Texte intégral
Bonne nouvelle. Le gouvernement socialiste vient subitement de découvrir les vertus d’une politique de sécurité. Après avoir ferraillé vingt-cinq années contre l’« idéologie sécuritaire », les socialistes s’aperçoivent, par la grâce d’un colloque et de calculs électoraux, que le droit à la sécurité figure dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Après avoir combattu la politique menée depuis 1993, qui posait les bases d’une redéfinition des zones de compétence entre la police et la gendarmerie et entamait le redéploiement des effectifs dans les quartiers difficiles, après avoir crié au scandale de la « privatisation de la sécurité » à propos du gardiennage et des polices municipales et poussé des cris d’orfraie à l’idée d’une sévérité plus grande à l’égard des mineurs délinquants, voilà les socialistes convaincus que les politiques suivies par Charles Pasqua et moi-même étaient les seules solutions aux problèmes de la France. Les voilà même qui s’attribuent la paternité de ces politiques. L’indécence n’a pas de limite pour eux.
Partout ailleurs on invoquerait le plagiat, le copiage. Ici, on célèbre l’habileté. Les commentateurs sont sous le charme. On oublie les errements du passé ; on applaudit la conversion au réalisme. Il fut temps où lorsque l’on prenait le chemin de Damas, c’était avec humilité. Aujourd’hui, avec les socialistes, c’est avec ostentation. On glorifie même leur Canossa idéologique.
Mais méfions-nous des apparences, des discours dominicaux. Nous savons très bien que, dans l’art du trucage politique, les socialistes sont des orfèvres incomparables. La politique de lutte contre l’immigration en est une parfaite illustration.
En dépit des assurances du ministre de l’Intérieur, je ne crois pas à la volonté du gouvernement d’endiguer l’immigration clandestine. Je donne acte, qu’en l’état, certaines dispositions du texte sont acceptables (modification des certificats d’hébergement, allongement du délai de rétention). Elles risquent d’ailleurs de ne pas le rester longtemps, dès lors que le gouvernement devra se débrouiller avec une majorité qui leur est foncièrement hostile. Qu’on ne compte pas sur nous pour servir de roue de secours à une majorité plurielle défaillante. L’opposition n’a pas vocation à servir de caution morale et politique aux reniements de M. Jospin.
Reniements dont la dimension rhétorique et tactique n’aura d’ailleurs échappé à personne : aux uns, à gauche, on précise que tout a changé ; aux autres, à droite, on dit que rien n’est modifié.
Or, les textes qui nous sont proposés oscillent surtout entre phraséologie républicaine et idéologie socialiste. Comment prétendre favoriser l’assimilation en revenant à l’automaticité de l’acquisition de la nationalité française en ne faisant rien pour décourager les mariages blancs ? Comment imaginer maîtriser les flux migratoires en facilitant le regroupement familial ? En créant un nouveau titre de séjour, « la carte de situation personnelle et familiale », aux conditions de délivrance imprécises ?
J’en oublierais presque l’essentiel : en donnant des gages de sa seule fermeté normative, le gouvernement veut faire oublier sa passivité dans l’action. Depuis six mois, qu’a fait le gouvernement socialiste pour maîtriser l’immigration clandestine ? Il a arrêté les opérations de reconduite à la frontière, abusivement qualifiées de « gesticulation médiatique », il a enclenché un processus de régularisation des sans-papiers, dont on ne voit pas le terme et qui va concerner près de 150 000 immigrés clandestins ; il a ouvert la porte à une réforme du droit d’asile qui va engendrer un formidable « appel d’air » à une immigration nouvelle.
Et l’on voudrait que l’opposition se taise, ou pire, qu’elle approuve ? Quand je vois le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur, je ne doute pas de leurs calculs électoralistes, mais je crains leur absence de fermeté. Quand je regarde leurs alliés, je mets en cause leur crédibilité. Quand je relis leurs engagements, je ne crois pas à leur sincérité.