous pouvons intervenir. Le journal peut aider à la construction de repères, c’est d’actualité, mais des repères, ce ne sont pas des vérités toutes faites. À quoi peut servir « l’Humanité » pour se réapproprier la politique ? Il faut examiner cela du point de vue de l’éditeur qu’est le Parti, mais aussi dans le rapport direct entre les lecteurs et le journal.

Sur l’identité, je suis partisan d’un journal communiste dont le Parti est l’éditeur, qui porte les orientations du Parti, mais aussi le débat, c’est-à-dire le journal d’une prise de parti comme quand il a été fondé. Sur l’utilité, j’ai été frappé de voir comment, en novembre-décembre 1995, le journal est devenu celui du mouvement social. Les communistes ont été fiers de le vendre. La question à se poser, c’est : comment prolonger cela en faisant du journal un point d’appui ? Je pense que le débat doit se poursuivre à partir de cette réunion. On peut s’interroger sur la question de savoir comment on s’adresse à chaque adhérent, mais aussi à des gens avec lesquels nous agissons. Surtout, il ne faut pas rester « intérieurs ».

Yves Dimicoli prône une grande ambition pour notre presse : « Elle est en danger comme en témoigne sa situation financière et les extrêmes difficultés dans lesquelles se débattent les équipes rédactionnelles. Mais cette situation doit interdire tout repli frileux ou toute fuite en avant. Le renouvellement de notre presse a partie liée avec notre mutation. Ils réussiront ensemble ou pas du tout. » Estimant que « l’Humanité » doit être le journal du Parti communiste qui a entrepris de muter, il considère qu’aujourd’hui « on cherche à juste titre à dépasser la conception d’organe central, comme les communistes dans leur parti cherchent à dépasser le centralisme démocratique ».

Mais il juge que « l’Humanité » doit être beaucoup mieux un journal d’opinion. Or, elle apparaît, dit-il, sans opinion originale sur un certain nombre de sujets sensibles, les emplois-jeunes par exemple, sur lesquels, en parlant de « rupture », elle a repris purement et simplement « un point de vue gouvernemental ». L’ouverture, ajoute-t-il, doit être productrice d’informations originales. Dès qu’elle le fait, « ça se sait, ça se dit, ça fait événement ». L’information la plus originale à laquelle devrait travailler « l’Humanité » serait celle qui encourage l’intervention citoyenne, « une information objective pour l’intervention constructive ». Si tous les communistes sont en apprentissage sur ce terrain, les difficultés en sont accrues par la pénurie de moyens humains et financiers pour notre journal. Il faut en accepter la critique. L’orateur s’en fait écho en considérant que face aux initiatives gouvernementales le journal a pu développer « une approche beaucoup trop suiviste » : il ne s’agit pas de décerner de bons ou de mauvais points, mais d’éclairer sur les contradictions des positions avancées par le Gouvernement et de révéler l’utilité, le caractère indispensable pour l’intervention constructive de contre-propositions communistes. Il incite à enquêter sur les expérimentations faites par les communistes à tous les niveaux de cette nouvelle méthode politique.

Il juge dépassée la séparation entre information et commentaire, souligne la grande responsabilité que constitue le fait d’être journaliste à « l’Humanité » et à l’« Humanité Dimanche », et l’exigence d’un lien fort et créatif des journalistes avec les communistes à tous les niveaux, d’une formation permanente. Il estime nécessaire que « l’Huma » traite mieux deux questions très liées : l’utilisation de l’argent pour l’emploi en mettant en place une « campagne éditoriale permanente » avec ses moments pédagogiques, ses moments de recherches, d’enquêtes, ses révélations, ses débats », mais aussi les questions européennes en poussant en avant systématiquement face à la monnaie commune, notamment à l’occasion des initiatives « euro constructives » des 14 décembre et 18 janvier prochains.

Il souhaite la mise en place d’une rubrique à part entière intervenant sur les questions économiques et sociales. Cela permettrait, dit-il, « de traiter de façon moins unilatérale et naïve les déclarations de gens comme Liem Hoang Ngoc qui est pour la monnaie unique, ou de Thomas Coutrot qui est favorable à la loi Robien ».

En conclusion, il estime que le lancement de la nouvelle formule de l’« Humanité Dimanche » exige pour sa réussite l’association de tous les communistes à tous les niveaux. C’est indispensable si l’on veut les mobiliser dans un effort sans précédent de diffusion.

