Déclaration de M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat aux anciens combattants, sur le souvenir dû aux anciens combattants et aux victimes des guerres d'indépendance de l'Afrique du Nord, Pavie, le 21 septembre 1997.

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Circonstance : Inauguration du mémorial gersois des anciens combattants et victimes civiles d'Afrique du Nord 1952 - 1962 à Pavie (Gers) le 21 septembre 1997

Texte intégral

Mesdames, messieurs, permettez-moi d’abord de vous saluer collectivement selon, vos responsabilités, vos fonctions, vos grades, vos qualités. Mesdames, messieurs, en quelques minutes, parce que je sens bien que votre patience touche à son terme, vous dire que j’ai eu l’honneur de partager ce matin avec vous ce devoir de mémoire qui nous a rassemblés à Pavie.

Mais au-delà de ce devoir de mémoire nécessaire, nous avons fait quelque chose de beaucoup plus important, me semble-t-il, ce matin à Pavie et ici encore. C’est que nous avons réintégré dans notre Histoire, une part de notre histoire qui, jusqu’à présent est un peu mise de côté, oubliée, mal appréhendée par notre pays. Il fallait le faire et cela a été permis parce que le monde ancien combattant du Gers a su se rassembler sur l’essentiel.

Et cette unité, ici marquée, je l’espère servira d’exemple pour d’autres départements parce que ce travail, il faut le mener partout. C’est une nécessité, c’est notre histoire. Par conséquent nous devons l’intégrer, l’analyser, la voir telle qu’elle a été réellement, la regarder les yeux ouverts. Et ce mémorial exprime tout ce sentiment, sentiment de mémoire, mais aussi de respect, de reconnaissance, mélangeant la guerre, le feu, la peine, la mort, la douleur, l’espérance.

Ce monument est finalement l’ouverture sur la paix, en contrepoint de ce que en la guerre d’Algérie – permettez-moi d’utiliser cette expression parce qu’il faut bien appeler ce qui est par son nom – je sais bien, c’était une guerre par les moyens engagés, par les risques permanents encourus, c’était une guerre tout simplement. Alors je sais bien que disant cela je ne suis pas dans le droit fil des principes juridiques, administratifs du droit international. Eh bien, travaillons ensemble avec vos représentants pour trouver ce qui correspondra le mieux à cette réalité. Moi, je suis décidé en tous cas, d’utiliser le mot de « guerre » parce que c’est ainsi qu’il faut appeler cela.

Alors, c’est aussi au-delà des drames humains que ces événements ont provoqué, cela a été aussi une fracture politique et une fracture nationale. Une fracture politique parce que, à un moment donné de cette histoire, la République a été mise en danger. Grâce probablement à la fidélité, à la loyauté des appelés du contingent, appelés, maintenus, rappelés, l’irréparable n’a pas été commis, la République a été sauvegardée, ses valeurs ont été pérennisées et pour cela, mesdames et messieurs, en tous cas anciens combattants de l’AFN, soyez remerciés, remerciements que je veux associer dans cet instant avec le respect et la reconnaissance dus à la mémoire de celles et ceux qui ont été les victimes de cette guerre. Ce mémorial, qui est dédié aussi bien aux soldats qu’aux civils, traduit cette nécessité historique.

La fracture nationale a été bien sûr la perte de trois départements français et, pour un million de nos concitoyens, la nécessité de revenir en métropole, de tout abandonner et chacun peut concevoir ici quel a été alors le cortège de souffrances, de difficulté repartir à zéro avec sa seule force de travail – on peut imaginer des complications, des douleurs, la perte effectivement de sa terre natale et de cela aussi nous devons être conscients et l’intégrer à notre vérité historique parce que l’exigence de la République c’est une exigence de la République c’est une exigence de vérité, de lucidité. C’est un travail que nous devons mener ensemble.

Dire aussi que les soldats qui ont servi en Afrique du Nord ont répondu à l’appel de la nation, tout simplement, comme tous les autres soldats, dans tous les autres conflits. Ils ont accompli leur devoir. Vous avez accompli ce devoir national. Cela justifie alors que la nation s’engage sur le devoir de reconnaissance et de réparation. Il y a un statut, des statuts, il y a encore des droits à reconnaître, du chemin naturellement à parcourir.

On sait bien que tout ne sera pas facile mais encore faut-il que nous ayons la volonté de travailler ensemble. Moi, j’en ai la volonté de ce point de vue. D’abord un devoir de mémoire parce que cela ne coûte pas d’argent et c’est une nécessité par rapport aux valeurs de la République et par rapport à la lecture de l’histoire. Ensuite, ouvrir des dossiers sur la carte d’ancien combattant, le titre de reconnaissance de la nation, le mot de « guerre », le débat qui doit être engagé sur ce plan, avoir le souci d’exercer pleinement la solidarité nationale en direction des anciens combattants qui sont aujourd’hui en difficulté parce que, à la sortie d’une guerre, les adaptations ne sont pas faciles, les traumatismes sont grands. Donc, le devoir de solidarité doit d’aborder s’exercer au bénéfice de ceux qui sont et qui connaissent les plus grandes difficultés. (...)


Mesdames et messieurs, anciens combattants, vous avez participé à une œuvre nationale. C’était la guerre et parce que c’était la guerre, parce qu’il y avait ces souffrances, parce qu’il y avait ces malheurs, parce qu’il y avait ces mères éplorées, ces fiancées et ces familles détruites, brisées, c’est parce qu’il y a la guerre que nous voulons la paix et nous devons construire cette paix et fort heureusement, sur le continent européen, nous semblons y être parvenus mais, on ne peut jurer de rien. La paix comme la liberté sont des œuvres fragiles qui requièrent de notre part un engagement permanent, une vigilance permanente. La paix pour nous-mêmes, la paix pour l’Europe et parce que nous avons une histoire commune avec l’Algérie, il faudrait aussi la paix en Algérie, parce que la population est victime de la barbarie que chacun connaît.

Je ne terminerai pas mon propos sans évoquer les valeurs de la République parce que c’est ce qui nous rassemble au-delà des différences qui parfois nous opposent. La liberté, l’égalité, la fraternité, ce ne sont pas trois mots simplement placés comme ça à la suite les uns des autres sur les frontons de nos mairies ou dans nos écoles. C’est une exigence qui nous est faite, à nous responsables politiques mais à tous les citoyens d’agir pour que quotidien soit conforme au triptyque républicain.