Articles de Mme Arlette Laguiller, porte parole de Lutte ouvrière, dans "Lutte ouvrière" des 2, 9, 16, 23 et 30 juillet 1999, sur la deuxième loi sur les 35 heures, les emplois jeunes, l'OPE Totalfina et Elf et la baisse des taux d'intérêt des livrets A.

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Média : Lutte Ouvrière

Texte intégral

Lutte ouvrière – 2 juillet 1999

Deuxième loi Aubry : il faut les arrêter !

Le projet de la deuxième loi Aubry, dite « des 35 heures », vient d’être officiellement présenté.
La première loi Aubry a déjà été un cadeau pour le patronat. Trente-cinq heures, tout le monde serait évidemment pour, si cela signifiait travailler moins. Mais on ne travaillera même pas nécessairement moins. En revanche dans toutes les entreprises, notamment dans les grandes comme Renault, Peugeot-Citroën et bien d’autres où des accords ont été signés, les travailleurs font la triste expérience d’une aggravation de leurs conditions de travail. Les 35 heures à la sauce Aubry première version, c’est surtout l’annualisation et la flexibilité des horaires de travail. C’est travailler quand le patron le décide et chômer quand cela l’arrange, travailler le samedi à son bon vouloir, sans pouvoir refuser, et sans même être payé en heures supplémentaires. Il faut ajouter à tout cela l’odieuse mesquinerie de la déduction des temps de pause du temps de travail.
Et tout cela, ce serait parce que le patronat a détourné la loi à son profit ? Mais non !
C’est la loi elle-même qui n’est pas faite pour les travailleurs, mais au contraire pour donner au patronat plus d’armes légales contre les travailleurs.
Cette loi qui organise la flexibilité ne permet pas de créer des emplois, contrairement aux mensonges répétés par les ministres. Car, si les patrons tiennent tant à la flexibilité, c’est justement pour pouvoir faire face aux à-coups de la production sans avoir à embaucher.
Mais il a suffi que le patronat crie misère, partant du constat que, plus il crie, plus le Gouvernement lui fait des cadeaux, pour que Martine Aubry fasse de nouvelles concessions. Le projet de la deuxième loi prévoit une période de transition d’une année pour les grandes entreprises, de deux ans pour les petites. Pendant cette période de transition, la loi fait grâce aux patrons de la majoration de 25 % des heures supplémentaires. Ils n’auront à payer que 10 %, et encore, cette somme ne sera pas versée aux travailleurs, mais à un fonds. Façon de faire payer aux travailleurs les heures supplémentaires que leur patron leur impose !
Le passage de 39 à 35 heures, sans diminution de salaire, devrait se traduire par une augmentation générale du SMIC de 11,4 %. Le patronat le refuse. Aubry aussi. Elle propose un système compliqué créant un sous-SMIC et deux catégories de smicards.
Et pour inciter ces messieurs les patrons à appliquer une loi entièrement en leur faveur, le Gouvernement va accorder une nouvelle série de réductions de charges sociales sur les salaires inférieurs à 12 000 francs par mois ! Ce qui signifie au bas mot un cadeau de 65 milliards au patronat, au détriment du budget et de la Sécurité sociale. Et pour compenser ces dépenses supplémentaires, on fera encore des économies sur les services publics, sur les hôpitaux et les maternités, sur les écoles, sur les transports publics.
Effets pervers d’une loi imparfaite ? Mauvaise loi qu’il faut améliorer ? Non !
Cette loi est un des éléments de l’offensive du patronat et du gouvernement contre les travailleurs. Une offensive marquée par les plans de suppression d’emplois, par la généralisation de la précarité, par l’aggravation des conditions de travail et de discipline dans les entreprises.
Les travailleurs de Daewoo se sont à juste raison révoltés contre les humiliations, contre les bas salaires. Mais l’origine coréenne du trust Daewoo et de sa direction n’y est que pour la forme : sur le fond, c’est l’ensemble du patronat qui cherche à imposer à l’ensemble des travailleurs, avec l’aide du Gouvernement, des conditions dignes de pays sous-développés.
Tôt ou tard, cela finira par leur exploser à la figure. Mais il ne faudra pas alors se contenter d’atténuer les aspects les plus criants de leur politique anti-ouvrière. Il faudra imposer des objectifs qui changent durablement le rapport de force entre les travailleurs et le patronat ; des objectifs mettant en cause le droit des patrons à diriger sans contrôle l’économie, en poussant les travailleurs vers le chômage et la pauvreté.

