Interviews de M. Jean Glavany, porte-parole du PS, à TF1 le 1er juillet 1993 et RMC le 5, sur le PS et les états généraux.

Prononcé le 1er juillet 1993

Intervenant(s) : 

Média : TF1 - RMC

Texte intégral

TF1  : 1er juillet 1993

J. Offredo : Alors, un regain d'activité du groupe parlementaire socialiste avec ce que l'on vient de voir à l'Assemblée nationale ?

J. Glavany : Oui, ces derniers jours nous avons eu à l'Assemblée nationale et au Sénat l'afflux de textes un peu précipités en fin de session qui se bousculent au portillon et le gouvernement a essayé de passer en force, de faire passer ces textes à la va-vite. Nous avons essayé de nous opposer et de poser des questions, d'exprimer des inquiétudes, d'obtenir des garanties.

J. Offredo : Est-ce que cela veut dire, à la veille des États généraux du PS, que l'unité du parti est retrouvée après le choc de mars ?

J. Glavany : Je ne sais pas si l'on est arrivé si vite à un si beau résultat. En tout cas, ce qui reste, c'est que les députés, les sénateurs, par groupes, ont été amenés à combattre ces textes et que dans le combat politique et parlementaire, les liens se ressoudent et que cela a été pour nous l'occasion de retrouver certaines vertus du combat politique qu'on avait un peu oubliées ces dernières années.

J. Offredo : M. Malvy dit que les états généraux ne se sont pas préparés dans des conditions satisfaisantes et en particulier qu'on a trop versé dans un excès d'autocritique ?

J. Glavany : Un des messages qui nous vient très profondément de l'ensemble du parti socialiste, des militants, des sympathisants, c'est un message d'unité, une demande de cohésion, de cohérence et que nous devons tous faire des efforts dans ce sens. En particulier, je pense que le président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale n'a pas vocation à concentrer ses attaques contre le parti socialiste, sauf à ce que les uns et les autres on se mette aussi à parler de la manière dont se passent les choses au sein de ce groupe parlementaire. Cela n'a pas d'intérêt et je pense que ce sont des procédés qui ne font pas avancer le débat.

J. Offredo : Je vois que l'unité ne s'est pas encore retrouvée ?

J. Glavany : Justement, elle est en train de se retrouver mais il y a des combats d'arrière-garde qui me paraissent déplacés. Cela marche bien, donc autant ne pas le retarder.

J. Offredo : Y-aura-t-il de nombreux sympathisants socialistes qui seront là, à Lyon ?

J. Glavany : On sera près de 3 000 délégués, plus les invités... Tous les départements français seront représentés par délégations nombreuses, des invités étrangers, des représentants de partis frères, des partis de gauche, des associations, des mouvements qui ont des liens directs ou indirects avec nous. Il y aura beaucoup de monde. C'est le plus vaste rassemblement politique au sens d'un congrès qui aura lieu en France depuis des années avec, grosso modo, un quart de sympathisants, c'est-à-dire des gens qui n'ont pas pris leur carte du PS pour cela, qui, nous l'espérons, le feront par la suite. Un beau rassemblement pour de belles délibérations, nous espérons.

J. Offredo : M. Rocard prend bien sa place de président du PS ?

J. Glavany : Il prend toute sa place dans ce processus qui n'est que la première étape d'un processus, tout ne sera pas réglé dimanche. On s'est donné six mois de travail. Mais c'est une étape importante parce qu'il nous faut à la fois que les gens viennent nombreux et qu'ils viennent participer avec beaucoup de liberté et d’enthousiasme et que l’on prenne en compte la parole de militants.


RMC  : 5 juillet 1993

P. Lapousterle : M. Rocard a utilisé l'expression « les socialistes sont de retour », ça veut dire quoi ?

J. Glavany : Ça veut dire qu'ils sont de retour sur la scène politique, parce qu'au mois de mars aux élections législatives nous avions pris un tel coup sur la tête que nous étions KO, KO debout, et peut-être même par terre et que nous nous sommes relevés et nous sommes en disposition de reprendre le combat, c'est une étape qui pour nous est essentielle.

P. Lapousterle : Certains ont dit à Lyon que vous étiez redevenus une force d'opposition, mais pas encore une force d'alternance.

J. Glavany : Oui, je pense que c'est une bonne analyse. Il faut retrouver dans un premier temps notre capacité de jouer tout notre rôle politique, nous sommes dans l'opposition donc opposons nous. Ça n'est pas un vrai programme, mais c'est une manière d'exister et dans une démocratie, il faut une majorité et une opposition. Je pense qu'une démocratie a besoin de ce jus-là, de cette capacité de s'opposer, de dialoguer, de se contester et de se critiquer. Ça c'est en voie d'être fait, on l'a vu au parlement sur deux ou trois textes, nous avons bien combattu pour nos idées et pas seulement pour le plaisir de s'opposer. Et puis maintenant, il faut trouver cette capacité à redevenir une force d'alternance, c'est-à-dire cette force de propositions qui entraîne une confiance et une dynamique.

P. Lapousterle : Vous avez le sentiment d'avoir rassemblé le parti ?

J. Glavany : Je pense que nous avons collectivement prouvé notre capacité à tourner la page de Rennes, dans la mesure où nous avons su pendant trois jours, suite à des semaines de débats, nous parler collectivement d'une manière fraternelle et conviviale. Je pense que tous ceux qui étaient là, pendant ces trois jours, ont noté cette convivialité, cette capacité de tout se dire, d'une manière très libre. Des critiques farouches ont été émises parfois, et en même temps dans le respect et dans l'écoute mutuelle. Nous avons retrouvé quelque chose que nous avions perdu.

