Texte intégral
Q - Le RPF se construit, vous êtes d'ailleurs l'un des rares politiques à être actif en ce moment, mais que voulez-vous construire exactement, un mouvement ou un parti politique réel qui va se battre à chaque élection ?
« Non, pas un parti politique, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, un rassemblement, c'est-à-dire, c'est vrai, un mouvement politique mais qui ne se polarise pas sur un secteur de l'opinion publique ou sur une fraction de l'électorat. Nous entendons traiter des problèmes généraux de la société française. Nous nous sommes rassemblés d'abord sur ce qui nous paraissait le plus urgent et le plus en cause : la souveraineté nationale. Mais au-delà de cela, nous allons maintenant nous organiser et nous saisir d'un certain nombre de problèmes généraux. »
Q - Alors, vous ne participerez pas aux élections locales ?
« En tant que mouvement politique, nous n'en avons pas encore délibéré. Nous venons à peine de nous constituer. Nous aurons des assises au mois d'octobre, une sorte d'assemblée générale qui devra d'abord adopter les grands principes de notre action, une sorte de charte et, en même temps, définir une stratégie. Mais, notre ambition n'est pas de participer aux élections locales. Il est possible que certains membres de notre mouvement le souhaitent, dans ce cas-là, ils iront mais, nous, en tant que mouvement politique, je ne pense pas que nous le fassions. »
Q - Ça veut dire que des parlementaires ou des élus peuvent-être membres du RPF tout en étant adhérents à un autre parti politique ?
« Je crois que ça va devenir de plus en plus difficile. Nous n'avons pas délivré d'oukase ; nous n'avons rien interdit mais je ne pense pas que les autres partis politiques le souhaitent. Ce sera difficile car je pense que, dans la vie, il faut que les choses soient claires. »
Q - Quels sont vos rapports avec le RPR ? Ce sont des rapports de rivalité, il faut que l'un des deux disparaissent ou, au contraire, il y a un compagnonnage possible ?
« Ce n'est pas notre problème. Le RPR vit sa vie ; nous vivons la nôtre. Notre problème, après avoir créé le courant de sympathie qui s'est manifesté lors des élections européennes – ce courant d'ailleurs se confirme et se développe si j'en juge par le courrier, les adhésions, etc. – est de nous organiser. Nous allons avoir, dans l'année qui vient, à nous préoccuper de la construction européenne. Les gouvernements ont un an devant eux pour faire des propositions quant à l'organisation de l'Union, pour permettre son élargissement. Nous aurons donc à nous intéresser à ce problème, à la fois en France et au Parlement européen. Au Parlement européen, nous ne serons pas absents, c'est le moins qu'on puisse dire, nous aurons à jouer un rôle non négligeable dans la mesure où, dans un certain nombre de domaines, il y aura maintenant la codécision, c'est-à-dire que le Parlement aura non seulement son mot à dire, mais il aura à codiriger, à codécider. »
Q - Le RPF peut-il vivre avec un RPR qui continuerait à exister ?
« Moi, je ne me préoccupe pas de ce qui se passe au RPR. »
Q - Et ceux qui vous tendent les mains en ce moment : J.-L. Debré, E. Balladur qui veulent que vous participiez à la recomposition de l'opposition ?
