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Q - Quelle est votre réflexion sur le plan de restructuration annoncé par Michelin ?
Je partage l'émotion et la colère que suscite une telle annonce dans la mesure où Michelin est capable, le même jour, d'afficher des résultats financiers en très nette progression et de justifier son projet de suppression de 7 500 emplois en Europe, au nom de la rentabilité. Il est à noter, d'ailleurs, que les bons résultats ne sont que la traduction de la pénibilité et de l'intensité du travail dans l'entreprise dont les salariés sont les premières victimes.
Si l'on tient compte de l'évolution notable de la valeur de l'action sur le marché boursier, on a là tous les ingrédients pour confirmer que si l'on ne met pas un terme à la logique de la rentabilité financière dans la gestion des entreprises en France, mais aussi à l'échelle européenne, nous nous trouvons dans un système qui n'a aucune foie en l'avenir de l'être humain, qui occulte totalement le sort des salariés. La preuve est ainsi donnée que « l'entreprise citoyenne », dont on nous rebat parfois les oreilles, n'est qu'un leurre.
Cette situation doit nous faire réfléchir une nouvelle fois sur les réels moyens d'intervention que possèdent les pouvoirs publics dans le fonctionnement des entreprises. Il est insupportable de se voir mis devant le fait accompli, alors que l'on est censé, nous dit-on, d'agir en faveur du plein emploi pour les prochaines années.
Q - Mais à ce chapitre, les pouvoirs publics ont-ils véritablement un pouvoir ?
C'est une question récurrente. On constate que l'action politique, dans la période actuelle, est inexistante en la matière, même si on peut penser que les pouvoirs publics ont dû jouer un rôle dans la précarité de certains emplois chez Michelin… Toujours est-il que sur des décisions très structurantes pour l'économie nationale, pour les activités industrielles et donc pour l'emploi, nous sommes placés devant le fait accompli propre à une logique financière, et non à une logique de politique industrielle répondant à une orientation stratégique concernant le pays. Il faut donc savoir si ce sont les marchés financiers qui doivent décider de la société de demain ou si la dimension des citoyens est encore importante.
Les circuits financiers ont de plus en plus leur propre autonomie, indépendamment des stratégies politiques, comme en témoigne les opérations de privatisation dans le circuit bancaire. Il convient donc de réfléchir dès lors sur les voies est les moyens par lesquels la puissance publique pourra se doter d'outils de pilotage, y compris au plan financier. Nous sommes partisans d'un pôle public de financement à même de participer à l'ancrage d'une politique industrielle à déterminer…
Q - La CGT envisage-t-elle une riposte ?
Le réflexe qui a consisté, à Clermont-Ferrand, à réfléchir de manière intersyndicale sur les conditions d'une mobilisation à même de faire échouer le plan annoncé, est très révélateur. Je ne peux qu'encourager une telle initiative.
Mais ce plan prouve également l'urgence d'une mobilisation plus forte dans le pays sur les questions de l'emploi, en parallèle du débat sur la loi relative à la réduction de travail… Sur ce point, la CGT s'inscrit dans une perspective d'une action coordonnée au niveau national entre toutes les professions.
A l'échelon européen, la confédération facilitera les contacts qui seront établis entre la fédération nationale de la chimie et les syndicats de tous les pays concernés par le plan.