Texte intégral
LE FIGARO. – Enfant, où partiez-vous en vacances ?
Michelle DEMESSINE. Jusqu'à l'âge de 20 ans, je suis toujours restée chez moi pendant les mois d'été. Il a fallu que je me marie et que je parte en voyages de noces pour découvrir les joies de la mer. Je n'ai jamais manqué de rien dans mon enfance, mais j'aurais bien aimé pouvoir m'évader de temps en temps. Le pire, je crois, c'était la rentrée, quand je n'avais rien à raconter à mes amis.
Les vacances sont un facteur essentiel de resserrement des liens familiaux, d'enrichissement personnel et de reconstruction de la vie sociale. Forte de mon expérience lorsque Martine Aubry a élaboré son projet de loi contre les exclusions, j'ai souhaité faire figurer en bonne place le droit aux vacances pour tous ceux qui n'y ont pas, ou très peu, accès. Son adoption en juillet 1998 a donné naissance, en mai dernier, à la « bourse solidarité vacances ».
LE FIGARO. – En quoi cela consiste-t-il ?
- C'est une expérience humanitaire inédite destinée à offrir un bon bol d'air pur à des familles qui ne savent même plus comment respirer dans un pré ou une, forêt. En prenant mes fonctions, j'ai rencontré des dizaines de professionnels du tourisme privé et associatif. Beaucoup se disaient prêts à s'engager dans une démarche de solidarité en mettant à la disposition du secrétariat d'État les offres de séjours ou d'hébergements disponibles au sein de leurs structures. Dans un même temps, les associations caritatives et les comités de chômeurs me faisaient part de leurs besoins, de leurs attentes et surtout de leur volonté de mettre leurs compétences au service d'une telle initiative de solidarité. En instaurant la bourse solidarité vacances, j'ai simplement permis à l'offre de rencontrer la demande. C'est trop injuste qu'il y ait des résidences vides et des enfants enfermés dans leurs cités.
LE FIGARO. – Qui ont été les premiers bénéficiaires ?
- Selon nos premières estimations, il y aurait 53 % de familles monoparentales, 42 % de couples et 5 % de personnes isolées, Il s'agit évidemment le plus souvent de chômeurs, d'allocataires du RMI ou de personnes en situation professionnelle précaire. Leur revenu moyen est de 3 246 francs. Mais attention, tout cela n'est pas gratuit. Je tiens à ce que les bénéficiaires de la bourse solidarité économisent, méritent, organisent leurs vacances comme tout le monde. Une semaine à la montagne pour une famille coûte, tous frais compris, entre 600 et 1 000 francs. Un millier de personnes ont déjà profité de la bourse solidarité vacances qui va devenir un groupement d'intérêt public à la rentrée avec pour objectif de proposer 10 000 places en l'an 2000. En quatre mois, 6 000 séjours ont été proposés mais les dossiers sont longs à établir. Les départs se feront plus tard dans l'année...
LE FIGARO. – Quelles autres mesures avez-vous prises pour étendre le droit aux vacances ?
- L'extension du chèque vacances aux employés des entreprises de moins de cinquante salariés. A terme, il devrait bénéficier à près de 7 millions de Français contre à peine 1 million aujourd'hui. Le chèque vacances est une tradition spécifique à la France que nous envient nos voisins. Dans cette optique, j'ai déjà pris contact avec eux. Il ne me restera qu'à les convaincre d'adopter la bourse solidarité pour - on peut toujours rêver ! - inventer une politique européenne du tourisme social et associatif.
LE FIGARO. – Un synonyme du mot vacances ?
- Bonheur...