Point de presse conjoint de MM. Roland Dumas, ministre des affaires étrangères, et Vladimir Méciar, premier ministre de Slovaquie, sur les relations franco-slovaques et la mise en place de l'Etat slovaque, Bratislava le 12 janvier 1993.

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Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage officiel en Slovaquie le 12 janvier 1993

Texte intégral

Le ministre : Je viens d'être reçu par le Premier Ministre, avec lequel j'ai eu un long entretien amical et fructueux. M. le Premier ministre a bien voulu m'exposer les conditions dans lesquelles se mettaient en place le nouvel Etat, la république de Slovaquie, qui est issue des décisions qui ont été prises au cours de l'année 1992 et qui a pris naissance au début de cette année 1993.

Il s'agit d'une tâche immense qui attend les dirigeants de la Slovaquie, et j'ai pu assurer le Chef du gouvernement de la disponibilité de la France à aider la Slovaquie dans cette perspective-là.

Le désir du gouvernement français et le message que je voulais transmettre aux autorités de la Slovaquie était le suivant : d'abord, la France entend participer à cette mise en place de l'Etat slovaque, et ceci dans tous les domaines qui s'offrent à nous, économique, financier et culturel ; ensuite, participer, dans la mesure où la Slovaquie le souhaitera, à la reconversion industrielle de ce pays. Les entreprises françaises sont déjà présentes ici et les conditions qui leur seront faites permettront sans doute d'accroître leur participation à l'essor économique de ce pays. Enfin, troisième message indiqué à nos partenaires slovaques, pour lesquels nous avons une grande sympathie, qui est que la France peut aider à leur insertion dans le concert international. D'abord, dans les relations avec la CEE ; des arrangements étaient intervenus entre la CEE et l'ancien Etat fédéral ; ces arrangements doivent être transmis, dévolus aux nouveaux Etats, et la France se fera volontiers l'avocat de la Slovaquie dans les enceintes communautaires pour faire que le rapprochement entre la Slovaquie et la Communauté ne subisse aucun retard. Je ferai part de cette volonté dans les jours qui viennent au Président de la Commission des Communautés, M. Jacques Delors. Je voudrais exprimer en votre présence, Mesdames et Messieurs de la presse, mes sentiments de reconnaissance et mes remerciements à M. le Premier ministre pour la qualité de l'entretien que nous avons eu. Merci.

M. Meciar : Mesdames et Messieurs, M. Dumas est le premier représentant gouvernemental qui a visité notre République. Etre le premier est très important et nous sommes très reconnaissants de ce fait.

Je peux confirmer le contenu de nos discussions tel qu'il a été présenté par M. le Ministre. Dans peu de temps, une visite de M. le Ministre des Affaires étrangères, M. Knazco, aura lieu en France et nous allons poursuivre nos discussions en ce sens. L'espace de coopération possible dans le cadre des Communautés et dans le cadre des accords bilatéraux est si vaste que cela exigera encore plus de rencontres afin de pouvoir préciser ces besoins. Le gouvernement de la République slovaque s'efforcera de tout faire afin que nous puissions aboutir le plus tôt possible à une coopération fructueuse et concrète. J'ai demandé à M. le Ministre de transmettre le message de témoignage de notre reconnaissance, et nos hommages, à M. Mitterrand ainsi qu'aux représentants du gouvernement français.

Question : (sur les difficultés au sein du journal "SMENA" et sur la liberté de la presse).

M. Meciar : Naturellement, un tel événement ne peut pas échapper à l'attention du gouvernement. Le gouvernement n'a pas initié, n'a pas influencé ce processus.

Une partie des rédacteurs de "SMENA" avait décidé de créer une société privée par actions au début de cette année, le journal "SMENA" étant propriété de la Fondation de la jeunesse et des enfants de la Slovaquie. Le rédacteur en chef était chargé de libérer deux rédacteurs et puis de partir lui-même, ce qui aurait mis hors de service la totalité de la rédaction. La Fondation de la jeunesse et des enfants avait donc décidé de la suspension de ses fonctions, et la rédactrice en chef lui avait proposé le poste de son adjoint. Il n'y a aucun motif politique. Si nous voulons avoir de bonnes sociétés privées, nous devons accueillir cela, cependant il existe aussi quelque chose comme la loyauté envers l'employeur précédent. Ils auraient pu le faire aussi de façon à se préparer d'une autre manière à la situation nouvelle. En Slovaquie, il ne peut exister un rédacteur auquel le gouvernement interdirait d'écrire ; il n'existe aucun article qui serait censuré, il n'existe aucun journal qui serait limité par le gouvernement dans sa liberté d'écrire. Malheureusement, puisque cet Etat est devenu indépendant, il est convenable qu'il soit représenté comme non-démocratique. Et ce sont les mêmes qui n'ont pas souhaité que cet Etat soit créé qui le disent. Le gouvernement peut ne pas nous plaire, moi aussi les journalistes peuvent ne pas me plaire, mais nous avons besoin les uns des autres.

Question : Comment le citoyen slovaque ressentira-t-il la visite de M. Dumas, quelle sera la répercussion de cette visite dans la vie courante de nos citoyens ?

M. Meciar : Les sociétés françaises sont présentes déjà sur le terrain, elles ont fait beaucoup de travail et elles continueront aussi dans le domaine de la reconversion de l'industrie slovaque. La France avait supporté notre appartenance à l'ONU, et donc, après les vœux de la Saint-Sylvestre, il est possible que le 19 janvier, nous levions la coupe encore une fois.

Question : M. le Ministre, devons-nous comprendre dans la priorité de votre visite à la République slovaque que vous voyez des possibilités plus amples en Slovaquie qu'en République tchèque ?

Le Ministre : Je suis allé à d'autres moments à Prague et, allant à Prague, je venais également à Bratislava. Mais je n'étais pas venu à Bratislava depuis que la Slovaquie a déclaré son indépendance. Donc, l'occasion était trop belle pour le ministre des Affaires étrangères de la France de se manifester en premier, comme vient de le rappeler M. le Premier ministre.

Et je saisirai de la même façon la première occasion de me rendre à Prague, mais ce ne sera pas ma première visite à Prague. En tout cas, au-delà de ces considérations de calendrier, je tiens à dire que ma visite ici avait un but précis, qui était de manifester la volonté française de saluer l'indépendance de ce nouvel Etat, de porter quelque considération aussi au fait que cette séparation de l'Etat fédéral s'est opérée dans des conditions pacifiques. Sans doute les historiens discuteront-ils de l'opportunité qu'il y avait à faire cette séparation, qui est un travail d'avenir, mais pour nous, qui sommes mêlés à la vie quotidienne des nations, avec toutes leurs complications, nous constatons ce phénomène pour nous en réjouir, nous réjouir de la sagesse du peuple tchèque et du peuple slovaque que de l'avoir fait dans ces conditions. Et je suis venu en prendre acte.