Article de M. Pierre Zarka, membre du secrétariat du comité national du PCF, dans "L'Humanité" du 1er décembre 1997, sur le rôle du communisme dans les transformations de la société notamment dans celles du monde du travail, intitulé "Le Communisme au présent".

Prononcé le 1er décembre 1997

Intervenant(s) : 
  • Pierre Zarka - Membre du secrétariat du comité national du PCF

Média : L'Humanité

Texte intégral

Tant de commentateurs s’inquiètent de l’identité des communistes français et de leur mutation qu’elles se retrouvent au cœur de l’actualité. Curiosité intellectuelle ? Débat pour initiés ? Ne s’agit-il pas plutôt de l’actualité, dans la mesure où, au cœur de celle-ci, est posée la question des changements orientant la société française ? Parler de visée communiste est-ce un détour ou n'est-ce pas se rappeler que, sans but, il n'y a pas d'avancées ?

La clé du communisme est dans son regard sur le monde du travail, en y intégrant chômeurs et exclus, toutes celles et tous ceux qui ont besoin de travail pour vivre. Ce monde du travail n'est pas seulement victime des injustices. La souffrance et la colère n'ont jamais suffi à elles seules à engendrer les victoires populaires. La principale caractéristique du monde du travail est d'abord d'être indispensable à la production de biens matériels et culturels sans lesquels il n’y a pas de civilisation.

Et les temps nouveaux accroissent cette réalité. C'est la première fois dans l'histoire que le développement technologique tend non plus seulement à prolonger l'effort musculaire mais l'effort intellectuel. Pour la première fois, les technologies tendent à appeler à l’effacement de la séparation entre travail de conception et travail d'exécution pour faire appel à la capacité d'initiative et à l'engagement des personnalités, aux connaissances et qualités mentales permettant de faire face au complexe et à l'imprévu. Autre chose est que l'organisation actuelle du travail retarde sur cette exigence : parcellisation des tâches, déqualification, absence de participation aux décisions... Tout cela pose de manière nouvelle la question du niveau de vie et de la démocratie qui deviennent facteurs d'efficacité technique et économique.

Le déficit de démocratie, la négation du rôle des hommes, de leurs capacités d’initiatives comme moteur de la société, ont conduit à l’effondrement du système soviétique, comme ils portent en germe, de manière différente, l’échec du capitalisme. Ainsi, lorsque nous parlons de la place de l’homme dans la société, il ne s’agit pas d’un humanisme gentil et plat, mais bien de la mesure de son rôle réel pour le développement de l'économie. Sommes-nous loin du quotidien ? Salaires, emploi, protection sociale, école, démocratie ne sont plus seulement des revendications mais, parce qu'ils sont indispensables aux hommes deviennent des facteurs de combat contre la crise. Voilà un argument de poids pour le mouvement social.

Et plus le capitalisme refuse d'accorder cette place centrale à l'homme, plus il oriente sa recherche de profits vers la spéculation plutôt que vers l'économie réelle, rendant l'édifice vulnérable comme en témoigne la crise asiatique. C'est la première fois dans l'histoire de l'humanité, qu'au-delà de leur caractère injuste, parfois inhumain, exploitation et domination ne sont plus un facteur de développement économique mais un frein. Ainsi, paradoxalement, le communisme prend tout son sens bien après la mort de Marx et la disparition de l'URSS. D'où les mutations nécessaires du parti communiste français. C'est ce besoin de transformation radicale de la société qui fonde l'existence d'un espace pour le communisme et qui en fait son actualité. Il ne s'agit pas de paroles visionnaires mais d'un levier opérationnel. De cette place attribuée au monde du travail découlent le refus le plus fort de l'ultralibéralisme et la capacité de faire admettre la nécessité de réformes structurelles, profondes.

En même temps, considérer que l’homme est le moteur de la société, c’est considérer qu’il est le moteur de ses transformations. Mais cela suppose des citoyens qui aient la maîtrise de leur sort et, pour cela, celle des fonctionnements de cette société. Aussi aider à élaborer de la connaissance, la partager, est une fonction essentielle de l’action politique selon le parti communiste français. Qui a le savoir a le pouvoir. C'est le moyen de mettre les citoyens sur un pied d'égalité avec les puissants. C'est une originalité que non seulement l’alliance à gauche n'efface pas mais rend plus accessible. Elle nourrit une logique nouvelle qui permet de définir un cap qu'on peut tenir tout en intégrant le possible. Le réalisme n’est plus alors le moyen de chercher les espaces que le moule des politiques antérieurs aurait peut-être laissé, mais la capacité à surmonter les obstacles pour construire les changements. Cela suppose une force politique structurée, qui fasse vivre cette possibilité au quotidien. Le parti communiste n’a pas vocation à être un simple garde-fou social, mais à être porteur de conceptions qui permettent aux citoyens de se doter de clés, de grilles de lecture pour apprécier, se situer, intervenir.