Lutte ouvrière – 9 juillet 1999

Pour lutter réellement contre le chômage, il faut oser s’en prendre aux profits du patronat

Jospin et Aubry ont fêté, à Lille le 200 000e emploi-jeune créé par le Gouvernement. On est loin du compte puisqu’il avait promis, en octobre 1997, d’en créer 350 000. Il avait même un temps parlé de 700 000 emplois, faisant semblant de miser sur la bonne volonté du patronat privé qui devait, disait-il, en créer autant. Rien n’est venu de ce côté, bien évidemment. Et cela n’est pas une surprise.
Même Jospin, même Aubry ne prennent pas la peine de s’en indigner, ni de s’en étonner. Ne parlons même pas des engagements préélectoraux qui précisaient que cela devait se faire en deux ans.
Les promesses s’envolent, mais le chômage, lui, reste ! On est donc loin du compte. On l’est surtout d’un autre point de vue, plus dramatique encore. C’est que le nombre des chômeurs et celui des hommes et des femmes qui n’ont qu’un emploi précaire et insuffisant, se maintient à un niveau catastrophique : près de 3 millions pour les chômeurs officiellement recensés, 6 millions si l’on y ajoute ceux qui survivent avec des emplois à temps partiel ou intermittents.
Même le chiffre de 200 000 emplois-jeunes est douteux. Les services du ministère de l’emploi avouent que, sur les 200 645 contrats qui auraient été signés, 178 000 jeunes seulement auraient été effectivement embauchés avec, rappelons-le, un contrat de cinq ans rémunéré au minimum au SMIC et financé à 80 % par l’État.
La moitié de CES jeunes – 97 000 à 109 095, selon les journaux, c’est dire l’imprécision voulue des chiffres – se retrouvent dans le milieu associatif ou les collectivités locales, 65 000 à 75 000 dans l’éducation nationale et 12 400 sont « adjoints de sécurité » dans la police nationale.
Ainsi, le jeune qui vient d’être désigné par la grâce des ministres 200 000e emploi-jeune porte le titre « d’agent de conseil et d’intervention technique ». Sa mission : aider les ménages modestes à réaliser des économies au quotidien (énergie, téléphone, eau…). Les plus pauvres auraient pourtant moins besoin de conseils sur la façon de faire des économies que d’emplois et de salaires dignes de ce nom. Mais cela illustre bien la nature précaire et artificielle de nombre de ces emplois-jeunes qui, le plus souvent, ne débouchent pas sur une qualification et encore moins sur un emploi stable dans l’avenir.
D’ailleurs, le Gouvernement évite soigneusement de préciser ce qu’il adviendra de ces emplois-jeunes à la fin de ces cinq ans. Simplement, leurs bénéficiaires actuels risquent de redevenir chômeurs, mais en ayant cinq ans de plus. Car le Gouvernement ne s’engage nullement à ce qu’il en soit autrement. À moins, ce qui sera une bien meilleure garantie, que les travailleurs fassent qu’il en soit différemment.
Les jongleries avec les chiffres, coutumières à tous les gouvernements depuis que le chômage n’a cessé de se développer, ne peuvent cacher la triste réalité. Et cette réalité, ce n’est pas dans les discours qu’on la rencontre.
Elle est autour de chacun, dans les foyers populaires où il n’est pas rare qu’il y ait un ou plusieurs sans-emploi. Qui un mari, une femme, un fils ou une fille, parfois tous à 12 fois.
Ce Gouvernement n’agit pas pour que cela change, ou de façon insignifiante. En revanche, Il parle, et beaucoup. C’est sa façon de masquer son impuissance, mieux vaudrait dire son refus de prendre le problème du chômage à bras le corps. Dans le meilleur des cas, les mesures qu’il prend se résument à faire semblant de vider l’océan du chômage avec la petite cuillère des emplois-jeunes. Cela fait maintenant plus de deux ans que cela dure, et cela trompe de moins en moins.
Pourtant, les moyens existent qui permettraient de supprimer radicalement et rapidement le chômage. Pas dans 20 ans, pas dans 30 ans – c’est-à-dire à la Saint Glin-Glin pour ceux qui sont privés d’emploi – mais maintenant. Il suffirait pour cela de prendre l’argent là où il est, sur les comptes en banque des capitalistes, sur leurs profits boursiers qui, année après année, battent tous les records. Il suffirait d’imposer à l’État qu’il cesse de subventionner le grand patronat. Il suffirait d’imposer la réquisition des grandes entreprises qui licencient alors même qu’elles font d’énormes profits. Il suffirait de consacrer l’argent de l’État à la création d’emplois utiles, indispensables au bon fonctionnement de tous les services publics dont la collectivité a besoin : dans la santé, dans les transports publics, dans l’enseignement.
Pour cela, il faudrait une toute autre orientation politique. Le Gouvernement en place, qui pourtant veut faire croire qu’il est de gauche, n’a aucune volonté de changer de politique. Au contraire, il tourne le dos à la politique qui permettrait de s’attaquer réellement au chômage et qui, pour cela, devrait oser s’en prendre aux puissants profits du grand patronat et à ses intérêts. Au lieu de cela, le gouvernement choisit d’aider les patrons contre le monde du travail.
Aux travailleurs d’imposer ce renversement de politique. Et tous ensembles, dans les luttes, ils en ont les moyens !