Patrice Cohen-Séat estime que « l’Humanité » est à la fois un atout considérable, une chance extraordinaire, une responsabilité pour ceux qui la font, qui va bien au-delà des communistes. Journal du PCF ? « L’Humanité » l’est, évidemment, puisque le Parti communiste en est l’éditeur. Journal communiste ? Évidemment aussi, sinon à quoi servirait que le Parti ait un journal. « La vraie question est : "Un journal communiste du Parti communiste, comment ? Pour quoi faire ? Pour qui ?" » La diffusion actuelle – 60 000 exemplaires – montre que les lecteurs de « l’Huma » sont « le cœur militant communiste ». Le journal apparaît comme ayant une fonction essentielle d’organisation au sens large du collectif communiste. De fait, « les communistes parlent aux communistes ». Est-ce notre volonté ? Non. Mais c’est la réalité. Plusieurs camarades ont dit que l’acte d’achat de « l’Humanité » est un « acte lourd ». Mais n’est-ce pas la spécificité d’un journal d’opinion que d’être identifié comme tel par celui qui l’achète ?

Ce que nous dit la réalité, c’est qu’en achetant « l’Humanité », on s’identifie soi-même et par rapport au monde comme étant communiste. Peut-on faire autrement ? Cela suppose de changer l’image du journal, ce qui pose la question du contenu, mais aussi celle de son histoire.  Patrice Cohen-Séat évoque alors deux pistes. D’agissant du contenu, il s’agit d’affirmer fortement un changement : « Ce ne serait plus les communistes qui parlent aux communistes », mais « un journal où tout ce qui bouge, lutte, souffre, réfléchit à une visée de libération humaine, peut se voir, se reconnaître, se retrouver. » Cet effort a déjà commencé. Mais il s’agit de changer d’échelle et de braquet. Dans le même temps, accueillir tout ce qui bouge ne veut pas dire accueillir tout ce qui bouge ne veut pas dire accueillir n’importe quoi, et surtout pas n’importe comment. Il faut que la visée communiste vive et c’est une nécessité que « l’Humanité » soit bien le journal des communistes.

Comment conjuguer « tout ce qui bouge » et la visée communiste ? Une certaine conception de l’ouverture peut ramener à la dualité de ce qui relèverait, d’un côté de la visée communiste, et, de l’autre côté, de ce qui serait ouverture par rapport à celle-ci. Cela ne ferait que reproduire l’idée qu’il y aurait quelque part une « vérité communiste ». Patrice Cohen-Séat préfère poser la question ainsi : « Il n’y a pas de dualité entre ce qui serait communiste et non communiste. Mais comment faire vivre la visée communiste à partir de tout ce qui bouge dans la société ? » Dans ce cadre, la question du rapport entre le journal et le Parti doit être repensée. Il ne s’agit pas d’en rabattre sur la place du Parti, il s’agit d’être plus fort, plus net dans le fait de considérer le Parti comme un élément essentiel de ce qui bouge, mais de le traiter dans un autre rapport, celui d’un organe de presse à une force politique.

« C’est une question difficile, qui demande de changer des habitudes, de changer de culture. » Patrice Cohen-Séat conclut en disant qu’il faut des signes forts s’agissant de « l’Humanité », parce qu’il y a urgence et parce qu’il y a besoin d’un renversement de situation. « Il nous faut non seulement changer, mais faire savoir que l’on change. » Il estime nécessaire que soit élaboré un projet de presse, qui, le moment venu, pourrait être l’objet d’un nouveau débat du comité national.

Marie-France Vieux, sur la base des débats dans la fédération du Rhône, note que cette séance de travail est attendue par les communistes, qui sont attachés à leur presse et dont ils veulent être les maîtres. Elle fait état d’une forte émotion à la lecture des chiffres publiés par « l’Humanité », qui font prendre au sérieux la situation. Dans le département, la culture du débat s’est exercée autour de ce questionnement : comment, à partir des gens, de leur perception de la réalité, on ouvre le chemin des possibles ? Notre presse, dit-elle, doit travailler sur le mouvement, donner des pistes pour l’intervention de chacun, en donnant, bien entendu, l’opinion des communistes.

