Interview de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, dans "Le Journal du dimanche" du 12 septembre 1999, sur les résultats des élections européennes de juin 1999, les relations avec le PS et la préparation du 30ème congrès du PCF en février 2000.

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Média : Le Journal du Dimanche

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Q - Ce week-end, c'est la dernière Fête de l'Humanité du siècle, ne risque-t-elle pas d'être la dernière tout court ?

– Allons donc ! Je suis convaincu que nous nous retrouverons, vous et moi, de nombreuses fois encore à la Fête de l'Humanité. Loin d'être la « dernière », cette Fête de l'Huma s'annonce plutôt comme « une première ». Elle propose à ses visiteurs un cadre nouveau, toujours à la Courneuve, mais plus fonctionnel, plus confortable. C'est la fête d'un parti offensif où les attentes et les aspirations populaires se font entendre. Et puis c'est la fête des communistes et de leurs amis qui s'engagent dans la voie de la création d'un parti communiste nouveau, un parti du XXIe siècle bien décidé à tenir toute sa place dans la vie du pays. Y-a-t-il une seule formation politique en France capable de rassembler autant d'hommes, de femmes, de citoyens, de jeunes dans une fête ! Voilà la réponse à ceux qui se demandent chaque année à la même époque : le PC va-t-il passer l'hiver ?

Q - Le résultat du PC aux européennes a été mauvais. N'est-ce pas à cause de votre liste « carnet d'adresses » ?

– Mauvais résultat, dites-vous ? Je l'ai dit moi-même dès le soir des élections. Il reste que nous n'avons pas pu, ou pas su, faire percevoir un projet communiste clairement identifié comme alternative crédible au « nouveau capitalisme » de cette fin de siècle, soumettant tout, la vie et l'avenir des êtres humains, aux intérêts de la finance. On le voit bien avec Michelin. La liste « Bouge l'Europe » avait une cohérence dans l'ouverture aux acteurs des mouvements sociaux de notre temps. Beaucoup l'ont appréciée comme telle. D'autres, notamment parmi les communistes, en ont eu une vision différente, qui les conduits à exprimer des réticences. À nous de savoir en tirer les enseignements. C'est au coeur des riches débats en cours dans le parti mais le choix fait de l'ouverture à la société est désormais incontournable.

Q - La mutation qui vous est chère n'est-elle pas freinée ?

– Quand six Français sur dix (60 % d'abstention) expriment une défiance vis-à-vis de ce qui était l'objet de ce scrutin : la construction européenne, il est assez audacieux de chercher à trouver dans les résultats électoraux une quelconque hostilité à la mutation du PCF ! Ce n'était pas la question posée aux électeurs. Je ne néglige pas, ce qui vient de se passer mais quand le nouveau capitalisme entraîne la mainmise de la finance sur l'économie, quand la côte des entreprises monte à la Bourse parce qu'on licencie des hommes et des femmes, le Parti communiste est plus que jamais nécessaire. Je suis donc convaincu qu'il faut mener à bien la mutation du PCF, une mutation qui n'altère pas l'identité communiste mais la rende plus moderne, plus neuve, plus attrayante. L'heure n'est donc pas à la pause.

Q - Quelle différence alors entre le PC et le PS ?

– Une différence fondamentale qui confirme la nécessité de l'existence du PCF : le PS, c'est dans sa vocation, s'accommode du capitalisme. Il dit, et Lionel Jospin l'a confirmé, qu'il faut l'encadrer et panser, plus ou moins bien les plaies que ce capitalisme provoque. Nous communistes, nous ne nous accommodons pas du capitalisme. Il faut le faire reculer concrètement. À la logique qui privilégie l'argent, nous voulons lui en substituer une autre qui place l'homme et ses besoins au coeur de la société. On voit bien ce qui se passe en ce moment : dans toutes les grandes concentrations capitalistes et leurs conséquences, le PS n'intervient pas alors qu'il a d'énormes moyens pour le faire, si toutefois il n'accepte pas le capitalisme comme une fatalité indépassable. D'où l'utilité du PC qui est la garantie d'un ancrage franchement à gauche de la majorité plurielle. Chacun sait qu'il n'y a pas, à l'Assemblée nationale, de majorité sans le PCF. Dans les collectivités territoriales, son poids est également décisif. Sans le PC, le seul en Europe à participer au pouvoir, la gauche plurielle boiterait.

Q - Quel sera l'esprit du 30e congrès de février 2000 ?

– Nous le préparons de façon complètement inédite. Depuis juin, les communistes discutent de l'ordre du jour, de l'organisation. Ils décideront par un vote la façon dont ils veulent voir se tenir le 30e congrès, les questions qu'il faut y poser. Je souhaite que ce congrès constitue l'acte fondateur d'une organisation communiste du XXIe siècle. Cela intéresse notre projet, comme notre mode de fonctionnement. Il faut changer notre façon de travailler, nos pratiques. Le PCF aujourd'hui, et c'est le défi que nous avons relevé, s'identifie à l'humanisme et à la modernité. Le communisme s'inscrit dans l'évolution des sociétés humaines, marquée par des grands mouvements de pensée et de croyance qui, malheureusement, ont été altérés par des dérives terribles. Comment ne pas évoquer le christianisme et la violence des drames qui ont jalonné son histoire. Les chrétiens ont-ils pour autant renoncés à porter les valeurs du christianisme ?