Texte intégral
Q - Les déclarations, multiples, des Verts ces derniers jours ne sont-elles pas un peu brouillon ?
• « Il est déjà arrivé, par le passé, que les Verts cèdent à la tentation de débats exacerbés qui se focalisaient sur des enjeux ni vraiment centraux, ni très lisibles par l'opinion. Cela nous a coûté très cher. Il ne faut pas compter sur moi pour participer à cette saga des petites phrases ou pour la commenter. Je note que ceux qui s'expriment répondent à des questions de journalistes et je comprends que chacun ait un avis et que certains brûlent d'envie de le donner quand un micro se tend. Mais ces déclarations individuelles n'ont pas d'autre valeur que d'être des contributions, légitimes, aux discussions. Le moment n'est pas venu de trancher de façon comminatoire. Après Lorient, où nous avons une semaine pour discuter, nous aurons encore une année pour approfondir, à l'occasion des “États-généraux de l'écologie politique”. Alors, gardons notre sérénité. »
Q - Certains l'ont perdue…
• « Les problèmes existent et ils sont multiples : 35 heures, nucléaire, mode de scrutin, OGM, langues régionales… Il y a vingt sujets comme ça ! Mais on ne peut pas fonctionner, jour après jour, sur le mode de la dramatisation et de la menace de démission ! Nous devons procéder à une évaluation à mi-course du mandat, dresser le bilan et, surtout, tracer des perspectives pour la suite. Les accords passés avec le PS ne peuvent pas s'apprécier dans la logique du “tout ou rien”. Les 35 heures, oui, mais on les fait comment ? Et, pour la proportionnelle, quelles propositions concrètes, à partir de quelles simulations ? »
Q - La menace de démission si le programme de réacteurs EPR était lancé était pourtant sans ambiguïté…
• « Oui, mais je l'ai déjà exprimée dix fois ! Et le conseil interrégional des Verts (CNIR) l'a déjà votée. Le stockage des déchets : nous avons obtenu la réversibilité, inscrite dans l'accord Verts-PS. Il n'y a donc pas de trahison. J'ai rempli mon cahier des charges. En ce qui concerne l'usine Melox de retraitement, même si je n'ai pas pu m'opposer à la diversification à quantité constante produite, j'ai empêché l'extension de son activité. Ces deux dossiers relèvent de la poursuite des choix du passé. L'EPR, lui, représente un engagement pour l'avenir et je n'envisage pas une seconde de rester dans un gouvernement qui commanderait une nouvelle génération de centrales. Je n'imagine d'ailleurs pas que Lionel Jospin soit lui-même d'accord avec ça. Seulement, on assiste à une offensive tous azimuts du lobby nucléaire pour lui forcer la main. »
Q - Le fait que vous signiez ces deux décrets a cependant été mal perçu…
• « Ma signature ne vaut pas approbation ! Je prends acte au titre de ma fonction, c'est tout. J'ai obtenu la décision la moins favorable à une filière écologiquement désastreuse et économiquement ruineuse. Mais je ne peux pas faire plus que contenir le phénomène.
En l'absence d'un rapport de forces dans la société, une ministre seule ne peut pas gagner. Il est paradoxal de se sentir culturellement majoritaire, dans l'opinion publique, sur tant de choses, et d'avoir tant de mal à conclure des accords politiques pour concrétiser. Que certains en soient désolés, je le comprends. Chaque jour, il faut se battre mais les accords Verts-PS ne sont pas un long fleuve tranquille. Comme tout le monde, nous avons été pris de court par la dissolution. Ils n'étaient pas bouclés. »
Q - Certains, comme Noël Mamère, vous suspectent de hausser le ton sur ce sujet pour allumer un contre-feu…
• « Un contre-feu à quoi ? »
Q - A eux, pour faire plaisir aux militants !
• « Mais ça veut dire quoi ? Il n'y a pas de guerre, de conflit, de malaise. Les Verts vont bien, les adhésions se multiplient, je ne vois même pas de quoi on veut parler. Il y a deux manières de faire de la politique : l'action et le commentaire de l'action. Moi, je préfère l'action. En quinze ans chez les Verts et deux ans au gouvernement, j'ai appris qu'il faut toujours se donner les moyens de son ambition, de ses menaces et des coups de gueule. Je ne vois pas en quoi une menace itérative de démission pourrait tenir lieu de stratégie… Est-il si difficile d'assumer une stratégie gagnante ? Et si tentant de retomber dans les ornières du passé ? »
Q - Qu'avez-vous pensé des virulents propos de Robert Hue à l'encontre des écologistes ?
• « C'était à vocation interne au PC ! Il y a des mouvements et des évolutions historiques contre lesquels Robert Hue ne peut pas grand-chose, malgré sa volonté et ses efforts. La méthode est éculée mais elle fonctionne toujours : désigner un ennemi formaté au petit poil pour renforcer la cohésion interne. Je ne suis pas sûre que les militants communistes soient dupes. Mais il a raison, quand il dit que les Verts n'ont pas à incarner le social-libéralisme. Notre place est aux côtés du PC dans de nombreux combats. »
Q - Les municipales : listes autonomes ou plurielles ?
• « En Franche-Comté, la dernière fois, nous avions choisi les listes autonomes et nous avons eu très peu d'élus car il est très difficile de bien négocier entre les deux tours. Et je ne pense pas, à l'inverse, que nous devions regretter notre stratégie d'union aux régionales qui nous a permis d'avoir davantage de sièges, tout en exprimant nos positions. Pour les municipales, cela ne va pas se décider cette semaine. Il faut évaluer la situation et mesurer les rapports de forces dans les villes où les Verts désirent faire quelque chose d'important. Je souhaite bien sûr un accord national, mais ça ne signifie pas forcément des listes d'union partout. Il faut s'adapter aux contextes locaux. »
Q - Et avec Daniel Cohn-Bendit, ça va ?
• « On s'entend bien. Je ne pense pas qu'il cherche à déstabiliser qui que ce soit à la direction des Verts. Ce n'est pas un homme de boutique. Ce qui lui plaît, c'est de commenter en totale liberté, de faire les propositions qui lui semblent justes.
Ceci dit, il n'est pas exclu qu'il soit instrumentalisé… à l'insu de son plein gré ! Ce qu'il a déclaré à mon propos, à Paris Match, était très correct. Au contraire des extrapolations et de la mise en scène qui ont suivi pour tenter de faire apparaître une opposition entre nous qui n'existe pas. »
Q - Et sa proposition de création d'une troisième gauche ?
- « Là, je ne suis pas sûre que les “vrais gens” se sentent très concernés par ce type de débat ! Et qu'ils comprennent beaucoup mieux que moi de quoi il s'agit…