Lutte ouvrière – 16 juillet 1999

OPA, OPE, empoignades entre les capitalistes : ce sont les salariés qui trinquent

La trêve estivale n’a pas mis une sourdine aux batailles que se livrent entre elles les grandes sociétés françaises et internationales. Chaque jour, les bulletins d’informations sont remplis d’annonces d’OPA ou d’OPE, qui signifie que telle entreprise, ou telle compagnie financière jette son dévolu sur une autre, pour gagner en puissance. À tel point que les empoignades entre les puissances industrielles et financières sont en passe de supplanter celles que se livrent en ce moment les coureurs du Tour de France.
Le spectacle de ce « poker d’enfer », dans lequel s’affrontent « les rois de la mine et du rail » pour reprendre l’expression de L’Internationale, auxquels on pourrait adjoindre les rois de la finance, de la Bourse, du bâtiment et des travaux publics, de l’automobile, du pétrole, pourrait amuser si cela se limitait à un jeu entre eux, consistant à se détrousser les uns les autres. Mais ça n’est pas cela.
Tout d’abord parce que les « vaincus » de ces empoignades ne restent jamais sur le carreau. On n’a pas vu les entrepreneurs se jeter par la fenêtre des buildings où sont logés leurs sièges sociaux, ni même pointer à I’ANPE, et encore moins se retrouver dans la cohorte grandissante des pauvres, des SDF. Contrairement au sort des salariés de ces groupes qui s’affrontent, se marient, divorcent. Car quelle que soit l’issue de la bataille de géants des trusts et des compagnies, les salariés, eux, seront à coup sûr les laissés-pour-compte, ceux qu’on jettera à la rue, après qu’en ait tiré le maximum de profits de leur travail.
On retrouve partout le même scénario. Soit dans l’immédiat, soit à venir. À l’image de ce qui se passe chez Elf, qui avait annoncé en avril dernier son intention de supprimer 2 000 emplois, alors que cette entreprise avait déclaré plus de 8 milliards de francs de bénéfice en 1998. Un second épisode vient de s’ouvrir dans cet univers impitoyable du pétrole qui risque de se traduire par l’absorption d’Elf par Total, mais surtout par l’annonce de nouvelles suppressions d’emplois qui vont s’ajouter à celles de la première fournée. Mais ces milliers de salariés privés d’emplois, leurs enfants sans possibilité d’en trouver un, cela va se traduire par l’appauvrissement de toute une ville, de toute une région. Voilà l’autre volet du jeu de Monopoly que se livrent les capitalistes.
Pour quoi faire ? Pour augmenter l’efficacité et la rentabilité des capitaux nous explique-t-on. Cela se traduira par des richesses encore plus colossales concentrées entre les mains de quelques milliers d’individus, mais en même temps par un appauvrissement de l’ensemble de la population de la planète, y compris ici, en France. Car l’efficacité des capitaux, leurs performances n’ajoutent rien, au contraire, au bien-être de la population. Elle n’accroît pas les possibilités de chacun d’accéder aux biens indispensables à la vie, et encore moins à plus de confort. Cette efficacité-là est totalement stérile, et même carrément nuisible. Pour tout dire, c’est le capitalisme dans ses œuvres.
Et le Gouvernement, qui pourtant aurait son mot à dire directement dans nombre de ces opérations boursières, puisque dans une partie d’entre elles, il est actionnaire, laisse faire. Mieux même, ou plutôt pire, il les encourage, comme l’a fait Strauss-Kahn, se réjouissant à cette occasion de la vitalité du marché boursier. C’est bien la preuve, s’il en fallait encore, que le principal souci de Jospin n’est pas le sort des salariés, ni celui de la population laborieuse, mais la défense des intérêts du patronat et de sa prospérité. C’est ce même souci qui caractérise le Gouvernement à l’occasion de la mise en place de la seconde loi Aubry sur les 35 heures. Personne aujourd’hui, même pas Aubry, ni les dirigeants syndicalistes qui l’appuyaient, n’ose prétendre que cette seconde loi ultra plus favorable aux travailleurs que la première, ni qu’elle sera génératrice d’emplois. Par contre, tout le monde se rend à cette évidence que cette seconde loi va se traduire par une liberté accrue pour le patronat d’instaurer la flexibilité dans l’organisation du travail, lui permettant entre autres d’imposer des horaires à sa guise. En particulier d’instaurer le travail des samedis, ce qui est à l’origine de nombre de grèves dans des grandes entreprises de ce pays, comme récemment à l’usine Renault de Batilly (voir notre article page 10). Et qui plus est, ces droits accordés aux patrons s’accompagnent de milliards de subventions nouvelles, s’ajoutant à celles dont ils bénéficient déjà.
Les capitalistes se croient les mains libres. Ils ont le feu vert du Gouvernement, ses encouragements même, pour se livrer à qui mieux mieux à des opérations spéculatives débridées. Ils bénéficient des attentions du Gouvernement pour imposer des conditions de travail aggravées.
Cela appelle une sanction des travailleurs. Et le plus tôt sera le mieux.