Nous avons, souligne-t-elle un effort important à faire pour nous adresser à tous les citoyens, pour qu’ils trouvent dans le journal une utilité dans leur vie, de l’intérêt, et qu’ils trouvent du plaisir à le lire. Un journal utile aux citoyens est un journal utile aux militants. Notre presse peut nous permettre d’avoir un rapport permanent avec la société, alliant la proximité à la dimension nationale, traitant mieux le fait régional, avec, propose-t-elle, des journalistes dans les régions. Concernant la diffusion, elle note que les CDH, pour l’« Humanité Dimanche », le portage pour « l’Humanité » quotidienne, sont une richesse à retravailler pour la démultiplier, en même temps qu’il faut travailler à d’autres formes de diffusion, en rendant les lecteurs partie prenante quand bien même ils ne sont pas communistes. Elle estime que les moyens financiers nécessaires doivent faire l’objet de décisions collectivement assumées.

Charles Marziani estime que le rôle de la presse communiste découle de la nouvelle fonction communiste. Nous cherchons, dit-il, à valoriser l’intervention des individus, à partir d’eux pour la transformation sociale. Il ne s’agit pas tant d’éclairer les gens, mais de créer les conditions de leur intervention, de leur mise en mouvement. Dans le même temps, note-t-il, si le communisme a à voir avec « le mouvement réel qui abolit l’état de choses actuel », selon la formule de Marx, il a à voir avec le sens et le contenu que son action peut donner. La question de l’apport communiste à la société est importante pour donner un sens et il a une visée communiste qu’il faut identifier. Concernant les journaux, ils sont à la fois, en s’ouvrant sur la société, des objets dans l’actualité et dans l’information diversifiée qui ne se réduit pas au social et au politique, et des objets qui aident à changer la société. Il souhaite un contenu plus dynamique qui donne à comprendre ce qui se passe dans le champ des idées et des pratiques sociales. Il faut que l’on s’efforce de donner ce qu’il y a de plus significatif dans le mouvement de la société. Prenant l’exemple de cités populaires, il souligne que, s’il s’agit d’évoquer la crise, il s’agit aussi de donner à voir et à comprendre les nouveaux liens sociaux en formation. « Donner à comprendre la crise et les prémices de son dépassement ; nos journaux peuvent nous aider. »

Il pose une exigence de qualité de l’information, dimension importante de positionnement du lecteur. Et en appelle au-delà du commentaire des faits à l’implication personnelle des journalistes. Il relève un besoin d’analyse, de sens profond qui doit passer par l’expression des journalistes, de spécialistes, de militants, de responsables du PCF. Notant qu’il n’a pas envie d’avoir dans le journal des communiqués ou des positions finalisées, il interroge : à qui s’adressent nos journaux ? « Il faut, estime-t-il, qu’ils s’adressent à tous ceux qui veulent un changement dans la société, et qu’ils s’adressent aussi aux militants. C’est un élément d’unification de leur action. »

Sur la diffusion de l’« HD », il pense que la diffusion militante doit s’adapter au militantisme d’aujourd’hui, à la fois collectif, mais aussi individuel. Comment permet-on à des individus communistes et autres d’utiliser ce support ? interroge-t-il.

Pour Joëlle Greder, la transformation de « l’Humanité » en journal communiste d’un nouveau type découle d’une double nécessité à la fois financière et de diffusion, mais c’est aussi un enjeu du monde d’aujourd’hui et de transformation de cette société en un monde plus juste et plus fraternel. La mutation a besoin d’un journal communiste d’un type nouveau, la mutation et sa presse sont un même mouvement, mais avec chacun son originalité. Il s’agit de répondre aux besoins des hommes et des femmes qui veulent penser par eux-mêmes et non pas avec une presse communiste qui amène un ralliement. Il faut, dit-elle, « renverser l’idée que lire la presse communiste suppose un accord préalable avec les positions du PCF ». Elle demande un signal fort, notamment en direction de tous ceux qui sont impliqués dans le mouvement social et nous regardent avec attention.

