Texte intégral
Q - En cette rentrée politique, comment jugez-vous la situation de l'opposition parlementaire de droite ?
- « Elle est frappée d'atonie. Il y a un silence étourdissant de toute l'opposition. Le Français qui écoute la radio, qui regarde la télévision, qui lit les journaux, a l'impression que le débat a été complètement confisqué par la seule majorité et qu'on est dans une démocratie hémiplégique ou il y a un côté gauche qui marche et un côté droit complètement paralysé. C'est grave, car on va avoir des choix de société fondamentaux. Par exemple le choix fiscal. On vient d'apprendre y aurait la possibilité de baisser les impôts. A ce moment-là, il y a un vrai débat Est-ce qu'on va baisser les impôts pour augmenter les minima sociaux ? Est-ce qu'on va utiliser plutôt le surplus fiscal pour augmenter les minima sociaux ce que proposent les Verts – ou alors est-ce qu'on va aider à la création de richesses en allégeant les charges sur les créateurs d'entreprise, sur les artisans, sur les agriculteurs qui ont besoin de se moderniser ? C'est un vrai débat. Il n'a pas lieu aujourd'hui, – parce que la droite n'a pas compris qu'il fallait qu'elle s'organise et qu'elle devienne une grande formation – je dis la droite au sens global du terme – une grande formation qui respecte un pluralisme. »
Q - Vous parlez du silence de l'opposition actuellement. Pensez-vous que le chef de l'État parle trop ou pas assez ?
- « Je pense d'abord que le chef de l'État est chef de l'État – il n'est pas chef de l'opposition – qu'il est Président de la République, qu'il a une fonction institutionnelle et qu'il doit assumer cette fonction institutionnelle. Je pense aussi que la cohabitation est un système très pervers qui actuellement est en train de paralyser par certains côtés l'opposition. Car, comme le chef de l'État est issu de la droite, à partir de ce moment-là, on a un certain nombre d'hommes politiques qui n'osent pas s'exprimer de peur de critiquer le Président de la République. Je crois qu'il va falloir en revenir à des institutions claires où il y a une majorité et une opposition. Personnellement, je ne critique pas la majorité. Je regarde avec ironie, aujourd'hui, ses querelles internes, mail il y a une majorité qui assume ses responsabilités. Aujourd'hui, le problème est de savoir si l'opposition veut assumer son rôle et sa mission. »
Q - Nous allons y revenir plus précisément. Est-ce que vous critiquez J. Chirac ?
- « Non, je n'ai pas à critiquer J. Chirac. J'ai à constater simplement qu'il est dans une situation difficile sinon impossible, que la cohabitation est un système qui n'est pas du tout adapté au monde moderne, et que l'on ne peut pas en même temps être chef de l'exécutif de droite et chef de l'exécutif de gauche. Aujourd'hui, il y a une dyarchie à la tête de l'État et on se rend compte tous les jours que cette dyarchie ne favorise pas la gestion normale du pays. »
Q - Votre formation, La Droite, s'est réunie en forum ces jours-ci. Quel bilan tirez-vous de deux années d'existence ? Vous l'avez créée en avril 98. On a l'impression que c'est quand même très groupusculaire cette formation ?
- « C'est peut-être groupusculaire selon les observateurs. En tous les cas, son influence ne fait que grandir. Car il y a un an, on a tenu notre premier forum politique. II n'y avait aucun parlementaire. Il y avait assez peu de journalistes. Cette année, nous avions à peu près quinze parlementaires qui sont venus témoigner, participer aux débats, réfléchir à comment organiser l'opposition et la droite en particulier. Un certain nombre de vos confrères sont venus prendre connaissance des débats. Il y avait 200 personnes. Je précise que le forum politique du Parti communiste réunissait lui aussi 200 personnes, que nous avons aujourd'hui 36 000 adhérents. Nous sommes un mouvement qui n'a pas pour objectif d'être toute la droite. Il veut simplement être un des catalyseurs de la refondation de la droite, pour permettre un pluralisme organisé afin de faire émerger une grande formation politique d'alternance et de gouvernement. »
Q - Sur le type du congrès d'Epinay qui a amené à la construction du Parti socialiste ?
- « Exactement. Je pense que ce qu'a fait la gauche, en 1971, la droite peut le faire. Simplement, i1 faut qu'elle en ait la volonté et qu'elle en ait aussi l'intelligence au niveau des convictions à porter ou des propositions à faire. Aujourd'hui, la France a besoin d'une opposition organisée. Je dirais la même chose d'ailleurs si c'était la gauche qui traversait la période difficile que l'opposition traverse, car une démocratie, c'est un dialogue, c'est un débat entre une opposition et une majorité, une droite et une gauche. Or aujourd'hui, la France a besoin de la droite. »
Q - A l'époque, en 1971, d'abord le Parti socialiste s'est trouvé un chef en F. Mitterrand.
- « Non, c'est exactement l'inverse. Il y a eu le congrès d'Epinay et au sortir du congrès d'Epinay, on a choisi un chef. »
Q - Alors, vous seriez le chef du congrès d'Epinay de la droite ?
