Déclaration de M. Claude Cheysson, ministre des relations extérieures, en réponse à deux questions sur les conditions de retrait des troupes françaises du Tchad, à l'Assemblée nationale le 10 octobre 1984.

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Tchad : réponse de M. Claude Cheysson à une question d'actualité de M. Michel Debré, à l'Assemblée nationale, le 10 octobre 1984

Je suis reconnaissant à M. Debré de me permettre de clarifier parfaitement les choses. Pourquoi avons-nous envoyé nos troupes au Tchad à la fin du mois de juillet 1983 ? Parce que le Président du Tchad, reconnu par la Communauté africaine, nous avais demandé d'arrêter une invasion étrangère. Elle a été aussitôt arrêtée. Parce qu'il souhaitait que cette invasion étrangère cessent que les troupes étrangères qui étaient entrées au Tchad reculent et regagnent les positions qu'elles occupaient auparavant. C'est ce que prévoit l'accord que j'ai conclu à Tripoli, au nom du Gouvernement français. Il prévoit, en effet, le retrait total, concomitant et définitif des troupes libyennes et françaises et précise que toute violation de l'engagement par une partie en délierait l'autre. Sa brièveté s'accompagne d'une détermination bien marquée. Nous sommes allés au Tchad avec nos troupes parce que les Libyens y étaient entrés. Nous y sommes restés tant qu'ils y restaient. Nous en partons s'ils en partent. Nous y reviendrons s'ils reviennent. Cela ne peut pas être plus simple et plus net.

Monsieur le Premier ministre, vous m'avez également demandé si nous avons parlé avec les Libyens de la situation intérieure tchadienne. Nous nous en sommes bien gardés : de quel droit les Libyens émettraient-ils un avis sur la situation intérieure tchadienne ?

Je vais plus loin. L'accord sur le retrait a été retardé par le fait que, pendant des mois, les Libyens voulaient obtenir de nous une discussion sur le thème : qui dirige le Tchad ? Ce n'est pas l'affaire des Libyens.

Qui dirige le Tchad ? Celui qui est reconnu par l'Afrique comme son Président, c'est-à-dire le Président Hissène Habré. C'est à lui que va notre appui. C'est par lui que passe notre coopération. C'est à travers lui que le soutien de la France à la République du Tchad continuera à être assuré comme il l'est depuis des années.

La réponse à votre question, monsieur Debré, ne peut être plus simple. Permettez-moi cependant d'ajouter, puisque vous avez évoqué ce sujet, que la France a gagné en Afrique un prestige considérable. On sait que nous tenons notre engagement. S'il avait fallu rester cinq ans, nous serions restés cinq ans. Nous serions restés si les Libyens étaient restés. Nous resterons si les Libyens ne partent pas.

Voilà la parole de la France. Elle a été tenue. Ce n'est pas la première fois, et les conditions dans lesquelles nous sommes partis du Liban nous ont également valu une estime que n'ont pas nécessairement obtenue nos alliés. La France tient sa parole, c'est tout. Pour l'Afrique, c'est important…


Tchad : réponse de M. Claude Cheysson à une question d'actualité de M. Vivien, à l'Assemblée nationale, le 10 octobre 1984

Monsieur le député, me permettez-vous d'abord de relever un mot de votre début d'intervention. Vous avez dit : « La France poursuit son désengagement militaire, qui devrait être accompagné d'un désengagement militaire simultané des troupes libyennes ». Le mot « devrait » ne correspond pas à notre thèse. Notre désengagement militaire est accompagné d'un désengagement militaire simultané des troupes libyennes, faute duquel il n'y aurait pas de retrait français. J'ai déjà insisté sur ce point tout à l'heure et j'y insiste de nouveau.

Le problème de la souveraineté au Tchad ne s'est jamais posé pour nous, non plus d'ailleurs que pour l'immense majorité des pays africains.

La souveraineté du peuple tchadien s'exprime à travers le chef d'État de la République du Tchad, reconnu par l'Organisation de l'Unité africaine. Il n'y a pas de souveraineté à restaurer. Il y a en revanche, c'est vrai, une intégrité du territoire national tchadien à restaurer. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure à M. Debré, notre opération militaire avait pour objet d'obtenir l'arrêt des troupes libyennes puis leur retrait. Alors une fois ce retrait assuré l'intégrité sera restaurée.

Cela fait justice des soupçons qui nous ont été souvent porté, selon lesquels nous voudrions partager le Tchad. Il n'en a jamais été question. Pour nous, la République du Tchad, comme les autres États d'Afrique noire doivent être maintenus dans leur intégrité et nous retenons volontiers l'approche des pays africains, pour lesquels cette intégrité est celle qui existait à la fin de la période coloniale.

Ainsi, en effet, la coopération entre nos deux pays pourra se développer plus largement. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, notre coopération, par l'intermédiaire du gouvernement légal et légitime de N’Djamena, se poursuit comme auparavant. En 1983, quelques 175 millions de francs ont été affectés à l'aide civile, plus de 75 millions de la caisse centrale de coopération économique, auxquels se sont ajoutés 85 millions de francs provenant de la Communauté économique européenne. Les programmes de 1985 sont du même ordre et portent sur le même type d'opérations. Une aide alimentaire importante est prévue, dont une partie a été livré en urgence, compte-tenu de l'horrible sécheresse qui frappe actuellement le sud du Tchad. C'est ainsi que, lundi dernier des avions sont partis de France pour apporter les premiers tonnages de céréales. Nous espérons que la Communauté européenne agira aussi rapidement.