Elle appelle un journal qui permette de se faire une option développant l’esprit critique, citoyen où l’on puisse trouver une info de qualité. Elle prend l’exemple du cahier spécial sur Papon et de son impact chez les jeunes. Pour elle, le journal doit offrir des analyses plurielles des situations et doit être un lieu de confrontation de ses analyses, dont les analyses du PCF. Un lieu d’échanges, d’expériences pour mieux comprendre le monde qui bouge. « Tout est matière à réflexion dans le mouvement des consciences, dit-elle, qu’il s’agisse de la politique, des questions de l’environnement, du mouvement culturel, sportif. Il faut innover de façon audacieuse dans tous les champs de la vie. Nous avons entrepris de dépasser le centralisme démocratique. »

Cela nous emmène loin et, s’agissant de « l’Huma », il s’agit de dépasser dans le Parti les relations verticales. D’accord avec le rapport, note-t-elle, sur la question des relations entre l’éditeur – le PCF – et la liberté et la créativité des journalistes. Les débats préparatoires, poursuit-elle, ont marqué l’attachement des communistes à « l’Humanité », mais aussi parfois la crainte que « l’Humanité » soit moins communiste. Les travaux d’aujourd’hui portent des réponses et les débats doivent se poursuivre. L’adhésion des communistes sur le fond est liée à leur plus grande implication dans la diffusion. Réfléchir à l’intervention personnelle des communistes dans la diffusion est une grande question pour « l’Humanité » et pour le Parti. Elle conclut en souhaitant que la sortie du nouvel « Humanité Hebdo » marque un changement profond dans notre façon de la préparer.

Martine Bulard tient à souligner, à propos de la nouvelle formule de l’« Humanité Dimanche », que « nous ne sommes pas partis de rien ». Il y a eu le questionnaire adressé aux lecteurs et aux CDH, puis les débats à la Fête de l’Humanité, la discussion ouverte dans les colonnes du journal, à laquelle ont pris part des communistes, des secrétaires fédéraux, des CDH, des personnalités… Entre aujourd’hui et le 20 novembre, nous allons continuer à travailler. La nouvelle formule sera donc le résultat d’un débat engagé depuis plusieurs mois, qui ne s’arrêtera pas d’ailleurs avec la parution du premier numéro.

Compte rendu : Patrick Appel-Muller, Jean-Paul Monferran, Charles Silvestre, Arnaud Spire, Maurice Ulrich.

* Appel du comité national du Parti communiste français

Le comité national du Parti communiste français s’est réuni le 28 octobre avec à son ordre du jour : les fonctions de « l’Humanité » et de l’« Humanité Dimanche ». Ses travaux et décisions seront portés à la connaissance de l’ensemble des communistes afin de poursuivre et d’enrichir le débat dans la mise en œuvre des décisions.

Le rapport comme la discussion sont porteurs de la volonté manifestée par les adhérents, dans le débat préparatoire à ce comité national, de voir leurs efforts pour faire vivre la mutation communiste, inspirer la réflexion sur le renouvellement des fonctions de leur presse et de ses relations avec les communistes et les lecteurs. En ce sens, ces travaux marquent une nouvelle ambition pour inscrire l’existence et le développement de la presse communiste dans la réussite de la mutation du Parti communiste français.

La discussion a permis d’affirmer le rôle spécifique des journaux communistes. Par leur apport, notre quotidien et notre hebdomadaire fournissent à chaque lectrice et lecteur des éléments pour se faire leur opinion et intervenir sur les réalités sociales et leurs enjeux politiques. C’est dans le renouvellement profond de leurs fonctions pour faire vivre la mutation communiste que nos deux titres peuvent relever les défis auxquels ils sont confrontés : contribuer à l’essor d’une citoyenneté active et de la volonté de s’impliquer dans la construction du changement. Mieux répondre aux attentes des adhérentes et des adhérents, et de toutes celles et ceux qui aspirent au changement ; favoriser le déploiement de l’activité des communistes et élargir leur influence. Et par là même assurer un nouveau rayonnement de notre presse et un développement de sa diffusion.

La crise de la presse est une réalité et la situation de nos journaux est critique. Mais ceux-ci ont en même temps de l’avenir.

S’appuyant sur de nombreux atouts originaux, la direction de « l’Humanité » et les rédactions de l’édition quotidienne et de l’hebdomadaire se sont engagées dans un processus de profond renouvellement de la presse communiste.

« L’Humanité » quotidienne prépare non pas une amélioration de la formule actuelle, mais bien une nouvelle « Humanité », ce qui demandera pour celles et ceux qui la conçoivent effort, engagement personnel et temps pour répondre aux exigences de qualité d’un grand quotidien communiste.