Lutte ouvrière – 23 juillet 1999

S’ils ont des raisons d’être satisfaits, c’est que nous n’en avons aucune

Chirac, répondant aux déclarations récentes de certains leaders de la droite, a déclaré qu’il ne remettrait pas en cause le septennat, et que la cohabitation continuerait donc jusqu’en 2002.
Cette affirmation chagrinera sans doute un certain nombre d’hommes politiques de l’UDF et du RPR. Ce n’est pas qu’ils tiennent à une présidentielle ou à des législatives trop rapprochées, car ils ne sont pas encore en situation de les gagner. Leur problème est qu’ils aimeraient bien que la droite retrouve son unité derrière un Président de la République plus critique envers Jospin et qui fasse entendre une différence.
Mais Chirac, en tant que garant des intérêts de la bourgeoisie française, est bien placé pour constater que la cohabitation marche au mieux des intérêts des possédants, et qu’il n’y a pas lieu d’empêcher le gouvernement de fonctionner. Si celui-ci n’y arrive plus de lui-même, la gauche perdra les élections le moment venu, et Chirac n’a pas envie de les hâter artificiellement et prématurément à nouveau.
Sur le plan de la politique internationale, l’intervention militaire au Kosovo par exemple, le Président de la République et son Premier ministre ont défendu exactement la même politique. En politique intérieure, le Gouvernement Jospin applique pratiquement la même politique que celle qui avait valu à Juppé son impopularité. Les suppressions d’emplois, baptisées pudiquement plans « sociaux », sont aussi nombreuses que par le passé. Le Gouvernement Jospin, comme son prédécesseur, continue à distribuer des cadeaux aux grandes entreprises, sous le fallacieux prétexte, démenti à chaque fois, d’aider à la création d’emplois. Le Premier ministre socialiste a plus privatisé d’entreprises publiques en deux ans que Balladur et Juppé en quatre. La fiscalité est toujours aussi favorable aux plus riches, et même aux moyennement riches, par rapport aux salariés qui se trouvent en bas de l’échelle, ou même au milieu. De nouvelles attaques se préparent contre les retraites, contre la Sécurité sociale, qui ne feront que diminuer encore le niveau de vie des travailleurs. Bref, avec Jospin comme avec ses prédécesseurs, les riches sont toujours plus riches et les pauvres plus nombreux.
Martine Aubry a certes envisagé de libéraliser un peu plus la loi Veil sur l’interruption volontaire de grossesse, mais en laissant complètement de côté le principal problème : doter les hôpitaux de crédits, de personnels suffisants pour que les femmes qui sont dans la nécessité de mettre un terme à une grossesse non désirée puissent le faire sans difficulté. Les femmes, les travailleurs, ont droit à quelques bonnes paroles. Mais les finances publiques sont mises au service des grandes sociétés capitalistes.
Pour celles-ci, tout va bien… même si elles sont souvent engagées, comme Elf et Total, dans une guerre à coups de milliards pour savoir laquelle mangera l’autre – ce qui prouve au moins que ce n’est pas l’argent qui leur manque – et avec à la clef, comme toujours, quel que soit le gagnant de ce genre d’épreuve de force, des milliers d’emplois supprimés.
Alors on comprend que Chirac trouve que le système fonctionne bien et ne voit pas de raison de se dépêcher, de modifier l’état de chose existant.
Mais nous, les travailleurs n’avons, au contraire, aucune raison d’être satisfaits. Et, si nous ne voulons pas assister à de nouvelles attaques contre notre niveau de vie, comme contre nos conditions de travail, il nous faudra bien faire entendre notre mécontentement et imposer la mise en œuvre d’une autre politique.
Cela demandera des efforts, voire des sacrifices ? Peut-être. Mais pas plus que ceux que nous imposent depuis des années les gouvernements successifs et le patronat, sans que nous n’en tirions aucun bénéfice. Alors, puisque nous voici au temps des vacances, profitons-en pour nous préparer à défendre, à la rentrée, les intérêts légitimes de tous ceux qui vivent de leur travail.

