Communiqués de M. Alain Deleu, président, et Jacques Voisin, secrétaire général de la CFTC, parus dans "La Lettre confédérale CFTC" du 10 novembre 1997, sur le conflit des routiers.

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Média : La Lettre confédérale CFTC

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La lettre confédérale CFTC - 10 novembre 1997

Communiqué

Routiers : Aller au bout de la négociation

Sur le terrain, la grève et les barrages se mettent en place. La négociation a fait trop longtemps du surplace, la pression est montée et les routiers sont extrêmement méfiants, compte tenu des engagements non tenus dans le passé. Il arrive un moment où il n’est plus possible de traiter superficiellement des problèmes sociaux profonds.

C’est pourquoi les routiers CFTC sont en grève ce lundi depuis 8 heures.

Et pourtant, quelle que soit la dureté du conflit, il faudra bien au bout en sortir par un accord. Le plus vite sera donc le mieux.

La CFTC reste prête à donner, avec d’autres, le dernier coup de pouce à la négociation et à l’accord. Elle sait le risque de débordements, de surenchères ou de récupérations. Elle continuera d’agir pour éviter que le conflit ne s’installe dans une impasse préjudiciable à tous.

La négociation a déjà permis de dégager des résultats positifs que la CFTC refuse de passer sous silence. Elle doit aller jusqu’à son terme, par la conclusion d’un accord large assorti de solides garanties d’application.

Alain Deleu
Paris, le 3 novembre 1997

 

La lettre confédérale CFTC - 10 novembre 1997

Il faut négocier

Le conflit des routiers est à la fois le réceptacle et le révélateur de dysfonctionnements graves de la vie économique et sociale. C’est, en effet, dans le transport que se concentrent les contraintes des flux tendus, des flexibilités maximales, bref, d’une « rationalisation » de la production qui finit par peser de façon insupportable sur des salariés dont on abuse et qui aujourd’hui se révoltent.

À l’origine du conflit, on voit l’excès de travail avec des horaires dignes du siècle dernier, les heures effectives non comptabilisées et non rémunérées, la pression continue sur les délais qui font prendre des risques au mépris de la vie des personnes. On voit aussi l’univers des promesses non tenues, des accords signés non appliqués, des minima conventionnels en dessous du SMIC, des droits syndicaux bafoués. Le droit n’arrive plus à s’appliquer et sa non-application fait partie des modes quotidiens de gestion. On affaiblit des corps intermédiaires, la branche professionnelle. D’année en année, l’individualisme excessif des entreprises laisse une situation se détériorer, situation qu’elles demanderont ensuite à l’État de redresser. On voit, enfin, les peurs liées à l’internationalisation des marchés et aux « dumpings sociaux » que cela peut entraîner.

Il faut sortir au plus vite de ce bourbier. À force de chantage à la dérégulation on en arrive à l’explosion, qui, on le sait bien, frappe toujours d’abord les plus faibles. La France ne peut pas se permettre de détruire un seul emploi.

Il faut donc négocier. La CFTC met en ce moment même sur la table des négociations les conditions de vie réelles des routiers, sans complaisance ni démagogie. Elle le fait avec la détermination farouche qu’une solution s’élabore et aboutisse, fondée sur la justice et la dignité. La négociation, dans laquelle chaque partie s’engage de façon loyale, trouve des solutions toujours plus adaptées au terrain que celles qui sont imposées par la loi. L’engagement de la CFTC, dans ce conflit comme dans les autres, est de construire une « sortie par le haut ». Mais cela renvoie aussi à l’exercice de la responsabilité des autres partenaires : le patronat ne peut plus être l’acteur de la dégradation sociale tout en faisant croire qu’il en est l’observateur lointain. De son côté le gouvernement doit assurer partout les conditions d’application du droit.

Sortir d’un conflit, c’est toujours approfondir l’approche de la réalité. Telle est bien la vocation de la négociation. Telle est bien, aussi, celle du syndicalisme CFTC.

Jacques Voisin, secrétaire général, le 5 novembre 1997