Déclarations de M. Laurent Fabius, président de l'Assemblée nationale, sur les relations économiques et culturelles entre la France et la Pologne, notamment dans le cadre de l'élargissement de l'Union européenne, Paris le 12 novembre 1997.

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Circonstance : Visite du Maréchal de la Diète polonaise et inauguration de l'exposition consacrée aux légions polonaises à l'Assemblée nationale le 12 novembre 1997

Texte intégral

Assemblée nationale - 12 novembre 1997
Visite du Maréchal de la Diète polonaise

Monsieur le Maréchal,

Quelques jours après votre entrée en fonctions, vous avez bien voulu venir à Paris pour ce premier contact avec l'Assemblée nationale. Cette visite est votre premier déplacement à l’étranger en qualité de Maréchal de la Diète. Ce geste d'attention pour la France nous honore et nous touche.

L'occasion de votre venue est l'inauguration, tout à l’heure, de l'exposition que l’Assemblée consacre au souvenir glorieux des légions polonaises. C’est un des moments où l’histoire commune entre la France et la Pologne s’est nourrie de la fraternité d’armes.

Beaucoup d’autres circonstances ont rapproché nos deux pays pendant le 19e et le 20e siècle ! Les Français se sont sentis proches des combats de solidarité au cours des années 1980. Une plaque commémorant cette lutte de la Pologne pour la liberté a été récemment inaugurée près d’ici, sur l’esplanade des Invalides.

De la force vivante de nos liens, je ne prendrai qu’un exemple, dans cette Assemblée : le groupe d’amitié France-Pologne est toujours un de ceux qui recueillent le plus d’adhésion parmi les députés et ils sont nombreux aujourd’hui à vous entourer.

Nos deux assemblées ont vocation à contribuer au renforcement de ces liens. La Diète que vous présidez sort des urnes et notre Assemblée a été élue il y a quelques mois. Elles ont normalement du temps devant elles pour intensifier leur coopération. Que nos deux pays connaissent simultanément une situation de cohabitation rend particulièrement intéressant leur dialogue.

Les affinités entre la Pologne et la France doivent être consolidées par le développement des échanges de toute nature, notamment économiques. La récente augmentation des investissements français en Pologne, témoigne de la confiance des entreprises françaises dans le potentiel de croissance polonais. Plusieurs représentants d’entreprises françaises manifestent aujourd’hui par leur présence l’intérêt qu’ils portent à la Pologne.

L’avenir de nos deux nations est donc largement commun. Votre pays, Monsieur le Maréchal, a spécialement contribué à ouvrir l’Europe à la liberté et à rétablir son unité. La présence de la Pologne dans les organisations européennes, y compris au sein de l’Union européenne, paraît naturelle à la France.

Il reste que la tâche est lourde et exigera beaucoup de toutes les parties prenantes. Les pays candidats doivent adapter leurs structures, et nous savons que la Pologne s’est déjà engagée dans cette voie. Les actuels États membres ont le devoir de les aider.

De même que l’élargissement est un défi pour les candidats, c’en est un pour les Quinze. On n’accueille pas un ami chez soi sans avoir mis la maison en ordre. Or notre Union européenne n’est pas vraiment en ordre. Ses institutions ne lui permettent pas de fonctionner ni de progresser dans de bonnes conditions. Il est impératif de les rendre plus efficaces et plus démocratiques. La perspective de l’élargissement doit être une incitation supplémentaire pour y parvenir sans attendre.

Pour mener toutes ces tâches, nous pourrions utilement nous inspirer de celle de votre ville de Gdansk, que vous avez choisie comme maxime personnelle « Avec courage, mais avec raison » Avec courage, donc, mais avec raison ? Vive l’amitié entre la France et la Pologne. Vive la Pologne, vive la France.


Assemblée nationale - 12 novembre 1997

Inauguration de l’exposition consacrée aux légions polonaises

Monsieur le Maréchal, Mesdames et Messieurs, chers amis,

Je souhaite d’abord, au nom de l’Assemblée nationale, renouveler mes remerciements au Maréchal de la Diète qui a bien voulu accepter d’être parmi nous aujourd’hui pour l’inauguration de cette exposition consacrée aux légions polonaises.

Il s’agit d’un nouveau témoignage de la proximité entre nos deux pays. Cette proximité est le fruit d’une longue histoire souvent partagée. L’exposition que nous inaugurons en illustre un épisode fameux. Elle commémore les combats des légions polonaises aux côtés des troupes françaises, au sein de l’armée révolutionnaire puis impériale. Combats pour la France et pour la Pologne, puisqu’ils conduisirent à la création du grand-duché de Varsovie, successeur du royaume de Pologne que les convoitises des empires avaient fait provisoirement disparaître quelques années auparavant. Le patriotisme et la fidélité ont permis la survie et la résurrection de la Pologne, l’exemple ainsi donné mérite toujours d’être médité. Nous allons découvrir tout à l’heure les évocations de ces moments de courage et de gloire.

La force des liens entre la Pologne et la France, manifestée en ces circonstances comme en tant d’autres jusqu’à nos jours, a de multiples origines. Elle est favorisée par une de ces affinités entre les peuples qui paraissent souvent mystérieuses dans leurs racines et tangibles dans leur permanence.

Qu’est ce qui rapproche Polonais et Français ? Des parentes culturelles évidentes, des traits de caractère communs, par exemple un certain goût du panache dont témoignent les événements rappelés ici. Je crois aussi que leur sympathie tient au sentiment en chaque individu de sa dignité et de son indépendance, accompagné chez les uns et chez les autres de la conviction que l’appartenance à la nation est pour l’individu une composante essentielle de sa personnalité, que sa propre liberté est liée à celle de sa nation. Non pas la nation dominatrice ou repliée sur elle-même, mais la nation de l’âme et de l’esprit, par définition ouverte aux courants universels et aux échanges avec les autres.

Cette exposition nous suggère aussi un rapprochement entre la période qu’elle évoque et celle où nous vivons. Au début du 19e siècle, la diffusion des Lumières, le message libérateur de la révolution française entendu à travers toute l’Europe, avaient suscité de nouveaux ferments d’unité, de fraternité entre les peuples. Les hommes et les femmes de cette époque étaient conscients de vivre un basculement, d’entrer dans une nouvelle période historique. Le continent européen cherchait de nouvelles formes d’organisation, mais il ne pouvait les trouver par les armes.

Nous traversons une phase à certains égards analogues. La division douloureuse de notre continent a pris fin. Le courageux combat des peuples soumis pendant des décennies au totalitarisme, au premier rang desquels la Pologne, y a beaucoup contribué. Il nous faut maintenant garantir durablement la paix et consolider l’unité du continent européen, en lui donnant de nouvelles structures.

Ce processus est désormais engagé. Un des éléments majeurs en est l’élargissement de l’Union européenne. Les modalités de cet élargissement seront prochainement définies. Nous ne devons pas nous en dissimuler les difficultés. Il impliquera de grands efforts tant des Quinze États membres actuels que des pays candidats. La Pologne y a évidemment sa place.

Dans ce combat pacifique pour l’avenir de l’Europe, la Pologne et la France se trouvent donc à nouveau côte à côte.

Avant de vous passer la parole, Monsieur le Maréchal, je rappellerai que c’est pour les légions polonaises que fut composé, en 1797, l’hymne animé par l’amour de la patrie qui est aujourd’hui l’hymne polonais. Afin de commémorer ce souvenir, en témoignage de l’amitié franco-polonaise, je vous propose que nous en entendions à présent quelques mesures. Vive l’amitié entre la Pologne et la France.