Lutte ouvrière – 30 juillet 1999

Les voleurs !

S’il n’en faisait pas toute l’année, on pourrait dire que c’est surtout l’été, quand une grande partie des travailleurs sont absents, que le Gouvernement choisit pour faire ses mauvais coups.
Avoir baissé encore plus la rétribution des malheureuses économies, des quelques sommes mises de côté pour faire face aux imprévus, sur les livrets A, c’est vraiment un geste de voleurs à la tire, de gens qui n’ont aucun scrupule à faire les poches des plus pauvres. Plus de la moitié des livrets A ne contiennent que mille francs, et un sur cinq contient entre 1 000 et 10 000 francs. Notre Gouvernement n’a rien à envier aux dictateurs des pays pauvres qui arrivent à se construire des fortunes personnelles colossales en rançonnant les populations misérables de leur pays.
La différence, c’est que le Gouvernement français ne le fait pas pour enrichir ses membres – du moins, c’est à espérer ! – il le fait pour enrichir la bourgeoisie française, déjà une des plus riches du monde. En tout cas, il le fait pour ne pas avoir à lui prendre un seul centime pour équilibrer les finances de l’État.
Il dit que c’est pour aider au financement des HLM. En quoi il ment évidemment car, dans un an, dans deux ans ou dans dix ans, les HLM ne seront pas en meilleur état et surtout pas plus nombreux. D’autant que, dorénavant, l’argent placé sur les livrets A servira à d’autres choses qu’aux prêts aux HLM. Mais cela ne gêne pas le Gouvernement : son mensonge ne se verra que plus tard, quand on aura oublié sa petite crapulerie de cet été.
Comme si le peu d’argent que les travailleurs, les gens du peuple, auraient placé à 3 % ruinait l’économie, alors qu’on dit aux travailleurs qu’il est normal que les salaires soient bloqués, parce qu’il est vital que l’argent des actionnaires des grandes sociétés soit rétribué à 10 ou 15 %. Et quand cela rapporte moins, on licencie. Voilà la justice sociale, selon le Gouvernement.
Et l’on nous apprend froidement que cette décision a été prise sur l’avis d’un comité de neuf experts, parmi lesquels on trouve deux PDG de banques, le président de la confédération des petites et moyennes entreprises et quatre hauts fonctionnaires. Voilà les gens, auprès desquels le gouvernement soi-disant de gauche prend ses conseils.
Pourtant, même si l’argent ainsi économisé servait vraiment à construire de nouveaux HLM ou à améliorer ceux qui existent, cela n’enlèverait rien à l’injustice de cette mesure car il y aurait bien d’autres moyens de financer les HLM.
Pourquoi, en effet, puisqu’on ose taxer les malheureuses économies des plus pauvres de 0,75 %, n’augmenterait-on pas les impôts sur les bénéfices, sur les profits financiers, sur la fortune de 0,75 % aussi ! Cela rapporterait bien plus ! Et cela serait bien plus juste. Mais la justice n’a rien à voir là-dedans. La vérité est que le Gouvernement, comme tous ses prédécesseurs, est au service de la bourgeoisie, et pas des classes populaires. Taxer, même un tout petit peu, les riches, cela lui est moralement impossible.
Par contre, commettre une mesquinerie révoltante envers les classes populaires qui l’ont élu, cela n’est pas contraire à sa morale. Il est là pour cela.
Ce Gouvernement a pu créer quelques illusions. Beaucoup ont cru, sans espérer trop, que cela serait au moins un peu mieux qu’avec les autres. Mais toutes les promesses annoncées, il les a oubliées. Où est la diminution du chômage ? Où sont tous les emplois-jeunes promis ? Et les 35 heures, qui devaient créer des emplois et améliorer les conditions de travail, se sont retournées contre les travailleurs. Elles ne créent aucun emploi et aggravent les conditions de travail par la flexibilité du temps de travail.
Cette baisse de l’intérêt du livret A est une mesure antipopulaire qui vient s’ajouter à toutes les autres.
C’est pourquoi il faut qu’arrive vite le moment où l’on fera payer, capital et intérêts compris, à la bourgeoisie et au Gouvernement, tout ce qu’ils ont volé aux travailleurs et aux classes populaires.