Interview de Mme Ségolène Royal, ministre déléguée à l'enseignement scolaire, à Europe 1 le 1er septembre 1999, sur les perspectives de la rentrée scolaire, notamment la priorité à la maîtrise de l'expression orale en maternelle, le soutien individuel en primaire et l'objectif d'aider une "élite" à se dégager particulièrement dans les zones d'éducation prioritaire.

Prononcé le 1er septembre 1999

Intervenant(s) : 

Média : Europe 1

Texte intégral

Q - Comment se présente cette rentrée ? Plutôt dans le calme, par rapport aux années précédentes ?

- « Oui. C'est une rentrée qui se place sous le signe de la sérénité. D'abord, parce qu'il y a eu un effort très important en terme de moyens donnés à l'éducation, le Premier ministre a voulu redonner à l'Éducation nationale son premier rang qu'elle avait perdu au cours des années passées, et donc, aujourd'hui, globalement, le nombre d'élèves par classe va diminuer, puisque nous maintenons intact le nombre d'enseignants, malgré une baisse de 35 000 élèves et, en même temps, nous créons des emplois d'infirmières, d'assistantes sociales, de personnels administratifs qui vont aussi améliorer le fonctionnement de l'école. »

Q - Parlons tout de suite des évolutions ou des changements. D'abord, pour ce qui concerne la maternelle.

- « En ce qui concerne la maternelle, j'ai l'intention de bien recentrer la maternelle sur la maîtrise de l'expression orale. Un texte de cadrage va aujourd'hui orienter l'effort des enseignants autour de cette priorité, puisque aujourd'hui nous savons que lorsqu'un enfant parle bien en sortant de l'école maternelle, pour arriver en CP, il apprend bien à lire. Or, aujourd'hui, un des premiers problèmes auxquels sont confrontés, pas seulement la France, mais de nombreux pays, c'est le nombre d'élèves qui arrivent au niveau de la 6e en ne maîtrisant pas bien les outils de base de l'école. Les outils de base, c'est-à-dire à la fois lire, écrire, compter, mais aussi nous mettons l'accent sur les langues étrangères et les nouvelles technologies. C'est les nouveautés que l'école doit maintenant donner aux élèves, et enfin, ce qui est nouveau aussi par rapport au passé, c'est qu'aujourd'hui, je veux que l'école transmette aux élèves des comportements civiques pour faire reculer l'agression et la violence dans le système scolaire. »

Q - En primaire, on va mieux soutenir les élèves « individuellement ». Qu'est ce que cela veut dire ?

- « En effet, la baisse du nombre d'élèves mais le maintien du nombre d'enseignants, plus l'arrivée des aides-éducateurs, puisque au moment où nous parlons, 50 000 aide-éducateurs sont maintenant dans le système scolaire, permet aujourd'hui d'aider individuellement les élèves. Je crois que c'est la grande mutation de l'école aujourd'hui. C'est que maintenant qu'elle a répondu au défi quantitatif d'accueillir tous les élèves, elle doit maintenant… »

Q - La qualité.

- « La qualité. La qualité, l'aide personnalisée à l'élève dès qu'on a repéré ses difficultés pour qu'il n'y ait pas une accumulation des retards. »

Q - Et vous avez dit que vous souhaitez qu'une élite se dégage dans les classes populaires ?

- « En effet. Vous savez, autrefois… »

Q - Précisez, s'il vous plaît.

- « Autrefois, il n'y a pas si longtemps, puisque dans les années 50, 60, l'école a réussi à faire émerger une élite du milieu rural. Par différents concours, par les écoles normales. Et on a eu besoin de ce renouvellement. Aujourd'hui, je crois que le défi que nous devons relever, en particulier dans les zones d'éducation prioritaire, c'est d'encourager très fortement les bons élèves pour qu'ils s'orientent vers les métiers de l'enseignement, mais pas seulement, et j'ai l'intention d'aider ces bons élèves issus des zones d'éducation prioritaire pour justement faire émerger une élite dans les banlieues. C'est un défi que notre société doit relever. On a besoin d'eux, on a besoin de ces talents qui, aujourd'hui, sont parfois étouffés parce que les comportements à l'école, les règles du jeu de l'école ne sont pas toujours claires pour ces familles défavorisées. »

Q - Vous dites aussi que l'objectif est d'éviter l'empilement des connaissances inutiles ?

- « En effet, je crois que l'école doit…

Q - Ça va faire plaisir à tous ceux qui sont allés à l'école avant cette génération.

- « Les connaissances évoluent beaucoup. Le monde devient complexe. Donc il faut à la fois transmettre des savoirs. Il faut quand même que l'école continue à transmettre des savoirs, des connaissances, de l'apprentissage par coeur. »

Q - Mais un peu moins ?

- « Ce n'est pas un peu moins. C'est qu'en même temps, elle donne aussi - alors là c'est plus compliqué, mais notre objectif c'est aussi de faire monter toujours plus haut l'ambition de l'école - c'est de donner aussi des méthodes qui vont permettre à l'élève de s'y retrouver dans cette masse de connaissances, et, surtout, de lui donner un savoir-faire qui lui permettra d'apprendre toute sa vie. Donc, c'est quelque chose de nouveau que l'école doit transmettre, qu'elle transmet de mieux et que nous allons renforcer. »