Texte intégral
Paris-Match : Quel a été votre rôle et celui des pouvoirs publics dans les négociations pour l’implantation de Toyota à Valenciennes ?
Christian Pierret : Nous avons mené un travail gouvernemental collectif pour lequel le Premier ministre Lionel Jospin s’est lui-même beaucoup mobilisé. Plusieurs ministres – Dominique Strauss-Kahn, Martine Aubry, Dominique Voynet, Christian Sautter et moi-même – ont multiplié les rencontres avec les représentants de Toyota au cours des trois ou quatre derniers mois. Pour ma part, j’ai eu des contacts tout l’été avec les dirigeants de Toyota. Pour finir, le jeudi 27 novembre, une longue réunion de travail a eu lieu à Nagoya pour boucler l’opération.
Jean-Daniel Tordjman, notre ambassadeur chargé des grands investissements internationaux, a assuré la coordination technique, en liaison avec la Datar.
Paris-Match : Quel a été l’argument décisif de la France pour arracher la décision ?
Christian Pierret : Je ne peux pas répondre à la place de Toyota. Son arrivée en France est avant tout une décision industrielle et économique. J’ai toutefois le sentiment que l’argument déterminant de notre dossier a été la compétitivité et le dynamisme économique de la France, ainsi que sa position géographique centrale au cœur du marché automobile européen.
Paris-Match : Les représentants de Toyota étaient en France au moment de la grève des routiers et du grand débat sur la semaine des 35 heures. N’ont-ils pas été effrayés ?
Christian Pierret : Apparemment non. La direction de Toyota nous a questionnés sur les 35 heures. Nous lui avons expliqué comment nous envisagions les négociations et la concertation avec les entreprises.
L’arrivée en France de Toyota est une belle réplique à ceux qui voudraient faire de la semaine de 35 heures un handicap de compétitivité pour l’économie française. D’ailleurs, j’ai été reçu, il y a une quinzaine de jours, à Tokyo par le Keidanren, le patronat japonais. J’ai dû subir pendant deux heures un feu roulant de questions très précises sur les 35 heures, l’aménagement du temps de travail, etc. Quand je suis sorti de la réunion, mes interlocuteurs m’ont dit textuellement : « Vous nous avez rassurés. »
Paris-Match : En matière d’aides publiques et de subventions, avez-vous eu besoin de faire des surenchères pour contrer la Grande-Bretagne et la Pologne, les deux concurrents les plus dangereux ?
Christian Pierret : Non, ce qui caractérise ce dossier c’est qu’il n’y a jamais eu de surenchères. Certes, l’investissement de Toyota en France est extrêmement important puisqu’au final, il totalisera 5 milliards de francs. Mais le niveau des aides publiques n’a jamais été au cœur du débat. Nos amis japonais de Toyota ne sont pas des chasseurs de primes.
Paris-Match : À l’époque où l’industrie automobile européenne est déjà en surcapacité, n’est-il pas dangereux de favoriser l’arrivée d’un géant japonais en France ?
Christian Pierret : Si Toyota avait choisi la Grande-Bretagne ou la Pologne plutôt que la France, ses voitures auraient de tout façon été vendues sur notre marché.
Sans que nous puissions profiter de la création de richesses, de la valeur ajoutée et surtout des 2 000 emplois créés. Comme, de toute façon, on récupérera les véhicules, autant bénéficier aussi des emplois.
Paris-Match : Les deux constructeurs français Peugeot et Renault réclament depuis longtemps un plan de rajeunissement de leurs effectifs, prévoyant 40 000 mises en préretraite. Allez-vous maintenant leur répondre favorablement ?
Christian Pierret : C’est vrai, Peugeot et Renault sont confrontés à une pyramide des âges assez défavorable par rapport aux autres constructeurs. Cela dégrade leur compétitivité globale. Mais c’est un problème qui a des contraintes européennes et budgétaires. On ne peut pas prendre n’importe quelles mesures. Ceci dit, le dialogue entre les constructeurs français et les pouvoirs publics est ouvert. Il est en cours et on conclura l’année prochaine. Pour l’instant, il serait prématuré d’en dire plus.