- « Oh pas du tout. Moi je veux être un des acteurs du congrès d'Epinay de la droite, et, au sortir d'Epinay de la droite, par des procédures que nous aurons choisies, il y aura le choix des orientations politiques, le choix des dirigeants et on verra un homme ou une femme sortir et devenir en fait, à ce moment-là, la personne qui dirigera l'opposition. Le problème de la droite, c'est sa série de chapelles. On se préoccupe plus du voisin à droite que de l'opposant de gauche – car pour nous, c'est une opposition. Je dis qu'il y a urgence, aujourd'hui, si on veut aborder les vrais problèmes. Car pourquoi la droite ne parle pas ? Elle ne parle pas puisqu'elle ne se préoccupe que de ses problèmes internes, que de savoir qui va avoir la primauté à l'intérieur de l'opposition. Or, elle devrait aujourd'hui parler haut et fort pour donner son point de vue sur la fiscalité, sur le problème de l'agriculture, sur la politique énergétique, sur tous les sujets qui animent la vie politique. »
Q - Prenons les thèmes forts de cette rentrée qui animent surtout la gauche. Le référendum sur le nucléaire prôné par les Verts, qu'est-ce que vous en pensez ?
- « Personnellement, je suis pour une politique énergétique qui intègre la dimension nucléaire. Je crois que l'énergie propre, l'inverse de ce qui est dit un peu partout, est, par de nombreux aspects, l'énergie nucléaire. Alors, je suis d'accord pour un grand débat. Je ne crois pas qu'il faut faire des référendums à tout bout de champ. Je suis favorable à ce qu'il y ait un vrai débat à l'Assemblée et que l'opposition – la droite – fasse connaître son analyse. Il y a une analyse de fond à faire. C'est vrai que le tout-nucléaire n'est certainement pas la solution. C'est vrai aussi que le tout-énergie nouvelles, renouvelables, etc. n'est pas la solution. Donc je crois qu'il y a un vrai débat à avoir. »
Q - La fiscalité ?
- « C'est ce que je vous disais tout à l'heure, il y a un vrai débat. Et d'ailleurs il a commencé. »
Q - Alors, élargissons-le au partage des fruits de la croissance. Comment est-ce que vous le voyez le partage des fruits de la croissance ?
- « En posant le problème comme vous le posez, vous y répondez déjà. Moi je constate aujourd'hui qu'il y a une plus-value fiscale au profit du Gouvernement, au profit de la France. Cette plus-value fiscale est le résultat du travail des Français. Cette plus-value fiscale, on peut l'utiliser soit en augmentant les minima sociaux, j'allais dire l'assistance, soit en consacrant ce surplus d'argent alléger les charges fiscales et sociales sur ceux qui vont créer des richesses, en allégeant les charges fiscales et sociales sur les entrepreneurs, les artisans, les commerçants et un certain nombre de catégories qui vont participer à la création de richesses, car si on veut lutter contre le chômage, ou si on veut donner une espérance à notre jeunesse qui est en train d'arriver sur le marché du travail, ce n'est pas en la subventionnant par des minima sociaux qu'on aurait augmentés, c'est en fait en leur permettant de créer des richesses. Je ne dis pas que je suis contre la revalorisation a un niveau donne de tels ou tels minima qui seraient aujourd'hui trop faibles. Je dis simplement qu'il y a un vrai débat à avoir. Je souhaite que le débat ait lieu, qu'il faudrait soulever à cette occasion-là un autre problème, le problème des retraites. On sait que les États-Unis, à partir des plus-values fiscales que le Gouvernement avait enregistrées, ont utilisé ces plus-values fiscales pour créer un fonds qui garantit les retraites des retraités américains. Or nous, le problème est posé. Il n'a pas été résolu. Le Gouvernement essaye de l'évacuer pour le repousser après les élections présidentielles prochaines. C'est le rôle de l'opposition de droite de dire : "Quand est-ce qu'on va s'occuper du problème des retraites ? Est-ce qu'on va poser le problème de la retraite par répartition et la retraite par capitalisation ? Comment est-ce qu'on va permettre à nos futurs retraités de vivre décemment". »
Q - Le rapprochement éventuel de votre mouvement, La Droite, avec le Rassemblement pour la France de C. Pasqua et de P. De Villiers, est-il possible ?
- « Tout est possible dans le cadre d'un pluralisme organisé. Je ne vais pas poser le problème en termes de personnes. Je dis que le problème de la droite, aujourd'hui, c'est de savoir si elle est capable de faire vivre plusieurs courants ensemble. Quand vous prenez le Parti conservateur anglais, le Parti populaire espagnol ou la CDU-CSU allemande, qui sont les grands partis de droite, d'opposition ou de majorité, vous apercevez que dans ces partis, il y a des souverainistes et des fédéralistes, qu'il y a des libéraux et des personnes qui sont plus attachées à l'économie sociale, qu'il y a des traditionalistes et des rénovateurs. Ce que font les Allemands, ce que font les Anglais, ce que font les Espagnols ou ce qu'a fait le Parti socialiste en France, pourquoi la droite française n'aurait-elle pas la volonté de le faire ? C'est la question que je pose. »