Texte intégral
Q – Dans un contexte économique euphorique, comment se présente la rentrée ?
– L'actualité économique de l'été comme la mégafusion des banques, les menaces sur Daewo ou le portrait omniprésent de Jaffré (patron d'Elf-Aquitaine) dans la presse est inquiétante. Ces événements prouvent que le pouvoir politique a de moins en moins de poids et que le Gouvernement s'adapte bien au libéralisme ambiant. Cela m'inquiète pour l'indépendance du pays et encore plus pour l'emploi.
Q – La situation s'améliore pourtant ?
– Il y a plus de 2,7 millions de chômeurs et les créations d'emplois annoncées dans le cadre des 35 heures sont encore potentielles, puisque la majorité des accords signés prendront effet au 1er janvier 2000. Ce n'est tout de même pas parce que le chômage a reculé de 1,9 % sur un mois qu'on va commencer à vouloir réduire les aides ou à entonner la chanson de l'inadéquation de la demande à l'offre d'emploi ! C'est maintenant qu'il faut profiter de la croissance pour réaliser des embauches « normales ». Or les patrons utilisent le Smic comme salaire d'embauche sans tenir compte des compétences.
Q – Qu'attendez-vous de la seconde loi sur les 35 heures ?
– Elle suscite des espoirs et des craintes. La revendication des syndicats s'est transformée en promesse électorale. Le Gouvernement est devenu maître du jeu, Jospin a fait ce qu'il pouvait et c'est bien qu'il ait tenu ses engagements. Mais on subit les excès de zèle de Martine Aubry qui a tendance à considérer qu'elle sait faire et qu'elle doit interférer en tout. Il y a un moment où ça va lui revenir dans le nez ! Elle ne nous impose pas la réduction du temps de travail (RTT) mais le partage du travail et des revenus. Que les salariés paient une partie des embauches, ce n'est pas acceptable. On a de grandes craintes sur le salaire minimum car la seule garantie sur les 35 heures payées 39 concerne pour l'instant les smicards en place ! Le projet de loi aboutit à une usine à gaz tellement compliquée que dès qu'on va toucher à quelque chose, on va tout faire sauter.
Q – Ce ne sont pas les seuls points de friction ?
– On peut en citer plusieurs, de la ponction dans les caisses de l'Unedic pour financer la RTT à son application à l'encadrement (voir ci-dessous) et à la fonction publique. L'application des 35 heures dans le public ne peut se faire sans embauches mais il faudra les arracher au cas par cas. D'ores et déjà, des tensions existent comme dans les hôpitaux. Enfin, la remise en cause de la représentativité syndicale (avec un référendum en cas d'accord signé par un syndicat minoritaire) nous préoccupe. Pendant qu'on y est, pourquoi ne pas étendre cette méthode au problème des retraites : je suis prêt à lancer l'idée d'un référendum auprès des fonctionnaires sur le maintien des pensions !
Q – La réforme des retraites va justement revenir sur le tapis. Quelles sont vos attentes ?
– Actuellement le PIB, les richesses produites dans le pays, s'élève à 8 500 milliards de francs et il progresse de 2 % par an. En 2015, il aura augmenté de 30 %, soit l'équivalent de 2 500 milliards. À qui fera-t-on croire qu'on ne trouvera pas l'argent nécessaire (environ 250 milliards) pour continuer à financer le système de retraite à son niveau actuel ? Une certitude : on n'acceptera pas aujourd'hui ce qu'on a refusé en 1995.