P. Lapousterle : Pourtant il y a des socialistes connus comme J. Poperen, R. Dumas qui ont été très réservés vis-à-vis des états généraux, et qui ont refusé de participer aux votes ?

J. Glavany : Oui, j'ai vu ça, à la fois ils ont été réservés sans le dire, sans s'exprimer clairement. J'ai toujours pensé dès le début de ces états généraux que malheureusement nous n'étions pas à l'abri de jeux de positionnements et que les uns et les autres ne préféraient pas s'engager trop délibérément. Je ne sais pas très bien à quoi cela correspond, je pense que ça été assez unanimement rejeté par l'ensemble des militants qui justement voulaient parler d'idées et non pas de jeu de positionnement et qui les ont accueillis d'une manière spectaculairement négative : ce sont les aléas de la vie démocratique.

P. Lapousterle : Ces socialistes ont un point commun : c'est d'être assez proche du Président de la République. À propos vous n'avez pas été un peu déçu que le Président de la République ne fasse pas un petit signe aux état généraux ?

J. Glavany : Je ne sais pas comment observer ce type de phénomène, c'est vrai que le problème s'est posé, fallait-il qu'il envoie un message ou pas ? On est dans un processus à trois étapes, il est de tradition que le Président de la République envoie des messages au congrès qui se passera au mois d'octobre, je pense qu'il enverra un message à ce moment-là et nous ne serons pas déçus.

P. Lapousterle : M. Rocard a renforcé sa position, mais ne l'a-t-il pas fait au prix d'un énorme changement par rapport à ce qu'il disait avant, par exemple au niveau du big bang ?

J. Glavany : Eh oui ! Mais le big bang, comme toute opération qui tend à créer des alliances, à nous élargir, à être capables de faire une majorité avec d'autres, commence par se rassembler soi-même, rassembler les nôtres. Et donc c'était la première étape, j'ai toujours dit que ces États généraux nous les avons toujours envisagés comme la première d'une série de trois étapes : les États généraux, puis le congrès, puis les assises de la transformation sociale en décembre ou en janvier. En tout cas nous avons six mois pour réussir ces trois étapes l'une après l'autre, avec un lien : les États généraux ont été un moyen d'envoyer un message très puissant au congrès du PS, ce message c'est le rapport de synthèse présenté par J.-P. Huchon, qui tient compte des expressions militantes et des sympathisants, et c'est ce texte qui va servir de base au texte central du congrès. C'est donc une continuité, nous avons commencé un travail et il faut le poursuivre et c'est au bout de ce travail en trois étapes qu'on pourra dire si nous avons réussi ou pas. La première étape est clairement réussie.

P. Lapousterle : Mais le texte est très ambigu, par exemple sur l'organisation du parti ?

J. Glavany : Ce sont tout de même des conceptions qui ne sont pas très éloignées, quand on dit que l'on dit qu'on veut un scrutin mixte et que dans un autre cas on veut deux tiers un tiers de proportionnel, ou deux tiers un tiers de majoritaire, on voit qu'il n'y a pas de quoi faire un congrès là-dessus, il n'y pas de quoi créer un séisme politique, c'est un problème d'organisation que nous allons régler. Ce que je veux dire c'est qu'il serait impensable que le congrès du PS travaille sur des idées qui ne soient pas directement issues des états généraux.

P. Lapousterle : Vous avez l'impression que les courants du PS ont pris du plomb dans l'aile ?

J. Glavany : Ce qui a pris du plomb dans l'aile c'est ces courants artificiels, qui ne véhiculaient plus d'idées, mais des écuries, ou des ambitions. Et la réalité c'est que les militants ont dit d'une manière assez claire qu'ils ne voulaient plus de ces appareils, de ces parasites qui se nourrissaient de la substance du PS et au fond l'amenait à son dépérissement. Et dans un même temps, il y a cette volonté de retrouver un certain pluralisme dans le débat d'idées. Il faut retrouver les voix des courant d'idées, il faut retrouver un vrai débat d'idée et au fond de vraies divergences et peut-être que ce jour-là nous seront passés dans l'autre âge de maturité.

P. Lapousterle : Il y a eu beaucoup de militants mais pas tellement d'idées nouvelles.

J. Glavany : C'est une difficulté, mais le but de nos États généraux c'était aussi de savoir où on en était, de faire un diagnostic de ce corps malade qu'était le PS. Les idées nouvelles ça va venir maintenant pour convaincre et créer une vraie dynamique. Il faut donc cerner des projets politiques très concrets et notamment sur la question centrale de la société française. Nous considérons que la question centrale c'est le chômage, nous considérons que c'est parce que nous n'avons pas su régler cette question que nous avons été sanctionnés par l'opinion au mois de mars. Nous avons à travailler ce sujet-là dans les mois qui viennent pour apporter une réponse crédible à l'opinion sur le sujet, pour que le droit au travail soit réaffirmé d'une manière nouvelle.

P. Lapousterle : Avez-vous été satisfait hier lorsque le Premier ministre a dit qu'il allait donner des crédits nouveaux pour l'emploi ?

J. Glavany : Oui, mais le problème est de savoir si on va jouer à coup de cinq milliards par ci, ou dix milliards par-là, ce qui s'inscrit dans la logique d'E. Balladur, ou si justement on va provoquer cette révolution culturelle. Tout le monde sait que quel que soit le retour à la croissance, cela ne suffira pas à résoudre le problème du chômage. On ne peut pas attendre, il faut une révolution culturelle qui pose le problème de la place du travail dans la société d'une manière nouvelle. Nous avons commencé à envisager un certain nombre de pistes pendant ces trois jours, c'est à nous de les mettre en forme d'ici le mois d’octobre.