L’« Humanité Dimanche » est le titre de la presse communiste le plus diffusé. Le débat lancé il y a six mois sur les fonctions des journaux communistes, dont « l’Humanité Dimanche » s’est fait chaque semaine l’écho depuis la rentrée, a nourri et amplifié les changements dont témoignera le nouvel hebdomadaire communiste : « l’Humanité Hebdo ». Sa sortie est prévue le 20 novembre.

« L’Humanité Hebdo » a de grandes ambitions : répondre aux fortes attentes de la société, prolonger et éclairer l’actualité, être un vecteur d’intervention citoyenne, offrir de nouveaux horizons et donner du plaisir aux lectrices et lecteurs. Il veut être aussi le trait d’union des espaces citoyens en construction.

Le changement de titre vise à la fois à montrer l’importance des transformations rédactionnelles et l’ambition d’un élargissement de sa diffusion. Cette diffusion s’appuie sur l’activité militante et notamment sur les CDH qui constituent un bien précieux. C’est un atout majeur à condition qu’elle soit profondément renouvelée et redynamisée. Dans le même temps, en lien avec les cellules, peuvent se créer, sous des formes diverses à inventer, de nouvelles relations entre les communistes, le journal, ses diffuseurs, ses lecteurs. De même peuvent être mis en place de nouvelles bases de diffusion au travers de l’abonnement.

Le lancement le 20 novembre de « l’Humanité Hebdo » doit faire événement dans la vie politique et dans la vie des médias.

Le comité national du Parti communiste français invite l’ensemble des communistes à assurer le succès de ce lancement par le nombre d’exemplaires diffusés, par les milliers de points de rencontre animés dans tous les lieux publics, par la diversité et le nombre de celles et ceux qui seront associés à la diffusion.

L’offre du numéro 2 à tous les nouveaux lecteurs permettra la semaine suivante de poursuivre le dialogue avec eux et de contribuer à l’objectif de gagner 20 000 lecteurs supplémentaires.

Faire que « l’Humanité » et « l’Humanité Hebdo » soient des journaux communistes de notre temps, telle est notre ambition.

Ils ne pourront franchir cette étape sans un élargissement de leur diffusion et sans des moyens financiers importants et nouveaux.

Dès maintenant, une souscription exceptionnelle de 10 millions de francs est lancée, visant conjointement l’activité des communistes et le soutien à leur presse « l’Humanité » et « l’Humanité Hebdo ».

Une souscription de 10 millions de francs

Le comité national du PCF a décidé le lancement d’une souscription exceptionnelle visant conjointement l’activité des communistes et le soutien à leur presse. Nous publions ci-dessous l’appel lancé par le trésorier national, Roland Jacquet, et le directeur de « l’Humanité », Pierre Zarka.

« La situation inédite issue des élections législatives du printemps dernier est propice au déploiement de l’activité des communistes et rend plus nécessaire le rayonnement de leur presse, notamment « l’Humanité » et « l’Humanité Hebdo ».

Le Parti communiste français veut se rendre utile à l’intervention citoyenne pour obtenir toutes les avancées possibles et réussir le changement tant espéré, tant souhaité par la grande majorité de celles et de ceux qui vivent dans notre pays. Il est à l’initiative de la création d’espaces citoyens ; intervient sur tous les sujets d’actualité ; organise une grande campagne pour la renégociation des engagements européens de la France et l’obtention d’un nouveau référendum ; contribue à l’activité de ses parlementaires, relais citoyens efficaces et constructifs dans les assemblées.

Dans la tourmente de la crise de la presse, « l’Humanité » et « l’Humanité hebdo » entendent bien relever le défi : être des journaux communistes de notre temps pour mieux répondre aux attentes et aller à la conquête de nouveaux lecteurs. Ils ne peuvent franchir cette étape sans moyens importants.

Vous qui avez participé ces dernières années aux souscriptions, soit du Parti communiste français, soit de son candidat à l’élection présidentielle, Robert Hue, soit de sa presse, vous êtes particulièrement bien placés pour mesurer les énormes besoins financiers qui se font jour aujourd’hui. C’est pour cela qu’est lancée une souscription exceptionnelle de 10 millions de francs visant conjointement l’activité des communistes et le soutien à leur presse, « l’Humanité » et « l’Humanité Hebdo ».

Nous nous adressons à vous pour la réussite de cette souscription, en sollicitant votre contribution, celle des personnes qui vous entourent. »