Editorial de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, dans le 1er numéro de "La Revue socialiste" du printemps 1999, sur la décision de redonner vie à ce titre.

Prononcé le 1er mars 1999

Intervenant(s) : 

Média : La Revue socialiste

Texte intégral

Lancer une revue est toujours une belle et téméraire aventure. Nous nous y sommes essayés à plusieurs reprises dans notre histoire : c'est une entreprise difficile, exigeante, mais nécessaire.

En décidant de redonner vie à la Revue Socialiste, nous avions tout cela en tête. Le monde a tellement changé, et si vite ! Les Trente glorieuses sont déjà loin, tout comme la crise elle-même a évolué dans ses structures, ses causes et ses conséquences. La globalisation de l'économie est passée par là avec, en toile de fond, la fin d'un monde excessivement bipolaire et la montée en puissance de l'Europe.

Les sociétés bougeaient parallèlement, libérant les énergies et les moeurs, encourageant l'individualisme, bouleversant le monde du travail et de l'entreprise, inventant de nouveaux comportements et de nouvelles cultures.

Le socialisme lui-même a fait sa mue. Né des révolutions industrielles de la fin du XIXe siècle, puisant ses racines dans la Révolution française et l'affermissement de l'idée républicaine, il a traversé le siècle, avec ses contradictions et ses paradoxes, mais sans jamais se départir de son inextinguible volonté de justice sociale. Le Parti socialiste a toujours été de ces partis où règne l'esprit de la disputation, du débat contradictoire, de la construction intellectuelle et de l'imagination conceptuelle.

Il a toujours été cette agora où s'incarnent les idées d'aujourd'hui et où germent celles de demain.

Alors qu'un socialisme moderne est en train de s'épanouir dans toute l'Europe et que la planète semble se « rétrécir » sous l'effet de bouleversements technologiques et informationnels radicaux, nous avons eu à coeur de reposer les questions.

Nous le faisons à notre place, sans penser rivaliser avec qui que ce soit, mais avec la ferme intention, malgré tout, de contribuer pleinement à l'animation du débat intellectuel. Cet enjeu est crucial pour la gauche. En Europe, il prend des formes diverses, et ce sera l'une des principales originalités de La Revue Socialiste que de s'en faire régulièrement l'écho. Onze des quinze pays de l'Union européenne sont gouvernés par la gauche. Une même volonté est à l'oeuvre. Il nous faut savoir saisir cette opportunité tout à fait inédite pour confronter les expériences, les politiques et les choix des socialistes et sociaux-démocrates européens.

Ainsi avons-nous voulu regarder de près la proposition d'une « troisième voie », formulée par Tony Blair.

Elle ne saurait néanmoins être la seule, et il revient aux socialistes français de la mettre en regard de leurs propres conceptions. Avoir fait le deuil de l'économie administrée ne saurait nous dispenser de consolider le service public ou de conforter l'État dans son rôle déterminant de médiateur, de régulateur et de catalyseur. Les défis auxquels la gauche européenne doit faire face sont connus : il s'agit bien de rompre avec la logique libérale, de domestiquer la compétitivité, de garantir à tous les moyens essentiels d'une vie décente, de lutter pour l'emploi, pour la croissance, de préserver notre environnement et de promouvoir des solidarités nouvelles.

La Revue Socialiste doit contribuer à faire émerger une pensée politique autour de laquelle la gauche européenne, dans son ensemble, saura se retrouver et s'enrichir mutuellement.

Sans complaisance, sans autosatisfaction, mais en acteurs désireux de répondre aux attentes d'aujourd'hui et de préparer le socialisme de demain.