« J'ai des amis, la question n'est pas là. Je ne les renie pas. Tous les membres du RPR ne sont pas mes amis, d'ailleurs. »
Q - N. Sarkozy, je crois…
« C'est un autre problème. Je crois que les choses ne se présentent pas tout à fait comme ça. J'ai quitté le RPR parce que j'ai considéré que, sur un certain nombre de points essentiels, il avait abandonné la défense des idées pour lesquelles il avait été créé. Voilà le problème. Pour nous, il ne s'agit pas de participer à une coalition pour demain se répartir les places. Pour cela, il y a des spécialistes, je leur fais confiance. Nous nous battrons sur des sujets d'importance nationale : l'insécurité en est un. À l'heure actuelle, elle se développe, la situation dans notre pays est assez préoccupante, je n'entends personne en parler. L'insécurité augmente ; de notre temps, qu'est-ce nous aurions entendu ? Personne ne dit rien. Un certain nombre de quartiers se trouvent dans une situation de non droit, personne ne dit rien non plus. On va s'occuper de ça et de beaucoup d'autres choses, c'est-à-dire de la vie des Français, ce qui, manifestement, n'intéresse pas la plupart des dirigeants des partis politiques. »
Q - Vous faites la même analyse que Philippe Séguin sur la cohabitation. On se dit « ces deux-là, ils ont fait un bout de chemin ensemble, ils finiront bien par se rejoindre. »
« Nous verrons bien. »
Q - Il vous tend la main…
« Mais moi aussi, je la lui tends. Ça nous est déjà arrivé de nous serrer la main ou de déjeuner ensemble, mais le problème n'est pas là. J'ai quitté le RPR, lui est resté. Je ne crois pas du tout à la possibilité pour le RPR de se rénover. Qu'il le fasse, s'il le peut et que lui y participe s'il le souhaite, pourquoi pas. »
Q - Vous disiez l'autre jour : « j'attends de voir jusqu'où il peut aller » ; or, dans son interview à Paris-Match, il dit : « je me pompidolise » et tout le monde traduit : « il va se présenter aux présidentielles. »
« En vérité, ce n'est pas lui qui a dit ça, c'est le journaliste qui lui a demandé : « en somme, vous vous pompidolisez ? » et lui a répondu oui. Mais c'est son problème, ce n'est pas le mien. »
Q - Vous avez envie qu'il se présente aux présidentielles ?
« C'est son problème ; je ne suis pas là pour donner des conseils à quiconque. D'ailleurs, le propre des conseils, c'est que nul n'est obligé de les suivre, y compris d'ailleurs lorsqu'il vaudrait mieux qu'ils les suivent. »
Q - N'êtes-vous pas inquiet, tout de même, lorsque vous lisez dans Le Figaro un sondage de la Sofrès auprès des électeurs de droite, et notamment du RPF : 71 % des électeurs du RPF disent « le gaullisme, c'est une notion qui ne veut plus dire grand-chose aujourd'hui » ?
« Dans ce cas-là, pourquoi ont-ils voté pour nous ? J'accorde aux sondages l'intérêt qu'ils méritent. Ce sondage mérite une étude un peu plus approfondie parce qu'il y a pas mal de contradictions. À première vue, si vous lisez ce sondage, vous voyez que les Français sont décidés à rompre avec le tout État, l'assistanat etc. mais, un peu plus loin, ils sont très attachés à la protection sociale et à tout ce que peut apporter l'État, alors, c'est plus compliqué que ça. On ne pourrait pas vivre quelque temps sans sondage ? Je crois qu'on s'en porterait mieux ; peut-être les journaux vivraient moins bien mais les Français se porteraient mieux. »
Q - Vous croyez que Philippe de Villiers incarne l'aspect social du gaullisme ?
« Pourquoi voulez-vous que Philippe de Villiers incarne l'aspect social du gaullisme ? Nous sommes un rassemblement et dans un rassemblement, il y a différentes sensibilités. Je ne vois pas non plus pour quelle raison, dans le cadre de la charte que nous allons définir qui, naturellement, consacrera une part importante à la situation sociale et à nos propres propositions, à notre propre démarche, Philippe de Villiers ne serait pas en mesure de s'y associer. »
Q - Le préfet Bonnet libéré, il s'en prend à Elisabeth Guigou qui avait fait des commentaires sur sa détention. Vous approuvez ses déclarations ?
« Il faut vous adresser au préfet Bonnet. Je n'ai ni à approuver, ni à désapprouver. Le préfet Bonnet est toujours en activité, il est préfet hors cadre, mais cela ne l'autorise pas à faire des déclarations tous azimuts. Le devoir de réserve, ça existe, dans son propre intérêt d'ailleurs. »
Q - En Algérie, il se passe beaucoup de choses. D'un côté, il y a des islamistes qui sont graciés et puis de l'autre côté, le GIA menace la France d'un déluge de terreur.
« Oui, nous savons depuis quelques jours que des menaces islamistes existent concernant l'Europe en général. Est-ce qu'elles concernent directement la France ? C'est possible. Vous savez, le terrorisme ne disparaît pas du jour au lendemain. Il suffit de quelques illuminés. On l'a déjà vu. Je crois que la police fait bien son métier. Elle connaît ces problèmes. Que la situation évolue en Algérie dans le bon sens, ça me parait évident et nous ne pouvons que nous en féliciter. »
Q - Le président de la République a raison de vouloir s'y rendre ?
« Je ne sais pas si le président de la République a l'intention de s'y rendre… »
Q - Il l'a dit.
« Eh bien pourquoi pas ! »